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07/11 7ème jour dans l’Octave de la Toussaint

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

L’Octave de la Toussaint, instituée par Sixte IV à la fin du XVe siècle fut supprimée en 1955, nous le signalons pour les textes patristiques lus au bréviaire pendant cette huitaine (notamment l’homélie sur le Sermon sur la Montagne de St Augustin, lue en continu du 1er au 8 novembre, sauf le 2, commémoraison des Fidèles trépassés, et le 4, fête de st Charles Borromée)

Textes de la Messe

Comme au jour de la fête.

Office

A MATINES. avant 1955

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Jean Chrysostome..

Quatrième leçon. Quiconque admire avec un religieux amour, les mérites des Saints, et célèbre par des louanges répétées la gloire des justes, est tenu d’imitez leur sainte vie et leur justice ; car il importe que celui pour qui c’est une joie d’exalter le mérite de quelque Saint, ait aussi à cœur d’être, comme lui, fidèlement dévoué au service de Dieu. Il faut donc, ou imiter, si on loue ; ou s’abstenir de louer, si on refuse d’imiter. De sorte qu’en décernant des louanges à un autre, on se rend digne de louanges, et qu’en admirant le mérite des Saints, on devienne soi-même admirable par une sainte vie. Car si nous aimons les âmes justes et fidèles, par cette raison que nous estimons leur justice et leur foi, nous pouvons, nous aussi, devenir ce qu’ils sont, en faisant nous-mêmes ce qu’ils font.

Cinquième leçon. Et il ne nous est pas difficile d’imiter leurs action ?, en considérant que les premiers Saints ont agi sans avoir d’exemple devant eux, en sorte qu’ils ne se rendaient pas les imitateurs des autres, mais qu’ils s’offraient à nous comme des modèles de vertus à copier ; afin que, par le profit que nous tirons de leur exemple, et par celui que le prochain tire du nôtre, Jésus-Christ soit, en ses serviteurs, perpétuellement glorifié dans la sainte Église. Ainsi, dès les premiers temps du monde, l’innocent Abel est tué ; Hénoch est enlevé parce qu’il a le bonheur de plaire à Dieu ; Noé est trouvé juste ; Abraham est éprouvé et reconnu fidèle ; Moïse est distingué pour sa mansuétude ; Jésus est chaste ; David est doux ; Élie est agréable au Seigneur ; Daniel est pieux, et ses trois compagnons sont rendus victorieux.

Sixième leçon. Les Apôtres, disciples du Christ, sont institués maîtres des croyants : instruits par eux, les Confesseurs généreux combattent ; les Martyrs consommés en perfection triomphent, et des légions de Chrétiens, armés par Dieu, ne cessent de repousser le diable. Leurs vertus sont semblables, et si leurs combats diffèrent, leurs victoires sont glorieuses. O Chrétien, tu n’es donc qu’un soldat délicat, si tu penses vaincre sans combat, et triompher sans effort. Déploie tes forces, lutte avec courage, combats sans défaillance dans cette mêlée. Considère le pacte, réfléchis aux conditions, rends-toi compte de la milice : le pacte que tu as conclu, les conditions auxquelles tu as embrassé le parti, la milice dans laquelle tu t’es enrôlé.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 5, 1-12.

En ce temps-là : Jésus, voyant la foule, monta sur la montagne, et lorsqu’il se fut assis, les disciples s’approchèrent de lui. Et le reste.

De l’Homélie de saint Augustin, Évêque.

Septième leçon. Il convenait que la première béatitude mentionnât le royaume des cieux, comme étant la possession de l’âme raisonnable, parvenue à son plus haut degré de sagesse et de perfection. Aussi lisons-, nous : « Bienheureux les pauvres d’esprit, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux, » comme s’il y avait : « Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. » L’héritage est donné à ceux qui sont doux, comme à des enfants qui cherchent avec piété le testament d’un père : « Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu’ils possèderont la terre » par droit : d’héritage. A ceux qui pleurent, la consolation est promise, comme à des affligés qui savent ce qu’ils ont perdu et dans quel abîme de maux ils sont plongés : « Bienheureux ceux qui pleurent » maintenant, « parce qu’ils seront consolés. » A ceux qui ont faim et soif, le rassasiement est assuré, comme une réfection dans leurs travaux et dans les combats qu’ils soutiennent vaillamment pour : le salut : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la j justice, parce qu’ils seront rassasiés. »

Huitième leçon. Aux miséricordieux est promise la miséricorde, en tant qu’ils suivent ce raisonnable et excellent conseil, de ne pas refuser à de plus faibles ce qu’ils veulent obtenir d’un plus puissant : « Bienheureux les miséricordieux, parce que Dieu leur fera miséricorde. » A ceux qui ont le cœur pur, la faculté de voir Dieu, en tant qu’ils ont le regard de l’entendement assez limpide pour discerner les choses éternelles : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. » Aux pacifiques est attribuée la divine ressemblance, en tant qu’ils sont parfaitement sages, et formés à l’image de Dieu par la régénération de l’homme renouvelé : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu. » Et tous ces perfectionnements peuvent devenir complets dès cette vie, dans la- mesure où ils le furent, croyons-nous, chez les Apôtres. Car, pour ce changement absolu, cette transformation tout angélique promise après cette vie, il n’y a point de paroles qui puissent l’exprimer.

Neuvième leçon. « Bienheureux donc ceux qui souffrent persécution pour justice, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux. » Cette huitième sentence, qui remonte au sommet et qui proclame l’homme parfait, est peut-être figurée, et par la circoncision, pratiquée dans l’ancien Testament le huitième jour après la naissance, et par la résurrection du Seigneur, le lendemain du sabbat, qui est en même temps le huitième jour et le premier de la semaine ; et aussi par la célébration des Octaves ou huitaines, pendant lesquelles nous solennisons les fêtes dans l’ère de la régénération de l’homme nouveau ; enfin, par le nombre même des cinquante jours de la Pentecôte : car, au nombre sept multiplié par sept, ce qui donne quarante-neuf, on ajoute un huitième jour à la dernière semaine pour compléter cinquante, et revenir ainsi comme au premier anneau de la chaîne : et dans ce huitième jour où fut envoyé l’Esprit-Saint, nous sommes introduits au royaume des cieux, mis en possession de l’héritage, consolés, rassasiés, traités avec miséricorde, purifiés, rétablis dans la paix. Et ainsi perfectionnés, nous supportons, pour la vérité et la justice, toutes les persécutions qui nous viennent du dehors.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Grand mystère que celui qui s’accomplit en nos morts ! s’écrie saint Jean Chrysostome. Mystère de louange et d’allégresse, lorsque mandée par le Roi des rois, l’âme s’en va vers son Seigneur, accompagnée des Anges venus pour cela des cieux ! Et toi, tu te lamentes [1] ?... Pourtant, lorsque l’époux auquel tu l’as donnée emmène ta fille au loin, tu ne te plains pas s’il la rend heureuse ; bien que l’absence puisse te peser, la tristesse en est tempérée : sera-ce donc parce que ce n’est pas un homme, un esclave comme nous, qui s’attribue quelqu’un des tiens, mais le Seigneur lui-même, que ton chagrin doit passer toutes bornes ? Je ne te demande point de ne verser aucune larme : pleure, mais sans te désoler comme ceux qui n’ont point d’espérance [2] ; et sache n’en pas moins rendre grâces comme il est juste, honorant par là tes morts autant que glorifiant Dieu, leur faisant ainsi de splendides funérailles [3]. »

Tel était le sentiment dont s’inspiraient nos pères, en ces adieux de la liturgie primitive qui contrastaient si grandement avec les pompes désolées des païens, et semblaient faire du cortège funèbre une conduite d’épousée.

Des mains pieuses lavaient d’abord respectueusement la dépouille mortelle sanctifiée par l’eau du baptême et l’huile sainte, si souvent honorée de la visite du Seigneur en son Sacrement. On la revêtait ensuite des vêtements d’honneur sous lesquels elle avait servi l’Époux. Comme lui au tombeau, on l’entourait elle aussi de parfums. Souvent même, sur sa poitrine, à l’issue du Sacrifice d’action de grâces et de propitiation, on déposait l’Hostie sainte. Et c’est ainsi que dans une admirable succession de prières et de chants de triomphe, parmi les nuages d’encens, à la lumière de torches nombreuses, elle était conduite au champ du repos où la sépulture chrétienne allait l’associer au dernier mystère de la vie mortelle du Sauveur. Comme au grand Samedi sur le jardin du Golgotha, la Croix nue, dépossédée de son divin fardeau, y planait sur les tombes où l’Homme-Dieu continuait d’attendre, en ses membres mystiques, l’heure assurée de la résurrection.

Au moyen âge, pendant le trajet vers la tombe et la sépulture, on chanta longtemps à Rome, aussi bien que dans le reste de la chrétienté latine, sept Antiennes célèbres, dont l’In paradisum et le Subvenite perpétuent d’ailleurs jusqu’à nous l’inspiration touchante, en pleine harmonie avec les considérations qui précèdent. La première, Aperite mihi portas justitiae, formait le refrain du Psaume CXVII, Confitemini Domino quoniam bonus, et relevait ses accents de victoire, auxquels l’Église emprunte le glorieux Verset qui revient sans fin sur ses lèvres en la Solennité des solennités : Haec dies quam fecit Dominus, exsultemus et laetemur in ea. « C’est le jour que le Seigneur a fait, tressaillons et réjouissons-nous [4]. »

Mais le mieux est de donner la série entière des sept Antiennes, avec l’indication des Psaumes qu’elles accompagnaient. La dernière et le Cantique Benedictus sont encore en usage, ainsi que le Répons Subvenite et l’Antienne In paradisum, indiqués présentement au Rituel, le premier pour l’entrée à l’église, l’autre pour la sortie.

Ant. 1 Ouvrez-moi les portes de la justice ; c’est par elles que j’entrerai pour louer le Seigneur.
Psaume CXVII. Confitemini Domino quoniam bonus.

Ant. 2 J’entrerai dans le lieu du tabernacle admirable, jusqu’à la maison de Dieu.
Psaume XLI. Quemadmodum desiderat cervus.

Ant. 3 C’est ici le lieu de mon repos à jamais, le lieu que j’habiterai ; car je l’ai choisi.
Psaume CXXXI. Memento Domine David.

Ant. 4 SEIGNEUR, vous m’avez formé du limon , vous m’avez revêtu de cette chair ; vous êtes mon Rédempteur : ressuscitez-moi au dernier jour.
Psaume CXXXVIII. Domine probasti me.

Ant. 5 Seigneur, n entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce que nul homme vivant ne pourra être trouvé juste devant vous.
Psaume CXLII. Domine exaudi orationem meam.

Ant. 6 Soit loué, le Seigneur par tout ce qui respire !
Psaume CXLVIII. Laudate Dominum de cœlis.

Ant. 7 Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, quand bien même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas à jamais.
Cantique Benedictus Dominus Deus Israël.

On concluait en certains lieux par l’Antienne suivante :

Ant. Je viens à vous d’un cœur joyeux, recevez-moi, Seigneur. Puisque vous m’avez formé de la terre, en m’infusant du ciel un principe de vie : venez, pour remettre à la terre mon corps ; et l’âme que vous m’avez donnée, recevez-la, mon Dieu.

RÉPONS ET ANTIENNE DU RITUEL ROMAIN.

R/. Faites-lui cortège, Saints de Dieu ; Anges du Seigneur, venez à la rencontre : Accueillez son âme : * Présentez-la devant le Très-Haut.
V/. Que te reçoive le Christ par qui tu fus appelée ; qu’au sein d’Abraham te conduisent les Anges. * Accueillez.
V/. Donnez-lui, Seigneur, le repos éternel ; que luise pour elle la lumière sans fin. * Présentez-la.

Ant. Qu’au paradis te conduisent les Anges ; qu’à ton arrivée t’accueillent les Martyrs, et qu’ils t’introduisent en Jérusalem, la cité sainte. Sois reçue par le chœur angélique ; qu’avec Lazare, jadis pauvre, soit à toi l’éternel repos.

Pour la consolation des mères, autant qu’en hommage au paradis dont ils sont les fleurs gracieuses, nous chanterons aujourd’hui, avec saint Éphrem, les enfants ravis dans leur innocence à cette terre de misères.

CANON XXXVI [5].

L’aimable enfant que la grâce forma dans le sein maternel avait à peine vu la lumière, que fondant sur lui, la cruelle mort, en un tourbillon brûlant, fit tomber les feuilles de cette fleur printanière, en flétrit la tige, en dessécha les rameaux.

Je n’ose me lamenter sur ton trépas ; car je sais que le fils du Roi t’a emmené dans les sereines profondeurs des cieux. La nature , il est vrai , me dit de te pleurer, ô mon fils ; mais quand je songe au pays de la bienheureuse lumière devenu ton séjour, je sens qu’il me faut éviter d’assombrir la cour du Roi par de profanes regrets, qu’on me taxera d’audacieux mal appris si je me présente en larmes et sous des habits de deuil dans le palais du bonheur. M’arrêtant donc à meilleur conseil, j’offrirai une hostie sans reproche et tournerai mon cœur à l’allégresse.

Enfant chéri, tes chants étaient doux à mon oreille ; quel charme j’y trouvais ! Suave gazouillement dont je me souviens ! Babil dont les mots sont gravés en moi pour toujours. Pourtant, quand se les rappelle mon cœur, ma pensée prend son vol vers les concerts de la patrie, et elle écoute ravie les habitants des cieux chanter avec toi le triomphal Hosanna.

CANON XLIII.

Les petits enfants, Seigneur, sont votre part aimée ; vous leur réservez une place au ciel par delà les astres. Faites, je vous en prie, qu’ils soient nos intercesseurs ; car, nous le savons, les prières des enfants sont pures.

A vous ma louange, et ma louange la meilleure, vous qui voulez de tels convives à votre table. Celui qui fut notre salut, le Rédempteur embrassa les enfants et il les bénit sous les yeux du peuple assemblé, montrant combien lui agréait l’innocence, la pureté de cet âge. Oui ; il est digne de toute louange, Celui qui se complaît au milieu des innocents.

Lui en qui la justice réside comme en son trône, il a vu que les iniquités des hommes en sont arrivées h dépasser toute mesure, que, l’innocence bafouée, règne partout l’émulation du mal. Par son appariteur il amande l’enfantine phalange, et l’a introduite au séjour des joies éternelles.

Comme des lis transplantés d’une terre inculte et désolée, les petits enfants ont repris racine dans les parterres du jardin de délices. Comme des perles, ils sont enchâssés dans le diadème du Seigneur. Montés de cette terre au royaume des cieux, ils louent sans fin l’auteur de leur félicité.

Qui ne se réjouirait de voir ainsi au ciel les petits enfants ? qui se désolerait d’une mort grâce à laquelle ils ont esquivé les filets du vice en tous lieux tendus ? Plaise à vous, Seigneur, que par votre grâce j’aie une telle fin et sois admise partager leur vie fortunée !

Soit louange et gloire au Très bon, au Très grand, qui enlève ces enfants à la terre pour les donner au ciel, qui les arrache aux misères de cette vie et les reçoit en sa bienheureuse maison, mettant leur bonheur en sûreté.

CANON XLIV.

Seigneur notre Dieu, voici que vous tirez une louange parfaite de la bouche des petits et des enfants à la mamelle : simples agneaux qui prospèrent à cette heure dans le jardin de délices, ils suivent l’Archange Gabriel, le guide de ce troupeau élu. Ils habitent une terre où nul crime n’a laissé sa néfaste empreinte ; de celle-ci qu’a frappée la malédiction, ils n’ont pas même un souvenir.

Viendra pourtant le très saint jour où leurs corps entendront la voix du Fils de Dieu, et dans l’allégresse ils s’élanceront de leurs tombes ; devant eux, l’ennemie de la vertu, la volupté, baissera la tête, rouge de confusion, comme n’ayant pu troubler leurs âmes. Leurs jours ici-bas furent courts ; le paradis les recueillit pour y vivre toujours. Leurs parents gémissent d’en être éloignés encore, ne désirant que de promptement les y rejoindre.

Terminons par cette prière empruntée aux formules usitées dans l’Église latine pour la sépulture des petits enfants.

ORAISON.

Dieu tout-puissant, Dieu très doux, qui à tous les petits enfants renés de la fontaine baptismale, quand ils quittent ce monde, donnez aussitôt la vie éternelle sans nul mérite de leur part ; nous vous en supplions, Seigneur : par l’intercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge et de tous vos Saints, faites que nous vous servions ici-bas dans la pureté du cœur, afin qu’au paradis nous soyons admis pour toujours dans la société des bienheureux petits enfants. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Seigneur, ils ont pratiqué la justice, ils habitent maintenant dans votre demeure et se reposent sur votre sainte montagne. » (Antienne)

Pensées de la Toussaint. — Aujourd’hui, c’est la « Bouche d’or » de l’Église, saint Jean Chrysostome, qui nous parle des saints. Voici la pensée qu’il développe : nous devons ou bien imiter les exemples des saints, ou bien renoncer à les louer. « Quiconque admire avec un pieux amour les mérites des saints et célèbre la gloire des justes par une perpétuelle louange doit aussi imiter leur conduite et leur justice. En effet celui que réjouissent les mérites d’un saint doit se livrer aussi avec joie au service de Dieu. C’est pourquoi, s’il joue, il lui faut imiter ; ou bien il lui faut cesser de louer, s’il refuse d’imiter. Et ce n’est pas trop difficile pour nous d’imiter les œuvres des saints ; les anciens ont accompli ces actes de générosité sans avoir de modèles sous les yeux ; ils n’ont donc pas imité les autres, mais ils se sont offerts à nous comme modèles des vertus à imiter. Ainsi, dans la Sainte Église, le Christ est toujours loué dans ses saints quand nous sommes entraînés au bien par eux et d’autres par nous. C’est pourquoi, dès l’origine de la création, l’innocent Abel est mis à mort, Enoch, l’ami de Dieu, est enlevé au ciel, Noé est trouvé juste, Abraham est confirmé dans la justice, Moïse est reconnu patient, Josué saint, David doux, Élie bienveillant, Daniel saint ; les trois jeunes gens sont éprouvés et reconnus vainqueurs. Les Apôtres, disciples du Christ, sont considérés comme maîtres des croyants ; instruits par eux, les confesseurs mènent avec courage le bon combat, les martyrs triomphent et l’armée des chrétiens, équipée par Dieu, conduit avec fermeté la guerre contre le Démon. Dans cette guerre, il y a toujours des vertus égales, des combats différents, des victoires glorieuses. Aussi, chrétiens, vous êtes des soldats efféminés, si vous croyez pouvoir vaincre sans combat et triompher sans lutte. Déployez vos forces, luttez courageusement, combattez opiniâtrement dans cette guerre. Considérez le pacte, prêtez attention à la condition imposée, apprenez à connaître votre métier de soldat. Le pacte, vous l’avez accepté ; la condition, vous l’avez adoptée ; "le métier de soldat, vous l’avez assumé. »

La sépulture chrétienne. — Que ce principe soit bien établi pour tous ceux qui veulent enterrer leurs parents en se conformant à l’esprit de la Sainte Église : la sépulture simple, sans pompe superflue, mais, autant que possible, liturgique. Ce principe doit être déjà observé évidemment dans les avis de mort, ce que l’on nomme les lettres de faire-part. Elles ne doivent pas consister en de grandiloquents avis, laissant déjà deviner la pompe des funérailles qui suivront, ni en cartes de visites bordées de noir et mentionnant tous les titres et toutes les fonctions honorifiques du défunt, mais en une invitation correcte à assister à une cérémonie de « sépulture chrétienne, témoignage édifiant d’une conception vraiment chrétienne de la mort.

Les lettres de faire-part rédigées, il faut s’occuper du corps. Les parents se chargeront eux-mêmes de procéder à la toilette du défunt et de le revêtir des habits convenables. C’est un dernier acte d’affection et de piété naturelle que nous ne laisserons pas aux employés des pompes funèbres. On doit mettre au défunt pour le suprême voyage les vêtements de fête qu’il portait pour se rendre le dimanche à l’église. Le mieux serait certainement que le vêtement de baptême pût être aussi le vêtement mortuaire. A une jeune fille, on peut mettre une couronne et un voile. C’est faire preuve de foi profonde que de placer dans les mains jointes un crucifix. On évitera pour la matière du cercueil et du drap mortuaire de recourir à des imitations. La liturgie n’aime pas le simili. Du bois foncé et uni est plus convenable qu’un placage de papier d’argent ; un simple drap de lin, mieux indiqué qu’une dentelle de papier ou de tulle. Un emblème religieux doit orner la dernière demeure de l’homme. Le lit funèbre sera simple et ainsi plus conforme à l’esprit de l’Église. On évitera de plonger la chambre mortuaire dans d’épaisses ténèbres, car elle doit être un symbole de consolation et d’espérance. On laissera également de côté, du moins dans la mesure du possible, .les tapis et les tentures noires. S’il existe un autel domestique, on placera le cercueil devant cet autel ; s’il n’yen a pas, on donnera à la chambre mortuaire l’aspect d’une chapelle plutôt que celui d’une sombre demeure mortuaire. Les feuillages, avec leur couleur verte symbolisant l’espérance, les fleurs et les lumières — le tout disposé avec discrétion — interpréteront la conception que se faisait de la mort le christianisme primitif, dans le sens d’une victoire et d’un triomphe.

Quand la famille a pris ces premières dispositions pour la sépulture convenable du défunt et a terminé l’installation du lit funèbre, étant débarrassée de ces préoccupations, elle peut de nouveau songer plus facilement à l’âme du défunt. Que ce serait beau de voir, au soir de la mort, la famille et le cercle des amis intimes se réunir autour du lit funèbre pour réciter en commun les vêpres des morts ! Les vêpres — prière vespérale d’action de grâces de l’Église — ont toujours quelque chose de solennel dans leurs accents ; elles font penser à un jour de Rédemption. Le jour de la mort fut pour le défunt un jour de Rédemption ; c’est dans cette assurance que devraient vivre ceux qui restent et c’est elle qu’ils devraient traduire dans le Magnificat des vêpres des morts. Heureux ceux qui sont tellement unis à l’au-delà qu’ils peuvent entonner autour du cercueil le chant de la Rédemption ! Ils possèdent ainsi quelque chose de l’esprit de la primitive Église.

La veille du jour de la sépulture, on pourrait réciter, le soir, dans la chambre mortuaire, les Matines des morts et, le matin même, les Laudes. Notre Mère l’Église a mis toute sa compassion et tout son amour dans cette prière nommée office des morts où elle se substitue au défunt. C’est l’office nocturne des Heures qui prépare et introduit le Sacrifice Eucharistique de la messe d’enterrement. La cérémonie de sépulture se déroule en trois endroits : à la maison mortuaire, à l’église et au cimetière. Son point culminant est, à l’église, la messe des morts. Pour la célébration de cette messe, le corps doit être porté à l’église. Ce transfert ne se fait pas au hasard, mais il est l’objet d’un rite liturgique plein de sens. Parents et fidèles se réunissent à la maison mortuaire d’où le défunt doit être conduit solennellement à l’église. La dernière démarche du chrétien pour se rendre à la messe rappelle en quelque sorte l’antique office de station, célébré jadis conformément aux prescriptions liturgiques. La maison mortuaire est pour ainsi dire l’ecclesia collecta, le lieu où la communauté des fidèles se rassemble. L’église paroissiale, c’est l’église de station à laquelle on se rend en procession liturgique pour la célébration de la messe des morts. Une sépulture organisée d’après les lois de la liturgie ressemble à la procession de station de l’Église primitive. C’est l’Introït solennel de la messe des morts. A la maison mortuaire commencent les rites qui accompagneront le dernier convoi du chrétien. Cette première partie des rites diffère avec les diocèses ; mais, la plupart du temps, elle s’inspire du Rituel Romain. Le convoi est précédé de l’aspersion et de la récitation d’une prière. Le psaume « De profundis » nous met de nouveau très bien en harmonie avec les sentiments de l’âme souffrante qui, dans sa culpabilité et sa détresse, attend impatiemment les effets du sacrifice de la Rédemption.

C’est au chant du « Subvenite... Descendez, saints de Dieu, hâtez-vous de venir au-devant de l’âme... » que le corps du chrétien entre pour la dernière fois à l’église. Il reposera devant l’autel tandis que sera offert pour son âme le grand sacrifice de la Rédemption et de la réconciliation, la Sainte Messe. A ce moment les rubriques du Rituel Romain prévoient la célébration de l’office des morts. Cet office, chanté par les ministres de la liturgie, devrait toujours précéder la messe. On l’omet dans la plupart des cas. Il est peut-être possible de comprendre les motifs de cette omission qui sont tirés de la longueur de cet office. La Sainte Messe, placée au milieu des rites de la sépulture, marque le point culminant de la liturgie des trépassés. Le sens de cette messe est le suivant : l’âme du défunt doit, grâce à la puissance du sacrifice de la messe, recevoir l’application de la Rédemption et entrer dans la joie du Seigneur. Il faut rappeler ici que la signification profonde des rites de la sépulture est troublée si la célébration de la messe est déplacée et renvoyée au lendemain de la sépulture, quand ce n’est pas plus tard encore. La communauté des fidèles tient alors sa dernière assemblée sur terre avec son frère défunt, en répandant sur son âme et sur les âmes de tous les chrétiens trépassés l’abondance des fruits du Sacrifice de la Messe. Ainsi, une messe de sépulture, comme une messe conventuelle, comme tout office public, présente un caractère vraiment saisissant. Cette messe en commun comporte, cela va de soi, la procession de l’offrande et la communion. Un sermon sur la mort a naturellement sa place tout indiquée à cette messe, après l’Évangile. Il ne doit pas consister en un panégyrique du défunt, mais en une homélie sur la liturgie de la messe des morts, en une explication du mystère de la Rédemption qui porte maintenant ses fruits. Une messe des morts, célébrée conformément à l’esprit de la liturgie de notre Sainte Église, montre combien celle-ci, dans la célébration des saints mystères, s’élève bien haut au-dessus des sectes hérétiques.

La messe des morts est suivie du Libera. A première vue, ce chant, tout imprégné de tristesse, ne semble pas exprimer les effets de la Rédemption pour l’âme. Il nous transporte au jugement dernier. Ce jour-là, le corps ici présent ressuscitera et sera réuni à l’âme pour partager son bonheur ou son malheur éternel. Si la messe profite exclusivement à l’âme, nous pourrions peut-être concevoir ce sombre « Libera » plutôt comme l’absolution de son complice dans le péché, le corps. L’aspersion et l’encensement autorisent en quelque sorte cette interprétation. L’Église le purifie avec l’eau bénite et accorde les honneurs de l’encensement à celui qui, pendant sa vie, a été marqué de tant de signes sacrés (huile, saint-chrême, Hostie, eau baptismale, etc.). De même que l’encens se dissipe, ainsi le corps va se décomposer ; de même que l’encens nous environne d’un parfum, ainsi le corps passera de la pourriture et de la mort à la gloire. L’âme est délivrée, le corps est purifié ; le mystère du suprême convoi entre dans sa troisième phase. On sort de l’église pour se rendre au cimetière en chantant : « In paradisum... que les anges te conduisent au paradis. »

Comme le cortège de la maison mortuaire à l’église, celui de l’église au cimetière présente un symbole. Le premier représentait la comparution de l’âme devant le Christ ; celui-ci représente l’entrée dans la joie du paradis. Les sentiments exprimés par la prière qui précédait la messe et ceux qu’expriment celles qui la suivent sont foncièrement différents. Les premiers respiraient une gravité profonde, triste, compatissante ; ceux-ci respirent la joie de la victoire, la lumière ; ils ont presque le caractère d’un chant de fête. De même que les Laudes des morts se rapprochent très souvent de la conception de la mort dans la primitive Église, les rites de la sépulture, dans leur troisième phase qui se déroule au cimetière, rappellent l’esprit des catacombes. D’ailleurs il ne peut ni ne doit en être autrement. Si l’âme était susceptible de Rédemption, elle est maintenant et pour toujours en possession de la Rédemption, comme nous l’a clairement montré le mystère de la messe des morts. C’est pourquoi les sentiments de notre prière sont désormais tout différents. Déjà le chant qui accompagnait le corps à sa sortie de l’église résonnait d’un joyeux accent de soulagement. Nous avons appris à le connaître. Il se faisait déjà entendre comme chant d’accompagnement pour le « racheté », à la fin de la recommandation de l’âme. Il retentit de nouveau quand on porte le corps au lieu qui, par comparaison avec l’entrée de l’âme dans l’éternelle félicité, pourrait être désigné par les paroles du Canon : le lieu du repos, de la lumière et de la paix. « Que les anges t’accompagnent en paradis ; qu’à ton arrivée les martyrs te reçoivent et te conduisent dans la sainte Jérusalem céleste (le ciel). Que le chœur des anges te reçoive, et qu’avec Lazare, qui fut jadis pauvre, tu jouisses du repos éternel. » L’âme possède la certitude d’être enrôlée dans le chœur des bienheureux. De même qu’ils se pressent à sa rencontre et la reçoivent, ainsi nous, les survIvants ici-bas, sur terre, qui les représentons en qualité de saints, de sanctifiés, nous entourons le corps et nous le déposons dans le lieu de repos. En allant à l’église, la liturgie de la sépulture préférait la prière de la pénitence (les psaumes graduels) ; sur le chemin du cimetière, plus rien de semblable. Nous suivons le cercueil, consolés par une ferme espérance. Au cimetière, il est livré à la terre. Combien belle l’expression usitée en certains pays : le champ de Dieu ! Elle nous rappelle, que nous le voulions ou non, cette signification profonde que les corps des défunts sont des semences d’une vie meilleure. Ils ont été semés dans les sillons d’un champ sacré comme les semences de la vie divine. Le corps ne demeurera pas abandonné à la mort, laissé à la pourriture. « Vita mutatur, non tollitur » est-il dit dans la préface si suggestive de la messe des morts, « notre vie ne nous est pas ravie, mais seulement changée en une autre. » C’est vrai aussi du corps que l’on dépose maintenant dans la fosse. Transformation en un corps glorieux, tel est le titre à donner à cette dernière scène de la sépulture. La tombe dans laquelle sont ensevelis les restes du chrétien a été bénie avant que nous ne les lui confions. C’est un objet saint que l’on dépose en lieu saint. Le corps sanctifié par les mystères de la Sainte Église repose maintenant en terre sainte. « Je suis la résurrection et la vie... » proclame l’antienne de Benedictus ; et c’est alors le chant de notre Rédemption et de notre glorification.

[1] Chrys. in Acta Ap. Homilia XXI, 3,4.

[2] I Thess. IV, 12.

[3] Chrys. Homilia de Dormientibus, Va de Lazaro, 2.

[4] Psalm. CXVII, 24.

[5] S. Ephrem Syri funebres canones, ap. Assemani.