Psalmus 73 | Psaume 73 [1] |
Ut quid, Deus, repulísti in finem : * irátus est furor tuus super oves páscuæ tuæ ? | Pourquoi, ô Dieu, nous avez-Vous rejetés jusqu’à la fin [2] : * pourquoi votre fureur s’est-elle allumée contre les brebis de votre pâturage ? |
Memor esto congregatiónis tuæ : * quam possedísti ab inítio. | Souvenez-Vous de votre famille : * que Vous avez possédé dès le commencement. |
Redemísti virgam hereditátis tuæ : * mons Sion, in quo habitásti in eo. | Vous avez racheté le sceptre de votre héritage : * c’est le mont Sion, où Vous avez habité [3]. |
Leva manus tuas in supérbias eórum in finem : * quanta malignátus est inimícus in sancto ! | Levez vos mains pour toujours contre leur orgueil [4] : * que de forfaits l’ennemi a commis dans le sanctuaire ! |
Et gloriáti sunt qui odérunt te : * in médio solemnitátis tuæ. | Ceux qui Vous haïssent ont fait leur gloire : * de Vous insulter au milieu de votre solennité. |
Posuérunt signa sua, signa : * et non cognovérunt sicut in éxitu super summum. | Ils ont placé leurs signes comme étendards [5] : * et ils n’ont pas plus respecté le haut du temple que les issues. |
Quasi in silva lignórum secúribus excidérunt iánuas eius in idípsum : * in secúri et áscia deiecérunt eam. | Comme [6] dans une forêt d’arbres, à coups de hache, ils ont ensemble brisé les portes [7] : * Avec la hache et la cognée ils l’ont renversé. |
Incendérunt igni sanctuárium tuum : * in terra polluérunt tabernáculum nóminis tui. | Ils ont mis le feu à votre sanctuaire : * ils ont renversé et profané le tabernacle de votre nom. |
Dixérunt in corde suo cognátio eórum simul : * Quiéscere faciámus omnes dies festos Dei a terra. | Ils ont dit dans leur cœur, eux et toute leur bande : * Faisons cesser dans le pays tous les jours de fête consacrés à Dieu. |
Signa nostra non vídimus, iam non est prophéta : * et nos non cognóscet ámplius. | Nous ne voyons plus nos signes, il n’y a plus de prophète : * et on ne nous connaîtra plus [8]. |
Usquequo, Deus, improperábit inimícus : * irrítat adversárius nomen tuum in finem ? | Jusques à quand, ô Dieu, l’ennemi insultera-t-il : * L’adversaire outragera-t-il sans fin votre Nom ? |
Ut quid avértis manum tuam, et déxteram tuam, * de médio sinu tuo in finem ? | Pourquoi retirez-Vous votre main et votre droite [9], * de votre sein jusqu’à la fin [10] ? |
Deus autem Rex noster ante sǽcula : * operátus est salútem in médio terræ. | Cependant Dieu est notre Roi depuis des siècles : * Il a opéré notre salut au milieu de la terre [11]. |
Tu confirmásti in virtúte tua mare : * contribulásti cápita dracónum in aquis. | C’est Vous qui avez affermi la mer par votre puissance : * qui avez brisé les têtes des dragons dans les eaux [12]. |
Tu confregísti cápita dracónis : * dedísti eum escam pópulis Æthíopum. | C’est Vous qui avez écrasé les têtes du dragon [13] : * qui l’avez donné en nourriture aux peuples d’Éthiopie. |
Tu dirupísti fontes, et torréntes : * tu siccásti flúvios Ethan. | C’est Vous qui avez fait jaillir des sources et des torrents : * qui avez desséché les fleuves intarissables. |
Tuus est dies, et tua est nox : * tu fabricátus es auróram et solem. | A Vous est le jour, et à Vous est la nuit : * c’est Vous qui avez créé l’aurore et le soleil. |
Tu fecísti omnes términos terræ : * æstátem et ver tu plasmásti ea. | C’est Vous qui avez établi toutes les limites de la terre : * Vous qui avez formé l’été et le printemps [14]. |
Memor esto huius, inimícus improperávit Dómino : * et pópulus insípiens incitávit nomen tuum. | Souvenez-Vous-en, l’ennemi a outragé le Seigneur : * et un peuple insensé a irrité votre nom [15]. |
Réspice in testaméntum tuum : * quia repléti sunt, qui obscuráti sunt terræ dómibus iniquitátum | Ayez égard à votre alliance : * car les lieux sombres du pays sont remplis de repaires d’iniquité [16]. |
Ne avertátur húmilis factus confúsus : * pauper et inops laudábunt nomen tuum. | Que l’humble ne s’en retourne pas couvert de confusion : * le pauvre et l’indigent loueront votre nom [17]. |
Exsúrge, Deus, iúdica causam tuam : * memor esto improperiórum tuórum, eórum quæ ab insipiénte sunt tota die. | Levez-Vous, ô Dieu, jugez votre cause [18] : * souvenez-Vous des outrages qui Vous viennent tout le jour de l’insensé. |
Ne obliviscáris voces inimicórum tuórum : * supérbia eórum, qui te odérunt, ascéndit semper. | N’oubliez pas les clameurs de vos ennemis : * L’orgueil de ceux qui Vous haïssent monte toujours [19]. |
Conclusion du psaume, sauf au temps de la Passion et à l’Office des Défunts : | |
Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto. | Gloire au Père, et au Fils, * et au Saint-Esprit. |
Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, * et in sǽcula sæculórum. Amen. | Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, * et dans les siècles des siècles. Ainsi-soit-il. |
[1] Applications liturgiques. Le temple de Jérusalem ravagé, pillé, détruit par une armée infidèle est l’image de la sainte humanité de notre Seigneur humiliée, brisée, meurtrie, mise à mort par le peuple déicide, notre Seigneur lui-même justifie ce rapprochement, quand il dit aux Juifs : Détruisez ce temple. Or il disait cela du temple de son corps (S. Jean. II. 19-21). L’antienne que l’Église a prise de ce psaume au Jeudi-Saint, 2e Noct., nous fait voir que la cause du second temple était comme la cause du troisième, celle de Dieu même. Le troisième temple c’est la sainte humanité du Messie. (Le P. Emmanuel).
[2] Pourquoi ? Il était facile aux Juifs de pénétrer la raison de leur situation malheureuse. Ils avaient été idolâtres et les prophètes les avaient avertis des châtiments qui les menaçaient. Rentrés-en eux-mêmes, ils pouvaient néanmoins demander humblement au Seigneur s’il les abandonnait pour toujours. (Berthier). Si le malheur nous frappe, c’est bien souvent aussi « parce que nous nous attachons aux biens terrestres et ne connaissons pas notre pasteur » (S. Augustin) ; c’est toujours pour nous rappeler et nous corriger. (S. Jérôme).
[3] En implorant l’infinie miséricorde, chacun de nous peut à son tour se prévaloir d’être la possession du Créateur, le racheté du Rédempteur, le concitoyen de Jésus-Eucharistie.
[4] L’orgueil de qui ? De ceux qui ont renversé Jérusalem. Quels sont-ils ? Les rois des Gentils. La main du Seigneur s’est heureusement levée contre leur orgueil pour y mettre un terme, car ils ont connu le Christ, et sur le front des rois la croix a plus de prix maintenant que les perles de leur diadème. Heureuse prière du Prophète. (Saint Augustin).
[5] Étendards, ou peut-être pour signes de leur domination ou encore pour marques du culte idolâtrique, remplaçant les indices du culte du vrai Dieu.
[6] Le tableau que fait en ces derniers versets le Prophète, de la désolation de Jérusalem, est la figure de ce qui se passe en une âme qui abandonne Dieu. L’ennemi s’empare d’elle et se glorifie de sa victoire. Il établit son empire dans le sanctuaire où avait habité le Saint-Esprit : il y érige l’étendard de la révolte contre Dieu. Les puissances de l’enfer secondées par les passions ne respectent aucune des traces de sainteté que Dieu avait imprimées dans l’homme : tout est renversé dans l’édifice spirituel. (Berthier).
[7] Les portes ne peut se rapporter qu’au mot Jérusalem sous-entendu ; il en est de même pour : ils l’ont renversée. (Glaire).
[8] Nos signes ; les prodiges opérés en faveur de nos pères. Il n’y a point de prophète. C’est la plainte des Juifs captifs ; plainte exagérée puisque Daniel était à Babylone. Quant aux signes ou prodiges, si les Hébreux n’en virent pas à Babylone comme on en avait vu anciennement dans le désert, ils furent cependant témoins de la délivrance miraculeuse de Daniel de la fournaise ardente et de la fosse aux lions, ainsi que de plusieurs autres faits miraculeux. (Glaire).
[9] Main et droite, double expression de la puissance de Dieu. (Lesêtre). Celui qui met ou laisse sa main dans son sein indique par là qu’il ne veut pas agir ; c’est ce que Dieu semble faire en ce moment par rapport à son peuple. (Crampon).
[10] Le Bx. Bellarmin donne l’interprétation suivante à ce verset : Pourquoi détournez-vous votre main (gauche) et votre main droite du milieu de votre sein pour toujours, comme pour nous laisser tomber de dessus votre cœur, et nous refuser vos embrassements paternels.
[11] Ces délivrances d’autrefois sont l’image de la rédemption du genre humain que le Prophète semble annoncer ici, prophétisant l’avenir en mentionnant le passé. « Le Christ est venu opérer le salut sur la terre, il est venu apprendre aux hommes à désirer les biens éternels. Il a opéré le salut et je me plains encore comme un homme abandonné ! Il l’a opéré sur la terre et je demeure terre ! Les nations s’éveillent et nous dormons ! » (Saint Augustin).
[12] Vous avez affermi la mer ; vous avez fait, par votre puissance, que la mer Rouge se dressât ferme comme une muraille, pour laisser passer à pied sec les enfants d’Israël. Vous avez brisé les têtes des dragons, en précipitant les Égyptiens au fond des eaux. (Bx. Bellarmin).
[13] Au sens mystique, la tête du dragon c’est la puissance orgueilleuse de Satan qui dominait sur les nations et que vous avez brisée dans les eaux, Seigneur, en délivrant par le baptême ses malheureux esclaves. (Saint Augustin).
[14] Le Prophète cite en ces deux derniers versets quelques effets de la toute-puissance divine : Tous les temps de l’année aussi bien que tous les éléments du monde sont l’ouvrage du Seigneur ; dans le sens allégorique nous entendons le jour, de la clarté de l’Évangile ; la nuit, de l’obscurité de la loi ; le printemps, des justes qui fleurissent au milieu du monde par leurs bonnes œuvres, et l’été, du temps où ils reçoivent la récompense de leurs travaux. (Saint Jérôme).
[15] ]L’ennemi, un peuple insensé, probablement les Chaldéens désignés encore au verset suivant sous le nom de bêtes sauvages. On voit que le Psalmiste se préoccupe surtout ici des intérêts de la gloire divine. Ayons-les également à cœur car cette gloire rencontre de nos jours aussi des adversaires insolents et insensés.].
[16] Bien des dangers menacent nos âmes, mais nous dirons aussi : Seigneur, ayez égard à votre alliance, non plus à l’ancienne mais à la nouvelle, qui nous promet le royaume des cieux. Nous avons le contrat, nous attendons l’héritage. (Saint Augustin).
[17] Le Prophète demande que son peuple devienne humble par la confusion de revenir de la prière sans avoir été exaucé, et cela parce que l’humble, le pauvre et l’indigent loueront le nom du Seigneur (Bx. Bellarmin) en actions de grâces.
[18] Votre cause. La cause d’Israël était la cause de Dieu même en vertu de leur alliance. (Fillion). Toutes mes actions sont la cause de Dieu ; cette cause sera jugée un jour. (Berthier).
[19] N’oubliez pas. Dieu n’oublie pas : il châtie ou corrige. (Saint Augustin). L’orgueil, etc. Combien cette parole est tristement applicable aux incrédules modernes ! « Nous vous supplions nous-mêmes, Seigneur, de nous délivrer des épines de l’iniquité, des hauteurs de l’orgueil, et après nous avoir inspiré le mépris du monde, de nous élever jusqu’au ciel. » (Saint Jérôme).