Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
Voir aussi le commentaire au Jeudi de Pâques
Le culte de Ste Marie-Madeleine apparaît à Rome au XIe siècle. La messe est attestée au siècle suivant. Mais les formulaires différeront selon le portrait que l’on veut dresser de la sainte : præco Resurrectionis, l’annonciatrice de la Résurrection ; la sœur de Lazare (collecte de la messe actuelle), la pécheresse de l’Évangile, etc…
Certains penseurs modernes et rationalistes continuent de séparer les ‘trois’ Madeleines : la tradition de l’Église à ce sujet est ferme depuis St Grégoire le Grand, et il n’y a aucune raison, même exégétique ou historico-critique de la remettre en doute, même si les traditions orientales le font. La pécheresse de l’Évangile, sœur de Lazare, devenue avec sa fratrie des familiers de Notre-Seigneur est bien la femme qui sera honorée de l’apparition de Notre-Seigneur et de la mission d’annoncer la Résurrection aux Apôtres eux-mêmes. L’Office liturgique en est une preuve à lui seul.
Ant. ad Introitum. Ps. 118, 95-96. | Introït |
Me exspectavérunt peccatóres, ut pérderent me : testimónia tua, Dómine, intelléxi : omnis consummatiónis vidi finem : latum mandátum tuum nimis. | Les pécheurs m’ont attendu pour me perdre : mais j’ai compris vos enseignements, Seigneur : j’ai vu la fin de toute perfection : votre loi a une étendue infinie. |
Ps. Ibid., 1. | |
Beáti immaculáti in via : qui ámbulant in lege Dómini. | Heureux ceux qui sont immaculés dans la voie : qui marchent dans la loi du Seigneur. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Beátæ Maríæ Magdalénæ, quǽsumus, Dómine, suffrágiis adiuvémur : cuius précibus exorátus, quatriduánum fratrem Lázarum vivum ab ínferis resuscitásti : Qui vivis. | Nous vous prions, Seigneur, par les suffrages de la bienheureuse Marie-Madeleine, de venir à notre aide : vous qui, fléchi par ses prières, avez ressuscité vivant des enfers son frère Lazare, mort depuis quatre jours. |
Léctio libri Sapiéntiæ. | Lecture du Livre de la Sagesse. |
Cant. 3, 2-5 ; 8, 6-7. | |
Surgam, et circuíbo civitátem : per vicos et pláteas quæram, quem díligit ánima mea : quæsívi illum, et non invéni. Invenérunt me vígiles, qui custódiunt civitátem. Num quem díligit ánima mea, vidístis ? Páululum cum pertransíssem eos, invéni, quem díligit ánima mea : ténui eum, nec dimíttam, donec introdúcam illum in domum matris meæ et in cubículum genetrícis meæ. Adiúro vos, fíliæ Ierúsalem, per cápreas cervósque campórum, ne suscitétis neque evigiláre faciátis diléctam, donec ipsa velit. Pone me ut signáculum super cor tuum, ut signáculum super bráchium tuum : quia fortis est ut mors diléctio, dura sicut inférnus æmulátio : lámpades eius lámpades ignis atque flammárum. Aquæ multæ non potuérunt exstínguere caritátem, nec flúmina óbruent illam : si déderit homo omnem substántiam domus suæ pro dilectióne, quasi nihil despíciet eam. | Je me lèverai, je parcourrai la ville ; les rues et les places, je chercherai celui que mon cœur aime : Je l’ai cherché et Je ne l’ai point trouvé. Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville : "Avez-vous vu celui que mon cœur aime ?" A peine les avais-je dépassés, que j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et je ne le lâcherai pas, jusqu’à ce que je l’aie introduit dans la maison de ma mère, et dans la chambre de celle qui m’a donné le jour. Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas la bien-aimée, avant qu’elle le veuille. Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort, la jalousie est inflexible comme l’enfer. Ses ardeurs sont des ardeurs de feu. Les grandes eaux ne sauraient éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeraient pas. Un homme donnerait-il pour l’amour toutes les richesses de sa maison, on ne ferait que le mépriser. |
Graduale. Ps. 44, 8. | Graduel |
Dilexísti iustítiam, et odísti iniquitátem. | Vous avez aimé la justice et haï l’iniquité. |
V/. Proptérea unxit te Deus, Deus tuus, óleo lætítiæ. | V/. C’est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a oint d’une huile d’allégresse. |
Allelúia, allelúia. V/. Ibid. 3. Diffúsa est grátia in labiis tuis : proptérea benedíxit te Deus in ætérnum. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. La grâce est répandue sur vos lèvres : c’est pourquoi Dieu vous a bénie à jamais et pour tous les siècles. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam. | Suite du Saint Évangile selon saint Luc. |
Luc. 7, 36-50. | |
In illo témpore : Rogábat Iesum quidam de pharisǽis, ut manducáret cum illo. Et ingréssus domum pharisǽi, discúbuit. Et ecce múlier, quæ erat in civitáte peccátrix, ut cognóvit, quod accubuísset in domo pharisǽi, áttulit alabástrum unguénti : et stans retro secus pedes eius, lácrimis cœpit rigáre pedes eius, et capillis cápitis sui tergébat, et osculabátur pedes eius, et unguénto ungébat. Videns autem pharisǽus, qui vocáverat eum, ait intra se, dicens : Hic si esset Propheta, sciret útique, quæ et qualis est múlier, quæ tangit eum : quia peccátrix est. Et respóndens Iesus, dixit ad illum : Simon, hábeo tibi áliquid dícere. At ille ait : Magíster, dic. Duo debitóres erant cuidam fœneratóri : unus debébat denários Quingéntos, et alius quinquagínta. Non habéntibus illis, unde rédderent, donávit utrísque. Quis ergo eum plus díligit ? Respóndens Simon, dixit : Æstimo, quia is, cui plus donávit. At ille dixit ei : Recte iudicásti. Et convérsus ad mulíerem, dixit Simóni : Vides hanc mulíerem ? Intrávi in domum tuam, aquam pédibus meis non dedísti : hæc autem lácrimis rigávit pedes meos et capíllis suis tersit. Osculum mihi non dedísti : hæc autem, ex quo intrávit, non cessávit osculári pedes meos. Oleo caput meum non unxísti : hæc autem unguénto unxit pedes meos. Propter quod dico tibi : Remittúntur ei peccáta multa, quóniam diléxit multum. Cui autem minus dimíttitur, minus díligit. Dixit autem ad illam : Remittúntur tibi peccáta. Et cœpérunt, qui simul accumbébant, dícere intra se : Quis est hic, qui étiam peccáta dimíttít ? Dixit autem ad mulíerem : Fides tua te salvam fecit : vade in pace. | En ce temps-là : Un Pharisien invita Jésus à manger avec lui. Il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. Et voici qu’une femme qui, dans la ville, était pécheresse, ayant appris qu’il était à table dans la maison du Pharisien, apporta un vase d’albâtre (plein) de parfum ; et se tenant par derrière, près de ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à arroser ses pieds de ses larmes, et elle essuyait avec les cheveux de sa tête et embrassait ses pieds, et elle les oignait de parfum. A cette vue, le Pharisien qui l’avait invité se dit en lui-même : "S’il était prophète, il saurait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, que c’est une pécheresse." Et prenant la parole, Jésus lui dit : "Simon, j’ai quelque chose à te dire." Et lui : "Maître, parlez." dit-il. "Un créancier avait deux débiteurs : l’un devait cinq cents deniers et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi rendre, il fit remise à tous les deux. Lequel donc d’entre eux l’aimera davantage ?" Simon répondit : "Celui, je pense, auquel il a remis le plus." Il lui dit : "Tu as bien jugé." Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : "Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu n’as pas versé d’eau sur mes pieds ; mais elle, elle a arrosé mes pieds de (ses) larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, elle ne cessait pas d’embrasser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui l’on pardonne peu, aime peu." Et à elle, il dit : "Tes péchés sont pardonnés." Et les convives se mirent à se dire en eux-mêmes : "Qui est celui-ci qui même pardonne les péchés ?" Et il dit à la femme : "Ta foi t’a sauvée, va en paix." |
Ante 1960 : Credo | Avant 1960 : Credo |
Ant. ad Offertorium. Ps. 44, 10. | Offertoire |
Fíliæ regum in honóre tuo, ástitit regína a dextris tuis in vestítu deauráto, circúmdata varietate. | Les filles des rois sont dans votre gloire, la reine se tient à votre droite en vêtements tissés d’or, couverte de broderies. |
Secreta | Secrète |
Múnera nostra, quǽsumus. Dómine, beátæ Maríæ Magdalénæ gloriósa mérita tibi reddant accépta : cuius oblatiónis obséquium unigénitus Fílius tuus cleménter suscépit impénsum : Qui tecum vivit et regnat. | Nous vous en supplions, Seigneur, que nos dons vous soient rendus agréables par l’évocation des glorieux mérites de la bienheureuse Marie-Madeleine dont votre Fils Unique a accepté les témoignages de vénération et l’offrande de grand prix. |
Ant. ad Communionem. Ps. 118, 121, 122 et 128. | Communion |
Feci iudícium et iustítiam, Dómine, non calumniéntur mihi supérbi : ad ómnia mandáta tua dirigébar, omnem viam iniquitátis ódio hábui. | J’ai accompli le droit et la justice, Seigneur, que les superbes cessent de me calomnier : je me suis conformé à vos commandements, j’ai haï toute voie d’injustice. |
Postcommunio | Postcommunion |
Sumpto, quǽsumus, Dómine, único ac salutári remédio, Córpore et Sánguine tuo pretióso : ab ómnibus malis, sanctæ Maríæ Magdalénæ patrocíniis, eruámur : Qui vivis et regnas. | Ayant reçu l’unique et salutaire remède des âmes, votre Corps et votre Sang précieux : nous vous en supplions, Seigneur, de faire qu’en raison du patronage de saint Marie-Madeleine, nous soyons arrachés à tous les maux. |
Aux 1ères Vêpres avant 1955.
Capitule et Hymne comme aux 2ndes Vêpres.
V/. Diffúsa est grátia in lábiis tuis. | V/. La grâce est répandue sur vos lèvres [1]. |
R/. Proptérea benedíxit te Deus in ætérnum. | R/. C’est pourquoi Dieu vous a béni pour l’éternité. |
Ad Magnificat Ant. Múlier * quæ erat in civitáte peccátrix, ut cognóvit quod Iesus accúbuit in domo Simónis leprósi, áttulit alabástrum unguénti, et stans retro secus pedes Iesu, lácrimis cœpit rigáre pedes eius, et capíllis cápitis sui tergébat, et osculabátur pedes eius, et unguénto ungébat [2]. | Ant. au Magnificat Une femme * connue dans la ville pour une pécheresse, ayant su que Jésus était à table dans la maison de Simon le lépreux, apporta un vase d’albâtre plein de parfums ; et se tenant par derrière, aux pieds de Jésus, elle commença à les arroser de ses larmes ; et les essuyant avec ses cheveux, elle les baisait et les oignait de parfums. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Beátæ Maríæ Magdalénæ, quǽsumus, Dómine, suffrágiis adiuvémur : cuius précibus exorátus, quatriduánum fratrem Lázarum vivum ab ínferis resuscitásti : Qui vivis. | Nous vous prions, Seigneur, par les suffrages de la bienheureuse Marie-Madeleine, de venir à notre aide : vous qui, fléchi par ses prières, avez ressuscité vivant des enfers son frère Lazare, mort depuis quatre jours. |
Matines avant 1960.
Invitatorium | Invitatoire |
Laudémus Deum nostrum * In conversióne Maríæ Magdalénæ. | Louons notre Dieu, * En la conversion de Marie-Madeleine. |
Psaume 94 (Invitatoire) | |
Hymnus | Hymne |
María castis ósculis
Lambit Dei vestígia, Fletu rigat, tergit comis, Detérsa nardo pérlinit | Marie, de chastes baisers
caresse les pieds d’un Dieu, elle les inonde de ses pleurs, les essuie de ses cheveux, puis essuyés, les parfume de nard. |
Deo Patri sit glória,
Eiúsque soli Fílio, Cum Spíritu Paráclito, Nunc, et per omne sǽculum. Amen. | Gloire soit à Dieu le Père,
et à son Fils unique, ainsi qu’à l’Esprit Paraclet, maintenant et dans tous les siècles. Ainsi soit-il. |
In I Nocturno | Au 1er Nocturne |
Psaumes et verset du jour de la semaine. | |
Lectio i | 1ère leçon |
De Cánticis canticórum. | Du Cantique des cantiques [3]. |
Cap. 3, 1-4. | |
In léctulo meo per noctes quæsívi quem díligit ánima mea ; quæsívi illum et non invéni. Surgam et circuíbo civitátem per vicos et platéas, quæram quem díligit ánima mea : quæsívi illum et non invéni. Invenérunt me vígiles qui custódiunt civitátem. Num quem díligit ánima mea vidístis ? Páululum cum pertransíssem eos, invéni quem díligit ánima mea, ténui eum, nec dimíttam, donec introdúcam illum in domum matris meæ et in cubículum genitrícis meæ. | Sur ma couche, pendant les nuits, j’ai cherché celui que chérit mon âme ; je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé. Je me lèverai, et je ferai le tour de la cité ; dans les bourgs et les places publiques, je chercherai celui que chérit mon âme ; je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé. Elles m’ont rencontrée, les sentinelles qui gardent la cité : Celui que chérit mon âme, est-ce que vous ne l’avez pas vu ? Lorsque je les ai eu un peu dépassées, j’ai rencontré celui que chérit mon âme ; je l’ai saisi et je ne le laisserai pas aller, jusqu’à ce que je l’introduise dans la maison de ma mère, et dans la chambre de celle qui m’a donné le jour. |
R/. María Magdaléne, et áltera María ibant dilúculo ad monuméntum. * Iesum quem quǽritis, non est hic, surréxit sicut locútus est, præcédet vos in Galilǽam, ibi eum vidébitis. | R/. Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent au point du jour au sépulcre [4] : * Jésus, que vous cherchez, n’est point ici ; il est ressuscité, comme il l’a dit ; il vous précédera en Galilée, c’est là que vous le verrez. |
V/. Et valde mane una sabbatórum véniunt ad monuméntum, orto iam sole : et introeúntes vidérunt iúvenem sedéntem in dextris, qui dixit illis. | V/. Parties de grand matin, le premier jour de la semaine, elles arrivèrent au sépulcre, le soleil étant déjà levé ; et, y entrant, elles aperçurent un jeune homme assis à droite, qui leur dit [5]. |
* Iesum quem quǽritis, non est hic, surréxit sicut locútus est, præcédet vos in Galilǽam, ibi eum vidébitis. | * Jésus, que vous cherchez, n’est point ici ; il est ressuscité, comme il l’a dit ; il vous précédera en Galilée, c’est là que vous le verrez. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 8, 1-4. | |
Quis mihi det te fratrem meum sugéntem úbera matris meæ, ut invéniam te foris et deósculer te, et iam me nemo despíciat ? Apprehéndam te et ducam in domum matris meæ ; ibi me docébis, et dabo tibi póculum ex vino condíto et mustum malórum granatórum meórum. Læva eius sub cápite meo, et déxtera illíus amplexábitur me. Adiúro vos, fíliæ Ierúsalem, ne suscitétis neque evigiláre faciátis diléctam, donec ipsa velit. | Qui me donnera de t’avoir pour frère, suçant les mamelles de ma mère, afin que je te trouve dehors, que je te donne un baiser, et que désormais personne ne me méprise ! Je te prendrai, et je te conduirai dans la maison de ma mère ; là tu m’instruiras, et je te présenterai une coupe de vin aromatique, et le suc nouveau de mes grenades. Sa main gauche sera sous ma tête, et sa main droite m’embrassera. Je vous conjure, filles de Jérusalem, ne dérangez et ne réveillez pas la bien-aimée, jusqu’à ce qu’elle-même le veuille. |
R/. Congratulámini mihi, omnes qui dilígitis Dóminum, quia quem quærébam, appáruit mihi : * Et dum flerem ad monuméntum, vidi Dóminum meum, allelúia. | R/. Prenez part à ma joie vous tous qui aimez le Seigneur, car celui que je cherchais m’est apparu [6] : * Et tandis que je pleurais auprès du sépulcre, j’ai vu le Seigneur, alléluia [7]. |
V/. Recedéntibus discípulis, non recedébam, et amóris eius igne succénsa, ardébam desidério. | V/. Tandis que les disciples se retiraient, je ne me retirais point, et, embrasée du feu de son amour, je brûlais de désir [8]. |
* Et dum flerem ad monuméntum, vidi Dóminum meum, allelúia. | * Et tandis que je pleurais auprès du sépulcre, j’ai vu le Seigneur, alléluia. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 8, 5-7. | |
Quæ est ista, quæ ascéndit de desérto, delíciis áffluens, inníxa super diléctum suum ? Sub árbore malo suscitávi te, ibi corrúpta est mater tua, ibi violáta est génitrix tua. Pone me ut signáculum super cor tuum, ut signáculum super bráchium tuum, quia fortis est ut mors diléctio, dura sicut inférnus æmulátio ; lámpades eius lámpades ignis atque flammárum. Aquæ multæ non potuérunt exstínguere caritátem, nec flúmina óbruent illam. | Quelle est celle-ci qui monte du désert, comblée de délices, appuyée sur son bien-aimé ? Sous le pommier, je t’ai réveillée ; là a été corrompue ta mère, celle qui t’a donné le jour. Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; parce que l’amour est fort comme la mort ; le zèle de l’amour, inflexible comme l’enfer ; ses lampes sont des lampes de feu et de flammes. De grandes eaux n’ont pu éteindre la charité, des fleuves ne la submergeront pas. |
R/. Tulérunt Dóminum meum, et néscio ubi posuérunt eum. Dicunt ei Angeli : Múlier, quid ploras ? surréxit sicut dixit : * Præcédet vos in Galilǽam : ibi eum vidébitis. | R/. Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. Les Anges lui dirent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Il est ressuscité, comme il l’a dit : [9] * Il vous précédera en Galilée : c’est là que vous le verrez [10]. |
V/. Cum ergo fleret, inclinávit se, et prospéxit in monuméntum : et vidit duos Angelos in albis, sedéntes, qui dicunt ei. | V/. Or, tout en pleurant, elle se pencha, et regarda dans le sépulcre ; elle vit deux Anges vêtus de blanc, assis, qui lui dirent. [11] |
* Præcédet vos in Galilǽam : ibi eum vidébitis. Glória Patri. * Præcédet vos in Galilǽam : ibi eum vidébitis. | * Il vous précédera en Galilée : c’est là que vous le verrez. Gloire au Père. * Il vous précédera en Galilée : c’est là que vous le verrez. |
In II Nocturno | Au 2nd Nocturne |
Psaumes et verset du jour de la semaine. | |
Lectio iv | 4e leçon |
Sermo sancti Gregórii Papæ. | Sermon de saint Grégoire, Pape. |
Homilia 25 in Evangelia | |
María Magdaléne, quæ fúerat in civitáte peccátrix, amándo veritátem, lavit lácrimis máculas críminis : et vox Veritátis implétur, qua dícitur : Dimíssa sunt ei peccáta multa, quia diléxit multum. Quæ enim prius frígida peccándo remánserat, póstmodum amándo fórtiter ardébat. Quæ a monuménto Dómini, étiam discípulis recedéntibus, non recedébat. Exquirébat quem non invénerat ; flebat inquiréndo, et amóris sui igne succénsa, eius, quem ablátum crédidit, ardébat desidério. Unde cóntigit, ut eum sola tunc vidéret, quæ remánserat ut quǽreret : quia nimírum virtus boni óperis perseverántia est. | Marie-Madeleine, qui avait été « connue dans la ville comme pécheresse » [12], a lavé de ses larmes les taches de sa vie criminelle en aimant la vérité, et cette parole de la Vérité s’est accomplie : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé » [13]. Madeleine, qui auparavant était demeurée dans la froideur en péchant, était dans la suite embrasée d’ardeur dans son amour. Elle ne quittait point le sépulcre du Seigneur, alors même que les disciples s’en éloignaient. Elle chercha avec soin celui qu’elle n’avait point trouvé d’abord. Elle pleurait en le cherchant, et embrasée du feu de son amour, elle brûlait de retrouver celui qu’elle croyait enlevé ! Aussi arriva-t-il que Madeleine seule le vit alors, elle qui était restée pour le chercher ; c’est qu’en effet toute bonne œuvre a son mérite dans la persévérance. |
Les autres répons sont tirés du Commun des Saintes Femmes. | |
Lectio v | 5e leçon |
Quæsívit ergo prius, et mínime invénit : perseverávit ut quǽreret, unde et cóntigit ut inveníret : actúmque est, ut desidéria diláta créscerent, et crescéntia cáperent quod inveníssent. Hinc est enim quod de eódem sponsa Ecclésia in Cánticis canticórum dicit : In léctulo meo per noctes quæsívi quem díligit ánima mea. Diléctum namque in léctulo quǽrimus, quando, in præséntis vitæ aliquántula réquie. Redemptóris nostri desidério suspirámus. Per noctem quǽrimus : quia, etsi iam in illo mens vígilat, tamen adhuc óculus calígat. | Elle le chercha donc d’abord sans le trouver ; mais en continuant sa recherche, elle réussit enfin à le trouver. Il se fit que le retard augmenta ses désirs, et que ses désirs devenus plus vifs rencontrèrent ce qu’ils voulaient trouver. C’est ce qui fait dire à l’Épouse mystique, l’Église, parlant de cela dans le Cantique des cantiques : « Sur ma couche, pendant les nuits, j’ai cherché celui que chérit mon âme » [14]. Le bien-aimé, nous le cherchons, couchés sur notre lit, lorsque, dans le peu de repos que laisse la vie présente, le désir de voir notre Sauveur nous fait soupirer après lui. Nous le cherchons pendant la nuit ; car, si déjà notre esprit veille en pensant à lui, l’obscurité pèse encore sur notre vue. |
Lectio vi | 6e leçon |
Sed, qui diléctum suum non invénit, restat ut surgat, civitátem circúmeat, id est, sanctam electórum Ecclésiam mente et inquisitióne percúrrat ; per vicos eum et platéas quærat, id est, per angústa et lata gradiéntes aspíciat, ut, si qua inveníre in eis váleat, eius vestígia exquírat : quia sunt nonnúlli étiam vitæ sæculáris, qui imitándum áliquid hábeant de actióne virtútis. Quæréntes autem nos vígiles invéniunt, qui custódiunt civitátem : quia sancti Patres, qui Ecclésiæ statum custódiunt, bonis nostris stúdiis occúrrunt, ut suo vel verbo vel scripto nos dóceant. Quos cum páululum pertransímus, invenímus quem dilígimus : quia Redémptor noster, etsi humilitáte homo inter hómines, divinitáte tamen super hómines fuit. | Mais que celui qui ne trouve pas son bien-aimé se lève à la fin et fasse le tour de la ville ; c’est-à-dire, qu’il porte dans la sainte Église des élus les investigations de son esprit ; qu’il cherche par les rues et les places : c’est-à-dire qu’il observe ceux qui suivent les chemins étroits et ceux qui fréquentent les routes plus larges, pour voir s’il ne découvre pas quelques traces de Celui qu’il aime : car il y a des personnes, jusque dans la vie du siècle, qui offrent quelque chose à imiter pour la pratique de la vertu. Mais au milieu de nos recherches, nous voici rencontrés par les sentinelles de la ville : je veux dire que les saints Pères, qui veillent à la sécurité de l’Église, viennent au-devant de nos bons desseins, pour nous instruire et par leurs discours et par leurs écrits. Et c’est après les avoir un peu dépassés, que nous trouvons l’objet de notre amour. Car si notre humble Sauveur s’est fait l’égal des hommes par son humanité, il les a toujours surpassés par sa divinité. |
In III Nocturno | Au 3ème Nocturne |
Psaumes et verset du jour de la semaine. | |
Lectio vii | 7e leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam. | Lecture du saint Évangile selon saint Luc. |
Cap. 7, 36-50 . | |
In illo témpore : Rogábat Iesum quidam de pharisǽis, ut manducáret cum illo. Et ingréssus domum pharisǽi discúbuit. Et réliqua. | En ce temps-là : Un Pharisien invita Jésus à manger avec lui. Il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. Et le reste. |
Homilía sancti Augustíni Epíscopi. | Homélie de saint Augustin, Évêque. |
Liber 50 Homilia 23, tom. 10 | |
Evangélium cum legerétur, attentíssime audístis ; et res gesta narráta atque versáta est ante óculos cordis vestri. Vidístis enim, non carne, sed mente, Dóminum Iesum Christum in domo pharisǽi recumbéntem, et ab illo invitátum non fastidiéntem. Vidístis étiam in civitáte mulíerem famósam, mala útique fama, quæ erat peccátrix, non invitátam irruísse convívio ubi suus médicus recumbébat, et quæsísse pia impudéntia sanitátem ; írruens, quasi importúna convívio, opportúna benefício. Nóverat enim quanto morbo laboráret ; et illum ad sanándum esse idóneum, ad quem vénerat, sciébat. | Vous avez écouté très attentivement l’Évangile qu’on vient de lire, et le fait qu’il rapporte a été soigneusement retracé aux yeux de votre esprit. Vous avez vu, non des yeux du corps mais de ceux de l’âme, notre Seigneur Jésus-Christ s’asseoir à table chez un Pharisien dont il n’avait pas dédaigné l’invitation. Vous avez vu aussi une femme, célèbre dans la ville par sa mauvaise réputation, pénétrant dans la salle, sans avoir été conviée au repas offert au médecin de son âme, et osant, par une sainte hardiesse, lui demander sa guérison. Sa présence est importune pour un festin, mais très opportune par rapport au bienfait qu’elle attend. Madeleine connaissait, en effet, la gravité de son mal, et elle savait que celui qu’elle était venue trouver était capable de la guérir. |
Lectio viii | 8e leçon |
Accéssit ergo non ad caput Dómini, sed ad pedes. Et quæ diu male ambuláverat, vestígia recta quærébat. Prius fudit lácrimas cordis, et lavit Dómini pedes obséquio confessiónis, capíllis suis tersit, osculáta est, unxit ; tácita loquebátur, non sermónem promébat, sed devotiónem ostendébat. Quia ergo tétigit Dóminum rigándo, osculándo, tergéndo, unguéndo pedes eius ; pharisǽus, qui invitáverat Dóminum Iesum Christum, quia ex illo génere erat hóminum superbórum, de quibus Isaías prophéta dicit : Qui dicunt, Recéde longe a me, noli me tángere, quóniam mundus sum ; putávit Dóminum nescísse mulíerem. | Elle vint donc tout près du Seigneur, non à sa tête, mais à ses pieds, cherchant des traces de vertu, après avoir longtemps erré dans le vice. D’abord elle fait couler de son cœur un ruisseau de larmes, et en lave les pieds du divin Maître par l’humble aveu de ses fautes. Et les ayant essuyés avec ses cheveux, elle les baise et y répand une profusion de parfums. Son silence était tout un langage ; pas un mot ne sortait de sa bouche, mais elle faisait voir sa dévotion. La voyant donc toucher le Sauveur, voyant qu’elle arrose de larmes ses pieds, qu’elle les essuie, les couvre de baisers et les parfume, le Pharisien qui avait invité notre Seigneur Jésus-Christ, et qui était un de ces hommes superbes désignés par le Prophète Isaïe : « Qui disent : Retire-toi de moi, ne m’approche pas, parce que je suis pur » [15], ce Pharisien supposa que le Seigneur ne savait pas ce qu’était cette femme. |
Lectio ix | 9e leçon |
O pharisǽe invitátor et irrísor Dómini, Dóminum pascis, et a quo pascéndus sis, non intélligis ? Unde scis Dóminum nescísse, quæ fúerit illa múlier, nisi quia permíssa est accédere, nisi quia, illo patiénte, osculáta est pedes eius, nisi quia tersit, nisi quia unxit ? Hæc enim non débuit permítti fácere in pédibus mundis múlier immúnda ? Ad illíus ergo pharisǽi pedes si talis múlier accessísset, dictúrus erat, quod Isaías de tálibus dicit : Recéde a me, noli me tángere, quóniam mundus sum. Accéssit autem ad Dóminum immúnda, ut redíret munda ; accéssit ægra, ut redíret sana ; accéssit conféssa, ut redíret proféssa. | O Pharisien, qui invites le Seigneur et qui souris à son sujet, tu le nourris, et tu ne comprends point que c’est lui qui doit te nourrir ! D’où sais-tu qu’il ignore ce qu’a été cette femme, sinon parce que tu vois qu’il s’est laissé approcher, qu’elle lui baise les pieds, qu’elle les essuie et les parfume ? Apparemment il ne fallait point permettre à une femme impure de toucher des pieds si purs. Et si pareille femme fût venue aux pieds du Pharisien, il n’aurait pas manqué de lui dire ce qu’Isaïe met dans la bouche de ces orgueilleux : « Retire-toi de moi, et ne me touche pas, parce que je suis pur » [16]. Celle-ci, au contraire, eut accès auprès du Seigneur ; elle s’approcha souillée, pour s’en aller purifiée ; elle s’approcha malade, pour s’en aller guérie ; elle s’approcha en confessant ses fautes pour s’en aller ayant professé sa foi. |
Te Deum | |
A Laudes.
Capitulum Prov. 31. 10. | Capitule |
Mulíerem fortem quis invéniet ? Procul et de últimis fínibus prétium eius. Confídit in ea cor viri sui, et spóliis non indigébit. | Qui trouvera la femme forte ? C’est au loin et aux extrémités du monde qu’on doit chercher son prix. Le cœur de son mari se confie en elle, et il ne manquera point de profits [17]. |
Hymnus | Hymne |
Summi Paréntis Unice,
Vultu pio nos réspice, Vocans ad arcem glóriæ Cor Magdalénæ pœnitens. | Fils unique du Père souverain,
jetez sur nous un regard de bonté, vous qui avez appelé au faîte de la gloire le cœur pénitent de Madeleine. |
Amíssa drachma régio
Recóndita est ærário, Et gemma, detérso luto, Nitóre vincit sídera. | La drachme perdue a été replacée
dans le trésor royal ; et la pierre précieuse, nettoyée de la boue, est plus brillante que les astres. |
Iesu, medéla vúlnerum,
Spes una pœniténtium, Per Magdalénæ lácrimas Peccáta nostra díluas. | Jésus, remède des blessures,
unique espérance des pénitents, effacez nos péchés, par les larmes de Madeleine. |
Dei Parens piíssima,
Hevæ nepótes flébiles De mille vitæ flúctibus Salútis in portum vehas. | Mère de Dieu très clémente,
tirez les malheureux enfants d’Ève des milles tempêtes de la vie, jusqu’au port du salut. |
Uni Deo sit glória,
Pro multifórmi grátia, Peccántium qui crímina Remíttit, et dat prǽmia. Amen. | Gloire soit au Dieu unique,
pour sa grâce si variée, qui remets aux pécheurs leurs crimes et leur donne ses récompenses. Amen. |
V/. Elégit eam Deus, et præelégit eam. | V/. Dieu l’a élue et prédestinée [18]. |
R/. In tabernáculo suo habitáre facit eam. | R/. Il l’a fait habiter dans son tabernacle. |
Ad Bened. Ant. María * unxit pedes Iesu et extérsit capíllis suis, et domus impléta est ex odóre unguénti. | Ant. au Benedictus Marie * oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie de l’odeur du parfum [19]. |
Benedictus | |
Oratio | Prière |
Beátæ Maríæ Magdalénæ, quǽsumus, Dómine, suffrágiis adiuvémur : cuius précibus exorátus, quatriduánum fratrem Lázarum vivum ab ínferis resuscitásti : Qui vivis. | Nous vous prions, Seigneur, par les suffrages de la bienheureuse Marie-Madeleine, de venir à notre aide : vous qui, fléchi par ses prières, avez ressuscité vivant des enfers son frère Lazare, mort depuis quatre jours. |
Aux Vêpres.
Capitulum Prov. 31. 10. | Capitule |
Mulíerem fortem quis invéniet ? Procul et de últimis fínibus prétium eius. Confídit in ea cor viri sui, et spóliis non indigébit. | Qui trouvera la femme forte ? C’est au loin et aux extrémités du monde qu’on doit chercher son prix. Le cœur de son mari se confie en elle, et il ne manquera point de profits [20]. |
Hymnus | Hymne |
Pater supérni lúminis,
Cum Magdalénam réspicis, Flammas amóris éxcitas, Gelúque solvis péctoris. | Père de la céleste lumière,
en arrêtant vos yeux sur Madeleine, vous allumez en elle le feu de l’amour et fondez la glace de son cœur |
Amóre currit sáucia
Pedes beátos úngere, Laváre fletu, térgere Comis, et ore lámbere. | Blessée par l’amour divin, elle court
oindre vos pieds sacrés, les arroser de ses larmes, les essuyer avec ses cheveux et les couvrir de baisers. |
Astáre non timet cruci,
Sepúlcro inhǽret ánxia, Truces nec horret mílites : Pellit timórem cáritas. | Elle ne craint pas de se tenir près de la croix,
inquiète, elle s’attache au sépulcre, elle ne redoute pas les farouches soldats : l’amour bannit la crainte. |
O vera, Christe, cáritas,
Tu nostra purga crímina, Tu corda reple grátia, Tu redde cæli prǽmia. | O Christ, vraie charité,
purifiez-nous de nos crimes, remplissez nos cœurs de la grâce, accordez-nous les récompenses du ciel. |
Patri simúlque Fílio,
Tibíque, Sancte Spíritus, Sicut fuit, sit iúgiter Sæclum per omne glória. Amen. | Au Père, ainsi qu’au Fils
et à vous, ô Esprit-Saint ; comme autrefois, ainsi toujours dans tous les siècles soit la gloire. Ainsi soit-il. |
V/. Elégit eam Deus, et præelégit eam. | V/. Dieu l’a élue et prédestinée [21]. |
R/. In tabernáculo suo habitáre facit eam. | R/. Il l’a fait habiter dans son tabernacle. |
Ad Magnificat Ant. Múlier * quæ erat in civitáte peccátrix, áttulit alabástrum unguénti, et stans retro secus pedes Dómini, lácrimis cœpit rigáre pedes eius, et capíllis cápitis sui tergébat. | Ant. au Magnificat Une femme * connue dans la ville pour une pécheresse, apporta un vase d’albâtre plein de parfums, et se tenant par derrière, aux pieds du Seigneur, elle commença à les arroser de ses larmes, et les essuyait avec ses cheveux [22]. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Beátæ Maríæ Magdalénæ, quǽsumus, Dómine, suffrágiis adiuvémur : cuius précibus exorátus, quatriduánum fratrem Lázarum vivum ab ínferis resuscitásti : Qui vivis. | Nous vous prions, Seigneur, par les suffrages de la bienheureuse Marie-Madeleine, de venir à notre aide : vous qui, fléchi par ses prières, avez ressuscité vivant des enfers son frère Lazare, mort depuis quatre jours. |
« Trois Saints, dit à Brigitte de Suède le Fils de Dieu, m’ont agréé pardessus tous les autres : Marie ma mère, Jean-Baptiste, et Marie Madeleine » [23]. Figure, nous disent les Pères [24], de l’Église des Gentils appelée des abîmes du péché à la justice parfaite, Marie Madeleine plus qu’aucune autre, en effet, personnifia les égarements et l’amour de cette humanité que le Verbe avait épousée. Comme les plus illustres personnages de la loi de grâce, elle se préexista dans les siècles. Suivons dans l’histoire de la grande pénitente la marche tracée par la voix unanimement concordante de la tradition : Madeleine, on le verra, n’en sera point diminuée.
Lorsqu’avant tous les temps Dieu décréta de manifester sa gloire, il voulut régner sur un monde tiré du néant ; et la bonté en lui égalant la puissance, il fit du triomphe de l’amour souverain la loi de ce royaume que l’Évangile nous montre semblable à un roi qui fait les noces de son fils [25].
C’était jusqu’aux limites extrêmes de la création, que l’immortel Fils du Roi des siècles arrêta de venir contracter l’alliance résolue au sommet des collines éternelles. Bien au-dessous de l’ineffable simplicité du premier Être, plus loin que les pures intelligences dont la divine lumière parcourt en se jouant les neuf chœurs, l’humaine nature apparaissait, esprit et corps, faite elle aussi pour connaître Dieu, mais le cherchant avec labeur, nourrissant d’incomplets échos sa soif d’harmonies, glanant les derniers reflets de l’infinie beauté sur l’inerte matière. Elle pouvait mieux, dans son infirmité, manifester la condescendance suprême ; elle fixa le choix de Celui qui s’annonçait comme l’Époux.
Parce que l’homme est chair et sang, lui donc aussi se ferait chair [26] ; il n’aurait point les Anges pour frères [27], et serait fils d’Adam. Splendeur du Père dans les deux [28], le plus beau de sa race ici-bas [29], il captiverait l’humanité dans les liens qui l’attirent [30]. Au premier jour du monde, en élevant par la grâce l’être humain jusqu’à Dieu, en le plaçant au paradis de l’attente, l’acte même de création scella les fiançailles.
Hélas ! Sous les ombrages de l’Éden, l’humanité ne sut attendre l’Époux. Chassée du jardin de délices, elle se jeta dans tous les bois sacrés des nations et prostitua aux idoles vaines ce qui lui restait de sa gloire [31]. Car grands encore étaient ses attraits ; mais ces dons de nature, quoiqu’elle l’eût oublié [32], restaient les présents profanés de l’Époux : « Cette beauté qui te rendait parfaite aux yeux, c’était la mienne que j’avais mise en toi, dit le Seigneur Dieu » [33].
L’amour n’avouait pas sa défaite [34] ; la Sagesse, suave et forte [35], entreprenait de redresser les sentiers des humains [36]. Dans l’universelle conspiration [37], laissant les nations mener jusqu’au bout leur folle expérience [38], elle se choisit un peuple issu de souche sainte, en qui la promesse faite à tous serait gardée [39]. Quand Israël sortit d’Égypte, et la maison de Jacob du milieu d’un peuple barbare, la nation juive fut consacrée à Dieu, Israël devint son domaine [40]. En la personne du fils de Béor, la gentilité vit passer au désert ce peuple nouveau, et elle le bénit dans l’admiration des magnificences du Seigneur habitant avec lui sous la tente, et cette vue fit battre en elle un instant le cœur de l’Épouse. « Je le verrai, s’écria-t-elle en son transport, mais non maintenant ; je le contemplerai, mais plus tard [41] ! » Du sommet des collines sauvages [42] d’où l’Époux l’appellera un jour [43], elle salua l’étoile qui devait se lever de Jacob, et redescendit prédisant la ruine à ces Hébreux qui l’avaient pour un temps supplantée [44].
Extase sublime, suivie bientôt de plus coupables égarements ! Jusques à quand, fille vagabonde, t’épuiseras-tu dans ces délices fausses [45] ? Comprends qu’il t’a été mauvais d’abandonner ton Dieu [46]. Les siècles ont passé ; la nuit tombe [47] ; l’étoile a paru, signe de l’Époux conviant les nations [48]. Laisse-toi ramener au désert ; écoute Celui qui parle à ton cœur [49]. Ta rivale d’autrefois n’a point su rester reine ; l’alliance du Sinaï n’a produit qu’une esclave [50]. L’Époux attend toujours l’Épouse.
Quelle attente, ô Dieu, que celle qui vous fait franchir au-devant de l’infidèle humanité les collines et les monts [51] ! A quel point donc peuvent s’abaisser les cieux [52], que devenu péché pour l’homme pécheur [53], vous portiez vos conquêtes au delà du néant [54], et triomphiez de préférence au fond des abîmes [55] ? Quelle est cette table où votre Évangéliste nous montre le Fils de l’Eternel, inconnu sous la servile livrée des hommes mortels, assis sans gloire dans la maison du pharisien superbe [56] ? L’heure a sonné où l’altière synagogue qui n’a su ni jeûner avec Jean, ni se réjouir avec Celui dont il préparait les sentiers, va voir enfin Dieu justifier les délais de son miséricordieux amour [57]. « Ne méprisons pas comme des pharisiens les conseils de Dieu, s’écrie saint Ambroise à cet endroit du livre sacré [58]. Voici que chantent les fils de la Sagesse ; écoute leurs voix, entends leurs danses : c’est l’heure des noces. Ainsi chantait le Prophète, quand il disait : Viens ici du Liban, mon Épouse, viens ici du Liban [59] ».
Et voici qu’une femme, qui était pécheresse dans la ville, quand elle apprit qu’il était assis à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum ; et se tenant derrière lui à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et les essuyant avec ses cheveux, elle les baisait, et y répandait le parfum [60]. « Quelle est cette femme ? L’Église sans nul doute, répond saint Pierre Chrysologue : l’Église sous le poids des souillures de ses péchés passés dans la cité de ce monde. A la nouvelle que le Christ a paru dans la Judée, qu’il s’est montré au banquet de la Pâque, où il livre ses mystères, où il révèle le Sacrement divin, où il manifeste le secret du salut : soudain, se précipitant, elle dédaigne les contradictions des scribes qui lui ferment l’entrée, elle brave les princes de la synagogue ; et ardente, toute de désirs, elle pénètre au sanctuaire, où elle trouve Celui qu’elle cherche trahi par la fourberie judaïque au banquet de l’amour, sans que la passion, la croix, le sépulcre, arrêtent sa foi et l’empêchent de porter au Christ ses parfums » [61].
Et quelle autre que l’Église, disent à leur tour ensemble Paulin de Noie et Ambroise de Milan, a le secret de ce parfum ? Elle dont les fleurs sans nombre ont tous les arômes [62], qui, odorante des sucs variés de la céleste grâce, exhale suavement à Dieu les multiples senteurs des vertus provenant de nations diverses et les prières des saints, comme autant d’essences s’élevant sous l’action de l’Esprit de coupes embrasées [63]. De ce parfum de sa conversion, qu’elle mêle aux pleurs de son repentir, elle arrose les pieds du Seigneur, honorant en eux son humanité [64]. Sa foi qui l’a justifiée [65] croit de pair avec son amour ; bientôt [66] la tête même de l’Époux, sa divinité [67], reçoit d’elle l’hommage de la pleine mesure de nard précieux et sans mélange signifiant la justice consommée [68], dont l’héroïsme va jusqu’à briser le vase de la chair mortelle qui le contenait dans le martyre de l’amour ou des tourments [69].
Mais alors même qu’elle est parvenue au sommet du mystère, elle n’oublie pas les pieds sacrés dont le contact l’a délivrée des sept démons [70] représentant tous les vices [71] ; car à jamais pour le cœur de l’Épouse, comme désormais au sein du Père, l’Homme-Dieu reste inséparable en sa double nature. A la différence donc du Juif qui, ne voulant du Christ ni pour fondement ni pour chef [72], n’a trouvé, comme Jésus l’observe [73] ni pour sa tête l’huile odorante, ni l’eau même pour ses pieds, elle verse sur les deux son parfum de grand prix [74] ; et tandis que l’odeur suave de sa foi si complète remplit la terre [75] devenue par la victoire de cette foi [76] la maison du Seigneur [77], elle continue, comme au temps où elle y répandait ses larmes, d’essuyer de ses longs cheveux les pieds du Maître. Mystique chevelure, gloire de l’Épouse [78] : où les saints voient ses œuvres innombrables et ses prières sans fin [79] ; dont la croissance réclame tous ses soins d’ici-bas [80] ; dont l’abondance et la beauté seront divinement exaltées dans les cieux [81] par Celui qui comptera jalousement [82], sans négliger aucune [83], sans laisser perdre une seule [84], toutes les œuvres de l’Église. C’est alors que de sa tête, comme de celle de l’Époux, le divin parfum qui est l’Esprit-Saint se répandra éternellement, comme une huile d’allégresse [85], jusqu’aux extrémités de la cité sainte [86].
En attendant, ô pharisien qui méprises la pauvresse dont l’amour pleure aux pieds de ton hôte divin méconnu, j’aime mieux, s’écrie le solitaire de Nole, me trouver lié dans ses cheveux aux pieds du Christ, que d’être assis près du Christ avec toi sans le Christ [87]. Heureuse pécheresse que celle qui mérita de figurer l’Église [88], au point d’avoir été directement prévue et annoncée par les Prophètes, comme le fut l’Église même ! C’est ce qu’enseignent saint Jérôme [89] et saint Cyrille d’Alexandrie [90], pour sa vie de grâce comme pour son existence de péché. Et résumant à son ordinaire la tradition qui l’a précédé, Bède le Vénérable ne craint pas d’affirmer qu’en effet « ce que Madeleine a fait une fois, reste le type de ce que fait toute l’Église, de ce que chaque âme parfaite doit toujours faire » [91].
Qui ne comprendrait la prédilection de l’Homme-Dieu pour cette âme dont le retour, en raison même de la misère plus profonde où elle était tombée, manifesta dès l’abord et si pleinement le succès de sa venue, la défaite de Satan, le triomphe de cet amour souverain posé à l’origine comme l’unique loi de ce monde ! Lorsque Israël n’attendait du Messie que des biens périssables [92], quand les Apôtres eux-mêmes [93] et jusqu’à Jean le bien-aimé [94] ne rêvaient près de lui que préséances et honneurs, la première elle vient à Jésus pour lui seul et non pour ses dons. Avide uniquement de purification et d’amour, elle ne veut pour partage que les pieds augustes fatigués à la recherche de la brebis égarée : autel béni [95], où elle trouve le moyen d’offrir à son libérateur autant d’holocaustes d’elle-même, dit saint Grégoire, qu’elle avait eu de vains objets de complaisance [96]. Désormais ses biens comme sa personne sont à Jésus, dont elle n’aura plus d’occupation que de contempler les mystères et la vie, dont elle recueillera chaque parole, dont elle suivra tous les pas dans la prédication du royaume de Dieu [97]. S’asseoir à ses pieds est pour elle l’unique bien, le voir l’unique joie, l’entendre le seul intérêt de ce monde [98]. Combien vite, dans la lumière de son humble confiance, elle a dépassé la synagogue et les justes eux-mêmes ! Le pharisien s’indigne, sa sœur se plaint, les disciples murmurent [99] : partout Marie se tait, mais Jésus parle pour elle [100] ; on sent que son Cœur sacré est atteint de la moindre appréciation défavorable à rencontre. A la mort de Lazare, le Maître doit l’appeler du repos mystérieux où même alors, remarque saint Jean, elle restait assise [101] ; sa présence au tombeau fait plus que celle du collège entier des Apôtres et de la tourbe des Juifs ; un seul mot d’elle, déjà dit par Marthe accourue la première [102], est plus puissant que tous les discours de celle-ci ; ses pleurs enfin font pleurer l’Homme-Dieu [103], et suscitent en lui le frémissement sacré, précurseur du rappel à la vie de ce mort de quatre jours, le trouble divin qui montre Dieu conquis à sa créature. Bien véritablement donc, pour les siens comme pour elle-même, pour le monde comme pour Dieu, Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée [104].
En ce qui précède, nous n’avons fait, pour ainsi dire, que coudre l’un à l’autre les témoignages bien incomplets d’une vénération qui se retrouve la même, toujours et partout, chez les dépositaires de la doctrine et les maîtres de la science. Cependant les hommages réunis des Docteurs n’équivalent point, pour l’humble Madeleine, à celui que lui rend l’Église même, lorsqu’au jour de la glorieuse Assomption de Notre-Dame, elle n’hésite pas à rapprocher l’incomparable souveraine du monde et la pécheresse justifiée, au point d’appliquer à la première en son triomphe l’éloge évangélique qui regarde celle-ci [105]. Ne devançons point les lumières que le Cycle nous réserve en ses développements ; mais entendons Albert le Grand [106] nous attester pour sûr que, dans le monde de la grâce aussi bien que dans celui de la création matérielle [107], Dieu a fait deux grands astres, à savoir deux Maries, la Mère du Seigneur et la sœur de Lazare : le plus grand, qui est la Vierge bienheureuse, pour présider au jour de l’innocence ; le plus petit, qui est Marie la pénitente sous les pieds de cette bienheureuse Vierge [108], pour présider à la nuit en éclairant les pécheurs qui viennent comme elle à repentir. Comme la lune par ses phases marque les jours de fête à la terre [109], ainsi sans doute Madeleine, au ciel, donne le signal de la joie qui éclate parmi les Anges de Dieu sur tout pécheur faisant pénitence [110]. N’est-elle donc pas également, par son nom de Marie et en participation de l’Immaculée, l’Etoile de la mer, ainsi que le chantaient autrefois nos Églises des Gaules, lorsqu’elles rappelaient qu’en pleine subordination servante et reine avaient été toutes deux principe d’allégresse en l’Église : l’une engendrant le salut, l’autre annonçant la Pâque [111] !
Nous ne reviendrons point sur les inoubliables récits de ce jour, le plus grand des jours, où Madeleine, comme l’étoile du matin, marcha en avant de l’astre vainqueur inaugurant l’éternité sans couchant. Glorieuse aurore, où la divine rosée, s’élevant de la terre, effaça du fatal décret [112] la déchéance prononcée contre Ève ! Femme, pourquoi pleures-tu [113] ? Tu ne te trompes pas : c’est bien le divin jardinier qui te parle [114], celui qui, hélas ! au commencement avait planté le paradis [115]. Mais trêve aux pleurs ; dans cet autre jardin, dont le centre est un tombeau vide [116], le paradis t’est rendu : vois les Anges, qui n’en ferment plus l’entrée [117] ; vois l’arbre de vie qui, depuis trois jours, a donné son fruit. Ce fruit que tu réclames pour t’en saisir encore et l’emporter [118] comme aux premiers jours [119], il t’appartient en effet pour jamais ; car ton nom maintenant n’est plus Ève, mais Marie [120]. S’il se refuse à tes empressements, situ ne peux le toucher encore [121], c’est que de même qu’autrefois tu ne voulus point goûter seule le fruit de la mort, tu ne dois pas non plus jouir de l’autre aujourd’hui, sans ramener préalablement l’homme qui par toi fut perdu.
O profondeurs en notre Dieu de la sagesse et de la miséricorde [122] ! voici donc que, réhabilitée, la femme retrouve des honneurs plus grands qu’avant la chute même, n’étant plus seulement la compagne de l’homme, mais son guide à la lumière. Madeleine, à qui toute femme doit cette revanche glorieuse, conquiert en ce moment la place à part que lui assigne l’Église dans ses Litanies en tête des vierges elles-mêmes, comme Jean-Baptiste précède l’armée entière des Saints par le privilège qui fit de lui le premier témoin du salut [123]. Le témoignage de la pécheresse complète celui du Précurseur : sur la foi de Jean, l’Église a reconnu l’Agneau qui efface les péchés du monde [124] ; sur la foi de Madeleine, elle acclame l’Époux triomphateur de la mort [125] : et constatant que, par ce dernier témoignage, le cycle entier des mystères est désormais pleinement acquis à la croyance catholique, elle entonne aujourd’hui l’immortel Symbole dont les accents lui paraissaient prématurés encore en la solennité du fils de Zacharie.
O Marie, combien grande vous apparûtes aux regards des cieux dans l’instant solennel où, la terre ignorant encore le triomphe de la vie, il vous fut dit par l’Emmanuel vainqueur : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu [126] ! » Vous étiez bien toujours alors notre représentante, à nous Gentils, qui ne devions entrer en possession du Seigneur par la foi qu’après son Ascension par delà les nues [127]. Ces frères vers qui vous envoyait l’Homme-Dieu, c’étaient sans doute les privilégiés que lui-même durant sa vie mortelle avait appelés à le connaître, et auxquels vous deviez, ô Apôtre des Apôtres, manifester ainsi le mystère complet de la Pâque ; toutefois déjà la miséricordieuse bonté du Maître projetait de se montrer le jour même à plusieurs, et tous devaient être comme vous bientôt les témoins de son Ascension triomphante. Qu’est-ce à dire, sinon que, tout en s’adressant aux disciples immédiats du Sauveur, votre mission, ô Madeleine, s’étendait bien plus dans l’espace et les temps ?
Pour l’œil du vainqueur de la mort à cette heure de son entrée dans la vie sans fin, ils remplissaient en effet la terre et les siècles ces frères en Adam comme en Dieu qu’il amenait à la gloire, selon l’expression du Docteur futur de la gentilité [128]. C’est d’eux qu’il avait dit dans le Psaume : « J’annoncerai votre Nom à mes frères ; je vous louerai dans la grande assemblée des nations, au sein du peuple encore à naître qui doit appartenir au Seigneur » [129]. C’est d’eux, c’est de nous tous composant cette génération à venir à laquelle le Seigneur devait être annoncé [130], qu’il vous disait alors : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Et au loin comme auprès vous êtes venue, vous venez sans cesse, remplir votre mission près des disciples et leur dire : « J’ai vu le Seigneur, et il m’a dit ces choses » [131].
Vous êtes venue, ô Marie, lorsque notre Occident vous vit sur ses montagnes [132] foulant de vos pieds apostoliques, dont Cyrille d’Alexandrie salue la beauté [133], les rochers de Provence. Sept fois le jour, enlevée vers l’Époux sur l’aile des Anges, vous montriez à l’Église, plus éloquemment que n’eût fait tout discours, la voie qu’il avait suivie, qu’elle devait suivre elle-même par ses aspirations, en attendant de le rejoindre enfin pour jamais.
Ineffable démonstration que l’apostolat lui-même, en son mérite le plus élevé, n’est point dépendant de la parole effective ! Au ciel, les Séraphins, les Chérubins, les Trônes fixent sans cesse l’éternelle Trinité, sans jamais abaisser leurs yeux vers ce monde de néant ; et cependant par eux passent la force, la lumière et l’amour dont les augustes messagers des hiérarchies subordonnées sont les distributeurs à la terre. Ainsi, ô Madeleine, vous ne quittez plus les pieds sacrés rendus maintenant à votre amour ; et pourtant, de ce sanctuaire où votre vie reste absorbée sans nulle réserve avec le Christ en Dieu [134] qui mieux que vous nous redit à toute heure : « Si vous êtes ressuscites avec le Christ, cherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu ; goûtez ce qui est en haut, non ce qui est sur la terre [135] ! »
O vous, dont le choix si hautement approuvé du Seigneur a révélé au monde la meilleure part, faites qu’elle demeure toujours appréciée comme telle en l’Église, cette part de la divine contemplation qui prélude ici-bas à la vie du ciel, et reste en son repos fécond la source des grâces que le ministère actif répand par le monde. La mort même, qui la fait s’épanouir en la pleine et directe vision, ne l’enlève pas, mais la confirme à qui la possède. Puisse nul de ceux qui l’ont reçue de la gratuite et souveraine bonté, ne travailler à s’en déposséder lui-même ! Fortunée maison, bienheureuse assemblée, dit le dévot saint Bernard, où Marthe se plaint de Marie ! Mais l’indignité serait grande de voir Marie jalouser Marthe [136]. Saint Jude nous l’apprend : malheur aux anges qui ne gardent point leur principauté [137], qui, familiers du Très-Haut, veulent abandonner sa cour ! Maintenez au cœur des familles religieuses établies par leurs pères sur les sommets avoisinant les cieux, le sentiment de leur noblesse native : elles ne sont point faites pour la poussière et le bruit de la plaine ; elles ne sauraient s’en rapprocher qu’au grand détriment de l’Église et d’elles-mêmes. Pas plus que vous, ô Madeleine, elles ne se désintéressent pour cela des brebis perdues, mais prennent en restant ce qu’elles sont le plus sûr moyen d’assainir la terre et d’élever les âmes.
Ainsi même vous fut-il donné un jour, à Vézelay, de soulever l’Occident dans ce grand mouvement des croisades dont le moindre mérite ne fut pas de surnaturaliser en l’âme des chevaliers chrétiens, armés pour la défense du saint tombeau qui avait vu vos pleurs et votre ravissement, les sentiments qui sont l’honneur de l’humanité.
Et n’était-ce pas encore une leçon de ce genre que le Dieu par qui seul règnent les rois [138], et qui se rit des projets de leur vanité [139], voulut donner dans les premières années de ce siècle au guerrier fameux dont l’orgueil dictait ses lois aux empires ? Dans l’ivresse de sa puissance, on le vit prétendre élever à lui-même et à son armée ce qu’il appelait le Temple de la gloire. Mais bientôt, emportant le guerrier, passait la tempête ; et continué par d’autres constructeurs, le noble édifice s’achevait, portant comme dédicace à son fronton le nom de Madeleine.
O Marie, bénissez ce dernier hommage de notre France que vous avez tant aimée, et dont le peuple et les princes entourèrent toujours d’une vénération si profonde votre retraite bénie de la Sainte-Baume et votre église de Saint-Maximin, où reposent les restes mille fois précieux de celle qui sut rendre amour pour amour. En retour, apprenez-nous que la seule vraie et durable gloire est de suivre comme vous, dans ses ascensions, Celui qui vous envoya vers nous autrefois, disant : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ! »
La sainte Église qui, dans les diverses saisons liturgiques, insère en leur lieu comme autant de perles de grand prix les divers passages de l’Évangile ayant rapport à sainte Marie Madeleine, renvoie également à la fête de sainte Marthe, que nous célébrerons dans huit jours, les particularités concernant la vie de son illustre sœur après l’Ascension. Aux pièces liturgiques déjà insérées dans cet ouvrage à sa louange, nous ajouterons cette antique Séquence, bien connue des Églises de l’Allemagne, et que nous ferons suivre d’un Répons et de l’Oraison de la fête au Bréviaire Romain.
SÉQUENCE. | |
Laus tibi, Christe, qui es creator et redemptor, idem et salvator | Louange à vous, Christ, qui êtes créateur, et aussi rédempteur et sauveur |
Cœli, terræ, maris, angelorum et hominum, | Du ciel, de la terre, de la mer, des anges et des hommes, |
Quem solum Deum confitemur et hominem. | Vous qu’à la fois nous confessons homme et Dieu, |
Qui peccatores venisti ut salvos faceres, | Vous qui êtes venu pour sauver les pécheurs, |
Sine peccato peccati assumens formulam. | Prenant sans le péché l’apparence du péché. |
Quorum de grege, ut Chananæam, Mariam visitasti Magdalenam. | Dans cette troupe coupable vous visitâtes et la Chananée, et Marie Madeleine, |
Eadem mensa Verbi divini illam micis, hanc refovens poculis. | A la même table réconfortant l’une des miettes du Verbe, l’autre de son breuvage enivrant. |
In domo Simonis leprosi conviviis accubans typicis, | Dans la maison de Simon, vous prenez place au banquet mystique : |
Murmurat pharisæeus, ubi plorat, fœmina criminis conscia. | Le pharisien murmure, là où pleure celle que poursuit la conscience de ses fautes ; |
Peccator contemnit compeccantem, peccati nescius poenitentem exaudis, emundas fœdam, adamas, ut pulchram facias. | Le pécheur méprise celle qui comme lui pécha ; vous qui ne connûtes point de fautes exaucez son repentir, purifiez ses souillures : vous l’aimez pour la rendre belle. |
Pedes amplectitur dominicos, lacrymis lavat, tergit crinibus, lavando, tergendo, unguento unxit, osculis circuit. | Elle embrasse les pieds de son Seigneur, les lave de ses larmes, les essuie de ses cheveux, et les lavant, les essuyant, les oint de parfum, les couvre de baisers. |
Hæc sunt convivia, quae tibi placent, o Patris Sapientia. | Ce sont là les festins qui vous plaisent, ô Sagesse du Père ! |
Natus de Virgine qui non dedignaris tangi de peccatrice. | Vous qui né de la Vierge ne repoussez point le contact de la pécheresse. |
A pharisæo es invitatus, Mariæ ferculis saturatus. | Le pharisien vous invite, et c’est Marie qui vous nourrit. |
Multum dimittis multum amanti, nec crimen postea repetenti. | Vous remettez beaucoup à celle qui beaucoup aime et ne retourne pas à ses fautes. |
Dæmoniis eam septem mundas septiformi Spiritu. | Vous la délivrez des sept démons par l’Esprit septiforme. |
Ex mortuis te surgentem das cunctis videre priorem. | Ressuscitant des morts, vous lui donnez de vous voir la première. |
Hac, Christe, proselytam signas Ecclesiam, quam ad filiorum mensam vocas alienigenam. | Par elle, ô Christ, vous signifiez l’Église des Gentils, étrangère appelée par vous à la table des fils : |
Quam inter convivia legis et gratiæ spernit pharisæi fastus, lepra vexat hæretica. | C’est elle qu’aux festins de la loi et de la grâce, méprise l’orgueil du pharisien, harcèle la lèpre hérétique ; |
Qualis sit tu scis, tangit te quia peccatrix, quia veniæ optatrix. | Vous savez quelle elle est, elle vient à vous parce qu’elle a péché, parce qu’elle désire sa grâce. |
Quidnam haberet ægra, si non accepisset, si non medicus adesset ? | Qu’aurait-elle si elle ne le recevait la malade infortunée, si le médecin ne se montrait propice ? |
Rex regum dives in omnes, nos salva, peccatorum tergens cuncta crimina, sanctorum spes et gloria. | Roi des rois riche pour tous, sauvez-nous, effacez tous péchés, vous l’espérance des saints et leur gloire. |
RÉPONS. | |
R/. Congratulámini mihi, omnes qui dilígitis Dóminum, quia quem quærébam, appáruit mihi : * Et dum flerem ad monuméntum, vidi Dóminum meum, allelúia. | R/. Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur ; car Celui que je cherchais m’est apparu : * Et tandis que je pleurais au tombeau, j’ai vu mon Seigneur, alléluia. |
V/. Recedéntibus discípulis, non recedébam, et amóris eius igne succénsa, ardébam desidério. | V/. Quand les disciples se retiraient, je ne me retirais pas, et brûlante du feu de son amour, je me consumais de désir. |
* Et dum flerem. | * Et tandis que. |
ORAISON. | |
Beátæ Maríæ Magdalénæ, quǽsumus, Dómine, suffrágiis adiuvémur : cuius précibus exorátus, quatriduánum fratrem Lázarum vivum ab ínferis resuscitásti : Qui vivis. | Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous d’être aidés des suffrages de la bienheureuse Madeleine, dont les prières ont obtenu que vous rappeliez vivant du tombeau son frère Lazare, mort depuis quatre jours. Vous qui vivez. |
Les Latins, à commencer par Tertullien, ont généralement identifié, selon les plus grandes probabilités, Marie de Magdala avec la sœur de Lazare et avec la pécheresse qui oignit les pieds de Jésus (Luc., VII, 37) ; les Grecs au contraire distinguent trois Marie.
Dans les calendriers coptes, syriens et grecs, la fête de Marie de Magdala : τῆς ἁγίας μυροφόρου καὶ ἰσαποστόλου Μαρίας τῆς Μαγδαληνῆς [140] est le 22 juillet, date qui lui a été assignée beaucoup plus tard dans les livres liturgiques latins.
Selon les traditions orientales, Lazare serait mort dans l’île de Chypre d’où l’empereur Léon VI, en 899, fit transporter ses reliques dans le Lazarion de Constantinople. Marie, sa sœur, qui, dès le VIe siècle, passait pour être enterrée à Éphèse, alla vite le rejoindre dans la paix de la nouvelle basilique sépulcrale de Byzance. Il est probable qu’au IXe siècle quelques reliques des deux saints passèrent en Alsace, dans le monastère d’Andlau, d’où, peu à peu, le culte de sainte Madeleine et de Lazare se répandit dans toute la France.
L’introït est tiré du psaume 118. Les pécheurs attendirent pour me perdre ; d’abord ils voulurent perdre mon âme, et ensuite mon corps. Moi cependant je me souvins de vos préceptes et ne cédai pas. La voie par laquelle ils me conduisirent peut sembler étroite. Pourtant elle est bordée par vos commandements, et pour moi elle est devenue une région spacieuse, celle de la glorieuse éternité.
La première lecture est tirée du Cantique (III, 2-5 ; VIII, 6-7). L’élue du chaste hymen cherche anxieusement l’Époux, qui, à cause de son retard à lui ouvrir, est passé outre. Finalement, à grand-peine, elle le trouve et l’introduit dans sa demeure. — C’est aujourd’hui la fête de l’hôtesse de Jésus-Christ. — Après une journée de si grand labeur, l’Épouse est prise enfin du sommeil mystique du parfait abandon de l’âme en Dieu. Elle dort donc, mais son cœur veille, car l’amour ne laisse pas dormir et il brûle comme l’enfer. Et pourtant, malgré que cette flamme détruise et purifie, l’âme sent que l’amour est une grâce si grande que, même à la vouloir acquérir au prix du total sacrifice de soi et de tout ce qu’on a, l’amour dépasse toutes ces choses.
Voici la première collecte : « Que nous assistent, Seigneur, les prières de Marie de Magdala, à la demande de qui, jadis, vous avez ressuscité son frère Lazare, déjà mort depuis quatre jours ». L’intercession de Marie, la myrrhophore et l’égale des Apôtres, comme l’appellent les Grecs, est très puissante sur le Cœur de Jésus, parce que, après l’intimité de sa tranquille maison de Nazareth, le Sauveur ne se sentit aussi bien en nulle autre qu’en celle de Béthanie. Bien plus, saint Jean atteste : Diligebat autem Iesus Martham et sororem eius Mariam et Lazarum [141]. C’est là, sous ce toit ami, que Jésus, durant sa dernière semaine ici-bas, déjà banni d’Israël pour la vie et pour la mort, se retirait pour passer la nuit. Il y dormit même le mercredi 12 Nisan, — ou plutôt 13, puisque chez les Hébreux le jour commençait au coucher du soleil — et ce fut le dernier repos qu’il s’accorda sur la terre avant sa Passion.
Le répons et le verset sont tirés du psaume 44. On y décrit les mérites et la beauté de la mystique épouse de l’Agneau.
La lecture évangélique de ce jour (Luc., VII, 36-50) apparaît dans le Missel deux autres fois : le jeudi de la semaine de la Passion, et le vendredi des Quatre-Temps de septembre. En cette dernière circonstance, saint Grégoire la commenta avec une onction spéciale au peuple réuni dans la basilique de Saint-Clément. Comme l’observe le saint Pontife, quand on considère la tendresse de Jésus pour cette pauvre pécheresse, on a plutôt envie de pleurer que de discourir. La scène de la conversion de la pécheresse de Magdala est peut-être un des traits évangéliques qui révèlent le mieux la suavité du Cœur du Rédempteur. A Marie on pardonne beaucoup parce qu’elle aima beaucoup ! Voilà le remède pour les pécheurs, voilà l’esprit qui vivifie l’Église militante, car si la fragilité humaine y fait commettre de nombreux péchés, on y trouve aussi beaucoup d’amour, qui les fait pardonner.
Œuvre sublime de la divine puissance ! Le Saint-Esprit, au dire de saint Jean Chrysostome, prend les pécheresses, les purifie, les enflamme, et les élève à ce point qu’il les égale aux chastes vierges elles-mêmes. Vides hanc mulierem ! Le Seigneur la propose à tous les fidèles comme un modèle à contempler, pour ensuite l’imiter. Il a même voulu que la conversion de Madeleine et l’amour que, par la suite, elle porta à Jésus, fissent en quelque sorte partie du saint Évangile, afin que le souvenir en survive à travers toutes les générations : Ubicumque predicatum fuerit hoc Evangelium in toto mundo, dicetur et quod hæc fecit, IN MEMORIAM EIUS [142].
L’antienne pour l’offertoire est commune à la fête de sainte Scholastique, le 10 février. Voici la collecte sur les oblations : « Que les glorieux mérites de la bienheureuse Marie de Magdala vous fassent agréer nos offrandes, Seigneur, elle dont l’humble service fut autrefois accepté par votre Fils unique ».
L’oblation de nard précieux que Marie répandit sur la tête et sur les pieds du Sauveur, symbolise notre dévotion envers la divine Eucharistie, où, à travers les voiles lumineux du mystère de foi, il nous est donné à nous aussi d’approcher et de baiser cette humanité sainte que le Verbe prit pour notre salut.
L’antienne pour la Communion des fidèles est la même que pour sainte Bibiane le 2 décembre.
Suit la prière eucharistique d’action de grâces : « Ayant reçu l’unique et efficace remède qui nous garantit l’éternel salut, votre Corps et votre Sang précieux, faites que l’intercession de sainte Marie de Magdala éloigne de nous tout mal ».
Les Grecs donnent à Marie de Magdala le titre glorieux de ἰσαπόστολος [143] parce qu’elle fut la première à annoncer au monde, et aux Apôtres eux-mêmes, la résurrection du Sauveur. C’est pourquoi, à la messe de ce jour, on récite le Credo [144].
Sublime récompense accordée à la pénitence chrétienne et à l’amour !
Parce qu’elle a beaucoup aimé...
1. Sainte Marie-Madeleine. — L’Église honore d’un culte particulier les personnes qui vécurent dans l’entourage de Jésus. Le missel et le bréviaire appellent Marie-Madeleine « pénitente », cas unique dans les livres liturgiques. — Qui était-elle ? Les Évangiles mentionnent trois femmes qui retiennent ici notre attention.
1° La « pécheresse » qui, chez Simon le Pharisien, arrosa de ses larmes les pieds du Sauveur (Luc, VII, 36 et suiv. Évangile de ce jour).
2° Marie de Béthanie, sœur de Lazare et de Marthe, dont parlent saint Luc (X, 38) et saint Jean (XI, 2 et XII, 3). (La fête de sainte Marthe arrivera dans huit jours).
3° Marie-Madeleine, une des pieuses femmes qui accompagnaient le Sauveur, et qui fut délivrée par lui de sept démons (Marc, XVI, 9 ; Luc, VIII, 2). On remarque surtout sa présence au moment de la mort et de la résurrection du Seigneur.
S’agit-il de trois personnes différentes ? Est-ce la même au contraire ? Depuis les premiers siècles les avis sont partagés. Saint Augustin et saint Grégoire le Grand sont pour la seconde opinion, admise aussi par la liturgie romaine et appuyée incontestablement sur d’excellentes raisons tirées de la sainte Écriture.
Voici, puisés dans les évangiles, les traits principaux de la vie de sainte Marie-Madeleine. Bien qu’elle apparût à une pieuse famille, elle s’était égarée dans les sentiers du mal. Convertie par la prédication et la personnalité du Sauveur, elle répare le scandale qu’elle a causé, en inondant publiquement de ses larmes les pieds du Maître. Elle fait dès lors partie du groupe des saintes femmes qui l’accompagnent et le servent dans ses pérégrinations. Nous la voyons, avec son frère Lazare et Marthe sa sœur, dans la demeure hospitalière de Béthanie où elle reçoit le Sauveur et écoute avidement sa parole ; nous la voyons présente à la résurrection de Lazare. Au dernier repas, elle répand un vase de parfum sur la tête de Jésus « pour sa sépulture », et c’est alors que le Sauveur lui-même prédit comment on en honorera le souvenir : « En vérité, je vous le dis, partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, ce qu’elle a fait sera raconté en mémoire d’elle ». Pendant la Passion, elle se tient avec Marie et Jean au pied de la Croix ; elle aide à ensevelir le Christ. La première, elle le voit ressuscité et, la première, elle accourt en porter la nouvelle aux Apôtres (Jean XX, 18). C’est pour cela qu’on l’a surnommée « Apostola apostolorum » et qu’on récite le Credo à la messe le jour de sa fête, privilège qui lui est réservé à elle seule [145], avec Marie, parmi les saintes femmes.
A partir de là on ne sait rien de certain sur son existence. — Il est intéressant de remarquer que l’Église grecque célèbre sa fête le même jour que l’Église latine, sans mentionner toutefois la Pécheresse et la Pénitente. D’après une tradition orientale, Lazare serait mort dans l’île de Chypre, d’où ses restes auraient été transportés à Constantinople, en 899. Le corps de sa sœur Marie, que l’on croyait, au VIe siècle, ensevelie à Éphèse, y aurait été de même transféré. Au IXe siècle, on amena quelques-unes de leurs reliques à l’abbaye d’Andlau, en Alsace. Plusieurs traditions occidentales parlent de la venue de sainte Marie-Madeleine en Gaule, notamment de son séjour en Provence, en compagnie de saint Lazare et de sainte Marthe, et de sa mort à la Sainte-Baume (la grotte sainte), au diocèse d’Aix, où se trouverait son tombeau. Vézelay (diocèse de Sens) revendique de son côté l’honneur de posséder son corps dans la magnifique basilique qui lui a été élevée.
2. La messe (Me expectaverunt). — Il nous est facile de nous appliquer les allusions mystiques qu’elle contient.
A l’Introït, nous nous libérons avec Marie-Madeleine des entraves du monde pour nous engager sur la voie d’innocence du Christ. (Heureux les hommes irréprochables dans leur voie...).
La leçon, extraite du Cantique des Cantiques, nous fait partager l’ardent amour de la Pénitente : « J’ai trouvé celui que mon cœur aime ; je l’ai saisi et ne le laisserai pas aller... Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ; car l’amour est fort comme la mort... »
L’Évangile raconte l’admirable et inoubliable scène où la Pécheresse couvre de ses pleurs les pieds de Jésus, les essuie de ses cheveux, et entend le mot du pardon : « Ses nombreux péchés lui sont pardonnés parce qu’elle a beaucoup aimé ». — Que le Saint-Sacrifice soit pour nous la réalisation mystique de cette même scène.
A l’Offertoire : nous nous rendons au repas du Seigneur, nous baignons ses pieds de nos larmes, nous y répandons le baume (le Seigneur agrée ce service charitable dans la personne des pauvres). A la Communion, nous recevons la parole du pardon : l’Eucharistie en est le signe visible.
3. La prière des Heures. — Le bréviaire renferme aujourd’hui quelques beaux passages. Nous y trouvons de précieuses réflexions sur la Pénitente, dues à saint Grégoire et saint Augustin. « Marie-Madeleine, connue dans la ville comme pécheresse, en aimant celui qui est la Vérité, a lavé de ses larmes les taches de ses fautes. Et la parole de celui qui est la Vérité s’est accomplie : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. Plus de froideur, comme au temps de la vie pécheresse ; mais, dans le cœur de Madeleine, l’amour le plus ardent. Toujours près du sépulcre alors que les disciples s’en éloignaient, elle continuait de chercher celui qu’elle ne trouvait pas... Aussi arriva-t-il que seule elle le trouva, parce que seule elle était restée à sa recherche ; c’est, en effet, la persévérance qui donne à une bonne œuvre son mérite ». La fête de ce jour possède plusieurs hymnes propres.
[1] Ps. 44, 3.
[2] Cf. Luc. 7, 37.
[3] Ce que la Sainte Église va nous faire lire s’applique admirablement à Marie-Madeleine, soit au moment de sa conversion, soit plus tard. Avant de venir à Jésus, elle était dans la nuit du péché, mais sort du lit de l’oisiveté spirituelle, et s’en va à travers les places publiques chercher son Sauveur, qu’elle trouve enfin chez Simon ; elle le saisit alors par la foi et l’espérance, l’étreint par la charité, et ne le laisse point aller, mais l’introduit dans la maison, dans la chambre de sa mère, c’est-à-dire en son âme, demeure de la grâce dont elle a reçu une vie nouvelle. Elle désire lui ressembler comme une sœur, lui .faire goûter en quelque sorte en son âme les doux fruits qu’y aura produits la grâce, le trouver dehors, c’est-à-dire sortir d’elle-même, en se dépouillant de toutes les affections de la chair et du monde, afin d’obtenir de lui le baiser de paix. L’épouse exprime ensuite sa confiance dans le Sauveur. Par la gauche, S. Bernard entend la menace des supplices ; par la droite, la promesse du ciel. Or, l’épouse s’appuie sur la crainte, mais est dominée par l’amour. Les paroles que l’époux adresse aux filles de Jérusalem nous rappellent celles de Jésus à Marthe : Marie a choisi la meilleure part. Ainsi Madeleine s’élève du monde, vrai désert par rapport à la vertu, ne s’appuyant plus que sur le Christ, qui l’excite à mettre le divin amour comme un sceau sur ses œuvres. — Considérons maintenant ces trois Leçons sous un autre aspect. Dans la première, ne voyons-nous pas l’anxiété de Marie avant la résurrection, sa présence matinale au tombeau, son courage que ne trouble point la vue des gardes, enfin l’apparition dont elle est favorisée ? La deuxième peut nous montrer les soupirs avec lesquels Madeleine souhaite le second avènement du Christ, ainsi que la céleste Jérusalem qui est comme notre mère et où l’âme se nourrit de la divinité dans un doux repos. Elle n’a plus eu lieu de craindre d’être méprisée pour avoir dédaigné les biens périssables. Le Seigneur l’y enseigne en lui découvrant ses perfections divines et elle lui offre la coupe de la louange et de l’action de grâces, les fruits de toutes les vertus. La troisième leçon rappelle les ascensions continuelles de Madeleine et de toute âme sainte : au pied de l’arbre frugifère de la croix, l’amour puise une nouvelle ardeur. « C’est sous un arbre que notre mère, la nature humaine, a été corrompue dans la personne de nos premiers parents, et sous un autre arbre, celui de la croix, que nous avons été réparés ». (S. Jean de la Croix).
[4] Matth. 28, 1.
[5] Marc. 16, 2.
[6] Cf. Luc. 15, 6 ; Ps. 96, 10.
[7] Jn. 20, 11.
[8] St. Grégoire, homélie.
[9] Jn. 20, 13.
[10] Matth. 28, 7.
[11] Jn. 20, 11.
[12] Luc. 7, 37.
[13] Luc. 7, 47.
[14] Cant. 3, 1.
[15] Is. 65, 5.
[16] Is. 65, 5.
[17] Le terme hébreux, comme la traduction latine désigne le butin de guerre.
[18] Cf. Ps. 131, 13.
[19] Jn. 12, 3.
[20] Le terme hébreux, comme la traduction latine désigne le butin de guerre.
[21] Cf. Ps. 131, 13.
[22] Luc. 7, 37.
[23] Revelationes S. Birgittae, Lib. IV, cap. 108.
[24] Hilar. in Matth. XXIX ; Paulin. Nol. Ep. XXIII, al. III et IV, 32 ; Cyrill. Al. in cap. XII Johannis ; Gregor. in Ev. nom. XXXIII, 5-7 ; Beda in Luc. III ; Rupert. in Johan. XIV ; etc.
[25] Matth. XXII, 2.
[26] Heb. II, 14.
[27] Ibid. 16.
[28] Ibid. 13.
[29] Psalm. XLIV, 3.
[30] Ose. XI, 4.
[31] Jerem. II, 20.
[32] Ose. II, 8.
[33] Ezech. XVI, 14.
[34] Sap. VII, 10.
[35] Ibid. VIII, 1.
[36] Ibid. IX, 18.
[37] Ibid. X, 5.
[38] Ose. II, 5-7.
[39] Gen. XXII, 18.
[40] Psalm. CXIII, 1-2.
[41] Num. XXIII-XXIV.
[42] Ibid. XXIII, 9.
[43] Cant. IV, 8.
[44] Num. XXIV, 24.
[45] Jerem. XXXI, 22.
[46] Ibid. II, 19.
[47] Rom. XIII, 12.
[48] Epiphan. Ant. ad Benedictus.
[49] Ose. II, 14.
[50] Gal. IV, 24.
[51] Cant. II, 8.
[52] Psalm. XVII, 10.
[53] II Cor. V, 21.
[54] Philip. II, 7-8.
[55] Eccli. XXIV, 8.
[56] Luc. VII, 36-50.
[57] Ibid. 27-35.
[58] AMBR. in Luc. VI, 1-11.
[59] Cant. IV, 8.
[60] Luc. VII, 37, 38.
[61] PETR. Chrysol. Sermo XCV.
[62] AMBR. In Luc. VI, 21.
[63] Paulin. Ep. XXIII, 33.
[64] Greg. in Ev. hom. XXXIII.
[65] Luc. VII, 30.
[66] Marc, XIV, 3.
[67] I Cor. XI, 3.
[68] Cyr. Al. et Beda in XII Johannis.
[69] Paschas. Radd. in Matth. XII.
[70] Luc. VIII, 2.
[71] Beda in VIII Luc ; RUPERT. in XX Johannis.
[72] Paulin. Ep. XXXIII, 33.
[73] Luc. VII, 44-46.
[74] Matth. XXVI, 7 ; Johan. XII, 3.
[75] Cyrill. Al. in XII Joh.
[76] I Johan. V, 4.
[77] Psalm. XXIII, 1.
[78] I Cor. XI, 15.
[79] Paulin. Ep. XXIII, 19, 20, 24-20.
[80] Ibid. 36.
[81] Ibid. 31.
[82] Matth. X, 30.
[83] Cant. IV, 9.
[84] Luc. XXI, 18.
[85] Psalm. XLIV, 8.
[86] Psalm. CXXXII.
[87] Paulin. Ep. XXIII, 42.
[88] Ibid. 32.
[89] Hieron. in Osee proœmium.
[90] Cyrill. Al. in XX Joh.
[91] Beda in XII Joh.
[92] Act. I, 9.
[93] Luc. XXII, 24.
[94] Matth. XX, 20-24.
[95] Paulin. Ep. XXIII, 31.
[96] Greg. in Ev. hom. XXXIII, 2.
[97] Luc. VIII, 1-3.
[98] Ibid. X, 39.
[99] Ibid. VII, X ; Matth. XXVI.
[100] Bernard, in Assumpt. B. M. sermo III.
[101] Johan. XI, 20, 28.
[102] Ibid. 21, 32.
[103] Ibid. 33.
[104] Luc. X, 42.
[105] Evangelium Assumpt. NB : avant la nouvelle Messe de l’Assomption en 1950.
[106] Albert. Magn. in VII Luc.
[107] Gen. I, 16.
[108] Apoc. XII, 1.
[109] Eccli. XLIII, 7.
[110] Luc. XV, III.
[111] Sequentia Mane prima sabbati, extrait :
O Maria, mater pia,
Stella Maris appellaris, Operum per menta. | O Marie, douce mère,
ton nom veut dire Etoile de la mer ; tes œuvres ont mérité un tel nom. |
Matri Christi coæquata,
Dum fuisti sic vocata, Sed honore subdita. | Tu partages l’honneur de ce nom
avec la Mère du Christ ; mais tes honneurs s’effacent devant les siens. |
Illa mundi imperatrix,
Ista beata peccatrix : Lætitiæ primordia Fuderunt in Ecclesia. | L’une est l’impératrice du monde ;
l’autre, l’heureuse pécheresse : toutes deux furent le principe de la joie dans l’Église. |
Illa enim fuit porta,
Per quam salus est ex orta : Hæc resurgentis nuntia Mundum replet lætitia. | La première est la Porte
par laquelle le salut est venu ; la seconde a rempli le monde d’allégresse en proclamant la Résurrection. |
[112] Col. II, 14.
[113] Johan. XX, 15.
[114] Ibid.
[115] Gen. II, 8.
[116] Johan. XIX, 41.
[117] Gen. III, 24.
[118] Johan. XX, 15.
[119] Gen. III, 6.
[120] Johan. XX, 16.
[121] Ibid. 17.
[122] Rom. XI, 32, 33.
[123] Johan. I, 7.
[124] Ibid. 29.
[125] Sequentia paschalis.
[126] Johan. XX, 17.
[127] Aug. Sermo CCXLIII, 2 ; Beda in XX Joh. ; Rupert. XIV in Joh. : etc.
[128] Heb. II, 10.
[129] Psalm. XXI, 23-32.
[130] Ibid.
[131] Johan. XX, 18.
[132] Isai. LII, 7.
[133] Cyr. Al. in XX, 17, Joh.
[134] Col. III, 3.
[135] Ibid. 1-2.
[136] Bern. Sermo. III in Ass. B. M. V.
[137] Jud. 6.
[138] Prov. VIII, 15.
[139] Psalm. II, 4.
[140] Fête de la sainte myrrhophore et égale aux apôtres Marie de Magdala.
[141] Jn. XI, 5 : Or Jésus aimait Marthe, et Marie sa soeur, et Lazare.
[142] Matth., XXVI, 13 : Partout où sera prêché cet Evangile, dans le monde entier, on racontera aussi, EN SOUVENIR D’ELLE, ce qu’elle vient de faire.
[143] Égale aux apôtres.
[144] Jusqu’à la suppression de ce Credo en 1960.
[145] Jusqu’à la suppression de ce Credo en 1960.