Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Benoît XVI, catéchèses, 23 septembre 2009 |
Mort à Cantorbéry le 21 avril 1109. Culte autorisé par Alexandre VI sans canonisation préalable. En 1690, Alexandre VIII inscrit sa fête au calendrier comme semi-double. Clément XI l’élève au rite double en 1720 en déclarant St Anselme docteur de l’Église.
Missa In médio, de Communi Doctorum. | Messe In médio, du Commun des Docteurs. |
Oratio C | Collecte C |
Deus, qui pópulo tuo ætérnæ salútis beátum Ansélmum minístrum tribuísti : præsta, quǽsumus ; ut, quem Doctórem vitæ habúimus in terris, intercessórem habére mereámur in cælis. Per Dóminum. | O Dieu qui avez fait à votre peuple la grâce d’avoir le bienheureux Anselme, pour ministre du salut éternel, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie. |
Secreta C 1 | Secrète C 1 |
Sancti Ansélmi Pontíficis tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum. | Que la pieuse intercession de saint Anselme, Pontife et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence. |
Postcommunio C 1 | Postcommunion C 1 |
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Ansélmus Póntifex tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum. | Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Anselme, votre Pontife et votre admirable Docteur intercède pour nous. |
Leçons des Matines avant 1960
Quatrième leçon. Anselme naquit dans la ville d’Aoste, aux confins de l’Italie, de parents nobles et catholiques : son père s’appelait Gondulphe et sa mère Ermemberge. Dès ses tendres années, son application assidue à l’étude et son désir d’une vie plus parfaite firent clairement pressentir qu’il brillerait dans la suite par sa sainteté et sa science. S’il se laissa entraîner pendant quelque temps par la fougue de la jeunesse vers les séductions du monde, bientôt cependant, rappelé dans la bonne voie, il abandonna sa patrie et tous ses biens, et se rendit au monastère du Bec, de l’Ordre de saint Benoît. C’est là, qu’ayant fait sa profession religieuse sous Herluin, Abbé très zélé pour l’observance, et Lanfranc, maître très docte, il fit de tels progrès par la ferveur de son âme et par son ardeur constante pour l’étude et l’acquisition des vertus, que tous le regardèrent comme un modèle admirable de sainteté et de doctrine.
Cinquième leçon. Son abstinence et sa sobriété étaient si grandes que l’assiduité au jeûne semblait avoir détruit en lui presque tout sentiment du besoin de nourriture. Après avoir employé le jour aux exercices monastiques, à l’enseignement, et à répondre aux diverses questions qu’on lui adressait sur la religion, il dérobait la plus grande partie de la nuit au sommeil, pour donner une nouvelle vigueur à son âme par les méditations divines, auxquelles il ne se livrait jamais sans une grande abon dance de larmes. Élu prieur du monastère, il sut si bien se concilier par sa charité, son humilité et sa prudence, les frères qui lui étaient contraires, que de ces hommes, d’abord envieux, il fit ses amis et les amis de Dieu, au grand avantage de l’observance régulière. A la mort de l’Abbé, Anselme fut établi malgré lui à sa place. La réputation de sa science et de sa sainteté devint si éclatante en tous lieux, que non seulement il reçut des témoignages de vénération de la part des rois et des Évêques, mais qu’il fut honoré de l’amitié de saint Grégoire VII. Ce Pontife, éprouvé alors par de grandes persécutions, lui adressa des lettres pleines d’affection, dans lesquelles il recommandait à ses prières, et sa personne, et l’Église catholique.
Sixième leçon. Anselme, après la mort de Lanfranc, Archevêque de Cantorbéry, son ancien maître, se vit contraint par les pressantes sollicitations de Guillaume, roi d’Angleterre, et sur les instances du clergé et du peuple, à prendre en main le gouvernement de cette Église. Il s’appliqua aussitôt à réformer les mœurs relâchées de son peuple, employant d’abord à cet effet ses discours et ses exemples, et ensuite ses écrits ; il fit encore célébrer plusieurs conciles, et rétablit dans son diocèse la piété et la discipline ecclésiastique. Mais bientôt le même roi Guillaume, ayant tenté par la violence et les menaces d’usurper les droits de l’Église, Anselme lui résista avec une constance vraiment sacerdotale, et eut à souffrir la perte de ses biens et même l’exil, et se rendit à Rome auprès d’Urbain II. Ce Pape le reçut avec honneur, et le combla de louanges lorsque, au concile de Bari, Anselme soutint contre l’erreur des Grecs, par d’innombrables témoignages des Écritures et des saints Pères, que le Saint-Esprit procède aussi du Fils. Le roi Guillaume ayant quitté cette vie, le roi Henri, son frère, rappela Anselme en Angleterre, où le Saint s’endormit dans le Seigneur. Célèbre par ses miracles et sa sainteté, (dont le trait distinctif était une insigne dévotion pour la passion de notre Seigneur et envers la bienheureuse Vierge, sa Mère), célèbre aussi par sa doctrine très utile à la défense de la religion chrétienne, à ’avancement des âmes et à tous les théologiens qui ont traité de la science sacrée selon la méthode scolastique, Anselme paraît avoir puisé au ciel l’inspiration de tous ses ouvrages.
Moine, Évêque et Docteur, Anselme réunit en sa personne ces trois grands apanages du chrétien privilégie ; et si l’auréole du martyre n’est pas venue apporter le dernier lustre à ce noble faisceau de tant de gloires, on peut dire que la palme a manqué à Anselme, mais qu’il n’a pas manqué à la palme. Son nom rappelle la mansuétude de l’homme du cloître unie à la fermeté épiscopale, la science jointe à la piété ; nulle mémoire n’a été à la fois plus douce et plus éclatante.
Le Piémont le donna à la France et à l’Ordre de saint Benoît. Anselme, dans l’abbaye du Bec, réalisa pleinement le type de l’Abbé tel que l’a tracé le Patriarche des moines d’Occident : « Plus servir que commander. » Il fut de la part de ses frères l’objet d’une affection sans égale, et dont l’expression est arrivée jusqu’à nous. Sa vie leur appartenait tout entière, soit qu’il s’appliquât à les conduire à Dieu, soit qu’il prît plaisir à les initier aux sublimes spéculations de son intelligence. Un jour il leur fut enlevé malgré tous ses efforts, et contraint de s’asseoir sur la chaire archiépiscopale de Cantorbéry. Successeur en ce siège des Augustin, des Dunstan, des Elphège, des Lanfranc, il fut digne de porter le pallium après eux, et par ses nobles exemples, il ouvrit la voie à l’illustre martyr Thomas qui lui succéda de si près.
Sa vie pastorale fut tout entière aux luttes pour la liberté de l’Église. En lui l’agneau revêtit la vigueur du lion. « Le Christ, disait-il, ne veut pas d’une esclave pour épouse ; il n’aime rien tant en ce monde que la liberté de son Église. » Le temps n’est plus où ce Fils de Dieu consentait à être enchaîné par d’indignes liens, afin de nous affranchir de nos péchés ; il est ressuscite glorieux, et il veut que son épouse soit libre comme lui. Dans tous les siècles, elle a à combattre pour cette liberté sacrée, sans laquelle elle ne pourrait remplir ici-bas le ministère de salut que son Époux divin lui a confié. Jaloux de son influence, les princes de la terre, qui n’ignorent pas qu’elle est reine, se sont ingéniés à lui créer mille entraves. De nos jours, un grand nombre de ses enfants ont perdu jusqu’à la notion des franchises auxquelles elles a droit : sans aucun souci de sa royauté, ils ne lui désirent d’autre liberté que celle qu’elle partagera avec les sectes qu’elle condamne ; ils ne peuvent comprendre que, dans de telles conditions, l’Église que le Christ a faite pour régner, est en esclavage. Ce n’est pas ainsi qu’Anselme l’entendait ; et tout enfant de l’Église doit avoir de telles utopies en horreur. Les grands mots de progrès et de société moderne ne sauraient le séduire ; il sait que l’Église n’a pas d’égale ici-bas ; et s’il voit le monde en proie aux plus terribles convulsions, incapable de s’asseoir désormais sur un fondement stable, tout s’explique pour lui par cette raison que l’Église n’est plus reine. Le droit de notre Mère n’est pas seulement d’être reconnue pour ce qu’elle est dans le secret de la pensée de chacun de ses fidèles ; il lui faut l’appui extérieur. Jésus lui a promis les nations en héritage ; elle les a possédées selon cette divine promesse ; mais aujourd’hui, s’il advient qu’un peuple la mette hors la loi, en lui offrant une égale protection avec toutes les sectes qu’elle a expulsées de son sein, mille acclamations se font entendre à la louange de ce prétendu progrès, et des voix connues et aimées, se mêlent à ces clameurs.
De telles épreuves furent épargnées à Anselme. La brutalité des rois normands était moins à redouter que ces systèmes perfides qui sapent par la base jusqu’à l’idée même de l’Église, et font regretter la persécution ouverte. Le torrent renverse tout sur son passage ; mais tout renaît aussi lorsque sa source est tarie. Il en est autrement quand les eaux débordées envahissent la terre en l’entraînant après elles. Tenons-le pour sûr : le jour où l’Église, la céleste colombe, n’aura plus ici-bas où poser son pied avec honneur, le ciel s’ouvrira, et elle prendra son vol pour sa patrie céleste, laissant le monde à la veille de voir descendre le juge du dernier jour.
Anselme docteur n’est pas moins admirable qu’Anselme pontife. Sa haute et tranquille intelligence se plut dans la contemplation des vérités divines ; elle en chercha les rapports et l’harmonie, et le produit de ces nobles labeurs occupe un rang supérieur dans le dépôt où se conservent les richesses de la théologie catholique. Dieu avait départi à Anselme le génie. Ses combats, sa vie agitée, ne purent le distraire de ses saintes et dures études, et, sur le chemin de ses exils, il allait méditant sur Dieu et ses mystères, étendant pour lui-même et pour la postérité le champ déjà si vaste des investigations respectueuses de la raison dans les domaines de la foi.
Nous insérons ici plusieurs Répons et Antiennes approuvés par le Siège apostolique en l’honneur de saint Anselme.
R/. Celui-ci est Anselme, illustre Docteur que Lanfranc a élevé ; c’est lui qui, étant pour les moines un père plein de tendresse, a été appelé à la mitre des pontifes ; * Et il a combattu vaillamment pour la liberté de la sainte Église, alléluia. V/. Il disait de sa voix indomptée que l’Épouse du Christ était libre, et non de condition servile ; * Et il a combattu vaillamment pour la liberté de la sainte Église, alléluia.
R/. Le bienheureux Anselme dit avec tristesse aux évêques : Vous voulez atteler à la charrue un taureau indompté et une faible brebis ; le taureau traînera la brebis dans les épines et les halliers, et la déchirera cruellement : * Et votre joie d’aujourd’hui se chan promptement en tristesse, alléluia. V/. Les tribulations m’attendent ; cependant je n’en crains aucune, pourvu que je consomme ma course. * Et votre joie d’aujourd’hui se chan promptement en tristesse, alléluia.
R/. Les Pères étant réunis dans le concile, le pontife Urbain s’écria : Anselme, archevêque des Anglais, notre Père et notre Maître, où es-tu ? * Monte jusqu’à nous, viens nous aider, et combats pour ta mère et la nôtre, alléluia. V/. Bénie soit ta sagesse, et bénies les paroles de ta bouche ! * Monte jusqu’à nous, viens nous aider, et combats pour ta mère et la nôtre, alléluia.
Ant. Anselme, agneau par la douceur, lion par le courage, comblé de la doctrine céleste, a éclairé les âmes, alléluia.
Ant. Le bienheureux Anselme instruisait les princes du siècle : Dieu, disait-il, n’aime rien plus en ce monde que la liberté de son Église, alléluia.
L’Hymne suivante a été approuvée aussi par le Saint-Siège.
O Anselme, Pontife aimé de Dieu et des hommes, la sainte Église, que vous avez servie ici-bas avec tant de zèle, vous rend aujourd’hui ses hommages comme à l’un de ses prélats les plus révérés. Imitateur de la bonté du divin Pasteur, nul ne vous surpassa en douceur, en condescendance, en charité. Vous connaissiez vos brebis, et vos brebis vous connaissaient ; veillant jour et nuit à leur garde, vous ne fûtes jamais surpris par l’arrivée du loup. Loin de fuir à son approche, vous allâtes au-devant, et aucune violence n’eut le pouvoir de vous faire reculer. Héroïque champion de la liberté de l’Église, protégez-la en nos temps, où elle est presque partout foulée et comme anéantie. Suscitez en tous lieux des Pasteurs émules de votre sainte indépendance, afin que le courage se ranime dans le cœur des brebis, et que tout chrétien se fasse honneur de confesser qu’il est avant tout membre de l’Église, qu’a ses veux les intérêts de cette Mère des âmes sont supérieurs à ceux de toute société terrestre.
Le Verbe divin vous avait doué, ô Anselme, de cette philosophie toute chrétienne qui s’abaisse devant les vérités de la foi, et, purifiée par l’humilité, s’élève aux vues les plus sublimes. Éclairée de vos lumières si pures, la sainte Église, dans sa reconnaissance, vous a décerné le titre de Docteur, réservé si longtemps à ces savants hommes qui vécurent aux premiers âges du christianisme, et conservent dans leurs écrits comme un reflet de la prédication des Apôtres. Votre doctrine a été jugée digne d’être réunie à celle des anciens Pères ; car elle procède du même Esprit ; elle est fille de la prière, plus encore que de la pensée. Obtenez, ô saint Docteur, que sur vos traces, notre foi cherche aussi l’intelligence. Beaucoup aujourd’hui blasphèment ce qu’ils ignorent, et beaucoup aussi ignorent ce qu’ils croient. De là une confusion désolante, des compromis périlleux entre la vérité et l’erreur, la seule vraie doctrine méconnue, abandonnée et demeurant sans défense. Demandez pour nous, ô Anselme, des docteurs qui sachent éclairer les sentiers de la vérité et dissiper les nuages de l’erreur, afin que les enfants de l’Église ne restent plus exposés à la séduction.
Jetez un regard, ô saint Pontife, sur la famille religieuse qui vous accueillit dans ses rangs, au sortir des vanités du siècle, et daignez étendre sur elle votre protection. C’est dans son sein que vous avez puisé la vie de l’âme et la lumière de l’intelligence. Fils du grand Benoît, ayez souvenir de vos hères. Bénissez-les en France, où vous avez embrassé la règle monastique ; bénissez-les en Angleterre, où vous avez été Primat entre les pontifes sans cesser d’être moine. Priez, ô Anselme, pour les deux nations qui vous ont adopté tour à tour. Chez l’une, la foi s’est tristement affaiblie ; chez l’autre, l’hérésie règne en souveraine. Sollicitez pour toutes les deux les miséricordes du Seigneur. Il est puissant, et ne ferme pas son oreille aux supplications de ses saints. S’il a résolu dans sa justice de ne pas rendre à ces deux nations leur antique constitution chrétienne, obtenez du moins que beaucoup d’âmes se sauvent, que de nombreux retours consolent la Mère commune, que les derniers ouvriers de la vigne rivalisent de zèle avec les premiers, en attendant le jour où le Maître descendra pour rendre à chacun selon ses œuvres.
Saint anselme a presque droit de cité dans le Missel romain car il résida quelque temps à Rome, et, au Concile de Bari destiné à combattre le schisme des Grecs, il fut le meilleur appui d’Urbain II dans la lutte contre l’erreur. De nos jours, Léon XIII fit élever sur le mont Aventin, en l’honneur du saint docteur de Cantorbéry, une insigne basilique, annexée au grand collège universitaire de l’Ordre bénédictin qui compte le Saint parmi ses plus glorieux représentants. En l’honneur de ce grand docteur, qui eut le mérite de préparer la voie, en quelque sorte, à l’édifice théologique de l’Aquinate, l’hymnaire bénédictin contient cette belle ode saphique :
Sur son lit de mort, Léon XIII composa des vers en l’honneur de saint Anselme, et il les fit porter aussitôt à l’Abbé de sa nouvelle basilique aventine, comme un dernier gage de la dévotion qu’il nourrissait envers le grand docteur et l’Ordre bénédictin qui l’avait formé.
La messe est celle du [1].
Cet illustre confesseur de la foi et de la liberté de l’Église, fugitif et exilé, trouva à Rome, comme autrefois saint Athanase, et chez le bienheureux Urbain II, accueil bienveillant et protection. L’histoire a enregistré comme un titre spécial de gloire pour sa mémoire une de ses paroles, énergique et pleine de foi en même temps : « Dieu n’aime rien davantage en ce monde que la liberté de son Église. »
Réformons-nous d’abord nous-mêmes.
Saint Anselme. — Jour de mort : 21 avril 1109. Tombeau : dans la cathédrale de Cantorbéry. Image : On le représente en évêque et docteur de l’Église, contemplant l’apparition du Christ et de la Sainte Vierge. Vie : Saint Anselme, évêque de Cantorbéry et primat d’Angleterre, naquit en 1033 et mourut le 21 avril 1109. Prieur et abbé, il fit de l’abbaye du Bec un centre de véritable réforme pour la Normandie et l’Angleterre. De cette abbaye, il exerça une influence durable sur les papes, les rois, les puissances civiles et des Ordres entiers. Devenu primat d’Angleterre, il mena un combat héroïque pour les droits et la liberté de l’Église. Il y perdit ses biens et ses dignités et connut même l’exil. Il se rendit à Rome auprès du pape Urbain Il qu’il soutint au concile de Bari contre les erreurs des Grecs. Ses écrits témoignent de la hauteur de son esprit ainsi que de sa sainteté ; ils lui méritèrent le nom de père de la scolastique.
Pratique : Saint Anselme est un des vrais réformateurs de l’Église. La vraie réforme commence par soi-même. Saint Anselme se mit le premier à l’école sévère de la mortification. Il était ensuite apte et autorisé à corriger les autres. — La messe est du commun d’un docteur (In medio).
Chers frères et sœurs,
A Rome, sur la colline de l’Aventin se trouve l’abbaye bénédictine de Saint-Anselme. En tant que siège d’un institut d’études supérieures et de l’Abbé primat des Bénédictins confédérés, c’est un lieu qui unit la prière, l’étude et le gouvernement, qui sont précisément les trois activités qui caractérisent la vie du saint auquel elle est dédiée : Anselme d’Aoste, dont nous célébrons cette année le IXe centenaire de la mort. Les multiples initiatives, promues spécialement par le diocèse d’Aoste pour cette heureuse occasion, ont souligné l’intérêt que continue de susciter ce penseur médiéval. Il est connu également comme Anselme de Bec et Anselme de Canterbury en raison des villes auxquelles il est lié. Qui est ce personnage auquel trois localités, éloignées entre elles et situées dans trois nations différentes - Italie, France, Angleterre - se sentent particulièrement liées ? Moine à la vie spirituelle intense, excellent éducateur de jeunes, théologien possédant une extraordinaire capacité spéculative, sage homme de gouvernement et défenseur intransigeant de la libertas Ecclesiae, de la liberté de l’Église, Anselme est l’une des éminentes personnalités du moyen âge, qui sut harmoniser toutes ces qualités grâce à une profonde expérience mystique, qui en guida toujours la pensée et l’action.
Saint Anselme naquit en 1033 (ou au début de 1034), à Aoste, premier né d’une famille noble. Son père était un homme rude, dédié aux plaisirs de la vie et dépensant tous ses biens ; sa mère, en revanche, était une femme d’une conduite exemplaire et d’une profonde religiosité [2]. Ce fut elle qui prit soin de la formation humaine et religieuse initiale de son fils, qu’elle confia, ensuite aux bénédictins d’un prieuré d’Aoste. Anselme qui, enfant, - comme l’écrit son biographe - imaginait la demeure du bon Dieu entre les cimes élevées et enneigées des Alpes, rêva une nuit d’être invité dans cette demeure splendide par Dieu lui-même, qui s’entretint longuement et aimablement avec lui, et à la fin, lui offrit à manger « un morceau de pain très blanc » [3]. Ce rêve suscita en lui la conviction d’être appelé à accomplir une haute mission. A l’âge de quinze ans, il demanda à être admis dans l’ordre bénédictin, mais son père s’opposa de toute son autorité et ne céda pas même lorsque son fils gravement malade, se sentant proche de la mort, implora l’habit religieux comme suprême réconfort. Après la guérison et la disparition prématurée de sa mère, Anselme traversa une période de débauche morale : il négligea ses études et, emporté par les passions terrestres, devint sourd à l’appel de Dieu. Il quitta le foyer familial et commença à errer à travers la France à la recherche de nouvelles expériences. Après trois ans, arrivé en Normandie, il se rendit à l’Abbaye bénédictine du Bec, attiré par la renommée de Lanfranc de Pavie, prieur du monastère. Ce fut pour lui une rencontre providentielle et décisive pour le reste de sa vie. Sous la direction de Lanfranc, Anselme reprit en effet avec vigueur ses études, et, en peu de temps, devint non seulement l’élève préféré, mais également le confident du maître. Sa vocation monastique se raviva et, après un examen attentif, à l’âge de 27 ans, il entra dans l’Ordre monastique et fut ordonné prêtre. L’ascèse et l’étude lui ouvrirent de nouveaux horizons, lui faisant retrouver, à un degré bien plus élevé, la proximité avec Dieu qu’il avait eue enfant.
Lorsqu’en 1063, Lanfranc devint abbé de Caen, Anselme, après seulement trois ans de vie monastique, fut nommé prieur du monastère du Bec et maître de l’école claustrale, révélant des dons de brillant éducateur. Il n’aimait pas les méthodes autoritaires ; il comparait les jeunes à de petites plantes qui se développent mieux si elles ne sont pas enfermées dans des serres et il leur accordait une « saine » liberté. Il était très exigeant avec lui-même et avec les autres dans l’observance monastique, mais plutôt que d’imposer la discipline il s’efforçait de la faire suivre par la persuasion. A la mort de l’abbé Herluin, fondateur de l’abbaye du Bec, Anselme fut élu à l’unanimité à sa succession : c’était en février 1079. Entre-temps de nombreux moines avaient été appelés à Canterbury pour apporter aux frères d’outre-Manche le renouveau en cours sur le continent. Leur œuvre fut bien acceptée, au point que Lanfranc de Pavie, abbé de Caen, devint le nouvel archevêque de Canterbury et il demanda à Anselme de passer un certain temps avec lui pour instruire les moines et l’aider dans la situation difficile où se trouvait sa communauté ecclésiale après l’invasion des Normands. Le séjour d’Anselme se révéla très fructueux : ; il gagna la sympathie et l’estime générale, si bien qu’à la mort de Lanfranc il fut choisi pour lui succéder sur le siège archiépiscopal de Canterbury. Il reçut la consécration épiscopale solennelle en décembre 1093.
Anselme s’engagea immédiatement dans une lutte énergique pour la liberté de l’Église, soutenant avec courage l’indépendance du pouvoir spirituel par rapport au pouvoir temporel. Il défendit l’Église des ingérences indues des autorités politiques, en particulier des rois Guillaume le Rouge et Henri Ier, trouvant encouragement et appui chez le Pontife Romain, auquel Anselme démontra toujours une adhésion courageuse et cordiale. Cette fidélité lui coûta également, en 1103, l’amertume de l’exil de son siège de Canterbury. Et c’est seulement en 1106, lorsque le roi Henri Ier renonça à la prétention de conférer les investitures ecclésiastiques, ainsi qu’au prélèvement des taxes et à la confiscation des biens de l’Église, qu’Anselme put revenir en Angleterre, accueilli dans la joie par le clergé et par le peuple. Ainsi s’était heureusement conclue la longue lutte qu’il avait menée avec les armes de la persévérance, de la dignité et de la bonté. Ce saint archevêque qui suscitait une telle admiration autour de lui, où qu’il se rende, consacra les dernières années de sa vie surtout à la formation morale du clergé et à la recherche intellectuelle sur des sujets théologiques. Il mourut le 21 avril 1109, accompagné par les paroles de l’Évangile proclamé lors de la Messe de ce jour : « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez à ma table en mon Royaume » [4]. Le songe de ce mystérieux banquet, qu’il avait fait enfant tout au début de son chemin spirituel, trouvait ainsi sa réalisation. Jésus, qui l’avait invité à s’asseoir à sa table, accueillit saint Anselme, à sa mort, dans le royaume éternel du Père.
« Dieu, je t’en prie, je veux te connaître, je veux t’aimer et pouvoir profiter de toi. Et si, en cette vie, je ne suis pas pleinement capable de cela, que je puisse au moins progresser chaque jour jusqu’à parvenir à la plénitude » [5]. Cette prière laisse comprendre l’âme mystique de ce grand saint de l’époque médiévale, fondateur de la théologie scolastique, à qui la tradition chrétienne a donné le titre de « Docteur Magnifique », car il cultiva un intense désir d’approfondir les Mystères divins, tout en étant cependant pleinement conscient que le chemin de recherche de Dieu n’est jamais terminé, tout au moins sur cette terre. La clarté et la rigueur logique de sa pensée ont toujours eu comme fin d’« élever l’esprit à la contemplation de Dieu » (ibid. Proemium). Il affirme clairement que celui qui entend faire de la théologie ne peut pas compter seulement sur son intelligence, mais qu’il doit cultiver dans le même temps une profonde expérience de foi. L’activité du théologien, selon saint Anselme, se développe ainsi en trois stades : la foi, don gratuit de Dieu à accueillir avec humilité ; l’expérience, qui consiste à incarner la parole de Dieu dans sa propre existence quotidienne ; et ensuite la véritable connaissance, qui n’est jamais le fruit de raisonnements aseptisés, mais bien d’une intuition contemplative. A ce propos, restent plus que jamais utiles également aujourd’hui, pour une saine recherche théologique et pour quiconque désire approfondir la vérité de la foi, ses paroles célèbres : « Je ne tente pas, Seigneur, de pénétrer ta profondeur, car je ne peux pas, même de loin, comparer avec elle mon intellect ; mais je désire comprendre, au moins jusqu’à un certain point, ta vérité, que mon cœur croit et aime. Je ne cherche pas, en effet, à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre » [6].
Chers frères et sœurs, que l’amour pour la vérité et la soif constante de Dieu, qui ont marqué l’existence entière de saint Anselme, soient un encouragement pour chaque chrétien à rechercher sans jamais se lasser une union toujours plus intime avec le Christ, Chemin, Vérité et Vie. En outre, que le zèle plein de courage qui a caractérisé son action pastorale, et qui a parfois suscité en lui des incompréhensions, de l’amertume et même l’exil, soit un encouragement pour les pasteurs, pour les personnes consacrées et pour tous les fidèles à aimer l’Église du Christ, à prier, à travailler et à souffrir pour elle, sans jamais l’abandonner ou la trahir. Que la Vierge Mère de Dieu, envers laquelle saint Anselme nourrissait une dévotion tendre et filiale, obtienne cela pour nous. « Marie, c’est toi que mon cœur veut aimer - écrit saint Anselme -, c’est toi que ma langue désire ardemment louer ». © Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
[1] Commun des Docteurs->306
[2] cf. Eadmer, Vita s. Anselmi, PL 159, col. 49.
[3] ibid., n. 51.
[4] Lc 22, 28-30.
[5] Proslogion, chap. 14.
[6] ibid., 1.