Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
Mort à Rome le 14 juillet 1614. Canonisé par Benoît XIV en 1746. Fête semidouble en 1762 avec une messe propre. Fête double en 1767.
Ant. ad Introitum. Ioann. 15, 13. | Introït |
Maiórem hac dilectiónem nemo habet, ut ánimam suam ponat quis pro amícis suis. | Personne ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. |
Ps. 40, 2. | |
Beátus, qui intéllegit super egénum et páuperem : in die mala liberábit eum Dóminus. | Heureux celui qui a l’intelligence de l’indigent et du pauvre : le Seigneur le délivrera au jour mauvais. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui sanctum Camíllum, ad animárum in extrémo agóne luctántium subsídium, singulári caritátis prærogatíva decorásti : eius, quǽsumus, méritis, spíritum nobis tuæ dilectiónis infúnde ; ut in hora éxitus nostri hostem víncere, et ad cæléstem mereámur corónam perveníre. Per Dóminum. | Dieu, vous avez fait don à Saint Camille d’une charité extraordinaire pour aider les âmes dans la lutte suprême de l’agonie : nous vous supplions, par ses mérites, de répandre en nous l’esprit de votre charité ; afin que nous puissions, à l’heure du trépas, vaincre l’ennemi et parvenir à la céleste couronne. |
Et fit commemoratio Ss. Symphorosæ et septem Filiorum eius Mm. : | Et on fait mémoire de Symphorose et ses sept Fils Martyrs : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui nos concédis sanctórum Mártyrum tuórum Symphorósæ et filiórum eius natalítia cólere : da nobis in ætérna beatitúdine de eórum societáte gaudére. Per Dóminum. | Dieu, vous nous accordez de célébrer le jour de la naissance au ciel de vos saints Martyrs Symphorose et ses fils : donnez-nous de jouir de leur compagnie dans la béatitude éternelle. |
Léctio Epístolæ beáti Ioánnis Apóstoli. | Lecture de l’Épître de saint Jean Apôtre. |
1. Ioann. 3, 13-18. | |
Caríssimi : Nolíte mirári, si odit vos mundus. Nos scimus, quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. Qui non díligit, manet in morte : omnis, qui odit fratrem suum, homicída est. Et scitis, quóniam omnis homicída non habet vitam ætérnam in semetípso manéntem. In hoc cognóvimus caritátem Dei, quóniam ille ánimam suam pro nobis pósuit : et nos debemus pro frátribus ánimas pónere. Qui habúerit substántiam huius mundi, et víderit fratrem suum necessitátem habére, et cláuserit víscera sua ab eo : quómodo cáritas Dei manet in eo ? Filíoli mei, non diligámus verbo neque lingua, sed ópere et veritáte. | Mes très chers : Ne vous étonnez pas, mes frères, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui. qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui. A ceci nous avons connu l’amour, c’est que Lui a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. Si quelqu’un possède les biens de ce monde et que, voyant son frère dans la nécessité, il leur ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Mes petits enfants, n’aimons pas de parole et de langue, mais en action et en vérité. |
Graduale. Ps. 36, 30-31. | Graduel |
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium. | La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité. |
V/. Lex Dei eius in corde ipsíus : et non supplantabúntur gressus eius. | V/. La loi de son Dieu est dans son cœur et on ne le renversera point. |
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 111, 1. Beátus vir, qui timet Dóminum : in mandátis eius cupit nimis. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui met ses délices dans ses commandements. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Suite du Saint Évangile selon saint Jean. |
Ioann. 15. 12-16. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Hoc est præcéptum meum, ut diligátis ínvicem, sicut diléxi vos. Maiórem hac dilectiónem nemo habet, ut ánimam suam ponat quis pro amícis suis. Vos amíci mei estis, si fecéritis quæ ego præcípio vobis. Iam non dicam vos servos : quia servus nescit, quid fáciat dóminus eius. Vos autem dixi amícos : quia ómnia, quæcúmque audivi a Patre meo, nota feci vobis. Non vos me elegístis : sed ego elégi vos, et posui vos, ut eátis, et fructum afferátis : et fructus vester maneat : ut, quodcúmque petiéritis Patrem in nómine meo, det vobis. | En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Ceci est mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. Personne ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis, et je vous ai établis afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ; afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 20, 2-3. | Offertoire |
In virtúte tua, Dómine, lætábitur iustus, et super salutáre tuum exsultábit veheménter : desidérium ánimæ eius tribuísti ei. | Seigneur, le juste se réjouira dans votre force, et il tressaillira d’une vive allégresse, parce que vous l’avez sauvé. Vous lui avez accordé le désir de son cœur. |
Secreta | Secrète |
Hóstia immaculáta, qua illud Dómini nostri Iesu Christi imménsæ caritátis opus renovámus, sit, Deus Pater omnípotens, sancto Camíllo intercedénte, contra omnes córporis et animae infirmitates salutáre remedium, et in extrémo agóne solátium et tutela. Per eúndem Dóminum. | Que l’hostie immaculée, par laquelle nous renouvelons l’œuvre d’immense charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, soit pour nous, ô Dieu et Père tout puissant, par l’intercession de saint Camille, un remède salutaire contre toutes les infirmités du corps et de l’âme ainsi qu’une consolation et une protection dans la dernière agonie. |
Pro Ss Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Secreta | Secrète |
Múnera tibi, Dómine, nostræ devotiónis offérimus : quæ et pro tuórum tibi grata sint honóre Iustórum, et nobis salutária, te miseránte, reddántur. Per Dóminum nostrum. | Nous vous offrons, Seigneur, ces dons de notre piété : faites que vous étant présentés en l’honneur de vos Justes, ils vous soient agréables et qu’ils nous soient rendus salutaires grâce à votre miséricorde. |
Ant. ad Communionem. Matth. 25, 36 et 40. | Communion |
Infírmus fui, et visitástis me. Amen, amen, dico vobis : Quámdiu fecístis uni ex his frátribus meis minimis, mihi fecístis. | J’étais malade, et vous m’avez visité. En vérité, je vous le dit : toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. |
Postcommunio | Postcommunion |
Per hæc cæléstia aliménta, quæ, sancti Camílli Confessóris tui sollémnia celebrántes, pia devotióne suscépimus : da, quǽsumus. Dómine ; ut, in hora mortis nostræ sacraméntis refécti et culpis ómnibus expiáti, in sinum misericórdiæ tuæ læti súscipi mereámur : Qui vivis. | Nous vous en supplions, Seigneur, par ces célestes aliments, que nous avons reçus avec piété et dévotion en célébrant la solennité de saint Camille, votre Confesseur : faites qu’à l’heure de notre mort, fortifiés par les sacrements et absous de toutes nos fautes, nous méritions d’être reçus avec joie dans le sein de votre miséricorde. |
Pro Ss Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Postcommunio | Postcommunion |
Præsta nobis, quǽsumus, Dómine : intercedéntibus sanctis Martýribus tuis Symphorósa et fíliis eius ; ut, quod ore contíngimus, pura mente capiámus. Per Dóminum. | Accordez-nous, s’il vous plait, Seigneur, que vos saints Martyrs Symphorose et ses fils intercédant pour nous, nous gardions en un cœur pur ce que notre bouche a reçu. |
Leçons des Matines avant 1960.
Au deuxième nocturne.
Quatrième leçon. Camille naquit à Bucchianico au diocèse de Chieti, de la noble famille des Lellis et d’une mère sexagénaire qui, tandis qu’elle le portait encore dans son sein, crut voir, durant son sommeil, qu’elle avait donné le jour à un petit enfant, muni du signe de la croix sur la poitrine et précédant une troupe d’enfants qui portaient le même signe. Camille ayant embrassé dans son adolescence la carrière militaire, se laissa pendant quelque temps gagner par les vices du siècle. Mais dans sa vingt-cinquième année, il fut soudain éclairé d’une telle lumière surnaturelle et saisi d’une si profonde douleur d’avoir offensé Dieu, qu’ayant versé des larmes abondantes, il prit la ferme résolution d’effacer sans retard les souillures de sa vie passée et de revêtir l’homme nouveau. Le jour même où ceci arriva, c’est-à-dire en la fête de la Purification de la très sainte Vierge, il s’empressa d’aller trouver les Frères Mineurs, appelés Capucins, et les pria très instamment de l’admettre parmi eux. On lui accorda ce qu’il désirait, une première fois, puis une deuxième, mais un horrible ulcère, dont il avait autrefois souffert à la jambe, s’étant ouvert de nouveau, Camille, humblement soumis à la divine Providence qui le réservait pour de plus grandes choses, et vainqueur de lui-même, quitta deux fois l’habit de cet Ordre, qu’à deux reprises il avait sollicité et reçu.
Cinquième leçon. Il partit pour Rome et fut admis dans l’hôpital dit des incurables, dont on lui confia l’administration, à cause de sa vertu éprouvée. Il s’acquitta de cette charge avec la plus grande intégrité et une sollicitude vraiment paternelle. Se regardant comme le serviteur de tous les malades, il avait coutume de préparer leurs lits, de nettoyer les salles, de panser les ulcères, de secourir les mourants à l’heure du suprême combat, par de pieuses prières et des exhortations, et il donna dans ces fonctions, des exemples d’admirable patience, de force invincible et d’héroïque charité. Mais ayant compris que la connaissance des lettres l’aiderait beaucoup à atteindre son but unique qui était de venir en aide aux âmes des agonisants, il ne rougit pas, à l’âge de trente-deux ans, de se mêler aux enfants pour étudier les premiers éléments de la grammaire. Initié dans la suite au sacerdoce, il jeta, de concert avec quelques amis associés à lui pour cette œuvre, les fondements de la congrégation des Clercs réguliers consacrés au service des infirmes ; et cela, malgré l’opposition et les efforts irrités de l’ennemi du genre humain. Miraculeusement encouragé par une voix céleste partant d’une mage du Christ en croix, qui, par un prodige admirable, tendait vers lui ses mains détachées du bois, Camille obtint du Siège apostolique l’approbation de son Ordre, où, par un quatrième vœu très méritoire, les religieux s’engagent à assister les malades, même atteints de la peste. Il parut que cet institut était singulièrement agréable à Dieu et profitable au salut des âmes ; car saint Philippe de Néri, confesseur de Camille, attesta avoir assez souvent vu les Anges suggérer des paroles aux disciples de ce dernier, lorsqu’ils portaient secours aux mourants.
Sixième leçon. Attaché par des liens si étroits au service des malades, et s’y dévouant jour et nuit jusqu’à son dernier soupir, Camille déploya un zèle admirable à veiller à tous leurs besoins, sans se laisser rebuter par aucune fatigue, sans s’alarmer du péril que courait sa vie. Il se faisait tout à tous et embrassait les fonctions les plus basses d’un cœur joyeux et résolu, avec la plus humble condescendance ; le plus souvent il les remplissait à genoux, considérant Jésus-Christ lui-même dans la personne des infirmes. Afin de se trouver prêt à secourir toutes les misères, il abandonna de lui-même le gouvernement général de son Ordre et renonça aux délices célestes dont il était inondé dans la contemplation. Son amour paternel à l’égard des pauvres éclata surtout pendant que les habitants de Rome eurent à souffrir d’une maladie contagieuse, puis d’une extrême famine, et aussi lorsqu’une peste affreuse ravagea Nole en Campanie. Enfin il brûlait d’une si grande charité pour Dieu et pour le prochain, qu’il mérita d’être appelé un ange et d’être secouru par des Anges au milieu des dangers divers courus dans ses voyages. Il était doué du don de prophétie et de guérison, et découvrait les secrets des cœurs grâce à ses prières, tantôt les vivres se multipliaient, tantôt l’eau se changeait en vin. Épuisé par les veilles, les jeûnes, les fatigues continuelles, et semblant ne plus avoir que la peau et les os, il supporta courageusement cinq maladies longues et fâcheuses, qu’il appelait des miséricordes du Seigneur. A l’âge de soixante cinq ans, au moment où il prononçait les noms si suaves de Jésus et de Marie, et ces paroles : « Que le visage du Christ Jésus t’apparaisse doux et joyeux » il s’endormit dans le Seigneur, muni des sacrements de l’Église, à Rome, à l’heure qu’il avait prédite, la veille des ides de juillet, l’an du salut mil six cent quatorze. De nombreux miracles l’ont rendu illustre, et Benoît XIV l’a inscrit solennellement dans les fastes des Saints. Léon XIII, se rendant au vœu des saints Évêques de l’Univers catholique, après avoir consulté la Congrégation des rites, l’a déclaré le céleste Patron de tous les hospitaliers et des malades du monde entier, et il a ordonné que l’on invoquât son nom dans les Litanies des agonisants.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Jean. Cap. 15, 12-16.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Ceci est mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. Et le reste.
Homélie de saint Augustin, Évêque. Tract. 83 in Joannem
Septième leçon. Que pensons-nous, mes frères ? Est-ce que le précepte qui veut qu’on s’entr’aime est le seul ? Et n’y en a-t-il pas un autre plus grand, celui d’aimer Dieu ? Ou plutôt Dieu ne nous a-t-il rien commandé de plus que la dilection, en sorte que nous n’ayons aucun souci du reste ? Évidemment l’Apôtre recommande trois choses, quand il dit : « La foi, l’espérance, la charité demeurent ; elles sont trois, mais la plus grande des trois, c’est la charité » [1]. Et si la charité ou dilection, parce qu’elle renferme ces deux préceptes, est donnée comme étant plus grande, elle n’est pas donnée comme étant seule. Ainsi au sujet de la foi, quel nombre de commandements y a-t-il ? Quel nombre aussi en ce qui touche l’espérance ? Qui peut les rassembler tous ? Qui peut suffire à les énumérer ? Mais étudions cette parole du même Apôtre : « La charité est la plénitude de la loi » [2].
Huitième leçon. Là où se trouve la charité, que peut-il donc manquer ? et où elle n’existe pas, que peut-il y avoir de profitable ? Le démon croit, mais il n’aime pas, l’homme qui ne croit pas, n’aime pas non plus. De même l’homme qui n’aime pas, quoique l’espérance du pardon ne lui soit pas enlevée, l’espère en vain ; mais celui qui aime, ne peut désespérer. Ainsi où est la dilection, se trouvent la foi et l’espérance ; et là où est l’amour du prochain se trouve nécessairement aussi l’amour de Dieu. En effet, comment celui qui n’aime pas Dieu aimerait-il le prochain comme lui-même ; puisqu’il ne s’aime pas soi-même, impie qu’il est et ami de l’iniquité ? Or celui qui aime l’iniquité, celui-là, à coup sûr, n’aime pas son âme, il la hait au contraire [3].
Neuvième leçon. Observons donc le précepte d’aimer le Seigneur afin de nous entr’aimer, et par là nous accomplirons tout le reste, puisque tout le reste y est compris. Car l’amour de Dieu se distingue de l’amour du prochain, et le Sauveur a marqué cette distinction en ajoutant : « Comme je vous ai aimés » [4] ; or à quelle fin le Christ nous aime-t-il, si ce n’est pour que nous puissions régner avec lui ? Aimons-nous donc les uns les autres de manière à nous distinguer du reste des hommes, qui ne peuvent aimer les autres, par la raison qu’ils ne s’aiment pas eux-mêmes. Quant à ceux qui s’aiment en vue de posséder Dieu, ils s’aiment véritablement. Ainsi donc, qu’ils aiment Dieu pour s’aimer. Un tel amour n’existe pas chez tous les hommes ; il en est peu qui s’aiment afin que Dieu soit tout en tous.
Ne croyons pas que l’Esprit-Saint, dans son désir d’élever nos âmes au-dessus de la terre, n’ait que mépris pour les corps. C’est l’homme tout entier qu’il a reçu mission de conduire à l’éternité bienheureuse, comme tout entier l’homme est sa créature et son temple [5]. Dans l’ordre de la création matérielle, le corps de l’Homme-Dieu fut son chef d’œuvre ; et la divine complaisance qu’il prend dans ce corps très parfait du chef de notre race, rejaillit sur les nôtres dont ce même corps, formé par lui au sein de la Vierge toute pure, a été dès le commencement le modèle. Dans l’ordre de réhabilitation qui suivit la chute, le corps de l’Homme-Dieu fournit la rançon du monde ; et telle est l’économie du salut, que la vertu du sang rédempteur n’arrive à l’âme de chacun de nous qu’en passant par nos corps avec les divins sacrements, qui tous s’adressent aux sens pour leur demander l’entrée. Admirable harmonie de la nature et de la grâce, qui fait qu’elle-même celle-ci honore l’élément matériel de notre être au point de ne vouloir élever l’âme qu’avec lui vers la lumière et les cieux ! Car dans cet insondable mystère de la sanctification, les sens ne sont point seulement un passage : eux-mêmes éprouvent l’énergie du sacrement, comme les facultés supérieures dont ils sont les avenues ; et l’âme sanctifiée voit dès ce monde l’humble compagnon de son pèlerinage associé à cette dignité de la filiation divine, dont l’éclat de nos corps après la résurrection ne sera que l’épanouissement.
C’est la raison qui élève à la divine noblesse de la sainte chargé les soins donnés au prochain dans son corps ; car, inspirés par ce motif, ils ne sont autres que l’entrée en participation de l’amour dont le Père souverain entoure ces membres, qui sont pour lui les membres d’autant de fils bien-aimés. J’ai été malade et vous m’avez visité [6], dira le Seigneur au dernier des jours, montrant bien qu’en effet, dans les infirmités mêmes de la déchéance et de l’exil, le corps de ceux qu’il daigne appeler ses frères [7] participe de la propre dignité du Fils unique engendré au sein du Père avant tous les âges. Aussi l’Esprit, chargé de rappeler les paroles du Sauveur à l’Église [8], n’a-t-il eu garde d’oublier celle-ci ; tombée dans la bonne terre des âmes d’élite [9] elle a produit cent pour un en fruits de grâce et d’héroïque dévouement. Camille de Lellis l’a recueillie avec amour ; et par ses soins la divine semence est devenue un grand arbre [10] offrant son ombre aux oiseaux fatigués qu’arrête plus ou moins longuement la souffrance, ou pour lesquels l’heure du dernier repos va sonner. L’Ordre des Clercs réguliers Ministres des infirmes, ou du bien mourir, mérite la reconnaissance de la terre ; depuis longtemps celle des cieux lui est acquise, et les Anges sont ses associés, comme on l’a vu plus d’une fois au chevet des mourants.
Ange de la charité, quelles voies ont été les vôtres sous la conduite du divin Esprit ! Il fallut un long temps avant que la vision de votre pieuse mère, quand elle vous portait, se réalisât : avant de paraître orné du signe de la Croix et d’enrôler des compagnons sous cette marque sacrée, vous connûtes la tyrannie du maître odieux qui ne veut que des esclaves sous son étendard, et la passion du jeu faillit vous perdre. O Camille, à la pensée du péril encouru alors, ayez pitié des malheureux que domine l’impérieuse passion, arrachez-les à la fureur funeste qui jette en proie au hasard capricieux leurs biens, leur honneur, leur repos de ce monde et de l’autre. Votre histoire montre qu’il n’est point de liens que la grâce ne brise, point d’habitude invétérée qu’elle ne transforme : puissent-ils comme vous retourner vers Dieu leurs penchants, et oublier pour les hasards de la sainte charité ceux qui plaisent à l’enfer ! Car, elle aussi, la charité a ses risques, périls glorieux qui vont jusqu’à exposer sa vie comme le Seigneur a donné pour nous la sienne : jeu sublime, dans lequel vous fûtes maître, et auquel plus d’une fois applaudirent les Anges. Mais qu’est-ce donc que l’enjeu de cette vie terrestre, auprès du prix réservé au vainqueur ?
Selon la recommandation de l’Évangile que l’Église nous fait lire aujourd’hui en votre honneur, puissions-nous tous à votre exemple aimer nos frères comme le Christ nous a aimés [11] ! Bien peu, dit saint Augustin [12], ont aujourd’hui cet amour qui accomplit toute la loi ; car bien peu s’aiment pour que Dieu soit tout en tous [13]. Vous l’avez eu cet amour, ô Camille ; et de préférence vous l’avez exercé à l’égard des membres souffrants du corps mystique de l’Homme-Dieu, en qui le Seigneur se révélait plus à vous, en qui son règne aussi approchait davantage. A cause de cela, l’Église reconnaissante vous a choisi pour veiller, de concert avec Jean de Dieu, sur ces asiles de la souffrance qu’elle a fondés avec les soins que seule une mère sait déployer pour ses fils malades. Faites honneur à la confiance de la Mère commune. Protégez les Hôtels-Dieu contre l’entreprise d’une laïcisation inepte et odieuse qui sacrifie jusqu’au bien-être des corps à la rage de perdre les âmes des malheureux livrés aux soins d’une philanthropie de l’enfer. Pour satisfaire à nos misères croissantes, multipliez vos fils ; qu’ils soient toujours dignes d’être assistés des Anges. Qu’en quelque lieu de cette vallée d’exil vienne à sonner pour nous l’heure du dernier combat, vous usiez de la précieuse prérogative qu’exalte aujourd’hui la Liturgie sacrée, nous aidant par l’esprit de la sainte dilection à vaincre l’ennemi et à saisir la couronne céleste [14].
La gloire et l’importance historique de saint Camille de Lellis proviennent de ce qu’il appartient à ce groupe choisi d’apôtres doués d’une charité sublime et héroïque, humblement soumis à l’Église, et qui, en son nom, réalisèrent dans son sein cette réforme générale dont, au XVIe siècle, on sentait partout le besoin, et dont on parlait parfois dans un sens fort peu catholique.
Saint Camille, après une vie laborieusement dépensée à assister les malades dans les hôpitaux publics de Saint-Jacques des Incurables et du Saint-Esprit, mourut à Rome le 14 juillet 1614. Saint Philippe Néri, qui fut son confesseur, avait vu les anges eux-mêmes mettre sur les lèvres des religieux institués par saint Camille les paroles les plus aptes à réconforter les mourants, et Léon XIII le proclama céleste Patron des agonisants.
La messe suivante s’inspire de la pensée du sublime mérite de la charité chrétienne, laquelle atteint son sommet le plus héroïque quand on méprise sa propre vie pour venir au secours de son frère en danger, comme cela fut imposé par le Saint à la Congrégation qu’il fonda.
L’antienne d’introït est tirée de l’Évangile selon saint Jean (XV, 13) : « Personne n’aime davantage que celui qui donne sa vie pour ses amis ». — Saint Bernard fait à ce propos une charmante remarque : « Seigneur, on peut concevoir une charité encore plus grande, et c’est la vôtre, vous qui avez donné votre vie pour vos ennemis ». Suit le premier verset du psaume 40 : « Bienheureux celui qui se souvient du pauvre et du misérable ; le Seigneur le sauvera au jour du malheur ». — L’aumône, c’est la compassion qu’on a pour le pauvre (à la vérité, la Vulgate parle ici de l’intelligence de la pauvreté) ; c’est comme un capital qu’on donne à Dieu, et qui produit un intérêt de cent pour un.
Voici la première collecte : « Seigneur, qui avez orné le bienheureux Camille d’une charité spéciale pour assister les malades dans les angoisses de l’agonie ; accordez-nous par ses mérites l’esprit de dilection, afin qu’au moment de notre trépas, nous arrivions à surmonter l’adversaire et à mériter la céleste couronne ».
La première lecture, tirée de saint Jean (I, III, 13-18) est commune au deuxième dimanche après la Pentecôte. La charité est une flamme qui s’éteint, si elle ne consume ; elle vit donc de sacrifice.
Le graduel et le verset alléluiatique sont empruntés à la messe Os iusti.
La lecture évangélique est identique à celle de la vigile de saint Thomas. La charité est le précepte spécial du Christ, en sorte que la foi catholique et l’espérance ne nous serviraient de rien, si ces deux vertus n’agissaient pas ensuite au moyen de l’amour. Præceptum Domini est — répétait à Éphèse le Disciple bien-aimé, quand, à la fin du premier siècle, il était porté à cause de son grand âge par ses disciples dans les synaxes liturgiques — et si hoc solum fiat, sufficit.
Voici la collecte sur les oblations : « Que l’Hostie immaculée qui renouvelle ici sur l’autel l’excès d’amour de notre Seigneur Jésus, par l’intercession de saint Camille nous protège contre tous les maux du corps et de l’esprit et soit aussi pour les agonisants réconfort et salut ».
Le génie chrétien a donné un nom très expressif à la divine Eucharistie reçue parles malades près de mourir : elle s’appelle le viatique, c’est-à-dire la nourriture qui sert pour le voyage du temps à l’éternité. Il existe une mystérieuse relation entre l’Eucharistie et notre passage à l’autre vie. En effet, comme l’agneau pascal et les pains azymes furent mangés pour la première fois par les Hébreux à leur départ d’Égypte ; comme Jésus lui-même, la veille de sa mort, institua le divin Sacrement, et y participa lui-même le premier ; ainsi voulut-il que l’Eucharistie fût aussi pour nous le Sacrement qui consacre notre sacrifice suprême et couronne notre vie chrétienne.
L’antienne pour la Communion est tirée de saint Matthieu (XXV, 36 et 40) : « J’ai été malade et vous m’avez visité. Je vous le dis en vérité : ce que vous avez fait à un seul de mes plus petits frères, vous me l’avez fait à moi ». Le malade reflète d’une manière spéciale l’image de Jésus, parce que celui-ci dans sa charité languores nostros ipse tulit et dolores nostros ipse portavit, comme le dit Isaïe [15].
La collecte d’action de grâces a les mêmes caractères que les précédentes. Elle manque de rythme, ne suit pas les lois du cursus et, pour vouloir dire trop, elle se soutient mal. La piété seule supplée à ces lacunes de style. « Par ce divin Sacrement que nous avons pieusement reçu en la fête de saint Camille votre confesseur ; accordez-nous, Seigneur, qu’au moment de mourir, munis des Sacrements et absous de tout péché, nous soyons heureusement accueillis au sein de votre miséricorde ».
Voilà le dernier réconfort d’une âme chrétienne : la douce espérance dans l’ineffable miséricorde de Dieu ; parce que, comme le dit l’Apôtre : spes autem non confondit [16] ; et Celui qui alimente dans notre cœur la douce espérance est le même qui veut ensuite la réaliser au ciel.
J’étais malade et vous m’avez visité.
L’Église célèbre, les 18, 19 et 20 juillet, trois héros de la charité : saint Camille de Lellis, saint Vincent de Paul et saint Jérôme Émilien. Leur fête n’arrive pas le jour de leur mort, et l’intention de l’Église en les rapprochant apparaît manifeste : C’est que le premier pratiqua une charité héroïque envers les malades, le second envers les pauvres, et le troisième envers les orphelins.
1. Saint Camille. — Jour de mort : 14 juillet 1614. Tombeau : à Rome, dans l’église de Sainte-Marie Madeleine (sous un autel latéral du côté de l’Épître). Saint Camille naquit d’une mère déjà sexagénaire. Dans sa jeunesse, il se laissa, quelque temps, aller aux vices du siècle, mais, à vingt-cinq ans, le jour de la Purification, il se convertit. A deux reprises il voulut se faire admettre chez les Frères Mineurs Capucins ; un ulcère à la jambe l’en empêcha. A Rome, on le reçoit à l’hôpital des Incurables. Tel est l’éclat de ses vertus qu’on lui en confie l’administration. De mille manières il prodigue aux malades ses soins spirituels et corporels. A trente-deux ans, il commence ses études, sans rougir d’avoir pour condisciples des enfants. Prêtre, il fonde la Congrégation des Clercs réguliers ministres des infirmes qui, en plus des trois vœux ordinaires, font celui de soigner les pestiférés au péril de leur vie. Les malades le voient, nuit et jour, inlassable à leur service, s’acquittant des plus serviles besognes. Mais c’est surtout aux heures où une épidémie, suivie de la famine, éprouve Rome, et où la peste exerce à Nole ses ravages, que brille sa charité. Il supporte courageusement cinq maladies. Il les appelle des miséricordes du Seigneur, et expire à Rome, âgé de soixante-cinq ans, avec aux lèvres ces paroles de la prière des agonisants : « Que le visage du Christ Jésus t’apparaisse doux et joyeux ! » Léon XIII l’a déclaré le céleste patron des hôpitaux, et a prescrit l’invocation de son nom aux litanies des mourants.
2. Messe (Majórem hac). — Elle est un exemple d’un formulaire nouveau qui retrace la vie et les vertus du saint. L’Introït fournit le titre et le thème de la messe : « Personne ne peut donner une plus grande marque d’amour que de donner sa vie pour ses amis ». Suit le psaume 40, le psaume des malades. Le thème reparaît dans l’Épître et l’Évangile tirés de saint Jean, l’apôtre de la charité.
L’Épître parle de l’amour du prochain : l’amour du prochain est la marque de la vie divine en nous. « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères... Quiconque hait son frère est un homicide... A ceci nous avons connu l’amour (du Christ), c’est que Lui a donné sa vie pour nous. Nous aussi ; nous devons donner notre vie pour nos frères. Mes petits enfants, n’aimons pas de parole et de langue, mais en action et en vérité ». Ces mots de l’Épître contiennent, dans toute sa profondeur, le précepte de la charité.
A l’Évangile ; nous entendons le Maître lui-même dans son discours d’adieu : « C’est mon commandement que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne ne peut avoir de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Paroles à graver profondément en nous, et qui ne doivent pas être de simples formules.
Au Saint-Sacrifice elles deviennent « action et vérité » : nous y « renouvelons cette œuvre de l’immense amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Secrète), le sacrifice de la Croix. La Communion est également très expressive : la sainte communion est une anticipation du retour du Sauveur. « J’ai été malade, dit-il, et vous m’avez visité... Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
A la Postcommunion, nous demandons la grâce d’une bonne mort ; que notre communion d’aujourd’hui soit un viatique pour notre trépas !
3. La prière liturgique pour les agonisants. — « Puissions-nous à l’heure de notre mort triompher de l’ennemi et recevoir la couronne céleste ! » Voici le vœu que nous formulons aujourd’hui dans notre prière. Connaît-on bien la prière liturgique pour les agonisants ? En prévision de la mort, avons-nous chez nous un cierge bénit ? Nous devons également tenir prêts, pour l’administration des derniers sacrements, un crucifix, des bougies et une nappe blanche. Sait-on que l’Église a composé pour qu’on les récite à l’approche de la mort des prières spéciales, la « recommandation de l’âme » ? Malheureusement, ce sont des prières que les prêtres ne récitent presque jamais. Dès maintenant demandons donc à l’un ou à l’autre de ceux que nous connaissons de nous rendre ce service, le moment venu. Dès maintenant aussi, pendant que nous jouissons de la santé, familiarisons-nous avec les prières des agonisants. Elles commencent par une litanie spéciale où sont invoqués les patrons de la bonne mort. Vient ensuite l’oraison bien connue : « Quitte ce monde, âme chrétienne, au nom de Dieu, le Père tout-puissant, qui t’a créée ; au nom de Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour toi ; au nom du Saint-Esprit, qui a été répandu en toi... » Puis, c’est encore une prière de forme litanique dans laquelle on rappelle à Dieu les circonstances de l’Ancien et du Nouveau Testament où les justes furent sauvés de la détresse et du danger ; cette évocation, par exemple : « Délivre, Seigneur, l’âme de ton serviteur, comme tu as déchargé Suzanne d’une fausse accusation ». Lorsque le mourant a rendu le dernier soupir, on supplie Dieu aussitôt de lui faire bon accueil : « Venez à son aide, saints de Dieu ; accourez à sa rencontre, anges du Seigneur, Recevez son âme et présentez-la devant la face du Très-Haut. » C’est en nous familiarisant ainsi avec ces prières que notre âme sera prête pour l’heure de la mort.
[1] I Cor. 13, 13.
[2] Rom. 13, 10.
[3] Ps. 10, 6.
[4] Jn. 15, 12.
[5] I Cor. VI, 19, 20.
[6] Matth. XXV, 36.
[7] Heb. II, 11-17.
[8] Johan. XIV, 26.
[9] Luc. VIII, 8, 15.
[10] Ibid. XIII, 19.
[11] Johan XV, 12.
[12] Homilia diei Aug. In Joh. tract. LXXXIII.
[13] I Cor. XV, 28.
[14] Collecta diei.
[15] LIII, 4 : Il a porté nos langueurs, et Il s’est chargé Lui-même de nos douleurs.
[16] Rom. 5, 5 : l’espérance n’est point trompeuse.