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25/04 St Marc, évangéliste

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Les Coptes, les byzantins et les Syriens célèbrent aussi saint Marc le 25 avril.

La fête apparaît aux VIIIe et IXe siècles (Mont-Cassin, Naples, sacramentaire de Corbie). Elle connaîtra une diffusion universelle au Xe et XIe siècles.

En ce jour, l’Église célèbre aussi les Litanies Majeures.

Textes de la Messe

die 25 aprilis
le 25 avril
SANCTI MARCI
SAINT MARC
Evangelistæ
Evangéliste
II classis (ante CR 1960 : duplex II classis)
IIème classe (avant 1960 : double IIème classe)
Litaniæ Maiores
Litanies Majeures
Statio ad S. Petrum
Station à St-Pierre
Ad Processionem dicitur Missa de Rogationibus, ut habetur suo loco in Proprio de Tempore, et, si contingat transferri Festum S. Marci, non tamen transfertur Processio, nisi quando prædictum Festum dominica Paschatis vel feria II post Pascha occurrit : tunc enim in Feriam III sequentem transferatur.A la Procession, on dit la Messe des Rogations, comme indiqué à sa place dans le Propre du Temps, et s’il arrive qu’on doive transférer la Fête de St Marc, on ne transfère pas la Procession, sauf si la dite Fête tombe le dimanche ou le Lundi de Pâques : dans ce cas elle est transférée au Mardi suivant.
Ant. ad Introitum. Ps. 63, 3.Introït
Protexísti me, Deus, a convéntu malignántium, allelúia : a multitúdine operántium iniquitátem, allelúia, allelúia.Vous m’avez protégé, ô Dieu, contre l’assemblée des méchants, contre la multitude de ceux qui commettent l’iniquité, alléluia, alléluia.
Ps. Ibid., 2.
Exáudi, Deus, oratiónem meam, cum déprecor : a timóre inimíci éripe ánimam meam.Exaucez, ô Dieu, ma prière lorsque je vous implore ; délivrez mon âme de la crainte de l’ennemi.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beátum Marcum Evangelístam tuum evangélicæ prædicatiónis grátia sublimásti : tríbue, quǽsumus ; eius nos semper et eruditióne profícere et oratióne deféndi. Per Dóminum.O Dieu, qui avez glorifié le bienheureux Marc, votre Évangéliste, en l’appelant à la dignité de prédicateur de l’Évangile, faites, nous vous en supplions, que nous profitions toujours de ses enseignements, et que, eu égard à ses prières, nous soyons défendus.
Et fit commemoratio Rogationum :Et on fait mémoire des Rogations :
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui in afflictióne nostra de tua pietáte confídimus ; contra advérsa ómnia, tua semper protectióne muniámur. Per Dóminum nostrum.Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant : que, plein de confiance en votre bonté dans notre affliction ; nous soyons constamment fortifiés contre toutes les adversités.
Léctio Ezechiélis Prophétæ.Lecture du Livre du Prophète Ezéchiel.
Ezech. 1, 10-14.
Similitúdo vultus quátuor animálium : fácies hóminis, et fácies leónis a dextris ipsórum quátuor : fácies autem bovis a sinístris ipsórum quátuor, et fácies áquilæ désuper ipsórum quátuor. Fácies eórum et pénnæ eórum exténtæ désuper : duæ pennæ singulórum iungebántur et duæ tegébant córpora eórum : et unumquódque eórum coram fácie sua ambulábat : ubi erat ímpetus spíritus, illuc gradiebántur, nec revertebántur cum ambulárent. Et similitúdo animálium, aspéctus eórum quasi carbónum ignis ardéntium et quasi aspéctus lampadárum. Hæc erat vísio discúrrens in médio animálium, splendor ignis, et de igne fulgur egrédiens. Et animália ibant et revertebántur in similitúdinem fúlguris coruscántis.Voici l’apparence des visages des quatre animaux : ils avaient tous les quatre une face d’homme, une face de lion à leur droite, et une face de boeuf à leur gauche, et une face d’aigle au-dessus d’eux quatre. Leurs faces et leurs ailes s’étendaient en haut ; deux de leurs ailes se joignaient, et deux couvraient leurs corps. Chacun d’eux marchait devant soi ; ils allaient où l’Esprit les poussait, et ils ne se retournaient point en marchant. Et l’aspect des animaux ressemblait à celui de charbons de feu ardents et à celui de lampes allumées. On voyait courir au milieu des animaux des flammes de feu, et de ce feu sortaient des éclairs. Et les animaux allaient et revenaient comme des éclairs flamboyants.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 88, 6. Confitebúntur cæli mirabília tua, Dómine : étenim veritátem tuam in ecclésia sanctórum.Allelúia, allelúia. V/. Les cieux publieront vos merveilles, Seigneur, et votre vérité dans l’assemblée des saints.
Allelúia. V/. Ps. 20, 4. Posuísti, Dómine, super caput eius corónam de lápide pretióso. Allelúia.Allelúia. V/. Vous avez mis sur sa tête, Seigneur, une couronne de pierres précieuses. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 10, 1-9.
In illo témpore : Designávit Dóminus et álios septuagínta duos : et misit illos binos ante fáciem suam in omnem civitátem et locum, quo erat ipse ventúrus. Et dicebat illis : Messis quidem multa, operárii autem pauci. Rogáte ergo Dóminum messis, ut mittat operários in messem suam. Ite : ecce, ego mitto vos sicut agnos inter lupos. Nolíte portare sǽculum neque peram neque calceaménta ; et néminem per viam salutavéritis. In quamcúmque domum intravéritis, primum dícite : Pax huic dómui : et si ibi fúerit fílius pacis, requiéscet super illum pax vestra : sin autem, ad vos revertétur. In eádem autem domo manéte, edéntes et bibéntes quæ apud illos sunt : dignus est enim operárius mercede sua. Nolíte transíre de domo in domum. Et in quamcúmque civitátem intravéritis, et suscéperint vos, manducáte quæ apponúntur vobis : et curáte infírmos, qui in illa sunt, et dícite illis : Appropinquávit in vos regnum Dei.En ce temps-là : le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya devant lui, deux à deux, en toute ville et endroit où lui-même devait aller. Il leur disait : La moisson est grande, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Allez : voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni besace, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : "Paix à cette maison !" Et s’il y a là un fils de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Demeurez dans cette maison, mangeant et buvant de ce qu’il y aura chez eux, car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Et en quelque ville que vous entriez et qu’on vous reçoive, mangez ce qui vous sera servi ; guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : "Le royaume de Dieu est proche de vous."
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 6.Offertoire
Confitebúntur cæli mirabília tua, Dómine : et veritátem tuam in ecclésia sanctórum, allelúia, allelúia.Les cieux publieront vos merveilles, Seigneur, et votre vérité dans l’assemblée des saints, alléluia, alléluia.
SecretaSecrète
Beáti Marci Evangelístæ tui sollemnitáte tibi múnera deferéntes, quǽsumus, Dómine : ut, sicut illum prædicátio evangélica fecit gloriósum : ita nos eius intercéssio et verbo et ópere tibi reddat accéptos. Per Dóminum.Vous apportant nos offrandes en la solennité du bienheureux Marc, votre Évangéliste, nous vous prions, Seigneur : de même qu’il mérita la gloire par la prédication de l’Évangile : puissions-nous, par son intercession, vous devenir agréables, nous aussi, et par nos paroles, et par nos actes.
Pro RogationibusPour les Rogations
SecretaSecrète
Hæc múnera, quǽsumus, Dómine, et víncula nostræ pravitátis absólvant, et tuæ nobis misericórdiæ dona concílient. Per Dóminum.Que ces offrandes, nous vous le demandons, Seigneur, fassent tomber les liens de notre malignité, et nous obtiennent les dons de votre miséricorde.
Præfatio de Apostolis. Préface des Apôtres .
Ant. ad Communionem. Ps. 63, 11.Communion
Lætábitur iustus in Dómino, et sperábit in eo : et laudabúntur omnes recti corde, allelúia, allelúia.Le juste se réjouira dans le Seigneur, et espérera en lui ; et tous ceux qui ont le cœur droit se réjouiront, alléluia, alléluia.
PostcommunioPostcommunion
Tríbuant nobis, quǽsumus, Dómine, contínuum tua sancta præsídium : quo, beáti Marci evangelístæ tui précibus, nos ab ómnibus semper tueántur advérsis. Per Dóminum.Que vos saints mystères, Seigneur, nous vous en prions, nous soient un continuel secours : afin que nous puissions, par les prières du bienheureux Marc votre Évangéliste, en tirer toujours une protection contre toutes les forces adverses.
Pro RogationibusPour les Rogations
PostcommunioPostcommunion
Vota nostra, quǽsumus, Dómine, pio favore proséquere : ut, dum dona tua in tribulatióne percípimus, de consolatióne nostra in tuo amóre crescámus. Per Dóminum nostrum.Accueillez nos demandes, Seigneur, avec une tendre bienveillance : en sorte que vos dons, reçus dans l’épreuve, nous réconfortent et nous fassent croître dans votre âmour.
Pro votiva extra Tempus Paschale Missa ut in Festo S. Lucæ Evangelistæ, die 18 Octobris, cum Orationibus et Epistola ut supra.Aux Messes votives en dehors du Temps pascal, Messe comme à la Fête de S. Luc, Evangéliste, le 18 octobre, avec les oraisons et l’Epôtre comme ci-dessus.

Office

Leçons des Matines.

Au premier nocturne.

Commencement du livre du Prophète Ézéchiel. Cap. 1, 1-12.

Première leçon. Or il arriva en la trentième année, au quatrième mois, au cinquième jour du mois, que lorsque j’étais au milieu des captifs, près du fleuve de Chobar, les cieux furent ouverts 1, et je vis les visions de Dieu. Le cinquième du mois, c’est la cinquième année de la transmigration du roi Joachim, la parole du Seigneur fut adressée à Ézéchiel, le prêtre, fils de Buzi, dans la terre des Chaldéens, près du fleuve de Chobar, et là fut sur lui la main du Seigneur2. Et je vis, et voilà qu’un vent3 de tourbillon venait de l’aquilon ; et une grande nuée, et un feu tournoyant, et une lumière éclatante tout autour, et du milieu, c’est-à-dire du milieu du feu, brillait comme un éclat de vermeil.

Deuxième leçon. Et au milieu du feu la ressemblance de quatre animaux, et voici leur aspect : la ressemblance d’un homme. Chacun d’eux avait quatre faces, et chacun d’eux quatre ailes. Leurs pieds étaient droits, et la plante de leurs pieds comme la plante du pied d’un veau, et il sortait d’eux des étincelles ayant l’apparence de l’airain le plus brillant. Et des mains d’hommes étaient sous leurs ailes aux quatre côtés ; et ils avaient des faces et des ailes aux quatre côtés. Et les ailes de l’un étaient jointes à celles de l’autre ; ils ne se retournaient pas lorsqu’ils marchaient ; mais chacun d’eux allait devant sa face.

Troisième leçon. Quant à la ressemblance de leur visage, c’était une face d’homme et une face de lion, à la droite des quatre, mais une face de bœuf à la gauche des quatre, et une face d’aigle au-dessus des quatre. Leurs faces et leurs ailes s’étendaient en haut : ils se tenaient l’un l’autre par deux de leurs ailes, et ils couvraient leur corps par les deux autres. Et chacun d’eux marchait devant sa face ; là où était l’impétuosité de l’esprit, là ils allaient ; et ils ne se retournaient pas lorsqu’ils marchaient.

Au deuxième nocturne.

Du livre de saint Jérôme, Prêtre, des Écrivains ecclésiastiques.

Quatrième leçon. Marc, disciple et interprète de Pierre, appelé à Rome par ses frères, écrivit un court Évangile, d’après ce qu’il avait entendu rapporter par Pierre. Celui-ci en ayant écouté [la lecture], l’approuva, et le donna, par son autorité, pour être lu dans l’Église. Prenant l’Évangile qu’il avait composé, Marc partit pour l’Égypte, et, le premier, annonça le Christ à Alexandrie, où il établit une Église. Telle était sa doctrine et la pureté de sa vie, qu’il amenait tous les Chrétiens à suivre son exemple.

Cinquième leçon. Philon, l’un des Juifs les plus éloquents de son temps, voyant l’Église naissante d’Alexandrie encore judaïsante, écrivit, comme à l’éloge de sa nation, un livre sur la vie de ces premiers Chrétiens. Et, à l’imitation de saint Luc, qui rapporte que les fidèles de Jérusalem mettaient tout en commun, Philon, qui voyait cette coutume observée à Alexandrie, sous la conduite et selon les instructions de Marc, en a transmis le récit à la postérité. Le saint Évangéliste mourut la huitième année du règne de Néron, et fut enseveli à Alexandrie. Anianus lui succéda.

De l’Exposition de saint Grégoire, Pape, sur le Prophète Ézéchiel.

Sixième leçon. Les quatre animaux sacrés qu’Ézéchiel voit dans l’avenir par un esprit prophétique, voici comment il les dépeint dans son mystérieux langage : « Chacun d’eux avait quatre faces, et chacun d’eux quatre ailes ». Que signifie la face sinon la connaissance, et que veulent dire les ailes sinon le vol ? C’est à la face que l’on reconnaît chacun de nous ; c’est au moyen des ailes que l’oiseau s’élève dans les airs. La face se rapporte donc à la foi et les ailes à la contemplation._C’est à notre foi que le Dieu tout-puissant nous reconnaît pour siens, ainsi qu’il le dit lui-même de ses brebis : « Je suis le bon Pasteur, je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. » II dit encore : « Je connais ceux que j’ai choisis. » Par la contemplation qui nous élève au-dessus de nous-mêmes, nous sommes comme portés dans les airs. [1]

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 10, 1-9.
En ce temps-là : le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya devant lui, deux à deux, en toute ville et endroit où lui-même devait aller. Et le reste.

Homélie de saint Grégoire, Pape.

Septième leçon. Notre Seigneur et Sauveur nous instruit, mes bien-aimés frères, tantôt par ses paroles, et tantôt par ses œuvres. Ses œuvres elles-mêmes sont des préceptes, et quand il agit, même sans rien dire, il nous apprend ce que nous avons à faire. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples prêcher ; il les envoie deux à deux, parce qu’il y a deux préceptes de la charité : l’amour de Dieu et l’amour du prochain, et qu’il faut être au moins deux pour qu’il y ait lieu de pratiquer la charité. Car, à proprement parler, on n’exerce pas la chanté envers soi-même ; mais l’amour, pour devenir charité, doit avoir pour objet une autre personne.

Huitième leçon. Voilà donc que le Seigneur envoie ses disciples deux à deux pour prêcher ; il nous fait ainsi tacitement comprendre que celui qui n’a point de charité envers le prochain ne doit en aucune manière se charger du ministère de la prédication. C’est avec raison que le Seigneur dit qu’il a envoyé ses disciples devant lui, dans toutes les villes et tous les lieux (pu il devait venir lui-même. Le Seigneur suit ceux qui l’annoncent. La prédication a lieu d’abord ; et le Seigneur vient établir sa demeure dans nos âmes, quand les paroles de ceux qui nous exhortent l’ont devancé, et qu’ainsi la vérité a été reçue par notre esprit.

Neuvième leçon. Voilà pourquoi Isaïe a dit aux mêmes prédicateurs : « Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits les sentiers de notre Dieu ». A son tour le Psalmiste dit aux enfants de Dieu : « Faites un chemin à celui qui monte au-dessus du couchant ». Le Seigneur est en effet monté au-dessus du couchant ; car plus il s’est abaissé dans sa passion, plus il a manifesté sa gloire en sa résurrection. Il est vraiment monté au-dessus du couchant : car, en ressuscitant, il a foulé aux pieds la mort qu’il avait endurée. Nous préparons donc le chemin à Celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous vous prêchons sa gloire, afin que lui-même, venant ensuite, éclaire vos âmes par sa présence et son amour.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Le Lion évangélique qui assiste devant le trône de Dieu, avec l’Homme, le Taureau et l’Aigle, se montre aujourd’hui sur le Cycle. Ce jour a vu Marc s’élancer de la terre au ciel, le front ceint de la triple auréole de l’Évangéliste, de l’Apôtre et du Martyr.

De même que les quatre grands Prophètes, Isaïe. Jérémie, Ézéchiel et Daniel, résument en eux la prédiction en Israël ; ainsi Dieu voulait que la nouvelle Alliance reposât sur quatre textes augustes, destinés à révéler au monde la vie et la doctrine de son Fils incarné. Les quatre Évangiles, nous disent les anciens Pères, sont les quatre fleuves qui arrosaient le jardin des délices, et ce jardin était la figure de l’Église à venir. Le premier des quatre oracles de la nouvelle Alliance est Matthieu, qui avant tout autre initia les hommes a la vie et à la doctrine de Jésus : nous verrons poindre son astre en septembre ; le second est Marc, qui nous illumine aujourd’hui ; le troisième est Luc, dont nous attendrons le lever jusqu’en octobre ; le quatrième est Jean, que nous avons connu près de la crèche de l’Emmanuel en Bethléhem. Arrêtons-nous à contempler les grandeurs du second.

Marc est le disciple chéri de Pierre, le brillant satellite du Soleil de l’Église. Son Évangile a été écrit à Rome, sous les yeux du Prince des Apôtres. Le récit de Matthieu avait déjà cours dans l’Église ; mais les fidèles de Rome désiraient y joindre la narration personnelle de leur Apôtre. Pierre ne consent pas à écrire lui-même ; il engage son disciple à prendre la plume, et l’Esprit-Saint conduit la main du nouvel Évangéliste. Marc s’attache à la narration de Matthieu ; il l’abrège, mais en même temps il la complète. Un mot, un trait de développement, viennent attester à chaque page que Pierre, témoin et auditeur de tout, a suivi de près le travail de son disciple. Mais le nouvel Évangéliste passera-t-il sous silence ou cherchera-t-il à atténuer la faute de son maître ? Loin de là ; l’Évangile de Marc sera plus dur que celui de Matthieu dans le récit du reniement de Pierre. On sent que les larmes amères provoquées par le regard de Jésus dans la maison de Caïphe, n’ont pas encore cessé de couler. Le travail de Marc étant terminé, Pierre le reconnut et l’approuva, les Églises accueillirent avec transportée second récit des mystères du salut du monde, et le nom de Marc devint célèbre par toute la terre.

Matthieu, qui ouvre son Évangile par la généalogie humaine du Fils de Dieu, avait réalise le type céleste de l’Homme ; Marc remplit celui du Lion ; car il débute par le récit de la prédication de Jean-Baptiste, rappelant que le rôle de ce Précurseur du Messie avait été annoncé par Isaïe, quand il avait parlé de la Voix de celui qui crie dans le désert ; voix du lion qui ébranle les solitudes par ses rugissements.

La carrière d’Apôtre s’ouvrit devant Marc lorsqu’il eut écrit son Évangile. Pierre le dirigea d’abord sur Aquilée, où il fonda une insigne Église ; mais c’était trop peu pour un Évangéliste. Le moment était venu où l’Égypte, la mère de toutes les erreurs, devait recevoir la vérité, où la superbe et tumultueuse Alexandrie allait voir s’élever dans ses murs la seconde Église de la chrétienté, le second siège de Pierre. Marc fut destiné par son maître à ce grand œuvre. Par sa prédication, la doctrine du salut germa, fleurit et produisit le bon grain sur cette terre la plus infidèle de toutes ; et l’autorité de Pierre se dessina dès lors, quoique à des degrés différents, dans les trois grandes cités de l’Empire : Rome, Alexandrie et Antioche.

Sous l’inspiration de Marc, la vie monastique préluda à ses saintes destinées, dans Alexandrie même, par l’institution chrétienne des Thérapeutes. L’intelligence de la vérité révélée prépara de bonne heure, dans ce grand centre des études humaines, les éléments de la brillante école chrétienne qui commença d’y fleurir dès le second siècle. Tels furent les effets de l’influence du disciple de Pierre dans la seconde Église du monde.

Mais la gloire de Marc fût restée incomplète, si l’auréole du martyre ne fût pas venue la couronner. Les succès de la prédication du saint Évangéliste ameutèrent contre lui les fureurs de l’antique superstition égyptienne. Dans une fête de Sérapis, Marc fut maltraité par les idolâtres, et on le jeta dans un cachot. Ce fut là que le Seigneur ressuscité, dont il avait raconté la vie et les œuvres divines, lui apparut la nuit, et lui dit ces paroles célèbres qui sont la devise de l’antique république de Venise : « Paix soit avec toi, Marc, mon Évangéliste ! » A quoi le disciple ému répondit : « Seigneur ! » Sa joie et son amour ne trouvèrent pas d’autres paroles. Ainsi Madeleine, au matin de Pâques, avait gardé le silence après ce cri du cœur : « Cher Maître ! » Le lendemain, Marc fut immolé par les païens ; mais il avait rempli sa mission sur la terre, et le ciel s’ouvrait au Lion, qui allait occuper au pied du trône de l’Ancien des jours la place d’honneur où le Prophète de Pathmos le contempla dans sublime vision.

Au IXe siècle, l’Église d’Occident s’enrichit de la dépouille mortelle de Marc. Ses restes sacrés fuient transportés à Venise, et sous les auspices du Lion évangélique commencèrent pour cette ville les glorieuses destinées qui ont duré mille ans. La foi en un si grand patron opéra des merveilles dans ces îlots et ces lagunes d’où s’éleva bientôt une cite aussi puissante que magnifique. L’art byzantin construisit l’imposante et somptueuse Église qui fut le palladium de la reine des mers, et la nouvelle république frappa ses monnaies à l’effigie du Lion de saint Marc : heureuse si, plus filiale envers Rome et plus sévère dans ses mœurs, elle n’eût jamais néré de sa gravité antique, ni de la foi de ses plus beaux siècles !

Réunissons à la gloire de Saint Marc les éloges de l’Orient et de l’Occident. Nous commencerons par cette Hymne que lui consacra au IXe siècle saint Paulin, l’un de ses successeurs sur le siège d’Aquilée.

HYMNE.
Déjà par le monde entier elle répand son éclat, cette Lumière céleste qui la splendeur du Père, et de laquelle procède la lumière créée qui nous réjouit de son éclat ; ce flambeau qui dans sa splendeur n’éprouve jamais de défaillance et éclaire notre ciel, en dissipant les ombres qui couvraient le monde.
Le bienheureux Marc, docteur évangélique, avait reçu dans son cœur un rayon de cette lumière sacrée ; reflet ardent et lumineux, il chassa devant lui les ténèbres dont le monde était enveloppé.
Il fut une des sept blanches colonnes qui soutiennent l’édifice, l’un des sept chandeliers d’or, un astre dont l’éclat parcourt l’univers entier ; placé à la base. il soutient, comme un de leurs quatre fondements, les Églises qui sont sous le ciel.
Ézéchiel, l’antique et saint prophète, Jean qui reposa sur le sein du Christ, l’ont vu l’un et l’autre la forme d’un animal mystique, sous le symbole du Lion qui fait retentir le désert de ses rugissements.
Le bienheureux Pierre l’envoya vers la ville d’Aquilée, cité fameuse en ces temps ; Marc y sema la parole sainte, et sa moisson s’élevait au centuple, lorsqu’il la transporta dans les greniers célestes.
Ce fut lui qui établit dans cette ville l’Église du Christ, la posant survie solide fondement de la loi, sur cette pierre sans tache, que ni les débordements du fleuve, ni la fureur des vents, ni les torrents, ni les pluies, ne sauraient ébranler.
Il en revint le front ceint, d’une couronne qui mêlait à ses palmes et à ses lauriers l’éclat des roses et des lis ; athlète combattant du Christ, il portait ce diadème glorieux, lorsqu’il rentra dans Rome, conduit parce Maître divin.
Ce fut alors que, rempli de l’Esprit-Saint, il se dirigea vers Alexandrie, et on l’entendit dans toute l’étendue de l’Égypte annoncer aux hommes que le Fils unique du l’ère adorable était venu sur la terre pour le salut du monde.
Mais ce peuple endurci et cruel préparait des tourments au soldat du Christ. Un jour il le chargea déchaînes, le blessa avec la pointe de ses javelots, déchira sa chair à coups de fouets, et l’enferma dans une noire prison.
Marc fut donc le premier qui porta le nom du Dieu suprême dans Alexandrie ; il dédia au Christ une basilique qui fut consacrée par l’effusion de son sang, et à laquelle il donna la sainte foi pour rempart.
Gloire et empire soit au Père ! à vous aussi, Fils de Dieu, plus haut des cieux ! à l’Esprit-Saint honneur et puissance ! à l’indivisible Trinité, nos hommages dans les siècles éternels ! Amen.

L’Église grecque, dans ses Ménées, célèbre à son tour le saint Évangéliste par de nombreuses strophes, entre lesquelles nous choisissons les suivantes.

(DIE XXV APRILIS.)
Célébrons, ô fidèles, par de dignes louanges l’écrivain sacré, le grand patron de l’Égypte, et disons : O Marc rempli de sagesse, par ton enseignement et tes prières conduis-nous tous, comme un Apôtre, à cette vie tranquille qui ne connaît plus les tempêtes.
Tu fus d’abord le compagnon des voyages de celui qui est le Vase d’élection, et avec lui tu parcourus toute la Macédoine ; venu ensuite à Rome, tu apparus en cette ville comme l’interprète de Pierre, et après de dignes combats soutenus pour Dieu, l’Égypte fut le lieu de ton repos.
Tu rendis la vie aux âmes brûlées de soif, en faisant tomber sur elles la blanche neige de ton Évangile ; c’est pour cela, divin Marc, que Alexandrie célèbre aujourd’hui ta fête avec nous par des chants magnifiques, et s’incline avec respect devant tes reliques.
Heureux Marc, tu t’es désaltéré au torrent des délices célestes, et tu as jailli du Paradis comme un fleuve de paix dont les eaux sont éclatantes de lumière, arrosant la face de la terre par les ruisseaux de ta prédication évangélique, versant les flots de ta doctrine divine sur les plantations de l’Église.
Si Moïse autrefois engloutit les Égyptiens dans es abîmes de la mer, c’est toi, ô Marc digne de toute louange, qui par la sagesse de tes enseignements les as retirés du gouffre de l’erreur, étant assisté du divin pouvoir de celui qui a daigné être pèlerin dans ce pays, et a détruit dans la Force de son bras les idoles que la main de l’homme avait faites.
O divin Marc, tu as été la plume de l’écrivain sage et rapide, en racontant d’une façon merveilleuse l’incarnation du Christ, et annonçant dans un splendide langage les paroles de l’éternelle vie qui sont rapportées dans ton livre ; adresse au Seigneur tes prières en faveur de ceux qui célèbrent et honorent ta glorieuse mémoire.
O Marc digne de louange, par ton Évangile tu as parcouru la terre entière ; elle était couverte des ténèbres de l’idolâtrie ; tu l’as éclairée comme un soleil des rayons de la foi : prie Dieu maintenant qu’il daigne octroyer à nos âmes la paix et sa grande miséricorde.
Apôtre Marc, tu as accompli ta prédication dans la région où régna tout d’abord la folie de l’impiété ; messager de Dieu, l’éclat de tes paroles dissipa les ombres de l’Égypte ; demande aujourd’hui à Dieu qu’il nous donne la paix et sa grande miséricorde.
Disciple de Pierre, qui fut maître de la sagesse, honoré de son adoption, Marc, digne de toute louange, tu es devenu l’interprète des mystères du Christ et le cohéritier de sa gloire.
Ta voix a retenti par toute la terre ; la vertu de tes paroles, comme la trompette de David, a résonné jusqu’aux confins du monde, nous annonçant le salut et une nouvelle naissance.
Tes paroles ont été comme de doux ruisseaux de piété, et toi tu as été comme la montagne divine d’où ils émanent, toute rayonnante des feux du Soleil spirituel de la grâce, ô Marc très heureux !
Tu as jailli de la maison du Seigneur comme une source, et tu as arrosé les âmes altérées des eaux abondantes de l’Esprit-Saint, faisant produire à leur stérilité des fruits abondants, ô bienheureux Apôtre !
Pierre, le prince des Apôtres, t’a initié à sa merveilleuse doctrine ; il t’a chaîné d’écrire l’Évangile sacré, et t’a désigné comme le ministre de la grâce ; alors tu as fait briller à nos yeux la lumière qui fait connaître Dieu.
La grâce de l’Esprit-Saint étant descendue sur toi. Apôtre, tu as anéanti les subtilités de l’éloquence humaine, et semblable à un pécheur, tu as entraîné an Seigneur dans ton filet toutes les nations, ô Marc digne de tout éloge, prédicateur du divin Évangile.
Tu as été le digne disciple du Prince des Apôtres ; comme lui tu as proclame-le Christ Fils de Dieu ; tu as établi sur la Pierre de vérité ceux qui flottaient au vent de l’erreur. Établis-moi aussi sur cette Pierre, ô Marc plein de sagesse ; dirige les pas de mon âme, afin que j’échappe aux pièges de l’ennemi, et que je puisse te glorifier sans obstacles, o toi qui as répandu la lumière sur tous les hommes en leur adressant l’Évangile divin.

Vous êtes, ô Marc, le Lion mystérieux attelé avec l’Homme, le Taureau et l’Aigle, au char sur lequel le Roi des rois s’avance à la conquête du monde. Dès l’ancienne Alliance, Ézéchiel vous vit dans le ciel, et Jean, le Prophète de la Loi nouvelle, vous a reconnu près du trône de Jéhovah. Quelle gloire est la vôtre ! Historien du Verbe fait chair, vous racontez à toutes les générations ses titres à l’amour et à l’adoration des hommes ; l’Église s’incline devant vos récits, et les proclame inspirés par l’Esprit-Saint.

Nous vous avons entendu au jour même de la Pâque nous raconter la résurrection de notre Sauveur ; faites, ô saint Évangéliste, que ce divin mystère produise en nous tous ses fruits ; que notre cœur, comme le vôtre, s’attache au divin Ressuscité, afin que nous le suivions partout dans cette vie nouvelle qu’il nous a ouverte en ressuscitant le premier. Demandez-lui qu’il daigne nous donner sa paix, comme il l’a donnée à ses Apôtres en leur apparaissant dans le Cénacle, comme il vous la donna à vous-même dans la prison.

Glorieux Marc, vous fûtes le disciple chéri de Pierre ; Rome s’honore de vous avoir possédé dans ses murs ; priez aujourd’hui pour le successeur de Pierre votre maître, pour l’Église Romaine battue par la tempête Lion évangélique, implorez le Lion de la tribu de Juda en faveur de son peuple ; réveillez-le de son sommeil ; priez-le de se lever dans sa force : par son seul aspect, il dissipera tous les ennemis.

Apôtre de l’Égypte, qu’est devenue votre florissante Église d’Alexandrie, le second siège de Pierre, empourpré de votre sang ? Les ruines mêmes ont péri. Le vent brûlant de l’hérésie avait désolé l’Égypte, et Dieu dans sa colère déchaîna sur elle, il y a douze siècles, le torrent de l’islamisme. Ces contrées doivent-elles renoncer pour jamais à voir briller de nouveau le flambeau de la foi, jusqu’à l’arrivée du Juge des vivants et des morts ? Nous l’ignorons : mais au milieu des événements qui se succèdent, nous osons vous prier, ô Marc, d’intercéder pour ces régions que vous avez évangélisées, et où les âmes sont aussi dévastées que le sol.

Vous vous souviendrez aussi de Venise, ô Marc ! Sa couronne est tombée, peut-être sans retour ; mais là vit encore ce peuple dont les ancêtres se donnèrent à vous. Conservez la foi dans son sein ; faites qu’il prospère, qu’il se relevé de ses épreuves, qu’il rende gloire à Dieu qui l’a châtié dans sa justice. Toute nation qui s’unit à l’Église sera bénie : que Venise revienne aux traditions de son antique fidélité à Rome ; et qui sait si le Seigneur, fléchi par vos instances, ô céleste protecteur, ne rouvrira pas pour elle le cours de ces nobles destinées qui ne s’arrêtèrent qu’au jour où, devenue infidèle à tout son passé, elle s’éleva contre sa mère, et oublia les palmes glorieuses de Lépante ?

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Aujourd’hui se célébraient à Rome les Robigalia, remplacés plus tard par la procession chrétienne qui se déroulait le long de la voie Flaminienne jusqu’au pont Milvius et rejoignait ensuite Saint-Pierre. La fête de l’évangéliste Marc dut donc attendre presque jusqu’au XIIe siècle avant d’être inscrite régulièrement dans le Calendrier romain. Ce retard est d’autant plus surprenant que saint Marc fut parmi les premiers hérauts qui, avec saint Pierre, annoncèrent à Rome la bonne nouvelle ; en outre, il écrivit son Évangile dans la Ville éternelle, à la demande des Romains eux-mêmes, et quand, un peu plus tard, Paul y subit son premier emprisonnement, Marc lui prêta avec Luc une affectueuse assistance, comme il l’avait déjà fait en faveur du Prince des Apôtres.

Cependant cet oubli, que l’on pourrait taxer d’ingratitude, n’est pas isolé. Jean lui aussi a prêché à Rome et y a trouvé le martyre dans la chaudière d’huile bouillante. Et pourtant, on dirait presque que sa présence dans la Ville éternelle n’a laissé aucune trace, comme cela arriva également pour Luc et pour d’autres insignes personnages de l’âge apostolique. Cette anomalie s’explique pourtant aisément. A l’origine, les commémorations liturgiques des saints avaient un caractère local et funéraire, étant exclusivement célébrées près de leurs tombeaux respectifs. Comme ni Jean, ni Luc, ni Marc, ni, à notre connaissance, d’autres premiers compagnons des Apôtres ne finirent leurs jours à Rome, les diptyques romains n’enregistrèrent pas leur déposition ou natalis. Les calendriers du moyen âge à Rome dépendent principalement de ces listes, aussi s’explique-t-on leur silence. Près du portique in Pallacinis, dans la première moitié du IVe siècle, le pape Marc érigea une basilique qui, avec le temps, prit le nom de l’évangéliste homonyme. D’autres églises également, au moyen âge, furent dédiées à saint Marc, comme celles de calcarario, in macello, etc. Mais la splendide basilique du pape Marc les surpassa toutes en célébrité tant par sa beauté que par l’importance exceptionnelle qu’elle acquit dans l’histoire.

Aujourd’hui les Litanies majeures se terminent par la messe stationnale à Saint-Pierre. La procession litanique n’est donc aucunement en relation avec la fête de saint Marc, si bien que, quand celle-ci est remise à un autre jour, on ne transfère point pour cela les Litanies majeures. Il n’est fait d’exception que pour la fête de Pâques, car si celle-ci tombait le 25 avril, la procession se célébrerait alors le mardi suivant. Dans le bas moyen âge disparut de Rome tout souvenir des Robigalia avec le parcours traditionnel du classique cortège de la jeunesse romaine le long de la voie Flaminienne. La procession avait accoutumé de se rendre du Latran à la basilique de Saint-Marc, et, de là, se dirigeait vers Saint-Pierre ; ce rite demeura en vigueur jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle.

Les antiennes et les répons de la messe de saint Marc sont empruntés à la messe Protexisti, qui est celle des Martyrs durant le temps pascal.

Néanmoins les collectes et les lectures sont propres.

« O Dieu, qui avez élevé le bienheureux Marc, votre évangéliste, à la grâce d’annoncer la Bonne Nouvelle, faites que nous puissions profiter toujours de sa doctrine afin d’être protégés par sa prière. Par notre Seigneur, etc. » : Souvent, dans la sainte Écriture, la parole de Dieu est comparée à une source d’eau, qui apaise les ardeurs de la soif, rafraîchit la terre aride, la féconde et fait reverdir les plantes.

Dans le haut moyen âge, les fontaines publiques revêtaient pour cette raison un certain caractère religieux, en tant qu’elles symbolisaient le Verbe et la grâce divine. Nous en avons pour preuve, entre autres témoignages, un puteal qui existe encore sous le portique de la basilique de Saint-Marc de Pallacine, avec cette légende :

DE • BONIS • DEI • ET • SANCTI • MARCI • IOHANNES • PRESBITER • FIERI • ROGABIT
OMNES • SITIENTES • VENITE • AD • AQVAS • ET • SI • QVIS • DE • ISTA • AQVA • PRETIO
TVLERIT • ANATHEMA • SIT.

Qu’il est beau, dans l’esprit du moyen âge, cet anathème lancé contre celui qui aurait trafiqué de ce puteal par cela seul qu’il symbolisait l’eau de la grâce, qu’on n’eût pu vendre pour de l’argent sans se rendre coupable de simonie.

Le texte d’Ézéchiel, lu en ce jour (I, 10-14), décrit les symboles des quatre saints Évangiles qui, dictés par un même Esprit, reflètent en un quadruple rayon la lumière et la sagesse du Verbe éternel de Dieu. Quand l’œil humain, obscurci par le voile de l’infidélité et des passions, veut lire la sainte Écriture, il l’estime sans doute le livre le plus simple et le plus puéril qui se puisse imaginer. Au contraire, quand avec une humble foi, l’œil pur et fort du croyant se fixe sur ces pages sacrées, la vue demeure comme éblouie par cette lumière divine, et l’intellect créé, pénétrant les secrets de la Sagesse incréée, sent la vanité de tous les raisonnements humains. C’est à cet état de sublime ignorance que fut élevé saint Paul—et, après lui, beaucoup d’autres saints — et dont il déclare ne trouver dans le langage terrestre ni paroles ni concepts aptes à exprimer ce qu’il y a vu.

L’Évangile est le récit de la vocation et de la mission des soixante-douze disciples du Sauveur. Selon toute probabilité, Marc ne fut pas de ce nombre ; mais appelé plus tard à la suite du Seigneur, il accomplit lui aussi parfaitement les œuvres de l’apostolat.

Des historiens récents ont voulu voir dans les documents scripturaires quelque allusion au caractère un peu timide de saint Marc. Quand, au soir de l’arrestation de Jésus, le jeune Marc, éveillé en sursaut de son sommeil, sortit sur la route enveloppé simplement dans son ample drap de toile, on l’arrêta, et lui, tout effrayé, se débarrassa adroitement du drap et s’échappa nu des mains des soldats. Cet incident dut toutefois l’impressionner et influer sur son caractère craintif ; il était fait plutôt pour travailler docilement dans une position subordonnée que pour assumer la responsabilité des initiatives hardies. Élevé au sein d’une famille distinguée de Jérusalem, et ayant grandi au milieu des Apôtres, le jeune Marc accompagna son cousin Barnabé et saint Paul dans leur première mission apostolique en Pamphylie et finit par perdre courage à cause de la hardiesse audacieuse des deux missionnaires juifs qui, en terre païenne, traitaient librement avec les Gentils exécrés de la Thora, et leur donnaient part à l’héritage des fils d’Abraham. En cette circonstance, Marc sentit que son heure n’avait pas encore sonné pour ce service d’avant-garde, et, prenant congé des deux missionnaires, il retourna au port tranquille de Jérusalem. Cependant il portait le germe de la vocation à l’apostolat, et c’est pourquoi il ne se sentit point en repos dans la paisible demeure du Cénacle. Quelque temps après il voulut faire comme amende honorable de ce qu’il considérait comme une faiblesse et il proposa aux deux apôtres de les accompagner dans leur seconde mission. Mais cette fois, Paul, qui connaissait le caractère encore insuffisamment mûri de Marc, craignit que sa présence fût plutôt un obstacle qu’une aide pour la conversion des Grecs, et refusa de l’accepter ; c’est pourquoi il partit avec son cousin dans la direction de Salamine.

Quand enfin, en 61-62, Paul est prisonnier à Rome, nous retrouvons à ses côtés l’évangéliste Luc et Marc, qui, après une courte absence en Asie Mineure et à Colosses, grâce à la deuxième lettre adressée à Timothée, a été de nouveau appelé auprès de Paul, comme une personne mihi utilis in ministerium [2]. On voit que le désaccord momentané entre l’Apôtre, Barnabé et son cousin, n’avait laissé aucune trace dans ces âmes grandes et généreuses. Durant le voyage de Paul en Espagne, Marc demeura à Rome et servit d’interprète à Pierre, dont, à la demande des fidèles, il mit ensuite par écrit les catéchèses.

Après le martyre des deux Apôtres, une antique tradition rapporte que Marc alla à Alexandrie, où, au commencement du IVe siècle, on voyait son sépulcre.

La préface est celle qui est commune aux apôtres. Les manuscrits nous donnent toutefois le texte suivant : ... per Christum Dominum nostrun. Cuius gratia beatum Marcum in sacerdotium elegit, doctrina ad praedicandum erudit, potentia ad perseverandum confirmavit, ut per sacerdotalem infulam pervenerit ad martyrii paltnam ; docensque subditos, instruens vivendi exemplo, confirmans patiendo, ad Te coronandus perveniret, qui persecutorum minas intrepidus superasset. Cuius interventus, nos quaesumus, a nostris mundet delictis, qui tibi placuit tot donorum praerogativis. Per quem, etc.

Quand Dieu appelle, il ne faut pas reculer par crainte du péril et de la propre faiblesse. En ce cas, la grâce recouvre les défauts de la nature, comme il advint pour saint Marc. Son caractère était naturellement timide, et il eut un premier moment de défiance, mais la grâce finit par prendre sur lui l’avantage, si bien qu’il devint l’« interprète » de Pierre, l’Évangéliste glorieux, l’apôtre de l’Égypte et le fondateur du trône des patriarches d’Alexandrie, héritiers chrétiens de la puissance des anciens Pharaons.

Les vers du pape Grégoire IV, sous la mosaïque absidale du titulus Marci in Pallacine ne sont pas sans intérêt :

VASTA • THOLI • PRIMO • SISTVNT • FVNDAMINE • FVLCRA
QVAE • SALOMONIACO • FVLGENT • SVB • SIDERA • RITV
HAEC • TIBI • PROQVE • TVO • PERFECIT • PRAESVL • HONORE
GREGORII • MARGE • EXIMIO • CVM • NOMINE • QVARTVS
TV • QVOQVE • POSCE • DEVM • VIVENDI - TEMPORA • LONGA
DONET • ET • AD • CAELI • POST • FVNVS • SYDERA • DVCAT
La voûte de l’abside s’élève sur un solide fondement ;
Comme le temple de Salomon, elle resplendit, irradiée par le soleil.
En ton honneur, ô évêque Marc, il éleva cette voûte
Celui qui, le quatrième, porte l’illustre nom de Grégoire.
A ton tour, demande pour lui à Dieu une longue vie
Et, après sa mort, le royaume céleste.

Donc au IXe siècle, ce temple continuait à être dédié, non à l’Évangéliste d’Alexandrie, mais au MARCVS PRAESVL, c’est-à-dire au Pape qui avait fondé le Titre de Pallacines et qui y était enseveli.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

L’Église a donné un rang élevé à la fête de ce saint parce qu’il est l’auteur du second évangile. Saint Marc nous a fait un présent dont nous devons lui être toujours reconnaissants. — Jean Marc, appelé plus tard simplement Marc, l’auteur du second évangile, était Juif de naissance. Sa mère s’appelait Marie (Act. Ap., XII, 12). Marie était la propriétaire du Cénacle, la salle de la Cène, qui fut le lieu de réunion de l’Église naissante de Jérusalem. Au moment de la mort du Seigneur, Marc n’était encore qu’un jeune homme. Il semble que le jeune homme qui assistait à l’arrestation de Jésus et qui échappa aux gardes en laissant son manteau entre leurs mains (Marc XIV, 31) n’était autre que Marc. « Le peintre a placé son monogramme dans un coin sombre du tableau ». Dans les années suivantes, le jeune homme, qui devenait un homme, aura suivi, dans la maison de sa mère ; la croissance de la jeune Église, il aura recueilli toutes les traditions qu’il sut utiliser dans la rédaction de son évangile. Plus tard, nous voyons Marc accompagner Barnabé qui était son cousin, ainsi que Paul, à Antioche et, peu de temps après, dans le premier voyage de mission (Act. Ap., XI, 3 ; XII, 25 ; XII, 5). Mais il n’était pas de taille à supporter les fatigues d’un tel voyage ; à Pergé, en Pamphilie, il quitta ses compagnons et s’en revint. Quand les deux Apôtres entreprirent leur second voyage, Barnabé voulut emmener son cousin. Paul s’y refusa et renonça à la compagnie de Barnabé. Barnabé s’en alla avec Marc évangéliser Chypre. Plus tard, les relations entre Paul et Marc devinrent plus intimes. Dans sa première captivité romaine (61-63), Marc lui rendit de grands services (Col. IV, 10 ; Philem. 24), et l’Apôtre se mit à l’apprécier. Dans sa seconde captivité, il le réclama (II Tim., IV, II). Marc eut des relations particulièrement amicales avec saint Pierre ; il fut son disciple, son compagnon, son interprète. D’après la tradition unanime des Pères, il était présent à Rome pendant la prédication de Pierre, et c’est sous l’influence du prince des Apôtres qu’il composa son évangile. Aussi les passages où il est question de Pierre sont très développés (par ex. le grand jour de Capharnaüm I, 14 sq.). Sur ce qui concerne la fin de la vie de Marc, on a peu de renseignements. Il est certain qu’il fut évêque d’Alexandrie, en Égypte, et y subit le martyre. Ses reliques furent transportées d’Alexandrie à Venise où elles ont trouvé, dans la cathédrale de Saint-Marc, un magnifique tombeau.

L’évangile de saint Marc est, il est vrai, le plus court des quatre et est assez peu utilisé dans la liturgie. Cependant il a aussi ses avantages. C’est avant tout l’évangile romain. Il a été composé à Rome et est adressé à la chrétienté romaine ou, pour mieux dire, à la chrétienté occidentale. Un autre avantage, c’est qu’il expose la vie du Seigneur dans l’ordre chronologique et il est bien certain que nous tenons à connaître les événements de la vie du Seigneur dans leur succession historique. En outre, Marc est un miniaturiste. Souvent, d’un mot, d’une addition, il donne à une scène déjà connue une nouvelle lumière. Cet évangile est l’évangile de Pierre. Il est certain qu’il a été rédigé avec la collaboration et sous la surveillance du prince des Apôtres. « L’évangéliste Marc a comme symbole le lion parce qu’il commence par le désert : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur ; ou bien parce que le Seigneur règne comme un Roi invincible » (c’est ce que l’évêque explique aux catéchumènes le mercredi après le quatrième dimanche de Carême).

La messe (Protexisti.) — La messe est composée de parties du commun des martyrs au temps pascal et de parties du commun des évangélistes. A l’Introït, nous entendons le saint martyr chanter son cantique d’action de grâces : « Dieu m’a protégé dans le martyre ». Le psaume 63 chante sa victoire sur ses ennemis. La leçon et l’Évangile sont choisis en considération de l’évangéliste et du disciple. Ézéchiel voit les quatre Chérubins sous quatre aspects différents. Cette quadruple forme est interprétée par les saints Pères comme le symbole des quatre évangélistes ; Marc a le symbole du lion. L’Évangile raconte l’envoi des 72 disciples. Le Seigneur recommande à tous ses disciples — et nous le sommes, nous aussi — de restreindre leurs besoins et d’avoir le zèle des âmes.

[1] Suite de l’Homélie : A chacun d’eux appartiennent donc les quatre faces. Voulez-vous, en effet, savoir ce que pense saint Matthieu du mystère de l’Incarnation du Verbe ? Il a sur ce point la même doctrine que saint Marc, saint Luc et saint Jean. Voulez-vous savoir ce qu’en pense saint Jean ? Il n’a pas d’autre sentiment à cet égard que saint Luc, saint Marc et saint Matthieu. Cherchez-vous ce qu’en pense saint Marc ? C’est aussi ce qu’en pensent saint Matthieu, saint Jean et saint Luc. Voulez-vous enfin connaître sur cette question le sentiment de saint Luc ? C’est le même encore que celui de saint Jean, de saint Matthieu et de saint Marc. Les quatre faces appartiennent donc bien réellement a chacun d’eux, car la notion de la foi par laquelle Dieu les connaît est, dans chacun pris isolément, la même que dans les quatre réunis. Ce que vous trouvez dans l’un d’eux, vous le voyez également dans tous les quatre. « Et chacun d’eux avait quatre ailes. » Tous, d’un commun accord, annoncent le Fils de Dieu tout-puissant, Jésus-Christ notre Seigneur, et tenant les yeux de l’âme levés vers sa divinité, ils volent sur les ailes de la contemplation. Les faces des quatre Évangélistes ont donc rapport à la sainte humanité du Sauveur, et leurs ailes à sa divinité. Quand ils le considèrent revêtu d’un corps, ils tournent en quelque sorte leurs faces vers lui, et quand ils proclament qu’il est, en tant que Dieu, l’Être infini et incorporel, ils s’élèvent, pour ainsi dire dans les airs, sur les ailes de la contemplation. Comme ils ont tous une même foi en son Incarnation, et que les uns et les autres ont aussi le privilège de contempler sa divinité, il est juste de dire : « Chacun d’eux avait quatre faces, et chacun d’eux quatre ailes. »

[2] II Timot., IV, 11.