Psalmus 87 | Psaume 87 [1] |
Dómine, Deus salútis meæ : * in die clamávi, et nocte coram te. | Seigneur, Dieu de mon salut : * j’ai crié devant Vous, le jour et la nuit [2]. |
Intret in conspéctu tuo orátio mea : * inclína aurem tuam ad precem meam : | Que ma prière arrive en votre présence : * inclinez votre oreille à ma supplication : |
Quia repléta est malis ánima mea : * et vita mea inférno appropinquávit. | Car mon âme est remplie de maux : * et ma vie s’est approchée du séjour des morts [3]. |
Æstimátus sum cum descendéntibus in lacum : * factus sum sicut homo sine adiutório, inter mórtuos liber. | On me compte parmi ceux qui descendent dans la fosse : * je suis devenu comme un homme sans secours, libre entre des morts. |
Sicut vulneráti dormiéntes in sepúlcris, quorum non es memor ámplius : * et ipsi de manu tua repúlsi sunt. | Comme des blessés qui dorment dans des sépulcres, dont Vous ne Vous souvenez plus : * et qui ont été repoussés de votre main. |
Posuérunt me in lacu inferióri : * in tenebrósis, et in umbra mortis. | Ils m’ont mis dans une fosse profonde : * dans des lieux ténébreux, et dans l’ombre de la mort [4]. |
Super me confirmátus est furor tuus : * et omnes fluctus tuos induxísti super me. | Sur moi s’est appesantie votre colère : * et sur moi Vous avez fait passer tous vos flots [5]. |
Longe fecísti notos meos a me : * posuérunt me abominatiónem sibi. | Vous avez éloigné de moi ceux qui me connaissaient : * ils m’ont regardé comme un objet d’abomination pour eux [6]. |
Tráditus sum, et non egrediébar : * óculi mei languérunt præ inópia. | J’ai été livré, et je ne sortais pas : * mes yeux ont langui à cause de ma détresse. |
Clamávi ad te, Dómine, tota die : * expándi ad te manus meas. | J’ai crié vers Vous, Seigneur, tout le jour : * j’ai étendu vers Vous mes mains. |
Numquid mórtuis fácies mirabília : * aut médici suscitábunt, et confitebúntur tibi ? | Est-ce que [7], pour des morts, Vous ferez des merveilles : * ou des médecins les ressusciteront-ils, afin qu’ils Vous louent ? |
Numquid narrábit áliquis in sepúlcro misericórdiam tuam, * et veritátem tuam in perditióne ? | Est-ce que quelqu’un racontera votre miséricorde dans le sépulcre, * et votre vérité dans la perdition ? |
Numquid cognoscéntur in ténebris mirabília tua, * et iustítia tua in terra obliviónis ? | Est-ce que vos merveilles seront connues dans les ténèbres, * et votre justice dans la terre de l’oubli ? |
Et ego ad te, Dómine, clamávi : * et mane orátio mea prævéniet te. | Et moi, vers Vous, Seigneur, j’ai crié : * et, dès le matin, ma prière ira au devant de Vous. |
Ut quid, Dómine, repéllis oratiónem meam : * avértis fáciem tuam a me ? | Pourquoi, Seigneur, repoussez-Vous ma prière : * détournez-Vous votre face de moi [8] ? |
Pauper sum ego, et in labóribus a iuventúte mea : * exaltátus autem, humiliátus sum et conturbátus. | Je suis pauvre, moi, et dans les travaux depuis ma jeunesse : * et après avoir été exalté, j’ai été humilié et troublé [9]. |
In me transiérunt iræ tuæ : * et terróres tui conturbavérunt me. | Sur moi ont passé vos colères : * et vos terreurs m’ont troublé. |
Circumdedérunt me sicut aqua tota die : * circumdedérunt me simul. | Elles m’ont environné tout le jour, comme l’eau qui déborde : * elles m’ont environné toutes ensemble [10]. |
Elongásti a me amícum et próximum : * et notos meos a miséria. | Vous avez éloigné de moi l’ami et le proche : * et ceux qui m’étaient connus, à cause de ma misère [11]. |
Conclusion du psaume, sauf au temps de la Passion et à l’Office des Défunts : | |
Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto. | Gloire au Père, et au Fils, * et au Saint-Esprit. |
Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, * et in sǽcula sæculórum. Amen. | Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, * et dans les siècles des siècles. Ainsi-soit-il. |
[1] Applications liturgiques. Ce psaume est appliqué : 1° A Notre Seigneur, le vendredi-saint, IIIe Nocturne ; l’antienne nous montre Jésus-Christ abandonné des siens et prisonnier des Juifs ; le Samedi-Saint, IIIe Nocturne, l’antienne rappelle la descente aux limbes ; fête des Sept-Douleurs, au Temps de la Passion, IIIe Nocturne ; 2° à l’Église, fête de la Dédicace, IIe Nocturne ; c’est une prière de l’Église souffrant ici-bas et aspirant à la vision de Dieu dans l’Église du ciel. (Le P. Emmanuel).
[2] Conservez toujours le désir de prier ; se recueillir souvent, porter en toutes ses actions le souvenir de Dieu, c’est là crier vers le Seigneur jour et nuit. (Berthier).
[3] Le Prophète ne fait ici que dire en d’autres termes cette parole du Christ : Mon âme est triste jusqu’à la mort. Or, si Notre Seigneur a voulu ressentir en lui ces mouvements de l’infirmité humaine, ce n’est point par nécessité, mais par un effet de sa compassion. C’est qu’il lui a plu de personnifier en lui cette Église dont il a daigné se faire le Chef, en sorte qu’il représente ses membres. Et dès lors s’il arrive à quelque fidèle de passer par la tristesse au milieu des épreuves humaines, qu’il ne se croit pas déshérité de la grâce, qu’il ne regarde point ces impressions comme des péchés mais comme des marques de l’humaine faiblesse. Puisque notre vie terrestre est sujette à tant de maux, remplie de tant de dangers, aspirons à la quitter pour passer des maux aux biens, des incertitudes à la pleine vérité, de la mort à la vie. (Saint Ambroise, De la fuite du monde, livre IV).
[4] Le sépulcre du Christ était ténébreux, se trouvant ferme d’une pierre, et les limbes où descendit son âme, à ce que l’on croit, en un lieu souterrain ; (Bx. Bellarmin) mais ces mots, l’ombre de la mort, peuvent s’entendre au sens figuré.
[5] La colère et la tempête d’indignation que vous deviez, ô Père, répandre sur les peuples, vous l’avez fait tomber sur moi qui me suis chargé de leurs péchés, selon ce qui est dit ailleurs : Je l’ai frappé à cause des péchés de mon peuple. (Isaïe LIII). (S. Augustin).
[6] Tel fut l’état où se trouva J.-C. dans sa passion, et telle fut, à son exemple, la situation d’une multitude de chrétiens persécutés, rebutés, et abandonnés en quelque sorte du Seigneur même qui ne leur donna aucune consolation extérieure. Mais ils avaient J.-C. sous les yeux, et ce divin modèle leur rendait les souffrances infiniment précieuses. La mort même leur paraissait délicieuse, parce qu’ils savaient que J.-C. avait frayé cette route, et qu’elle avait pour terme la couronne méritée par J.-C. (Berthier).
[7] Ce verset et les deux suivants peuvent s’entendre : 1° de la mort éternelle : le Christ a demandé que ses fidèles en fussent préservés ; Dieu ne fait pas de merveilles pour les damnés et ceux-ci ne raconteront pas en louant Dieu, ses infinies miséricordes ; 2° de la mort spirituelle : les merveilles du Seigneur font peu d’effet sur les pécheurs obstinés, et les médecins des âmes n’arrivent pas à les ressusciter pour le bien (cette interprétation est plus mystique que littérale) ; 3° de la mort corporelle : les défunts ne voient plus les merveilles que Dieu opère en ce monde, et ne lui offrent plus ici-bas le tribut de leurs louanges et de leurs actions de grâces. (Bx. Bellarmin).
[8] Dieu diffère le bien qu’il doit nous donner pour l’éternité, afin que notre prière soit de plus en plus instante et fervente ; il ne tarde à exaucer les prières des saints, en éloignant d’eux le bien qu’ils désirent et en les éprouvant par la tribulation, que pour attiser cette prière, comme on attise le feu sous le souffle qu’on y oppose. Il semble détourner d’eux sa face en ne les exauçant point dans ce qu’ils désirent quand ils ignorent ce qui leur est plus utile. (Saint Augustin).
[9] Le Christ a été pauvre dès son enfance comme la grotte de Bethléem et l’exil en Égypte le prouvent. Exalté par des Hosanna à son entrée dans Jérusalem, il fut ensuite humilié par la flagellation et la mort de la croix et troublé en constatant l’aveuglement de son peuple. (Bx. Bellarmin). L’Église aussi est pauvre, et dans son exil soupire après la patrie. Elle est dans les travaux depuis sa jeunesse et si quelques-uns de ses membres sont élevés en cette vie, c’est afin qu’ils en deviennent plus humbles. (S. Augustin).
[10] Les flots de la colère divine et les terreurs qu’elle cause, ont été pour le Christ comme une mer débordante, l’environnant et le submergeant pour ainsi dire (Bellarmin). Les afflictions ne manquent non plus jamais à l’Église exilée en ce monde, puisqu’elles assiègent tantôt l’un, tantôt l’autre de ses membres. Tout le jour indique une douleur continuelle. (Saint Augustin).
[11] Le Psalmiste veut nous faire comprendre que, de toutes les douleurs du Christ, celles de son cœur lui ont été les plus pénibles et que nous éloigner de lui serait en quelque sorte les renouveler. Marchons donc généreusement à sa suite sur la route du ciel « où il n’y aura plus pour nous ni trouble ni pauvreté, parce que Dieu sera lui-même notre abondance et tout à tous. » (Saint Augustin).