Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
La fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste est attestée dès le IVème siècle en Afrique, en Orient et en Syrie. Elle correspond sans doute à l’anniversaire de la dédicace de la basilique du Précurseur à Sébaste. A Rome, elle était renvoyée au 30 août, à cause de la popularité de la fête de Ste Sabine, qu’on commémore aujourd’hui.
Fête semidouble avant le calendrier de St Pie V. Double en 1568 ; élevée au rang de double majeur par Pie VI.
« L’évangéliaire romain de 645 annonce au 30 août, après le natale des saints Félix et Adauctus, Et depositio Helisaei et decollatio sancti Iohannis Baptistae. La double mention d’Élisée et de Jean Baptiste révèle clairement l’origine de la fête du Précurseur. A Samarie on vénère, en effet, au témoignage de saint Jérôme, les tombeaux des prophètes Abdias et Élisée avec celui de Jean-Baptiste. Sous la basilique, qui fut érigée en l’honneur de Jean-Baptiste, les reliques d’Élisée et de Jean étaient conservées dans « deux châsses recouvertes d’or et d’argent, devant lesquelles brûlaient perpétuellement des lampes », comme le rapporte un document du début du VIe siècle. Aujourd’hui encore on peut voir le lieu qu’elles occupaient dans la crypte de l’église du XIIe siècle, bâtie sur l’emplacement de la basilique byzantine, tandis que le souvenir de la découverte de la tête du Précurseur est rattaché à une autre église, de moindre dimension, qui se trouve à quelque distance, près du Forum. En 1931, on a mis à jour dans cette dernière des fresques très abîmées représentant la décapitation de Jean et la découverte de sa tête. La fête de la Décollation de saint Jean Baptiste est incontestablement liée à ces sanctuaires. Le lectionnaire de Jérusalem du début du Ve siècle en fait déjà mention. Byzantins et Syriens d’Antioche la célèbrent le 29 août, les Coptes le font le 30, parce que le 29 est le jour du Nouvel An, et les Arméniens le samedi de la 3e semaine après la Dormition de la Théotokos. En Occident, le martyrologe hiéronymien annonce la fête à la même date, en faisant mention de Sébaste : In Provincia Palestina civitate Sebastea natale sancti Iohannis Baptistae, qui passus est sub Herode rege. Elle dût être instaurée à Rome sous le pape Théodore (642-649), qui était d’origine palestinienne. On la trouve dans le sacramentaire Paduense et le Gélasien mais, au siècle suivant, l’Hadrianum l’ignore encore.Aux 11e et 12e siècles, le titre de Decollatio à prévalu à Rome sur celui de Passio que donnaient les sacramentaires du VIIe. Le sacramentaire de Saint-Tryphon dit Revelatio capitis, insistant sur l’invention de la relique. Il a en commun avec le collectaire de Saint-Pierre à la fois le titre de la fête et une oraison dans laquelle on demande à Dieux ex eius imitatione veritatis fortes testes existere. L’antiphonaire de Saint-Pierre renvoie au commun d’un Martyr, à l’exception des deux antiennes du cantique » [1].
Ant. ad Introitum. Ps. 118, 46-47. | Introït |
Loquébar de testimóniis tuis in conspéctu regum, et non confundébar : et meditábar in mandátis tuis, quæ diléxi nimis. | Je parlais de vos préceptes devant les rois, et je n’en avais pas de confusion : et je méditais sur vos commandements, car je les aime. |
Ps. 91,2. | |
Bonum est confitéri Dómino : et psállere nómini tuo, Altíssime. | Il est bon de louer le Seigneur : et de chanter votre nom, ô Très-Haut. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Sancti Ioánnis Baptístæ Præcursóris et Mártyris tui, quǽsumus, Dómine, veneránda festívitas : salutáris auxílii nobis præstet efféctum : Qui vivis et regnas. | Nous vous en prions, Seigneur, faites que la fête solennelle de votre saint Précurseur et Martyr Jean-Baptiste, nous procure des grâces efficaces de salut. |
Et fit commemoratio S. Sabinæ Martyris : | Et on fait mémoire de Ste Sabine, Martyre : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui inter cétera poténtiæ tuæ mirácula étiam in sexu frágili victóriam martýrii contulísti : concéde propítius ; ut, qui beátæ Sabínæ Mártyris tuæ natalítia cólimus, per eius ad te exémpla gradiámur. Per Dóminum. | Dieu, entre autres merveilles de votre puissance, vous avez fait remporter la victoire du martyre même par le sexe le plus faible : faites, dans votre bonté, qu’honorant la naissance au ciel de la Bienheureuse Sabine, votre Martyre, nous tendions vers vous par l’imitation de ses exemples. |
Léctio Ieremíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Jérémie. |
Ier. 1, 17-19. | |
In diébus illis : Factum est verbum Dómini ad me, dicens : Accínge lumbos tuos, et surge, et lóquere ad Iuda ómnia, quæ ego præcípio tibi. Ne formides a fácie eórum : nec enim timére te fáciam vultum eórum. Ego quippe dedi te hódie in civitátem munítam, et in colúmnam férream, et in murum .reum, super omnem terram, régibus Iuda, princípibus eius, et sacerdótibus, et pópulo terræ. Et bellábunt advérsum te, et non prævalebunt : quia ego tecum sum, ait Dóminus, ut líberem te. | En ces jours-là : la Parole du Seigneur me fut adressée, disant : Toi donc, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout ce que Je t’ordonne. Ne redoute pas de paraître devant eux, car Je ferai que tu ne craignes pas leur présence. Car Je t’établis aujourd’hui comme une ville forte, comme une colonne de fer et un mur d’airain sur tout le pays, à l’égard des rois de Juda, de ses princes, de ses prêtres et de son peuple. Ils combattront contre toi, mais ils n’auront pas l’avantage, car Je suis avec toi pour te délivrer, dit le Seigneur. |
Graduale. Ps. 91, 13 et 14. | Graduel |
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur in domo Dómini. | Le juste fleurira comme le palmier : il se multipliera comme le cèdre du Liban dans la maison du Seigneur. |
V/. Ibid., 3. Ad annuntiándum mane misericórdiam tuam, et veritátem tuam per noctem. | V/. Pour annoncer le matin votre miséricorde et votre vérité durant la nuit. |
Allelúia. V/. Osee 14, 6. Iustus germinábit sicut lílium : et florébit in ætérnum ante Dóminum. Allelúia. | Allelúia. V/. Le juste germera comme le lis : et il fleurira éternellement en présence du Seigneur. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Marcum. | Suite du Saint Évangile selon saint Marc. |
Marc. 6, 17-29. | |
In illo témpore : Misit Heródes, ac ténuit Ioánnem, et vinxit eum in cárcere propter Herodíadem, uxorem Philíppi fratris sui, quia dúxerat eam. Dicebat enim Ioánnes Heródi : Non licet tibi habére uxórem fratris tui. Heródias autem insidiabátur illi, et volébat occídere eum, nec póterat. Heródes enim metuébat Ioánnem, sciens eum virum iustum et sanctum : et custodiébat eum, et audíto eo multa faciébat, et libénter eum audiébat. Et cum dies opportúnus accidísset, Heródes natális sui coenam fecit princípibus et tribúnis et primis Galilǽæ. Cumque introísset fília ipsíus Herodíadis, et saltásset, et placuísset Heródi simúlque recumbéntibus ; rex ait puéllæ : Pete a me, quod vis, et dabo tibi. Et iurávit illi : Quia quidquid petiéris dabo tibi, licet dimídium regni mei. Quæ cum exiísset, dixit matri suæ : Quid petam ? At illa dixit : Caput Ioánnis Baptístæ. Cumque introísset statim cum festinatióne ad regem, petívit dicens : Volo, ut protínus des mihi in disco caput Ioánnis Baptístæ. Et contristátus est rex : propter iusiurándum et propter simul discumbéntes nóluit eam contristáre : sed misso spiculatóre, præcépit afférri caput eius in disco. Et decollávit eum in cárcere. Et áttulit caput eius in disco : et dedit illud puéllæ, et puella dedit matri suæ. Quo audíto, discípuli eius venérunt et tulérunt corpus eius : et posueérunt illud in monuménto. | En ce temps-là : Hérode avait envoyé prendre Jean, et l’avait enchaîné en prison, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. Or Hérodiade tendait des pièges à Jean, et voulait le faire mourir ; mais elle ne le pouvait pas, Car Hérode craignait Jean, sachant qu’il était un homme juste et saint, et il le gardait, faisait beaucoup de choses selon ses avis, et l’écoutait volontiers. Mais il arriva un jour opportun : à l’anniversaire de sa naissance, Hérode donna un grand festin aux grands, aux officiers et aux principaux de la Galilée. La fille d’Hérodiade étant entrée, et ayant dansé, et ayant plu à Hérode et à ceux qui étaient à table avec lui, le roi dit à la jeune fille : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il fit ce serment : Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, quand ce serait la moitié de mon royaume. Elle, étant sortie, dit à sa mère : Que demanderai-je ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Et étant rentrée aussitôt en hâte auprès du roi, elle fit sa demande, en disant : Je veux que tu me donnes à l’instant sur un plat la tête de Jean-Baptiste. Le roi fut attristé ; mais, à cause de son serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il ne voulut pas l’affliger par un refus. Il envoya donc un de ses gardes, et lui ordonna d’apporter la tête de Jean sur un plat. Le garde le décapita dans la prison, et il apporta sa tête sur un plat, et la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère. L’ayant appris, les disciples de Jean vinrent, et prirent son corps, et le mirent dans un sépulcre. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 20, 2-3. | Offertoire |
In virtúte tua, Dómine, lætábitur iustus, et super salutáre tuum exsultábit veheménter : desidérium ánimæ eius tribuísti ei. | Seigneur, le juste se réjouira dans votre force, et il tressaillira d’une vive allégresse, parce que vous l’avez sauvé : vous lui avez accordé le désir de son cœur. |
Secreta | Secrète |
Múnera, quæ tibi, Dómine, pro sancti Mártyris tui Ioánnis Baptístæ passióne deférimus : quǽsumus ; ut eius obténtu nobis profíciant ad salútem. Per Dóminum. | Que les offrandes que nous apportons en l’honneur de la passion de votre saint Martyr Jean-Baptiste, nous vous le demandons, Seigneur, soient profitables à notre salut par son intercession. |
Pro S. Sabina | Pour Ste Sabine |
Secreta | Secrète |
Hóstias tibi, Dómine, beátæ Sabínæ Mártyris tuæ dicátas méritis, benígnus assúme : et ad perpétuum nobis tríbue proveníre subsídium. Per Dóminum nostrum. | Recevez avec bonté, Seigneur, les hosties offertes pour honorer les mérites de la bienheureuse Sabine, votre Vierge et Martyre, et faites qu’elles nous procurent un continuel secours. |
In aliquibus diœcesibus, præfatio S. Ioannis Baptistæ. | En certains diocèses, préface de saint Jean-Baptiste. |
Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre,
nos tibi semper et ubíque grátias ágere : Dómine sancte, Pater omnípotens, ætérne Deus. | Il est vraiment juste et nécessaire,
c’est notre devoir et c’est notre salut, de vous rendre grâces toujours et partout, Seigneur, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant. |
Et tuam in beáto Ioánne Baptísta Præcursóre magnificéntiam collaudáre,
qui vocem Matris Dómini nondum éditus sensit, et adhuc clausus útero, advéntum salútis humánæ prophética exsultatióne significávit. | et de chanter les merveilles que vous avez faites pour saint Jean Baptiste, le Précurseur :
Avant même de naître, il reconnut la voix de la Mère du Seigneur ; en tressaillant avant de naître, il annonça d’une exultation prophétique l’avènement du Salut des hommes. |
Qui et genetrícis sterilitátem concéptus ábstulit,
et patris linguam natus absólvit, solúsque ómnium prophetárum Redemptórem mundi, quem prænuntiávit, osténdit. | Sa mère, en le concevant, fut délivrée de la stérilité,
et, quand il naquit, la langue de son père se délia. Après avoir prédit le Rédempteur du monde, il fut parmi tous les prophètes le seul qui le montra. |
Et ut sacræ purificatiónis efféctum aquárum natúra concíperet,
sanctificándis Iordánis fluéntis, ipsum baptísmo baptísmatis lavit auctórem. | Et pour que l’eau devienne capable de sanctifier,
c’est dans les flots du Jourdain, désormais consacrés, qu’il baptisa l’auteur du baptême. |
Et ídeo cum Angelis et Archángelis,
cum Thronis et Dominatiónibus cumque omni milítia coeléstis exércitus hymnum glóriæ tuæ cánimus, sine fine dicéntes : | C’est pourquoi, avec les Anges et les Archanges,
avec les Trônes et les Dominations, et avec toute la milice de l’armée céleste nous chantons l’hymne de votre gloire en disant sans cesse : |
Ant. ad Communionem. Ps. 20, 4. | Communion |
Posuísti, Dómine, in cápite eius corónam de lápide pretióso. | Vous avez mis sur sa tête, Seigneur, une couronne de pierres précieuses. |
Postcommunio | Postcommunion |
Cónferat nobis, Dómine, sancti Ioánnis Baptístæ sollémnitas : ut et magnífica sacraménta, quæ súmpsimus, significáta venerémur, et in nobis pótius édita gaudeámus. Per Dóminum. | Que la solennité de saint Jean-Baptiste, Seigneur nous procure la grâce de révérer les sacrements augustes que nous avons reçus et qui ont été révélés, ainsi que celle de nous réjouir toujours plus de les voir réalisés parmi nous. |
Pro S. Sabina | Pour Ste Sabine |
Postcommunio | Postcommunion |
Divíni múneris largitáte satiáti, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, intercedénte beáta Sabína Mártyre tua, in eius semper participatióne vivámus. Per Dóminum. | Rassasiés par la grandeur de votre don céleste, nous vous supplions, ô Seigneur notre Dieu, que la bienheureuse Sabine votre Martyre, intercédant pour nous, nous vivions toujours de la participation à ce sacrement. |
Leçons des Matines avant 1960.
Au premier nocturne.
Commencement du Prophète Jérémie. Cap. 1, 1-10 ; 17-19.
Première leçon. Paroles de Jérémie, fils d’Helcias, des prêtres qui demeuraient à Anatoth, dans la terre de Benjamin. Parole du Seigneur qui lui fut adressée dans les jours de Josias, fils d’Amon, roi de Juda, en la treizième année de son règne. Elle (lui) fut aussi adressée dans les jours de Joakim, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la fin de la onzième année de Sédécias, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la transmigration de Jérusalem, au cinquième mois. Elle me fut donc adressée la parole du Seigneur, disant : Avant que je t’eusse formé dans le sein (de ta mère) je t’ai connu, et avant que tu fusses sorti de ses entrailles, je t’ai sanctifié, et je t’ai établi Prophète parmi les Nations.
Deuxième leçon. Et je dis : A, a, a, Seigneur Dieu ; voyez, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant. Et le Seigneur me dit : Ne dis pas : Je suis un enfant, puisque partout où je t’enverrai, tu iras ; et que tout ce que je te commanderai, tu le diras. Ne crains pas à cause d’eux, parce que moi, je suis avec toi, afin que je te délivre, dit le Seigneur. Et le Seigneur étendit sa main et toucha ma bouche ; et le Seigneur me dit : Voilà que j’ai mis ma parole en ta bouche. Voilà qu’aujourd’hui je t’ai établi sur les nations et les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, et que tu perdes et que tu dissipes, et que tu édifies et que tu plantes.
Troisième leçon. Toi donc, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout ce que moi, je te commande. Ne crains pas devant leur face ; car je ferai que tu ne craignes pas leur visage. Car c’est moi qui t’ai établi aujourd’hui comme une ville fortifiée, et une colonne de fer, et un mur d’airain, sur toute la terre, contre les rois de Juda, ses princes, et ses prêtres, et son peuple. Et ils combattront contre toi, et ne prévaudront point, parce que moi je suis avec toi, dit le Seigneur, afin que je te délivre.
Au deuxième nocturne.
Du livre de saint Ambroise, Évêque : Des Vierges. Liber 3 post initium
Quatrième leçon. Il ne faut pas effleurer légèrement un sujet tel que la mémoire du bienheureux Jean-Baptiste ; aussi devons-nous considérer ce qu’il était, quels furent ses bourreaux, pourquoi, quand et comment il a été martyrisé. C’est un juste qui est mis à mort, par des adultères ; et la peine capitale qu’ils méritent, ils la font subir à celui qui devrait être leur juge. Et puis la mort d’un Prophète devient la récompense et le salaire d’une danseuse. Enfin, ce que tous les barbares eux-mêmes ont communément en horreur, c’est à table, au milieu d’un banquet, qu’on prononce l’arrêt cruel qui devra s’exécuter. Et on apporte de la prison à la salle du festin l’objet de l’exécution impie qui a suivi ce fatal commandement. Que de crimes dans une seule action !
Cinquième leçon. A voir ainsi un émissaire se lever de table et courir à la prison, qui n’aurait pas cru à l’élargissement du Prophète ? Qui, en apprenant que c’est le jour de la naissance d’Hérode, qu’il y a grand festin, et qu’on a donné à une fille la liberté de demander tout ce qu’elle voudra, qui donc, dis-je, ne s’imaginerait qu’on n’enverra délivrer Jean de ses fers ? Quel rapport y a-t-il entre la cruauté et les délices ? entre le meurtre et la volupté ? Le Prophète subira sa peine pendant un festin, et en vertu d’une sentence portée au milieu du festin, sentence qu’il eût repoussée, même pour être mis en liberté. On lui tranche la tête, et on l’apporte dans un plat. Un tel mets convenait à la cruauté, et pouvait satisfaire une férocité difficile à assouvir.
Sixième leçon. O le plus odieux des rois, considère ce spectacle digne de ton banquet, et afin que rien ne manque à ta satisfaction inhumaine, étends la main pour que ce sang sacré ruisselle entre tes doigts. Et puisque ta faim n’a pu être rassasiée par les viandes, puisque les coupes n’ont pu éteindre la soif de cruauté qui te dévore, vois ce sang qui, bouillonnant encore, s’échappe des veines de cette tête que tu as fait tomber. Vois ces yeux qui, jusque dans le trépas, sont les témoins de ton crime, et qui se refusent à contempler tes plaisirs. Ce n’est pas tant la mort qui ferme ces yeux, que l’horreur de tes débauches. Cette bouche éloquente dont tu redoutais la censure, toute pâle et muette qu’elle est, te fait encore trembler.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Marc. Cap. 6, 17-29.
En ce temps-là : Hérode avait envoyé prendre Jean, et l’avait retenu, chargé de fers, en prison, à cause d’Hérodiade, qu’il avait épousée, quoique femme de Philippe, son frère. Et le reste.
Homélie de saint Augustin, Évêque. Sermon 10 in novis Sermonibus
Septième leçon. La lecture du saint Évangile nous a mis sous les yeux un spectacle sanglant : la tête de saint Jean-Baptiste dans un plat, envoi lugubre fait par la cruauté, en haine de la vérité. Une jeune fille danse, sa mère assouvit sa fureur, et, au milieu des joies dissolues et des délices d’un banquet, un roi fait un serment téméraire et exécute ce serment impie. Ainsi s’accomplit en la personne de Jean ce que lui-même avait prédit. Il avait dit, en parlant de notre Seigneur Jésus-Christ : « II faut qu’il croisse et que je diminue. » Jean a été diminué parce qu’on lui trancha la tête, et le Sauveur a grandi parce qu’il a été élevé en la croix. La vérité a fait naître la haine. Les avertissements du saint homme de Dieu n’ont pu être supportés sans irritation par ceux dont il cherchait le salut. Ils lui ont rendu le mal pour le bien.
Huitième leçon. Que dirait-il, en effet, sinon ce dont il a l’âme remplie ? Et que répondraient-ils, sinon ce dont leur cœur est plein ? Lui, il a semé le bon grain, mais il n’a trouvé que des épines. Il disait au roi : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. »
Neuvième leçon. Car ce prince, esclave de sa passion, gardait chez lui, illégitimement, la femme de son frère ; toutefois son estime pour Jean l’empêchait de sévir contre lui. Il honorait celui qui lui faisait entendre la vérité. Mais une abominable créature avait -conçu une haine secrète, qu’elle devait mettre au jour le moment venu ; ce qu’elle fit au moyen de sa fille, une fille danseuse.
« En ce temps-là, Hérode envoya prendre Jean et il le mit en prison chargé de liens, à cause d’Hérodiade, femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. Or Hérodiade lui dressait des embûches et voulait le faire mourir, mais ne le pouvait pas. Hérode, en effet, craignait Jean qu’il tenait pour un homme juste et saint, et il le gardait, faisant beaucoup de choses d’après ses avis et l’écoutant volontiers. Un jour favorable s’étant donc présenté, à savoir celui de la naissance d’Hérode où il avait offert un banquet à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée, la fille d’Hérodiade entra et dansa, et elle plut à Hérode et à ses convives, et le roi lui dit : Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il en fit le serment : Quoi que ce soit que tu demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Or elle, étant sortie, dit à sa mère : Qu’est-ce que je demanderai ? Sa mère lui dit : La tête de Jean-Baptiste. Rentrant donc aussitôt en grande hâte, elle fit au roi sa demande, disant : Je veux que sur-le-champ vous me donniez dans un plat la tête de Jean-Baptiste. Et le roi en fut peiné ; mais à cause de son serment et de ceux qui étaient avec lui à table, il ne voulut pas la contrister, et envoyant un de ses gardes, il lui donna l’ordre d’apporter la tête dans un plat. Et le garde coupa la tête de Jean dans la prison, et l’apportant dans un plat, il la remit à la fille qui la donna à sa mère. Ce qu’ayant appris, ses disciples vinrent et enlevèrent son corps, et ils l’ensevelirent dans un tombeau » [2].
Ainsi donc finit le plus grand des enfants nés d’une femme [3], sans témoins, dans la prison d’un tyran de second ordre, victime de la plus vile des passions, prix d’une danseuse. Au silence devant le crime, fût-ce sans espoir d’amender le coupable [4], au renoncement à sa liberté, même dans les fers [5], la Voix du Verbe a préféré la mort. Belle liberté de la parole [6], selon l’expression de saint Jean Chrysostome, quand elle est véritablement la liberté même du Verbe de Dieu, quand par elle ne cessent point de vibrer ici-bas les échos des collines éternelles ! Elle est bien alors l’écueil de la tyrannie, la sauvegarde du monde, des droits de Dieu et de l’honneur des peuples, des intérêts du temps comme de ceux de l’éternité. La mort ne prévaut pas contre elle ; à l’impuissant meurtrier de Jean-Baptiste, à tous ceux qui voudraient l’imiter, mille bouches pour une, jusqu’à la fin des temps, redisent en toute langue, en tous lieux : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère.
« Grand et admirable mystère ! s’écrie par ailleurs saint Augustin. Il faut qu’il croisse, et que je diminue [7], disait Jean, disait la Voix en laquelle se personnifient les voix qui le précédèrent, annonçant comme lui la Parole du Père incarnée dans son Christ. Toute parole, en tant que signifiant quelque chose, en tant qu’idée, verbe intérieur, est indépendante du nombre des syllabes, de la variété des lettres ou des sons ; elle reste immuable et une au cœur qui la conçoit, bien que multiples puissent être les mots qui lui donnent corps extérieurement, les voix qui la propagent, les langues, grecque, latine ou autres, où elle se traduit. A qui sait la parole, inutiles deviennent les formules et la voix. Voix furent les Prophètes, voix les Apôtres ; voix dans les Psaumes, voix dans l’Évangile. Mais vienne la Parole, le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était avec Dieu, le Verbe qui était Dieu [8] : quand nous le verrons comme il est [9], entendra-t-on encore réciter l’Évangile ? écouterons-nous les Prophètes ? lirons-nous les Épîtres des Apôtres ? La voix défaille où grandit le Verbe... Non qu’en lui-même le Verbe décroisse ou grandisse. Mais il est dit croître en nous, quand c’est nous qui croissons en lui. A qui donc se rapproche du Christ, à qui progresse dans la contemplation de la Sagesse, les mots sont moins utiles ; il est nécessaire qu’ils tendent à faire tous défaut. Ainsi s’amoindrit le ministère de la voix en la mesure du progrès de l’âme vers le Verbe ; ainsi que le Christ grandisse et que Jean diminue. C’est ce qu’indiquent la Décollation de Jean et l’Exaltation du Christ en croix, comme l’avaient déjà fait leurs dates de naissance ; car à partir de la naissance de Jean décroissent les jours, qui grandissent à dater de celle du Seigneur » [10].
Utile leçon donnée aux guides des âmes dans les sentiers de la vie parfaite. Si, dès l’abord, ils doivent respectueusement observer la direction de la grâce en chacune d’elles, pour seconder l’Esprit-Saint et non s’imposer à lui ; ainsi faut-il qu’à mesure qu’elles avancent, ils évitent d’obstruer le Verbe sous l’abondance de leur propre parole ; comme aussi leur discrétion devra respecter l’impuissance où ces âmes en arrivent progressivement d’exprimer ce qu’opère en elles le Seigneur. Heureux alors d’avoir conduit l’Épouse à l’Époux, qu’ils apprennent à dire avec Jean : Il faut qu’il croisse, et que je diminue.
Et n’est-ce pas une leçon pareille que nous insinue à nous-mêmes le Cycle sacré, lorsque nous le verrons, dans les jours qui vont suivre, comme tempérer ses propres enseignements par la diminution du nombre des fêtes et l’absence prolongée des grandes solennités qui ne reparaîtront qu’en novembre ? L’école de la sainte Liturgie n’a point d’autre but que d’adapter l’âme, plus sûrement, plus pleinement qu’aucune autre école, au magistère intérieur de l’Époux. Comme Jean, l’Église voudrait, s’il était possible ici-bas toujours, laisser Dieu parler seul ; du moins aime-t-elle, sur la fin de la route, à modérer sa voix, à quelquefois s’imposer silence, désirant donner à ses fils l’occasion de montrer qu’ils savent écouter au dedans d’eux-mêmes Celui qui pour elle et pour eux est l’unique amour. Aux interprètes de sa pensée de bien la comprendre. L’ami de l’Époux, qui jusqu’au jour des noces marchait devant lui, se tient maintenant debout et lui-même il l’écoute ; et cette voix de l’Époux, qui fait rentrer la sienne dans le silence, le remplit d’immense joie. Cette joie donc qui est la mienne est complète, disait le Précurseur [11].
La fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste peut être considérée comme un des jalons de l’Année liturgique en la manière que nous venons d’exposer. Elle est rangée par les Grecs au nombre des solennités chômées. La mention qui en est faite au Martyrologe dit de saint Jérôme, la place qu’elle occupe dans les Sacramentaires gélasien et grégorien, démontrent sa haute antiquité dans l’Église latine. C’était aux environs de la fête de Pâques qu’avait eu lieu la bienheureuse mort du Précurseur ; pour l’honorer plus librement, on choisit ce jour qui rappelle aussi la découverte à Émèse de son glorieux chef.
La vengeance de Dieu s’était appesantie sur Hérode Antipas. Josèphe rapporte que les Juifs attribuaient à la mort de Jean sa défaite par Arétas d’Arabie, dont il avait répudié la fille pour suivre ses instincts adultères [12]. Déposé par Rome de son tétrarchat de Galilée, il fut relégué à Lyon, dans les Gaules, où l’ambitieuse Hérodiade partagea sa disgrâce. Quant à Salomé la danseuse, nos pères racontaient, d’après d’anciens auteurs [13], qu’ayant un jour d’hiver voulu danser sur une rivière gelée, la glace se rompit l’engloutissant jusqu’au cou, tandis que sa tête, tranchée par les glaçons rejoints soudainement, continua quelque temps par ses bonds cette danse de la mort.
De Machéronte au delà du Jourdain, où leur maître consomma son martyre, les disciples de Jean avaient porté son corps jusqu’à Sébaste, l’ancienne Samarie, en dehors des frontières d’Antipas ; car il était urgent de le soustraire aux profanations qu’Hérodiade n’avait point épargnées à son chef auguste. La vengeance de la malheureuse ne se crut point satisfaite, en effet, qu’elle n’eût percé d’une de ses épingles à cheveux la langue qui n’avait pas craint de flétrir sa honte [14] ; et la face du Précurseur, que l’église d’Amiens présente depuis sept siècles à la vénération du monde, garde encore trace des violences auxquelles se porta sa furie dans la joie du triomphe. Au temps de Julien l’Apostat, les païens voulurent compléter l’œuvre de cette indigne descendante des Machabées [15], en envahissant le tombeau de Sébaste pour brûler et disperser les restes du Saint. Mais ce sépulcre vide n’en faisait pas moins toujours la terreur des démons, comme sainte Paule le constatait avec une religieuse émotion quelques années plus tard [16]. Sauvées d’ailleurs en grande partie, les précieuses reliques s’étaient répandues par l’Orient, d’où elles devaient, à l’époque surtout des Croisades, émigrer dans nos contrées où leur présence fait la gloire de nombreuses églises.
Faisons nôtres les formules suivantes du Sacramentaire grégorien pour la fête de la Décollation.
ORAISON. | |
Sancti Joannis Baptistæ Præcursoris et Martyris tui, quæsumus, Domine, veneranda festivitas, salutaris auxilii nobis præstet effectum. Per Dominum. | Faites, Seigneur, nous vous en supplions, que la vénérable fête de saint Jean, votre Baptiste et Martyr, soit pour nous un secours efficace de salut. Par Jésus-Christ. |
SUPER OBLATA. | |
Munera tibi, Domine, pro sancti Martyris tui Joánnis Baptistæ passione deferimus, qui dum finitur in terris, factus est cœlesti sede perpetuus : quæsumus, ut eius obtentu nobis proficiant ad salutem. Per Dominum. | Seigneur, nous vous faisons notre offrande pour la passion de votre saint Martyr, Jean Baptiste ; finissant ici-bas sa vie terrestre, il en a commencé une éternelle au céleste séjour : à sa considération, puisse cette offrande profiter à notre salut. Par Jésus-Christ. |
PRÉFACE. | |
Vere dignum et justum est, æquum et salutare, nos tibi semper et ubique gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, æterne Deus : Qui præcursorem Filii tui tanto munere ditasti, ut pro veritatis præconio capite plecteretur : Et qui Christum aqua baptizaverat, ab ipso in Spiritu baptizatus, pro eodem proprio sanguine tingeretur. Præco quippe veritatis, quæ Christus est, Herodem a fraternis thalamis prohibendo, carceris obscuritate detruditur, ubi solius divinitatis tuæ lumine frueretur. Deinde capitalem sententiam subiit, et ad inferna Dominum præcursurus descendit. Et quem in mundo digito demonstravit, ad inferos pretiosa morte præcessit. Et ideo cum Angelis. | Il est vraiment digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui avez enrichi d’une telle grâce le précurseur de votre Fils : pour l’affirmation de la vérité il donna sa tête ; lui qui avait baptisé le Christ dans l’eau, baptisé par lui dans l’Esprit, fut lavé pour lui dans son propre sang. Car ayant, comme héraut de la vérité qui est le Christ, rappelé Hérode au respect de la couche de son frère, il fut jeté dans l’obscurité d’une prison où ne lui restait pour biens que la lumière de votre divinité. Ensuite, puni de mort, il descendit comme précurseur du Seigneur aux enfers, y précédant par son précieux trépas Celui qu’en ce monde avait désigné son doigt. C’est pourquoi donc, avec les Anges. |
BÉNÉDICTION. | |
Deus, qui nos beati Johannis Baptistæ concedit solemma frequentare,tribuat vobis et eadem devotis mentibus celebrare, et suæ benedictionis dona percipere. | Que le Dieu qui nous donne de célébrer la solennité du bienheureux Jean-Baptiste, vous accorde et d’y montrer la dévotion de vos âmes, et d’y recevoir les faveurs de sa bénédiction. |
R/. Amen. | R/. Amen. |
Et qui pro legis ejus præconio carceralibus est retrusus in tenebris, intercessione sua a tenebrosorum operum vos liberet incentivis. | Que celui qui pour avoir proclamé sa loi fut enfermé dans les ténèbres des cachots, vous délivre par sa prière de la séduction des œuvres de ténèbres. |
R/. Amen. | R/. Amen. |
Et qui pro veritate, quæ Deus est, caput non est cunctatus amittere, suo interventu ad caput nostrum, quod Christus est, vos faciat pervenire. | Et que n’ayant pas balancé, pour la vérité qui est Dieu, à livrer sa tète, il vous fasse arriver par son intercession au Christ qui est notre tête. |
Quod ipse praestare dignetur. | Qu’il daigne nous l’accorder Celui qui règne à jamais. |
R/. Amen. | R/. Amen. |
AD COMPLENDUM. | |
Conferat nobis, Domine, sancti Ioannis utrumque sollemnitas : ut et magnifica sacramenta, quæ sumpsimus, digne veneremur, et in nobis salutaria sentiamus. Per Dóminum. | Puisse, Seigneur, la solennité de saint Jean nous donner à la fois, et de vénérer comme ils le méritent les glorieux Mystères auxquels nous avons participé, et d’expérimenter leur action salutaire. Par Jésus-Christ. |
Dans la liste de Würzbourg, cette fête semble renvoyée au lendemain, peut-être à cause de la popularité de la station (natalis) à Sainte-Sabine.
La décollation de saint Jean-Baptiste, le 29 août, est toutefois fêtée dès le IVe siècle en Afrique, en Orient, en Syrie, un peu partout. Elle manque dans le Sacramentaire Léonien mais apparaît dans le Gélasien.
On connaît le sort des reliques du précurseur du Seigneur. Il fut d’abord enseveli en Samarie, mais en 362 les païens violèrent sa tombe et brûlèrent ses ossements sacrés. Une petite partie d’entre eux put toutefois être soustraite par quelques moines et fut remise à saint Athanase, à Alexandrie. L’empereur Théodose fit déposer à Hebdomon, près de Constantinople, le chef présumé de saint Jean, jadis conservé à Jérusalem par quelques moines. Une autre tradition voudrait, au contraire, que cette relique sacrée eût été transférée de Jérusalem à Émèse où, en 452, l’évêque Uranius en fit la reconnaissance authentique.
On ne sait rien d’un transfert du chef de saint Jean-Baptiste à Rome. Celui qui, maintenant encore, est vénéré à Saint-Silvestre in Capite appartient, non pas au Précurseur, mais à ce célèbre prêtre martyr Jean, que les pèlerins du haut moyen âge visitaient sur la voie Salaria vêtus, sur le cimetière appelé précisément ad septem palumbas ad Caput Sancti Iohannis.
Voici comment s’exprime le De Locis SS. Martyrum : Inde, non longe in Occidente, ecclesia sancti lohannis martyris, ubi caput eius in alio loco sub altari ponitur, in alio corpus.
Son nom figurait probablement dans le Martyrologe Hiéronymien, le 24 juin, avec celui de Festus, mais il aura sans doute été absorbé par celui du Précurseur.
A ce saint Jean de la voie Salaria, était dédiée une petite église spéciale, près de celle de Saint-Silvestre, qui, en raison de la sainte relique, prit le titre de IN CAPITE.
A l’origine, les chants pour la fête de ce jour étaient ainsi énumérés dans l’antiphonaire : ANT. In virtute tua. PSALM. Vitam petiit. RESP. Domine, praevenisti. VERS. Vitam petiit. ALLEL. Beatus vir. OFF. Iustus ut palma. AD COMMUN. Magna est gloria.
Aujourd’hui le Missel a modifié cette ordonnance primitive. L’antienne pour l’introït est tirée du psaume 118, comme pour la fête de sainte Praxède, le 20 juillet, et cela en raison de l’intrépide énergie montrée par le Précurseur en face du roi Hérode. — Pour ne pas craindre les hommes, il faut craindre Dieu.
Le psaume qui suit l’antienne — et cela trahit d’emblée le rédacteur moderne — est le 91e, comme pour la nativité du Saint.
Voici la collecte. — « Que la vénérable fête de votre saint Précurseur et martyr Jean nous apporte, Seigneur, en abondance, des grâces pour notre salut ». Dans ces collectes de l’Église, nous implorons sans cesse la divine grâce, et par là nous rendons témoignage à une vérité très importante qui, au IVe siècle, fut vivement combattue par Pelage et par ses disciples. Pour opérer notre salut éternel, nous avons tous besoin de la divine grâce, à la généreuse miséricorde de laquelle est attribué tout le bien que nous accomplissons. C’est pourquoi saint Paul disait : Gratia autem Dei sum id quod sum.
La première lecture est tirée de Jérémie (I, 17-19) et forme la suite du passage lu le 24 juin. Le Seigneur prémunit le Prophète contre la vaine terreur des puissances terrestres. Celles-ci s’élèveront toutes contre l’envoyé de Yahweh, mais elles ne pourront jamais en triompher, car Dieu est plus puissant que les hommes, et la lutte contre Lui se fait toujours dans des conditions d’infériorité. Il vaut donc mieux se rendre, comme le fit Saul sur le chemin de Damas.
Le graduel est le même que le 3 décembre, pour la fête de saint François Xavier. On se demandera peut-être comment l’on peut chanter en l’honneur du martyr qu’il fleurira comme le palmier, alors que sa tête a été séparée du tronc ? La réponse est aisée. Comme le Christ mourut sur la croix, fut adoré dans les limbes le lendemain, et ressuscita le troisième jour, ainsi ses disciples reçoivent au ciel la récompense de leurs souffrances de la veille, et, le troisième jour, ils ressusciteront eux aussi, d’autant plus semblables au Christ dans la gloire qu’ils auront été davantage humiliés pour lui dans l’ignominie de la Croix.
Une première et précoce floraison du sang des martyrs est reconnue par Tertullien dans la rapide diffusion de l’Église sur toute la terre durant les trois premiers siècles.
Le verset alléluiatique, où le juste est comparé à un lis en fleur, est le même que le 15 janvier, pour saint Paul ermite.
La lecture évangélique de ce jour est tirée de saint Marc (VI, 17-27) et nous est déjà attestée par la liste de Würzbourg. Le plus grand des fils de la femme a été victime de la honteuse intrigue de deux adultères. Selon la commune opinion du monde, il n’y a rien de glorieux ni de tragique dans cette mort de Jean, lequel succombe en cachette, dans le silence de la prison de Machéronte. Combien différentes sont les pensées de Dieu ! Jean avait souhaité que son prestige et sa gloire fussent comme anéantis, pour que, seul, Jésus fût glorifié. Ses vœux sont exaucés. Il meurt comme l’inébranlable prédicateur de la chasteté, il meurt parce que sa sainteté de Précurseur de Jésus était intolérable à l’impudique Hérodiade. Il meurt en anticipant, par son martyre, les humiliations du Calvaire ; mais en récompense, si Jésus ne participa pas avec les disciples à ses funérailles, comme l’assurent quelques documents, il a au moins la gloire d’avoir eu le Sauveur lui-même pour panégyriste de ses immenses mérites. Quel saint a jamais été honoré comme Jean ?
L’antienne pour l’offrande des oblations est la même que pour saint Paul ermite.
Prière sur les oblations. — « Par les mérites de votre bienheureux martyr Jean, que soient profitables à notre salut, Seigneur, les offrandes que nous vous présentons aujourd’hui en l’anniversaire de son supplice ».
Quelques Sacramentaires nous donnent pour ce jour la préface suivante : Vere dignum... aeterne Deus. Qui Praecursorem Filii tui tanto munere ditasti, ut pro veritatis praeconio capite plecteretur, et qui Christum aqua baptizaverat, ab ipso in Spiritu baptizatus, pro eodem proprio sanguine tingeretur. Praeco quippe veritatis, quae Christus est, Herodem a fraternis thalamis prohibendo, carceris obscuritate detruditur, ubi solius divinitatis tuae lumine frueretur. Deinde capitalem sententiam subiit, et ad inferna Dominum praecursurus descendit. Et quem in mundo digito demonstravit, ad inferas praetiosa morte praecessit. Et ideo... [17]
L’antienne durant la sainte Communion est la même que le 26 janvier. Le glaive du bourreau trancha le chef de Jean, mais sur ce chef, comme le chante Paul Diacre, dans l’hymne des laudes du 24 juin, Dieu a posé la triple couronne de prophète, de martyr et de vierge : Serta ter denis alios coronant Aucta crementis, duplicata quosdam ; Trina centeno cumulata fructu Te sacer ornant.
Après la Communion. — « Que la solennité de saint Jean-Baptiste fasse que, vénérant aujourd’hui l’ineffable sacrement eucharistique, celui-ci produise en nous, abondamment, cette grâce d’onction dont il est le mystique symbole ».
En l’honneur du glorieux Précurseur décollé, furent érigées dans le bas moyen âge plusieurs églises et des confréries destinées à l’assistance religieuse des condamnés à mort. Elles produisirent un grand bien et, grâce à elles, la satisfaction de la justice humaine, toute enveloppée alors d’une atmosphère de compassion et d’amour, s’éleva à la hauteur d’un acte de religion, en sorte que ces malheureux, assistés par des « consolateurs » et dans le baiser du Crucifix, montaient résignés à l’échafaud, heureux de pouvoir satisfaire à Dieu et à la société pour le crime commis. Aussi le bienheureux Cafasso, « consolateur » très zélé des condamnés à mort, disait-il : « Sur cent pendus, cent sauvés ! »
A Rome, deux églises étaient dédiées à la décollation de saint Jean-Baptiste. La première se trouvait près des prisons de Tor di Nona, en face du château Saint-Ange. L’autre existe encore, non loin du Vélabre, et l’un des nombreux privilèges dont jouissait sa confrérie était de pouvoir, chaque année, libérer pendant le Carême un condamné à mort.
Il faut que lui grandisse, et que moi je m’efface.
1. Décollation de saint Jean-Baptiste. — Outre la naissance du Précurseur, fête principale de saint Jean Baptiste (24 juin), l’Église célèbre encore son martyre. D’après le martyrologe, c’est aujourd’hui le jour « de la seconde découverte de son chef vénérable ». Le corps de Jean-Baptiste fut enterré à Samarie. En 362 les païens profanèrent son tombeau et brûlèrent ses restes. Des moines parvinrent seulement à en sauver une petite partie qu’ils remirent à saint Athanase d’Alexandrie. On montre en divers endroits les principales reliques du Précurseur. Celles qu’on honore dans l’église Saint-Sylvestre, à Rome, appartiennent à un prêtre martyr du même nom. On vénère aussi à Breslau le chef de saint Jean-Baptiste. Nous aurons particulièrement soin de relire aujourd’hui les passages des trois Synoptiques qui relatent le martyre du Précurseur, une des scènes les plus dramatiques de la sainte Écriture. (Marc — auquel la messe emprunte l’Évangile — VI, 14-29 ; Matthieu, XIV, 1-12 ; Luc, III, 19-20 ; IX, 7-9).
2. La Messe (Loquebar). — Une messe très simple avec peu de parties propres. A l’Introït et à l’Épître, nous nous représentons la courageuse franchise de saint Jean-Baptiste devant Hérode, franchise qui devait lui coûter la vie : « Je parlais de tes témoignages à la face des Rois et n’en ai pas honte ». (Cas étrange, le verset de l’Introït est emprunté à un autre psaume que l’antienne). « Annonce à Juda tout ce que je t’ordonne. Sois sans crainte... je t’ai établi comme une ville forte... contre les rois de Juda, contre ses princes, contre ses prêtres et contre le peuple. Ils combattront contre toi, mais ils ne pourront rien sur toi » (Épître). Nous voyons ainsi, au commencement de la messe, le Baptiste devant Hérode : « Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère ! » Au Graduel, il se dresse devant nous « comme le cèdre du Liban », pur et sans tache comme le lis. A l’Offertoire et à la Communion, nous chantons son triomphe auquel nous avons part dans la Sainte Eucharistie. Nous avons souvent lieu de faire cette remarque : à l’avant-messe, le saint nous apparaît dans sa passion ; et à la messe des fidèles, dans sa gloire. De même, dans la première partie nous nous unissons spirituellement à lui par la lecture (on lisait autrefois en cet endroit les Actes des martyrs), et dans le Saint-Sacrifice, à sa gloire. L’Évangile raconte, d’après le vivant récit de saint Marc, le martyre de Jean-Baptiste.
3. Remarques sur la messe. — L’examen attentif de l’Offertoire et de la Communion nous fait saisir l’intention profonde de la liturgie. L’offertoire et la communion sont bien deux parties importantes du saint sacrifice où l’individu est appelé à intervenir personnellement. Il intervient à l’offertoire avec son « moi » (symbolisme de l’offrande) ; à la communion, il reçoit sa propre part du sacrifice : Dieu s’incline vers lui en lui disant « tu ». On pourrait donc s’attendre à ce que les deux chants concomitants de l’offertoire et de la communion traduisent ce caractère personnel, ou, du moins, rappellent qu’au moment du sacrifice le saint dont on fait mémoire s’efface. On pourrait croire que le saint dont la place est si grande à l’avant-messe nous quitte au seuil du sacrifice et laisse la communauté seule avec le Christ. Non ; il n’en est rien. Les chants qui accompagnent ces deux parties de la messe d’un caractère à la fois si dramatique et si personnel se rapportent invariablement au saint dont on célèbre la fête. Qu’en faut-il conclure ? Manifestement, la liturgie met en valeur le mystère du saint. Nous nous associons à son rôle au sacrifice, et, par la communion sacramentelle, nous participons à sa gloire. Remarquons-le encore, au début comme à la fin, ce sont des pensées relatives au bonheur éternel qui très souvent reparaissent. Pendant l’avant-messe, nous voyons le saint aux prises avec les difficultés de la vie, en lutte avec le monde et l’enfer ; pendant le sacrifice, nous le voyons dans sa gloire à laquelle nous prenons part. Aussi entendons-nous l’Église chanter, au moment de la distribution des saintes espèces : « Vous avez posé sur sa tête une couronne d’or pur » ; ce qui est vrai d’une double façon : le saint est glorifié parmi : nous, et nous, en union avec lui, nous participons à sa gloire. Combien il importe donc de ne pas se contenter d’une lecture superficielle des textes de la liturgie : sachons en saisir intimement l’esprit et la vie !
[1] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.
[2] Évangile de la fête, Marc, VI, 17-29.
[3] Matth. XI, 11.
[4] Chrys. Ad episcopos, presb. et diac. ob pietatem in carcere inclusos.
[5] Ibid. Ad eos qui scandalizati sunt ob adversitates, XXII.
[6] Ibid.
[7] Johan. III, 30.
[8] Johan. I, 1.
[9] I Johan. III, 2.
[10] Aug. Sermo CCLXXXVIII, In Natali J. Bapt. 11, De voce et verbo.
[11] Johan. III, 28-29.
[12] Joseph. Antiquit. Jud. XVIII, VI.
[13] Pseudo-Dexter, Chronicon, ad ann. Christi 34 ; Niceph. Call. I, XX.
[14] Hieron. Adv. Rufin. III, 42.
[15] Par Mariamne, son aïeule, petite-fille d’Hyrcan.
[16] Hieron. Epist. CVIII, al. XXVII, ad Eustochium.
[17] Traduction : voir plus haut le commentaire de Dom Guréanger in fine.