Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
L’existence de la vigile de saint Laurent est attestée depuis le IVème siècle. La fête de saint Laurent étant la deuxième grande fête de l’Église de Rome après celle des princes des Apôtres, on comprend que la dévotion l’ait anticipée ; St Laurent avait aussi son Octave jusqu’en 1955.
La réforme du calendrier de Jean XXIII a redonné à cette veillée son importance, en anticipant au 8 août la fête de saint Jean-Marie Vianney plus récente. On commémore aussi aujourd’hui St Romain. Si la fête de saint Laurent tombe un dimanche, on ne fait rien de la vigile depuis les rubriques de 1960.
On se reportera aux jours de la fête et de ses commentaires et au jour Octave, pour avoir un perçu liturgique complet de la solennité.
« La veillée nocturne près de la tombe d’un martyr faisait partie de la célébration de son natale. Pour celle de saint Laurent, il convient d’évoquer le souvenir de Mélanie la Jeune qui, sur le point d’accoucher, « passa toute la nuit à veiller et à faire des génuflexions dans son oratoire », puis partit « le lendemain matin de bonne heure avec sa mère et se rendit au martyrium », afin d’invoquer le Seigneur par l’intercession du saint martyr [1]. C’était en 402. Tout les livres liturgiques romains donnent, au VIIe siècle, les formulaires de la messe pour la vigile de saint Laurent » [2].
Ant. ad Introitum. Ps. 111, 9. | Introït |
Dispérsit, dedit paupéribus : iustítia eius manet in sǽculum sǽculi : cornu eius exaltábitur in glória. | Il répand ses largesses, il donne aux pauvres : sa justice demeure d’âge en âge : sa puissance sera élevée dans la gloire. |
Ps. ibid., 1. | |
Beátus vir, qui timet Dóminum : in mandátis eius cupit nimis. | Heureux l’homme qui craint le Seigneur : qui se complaît dans ses commandements. |
V/. Glória Patri. | |
Non dicitur Glória in excélsis. | On ne dit pas le Glória in excélsis. |
Oratio. | Collecte |
Adésto, Dómine, supplicatiónibus nostris : et intercessióne beáti Lauréntii Mártyris tui, cuius prǽvénimus festivitátem ; perpétuam nobis misericórdiam benígnus impénde. Per Dóminum. | Exaucez nos supplications, Seigneur : et par l’intercession du bienheureux Laurent votre Martyr, dont nous devançons la fête, faites-nous ressentir avec bienveillance les effets de votre miséricorde. |
Et fit commemoratio S. Romani Martyris : | Et on fait mémoire de St Romain, Martyr : |
Oratio. | Collecte |
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, intercedénte beáto Románo Mártyre tuo, et a cunctis adversitátibus liberémur in córpore, et a pravis cogitatiónibus mundémur in mente. Per Dóminum nostrum. | Faites, s’il vous plaît, Dieu tout-puissant, que par l’intercession du bienheureux Romain, votre Martyr, nous soyons délivrés de toute adversité corporelle, et que notre âme soit purifiée de toute pensée mauvaise. |
Léctio libri Sapiéntiæ. | Lecture du Livre de la Sagesse. |
Eccli. 51, 1-8 et 12. | |
Confitébor tibi, Dómine, Rex, et collaudábo te Deum, Salvatórem meum. Confitébor nómini tuo : quóniam adiútor et protéctor factus es mihi, et liberásti corpus meum a perditióne, a láqueo línguæ iníquæ et a lábiis operántium mendácium, et in conspéctu astántium factus es mihi adiutor. Et liberasti me secúndum multitúdinem misericórdiæ nóminis tui a rugiéntibus, præparátis ad escam, de mánibus quæréntium ánimam meam, et de portis tribulatiónum, quæ circumdedérunt me : a pressúra flammæ, quæ circúmdedit me, et in médio ignis non sum æstuátus : de altitúdine ventris inferi, et a lingua coinquináta, et a verbo mendácii, a rege iníquo, et a lingua iniústa : laudábit usque ad mortem ánima mea Dóminum : quóniam éruis sustinéntes te, et líberas eos de mánibus géntium, Dómine, Deus noster. | Je vous rendrai grâces, ô Seigneur roi, et je vous louerai, Dieu mon sauveur. Je rendrai gloire à votre nom, parce que vous avez été mon aide et mon protecteur. Vous avez délivré mon corps de la perdition, des pièges de la langue injuste, et des lèvres des ouvriers du mensonge, et en face de mes adversaires vous vous êtes fait mon défenseur. Vous m’avez délivré, selon la multitude de vos miséricordes, de ceux qui rugissaient, prêts à me dévorer, des mains de ceux qui cherchaient à m’ôter la vie, et de la puissance des tribulations qui m’environnaient ; de la violence de la flamme qui m’entourait, et au milieu du feu je n’ai point senti la chaleur ; de la profondeur des entrailles de l’enfer, de la langue souillée et des paroles de mensonge, du roi inique et de la langue injuste. Mon âme louera le Seigneur jusqu’à la mort, car vous tirez du péril ceux qui vous attendent, Seigneur, et vous les délivrez des mains des nations, ô Seigneur notre Dieu. |
Graduale. Ps. 111, 9 et 2. | Graduel |
Dispersit, dedit paupéribus : iustítia eius manet in sǽculum sǽculi. | Il répand ses largesses, il donne aux pauvres : sa justice demeure d’âge en âge. |
V/. Potens in terra erit semen eius : generátio rectórum benedicétur. | V/. Sa race sera puissante sur la terre : la descendance des juste sera bénie. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu. |
Matth. 16, 24-27. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Si quis vult post me veníre, ábneget semetípsum, et tollat crucem suam, et sequátur me. Qui enim voluerit ánimam suam salvam fácere, perdet eam : qui autem perdíderit ánimam suam propter me, invéniet eam. Quid enim prodest hómini, si mundum univérsum lucrétur, ánimæ vero suæ detriméntum patiátur ? Aut quam dabit homo commutatiónem pro ánima sua ? Fílius enim hóminis ventúrus est in glória Patris sui cum Angelis suis : et tunc reddet unicuíque secúndum ópera eius. | En ce temps-là :, Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, et qu’il porte sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie, la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la trouvera. Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? Ou qu’est-ce que l’homme donnera en échange de son âme ? Car le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. |
Ant. ad Offertorium. Iob 16, 20. | Offertoire |
Orátio mea munda est : et ídeo peto, ut detur locus voci meæ in cælo : quia ibi est iudex meus, et cónscius meus in excélsis : ascéndat ad Dóminum deprecátio mea. | Ma prière est pure : c’est pourquoi je demande que ma voix soit écoutée dans le ciel : car là est mon juge et celui qui connaît ma conscience là-haut dans les cieux : que ma prière monte vers le Seigneur. |
Secreta | Secrète |
Hóstias, Dómine, quas tibi offérimus, propítius súscipe : et, intercedénte beáto Lauréntio Mártyre tuo, víncula peccatórum nostrorum absólve. Per Dóminum. | Recevez favorablement, Seigneur, les hosties que nous vous offrons, et par l’intercession du bienheureux Laurent, votre Martyr, libérez-nous des liens de nos péchés. |
Pro S. Romano | Pour St Romain |
Secreta | Secrète |
Munéribus nostris, quǽsumus, Dómine, precibúsque suscéptis : et cæléstibus nos munda mystériis, et cleménter exáudi. Per Dóminum nostrum. | Ayant accueilli nos dons et nos prières, nous vous en supplions, Seigneur, purifiez-nous par ces célestes mystères, et exaucez-nous dans votre clémence. |
Ant. ad Communionem. Matth. 16, 24. | Communion |
Qui vult veníre post me, ábneget semetípsum, et tollat crucem suam, et sequátur me. | Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, et qu’il porte sa croix, et qu’il me suive. |
Postcommunio | Postcommunion |
Da, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, sicut beáti Lauréntii Mártyris tui commemoratióne, temporáli gratulámur offício ; ita perpétuo lætémur aspéctu. Per óminum nostrum. | Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur notre Dieu, de pouvoir, comme nous nous réjouissons dans notre devoir temporel de commémorer le bienheureux Laurent, votre Martyr, être de même remplis d’allégresse en le voyant à jamais. |
Pro S. Romano | Pour St Romain |
Postcommunio | Postcommunion |
Quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui cæléstia aliménta percépimus, intercedénte beáto Románo Mártyre tuo, per hæc contra ómnia advérsa muniámur. Per Dóminum nostrum. | Nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, faites qu’ayant reçu un aliment tout céleste et que le bienheureux Romain votre Martyr, intercédant pour nous, nous soyons grâce à ses secours munis contre toutes les adversités. |
On fait l’Office de la Férie, comme à l’Ordinaire et au Psautier ; sauf les Leçons qui, se disent comme ci-après, mais avec les Répons de la Férie courante, comme au Propre du Temps.
Leçons des Matines Du Commun d’un Martyr II.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 16, 24-27.
En ce temps-là : Jésus-Christ dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et me suive. Et le reste.
Homélie de Saint Grégoire, Pape. Hom. 32 in Evang.
Première leçon. Notre Seigneur et Rédempteur, l’homme nouveau, étant venu en ce monde, a donné au monde des commandements nouveaux. A notre ancienne vie, toute alimentée de vices, il a imposé le devoir de se transformer en une vie nouvelle. Le vieil homme, l’homme charnel, savait-il faire autre chose que garder pour lui-même ses biens ; s’emparer, s’il le pouvait, de ceux d’autrui ou les convoiter s’il ne pouvait les prendre ? Mais le médecin céleste oppose à chacun de nos vices les remèdes qui lui conviennent. De même que l’art de la médecine guérit le froid par le chaud et le chaud par le froid, ainsi notre Seigneur oppose-t-il à nos péchés des médicaments contraires : par exemple aux impudiques, il prescrit la continence ; aux avares, la libéralité ; aux hommes colères, la douceur ; aux orgueilleux, l’humilité.
Seconde leçon. II est certain qu’en proposant à ceux qui le suivent de nouveaux préceptes, Jésus-Christ a dit : « Quiconque d’entre vous ne renonce point à tout ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. » Comme s’il eût dit : Vous qui, durant votre vie passée, convoitiez les biens d’autrui ; si vous avez à cœur de vivre d’une vie nouvelle, donnez vos propres biens. Mais écoutons ce qu’il nous enseigne dans le passage de l’Évangile que nous avons lu aujourd’hui : « Que celui qui veut venir après moi renonce à lui-même. » Ailleurs il est prescrit que nous renoncions à nos biens, et ici que nous renoncions à nous-mêmes. Peut-être n’est-il pas difficile à un homme d’abandonner ses biens ; mais ce qui exige un bien grand travail, c’est de renoncer à soi-même. En effet, c’est peu de chose que de se détacher de ce qu’on possède ; mais c’est beaucoup de faire abnégation de ce que l’on est.
Troisième leçon. Notre Seigneur nous commande, à nous qui venons à lui, de renoncer à ce que nous avons, parce que tous ceux qui entrent dans la lice de la foi chrétienne, entreprennent de combattre les malins esprits. Or, les malins esprits n’ont en ce monde rien qu’ils possèdent en propre : c’est donc dépouillés de tout, que nous devons lutter contre ceux qui sont dénués de tout. Si quelqu’un, sans ôter ses vêtements engage une lutte avec un ennemi qui n’en ait point, il est bientôt jeté à terre parce qu’il donne prise à son adversaire. Tous les biens terrestres ne sont-ils pas, en effet, comme une sorte de vêtements superflus de notre corps ? Que celui qui entreprend de combattre le diable, s’en dépouille donc pour ne point succomber.
Mon serviteur, ne crains pas ; car je suis avec toi, dit le Seigneur. Si tu passes par le feu, sa flamme ne te sera point funeste et son odeur ne laissera en toi nulle trace. Je te délivrerai de la main des méchants, je t’arracherai aux mains des forts » [3]. C’est l’heure du combat où la Sagesse [4], plus puissante que le feu et la flamme [5], appelle Laurent à conquérir le laurier de victoire dont son nom même était l’annonce.
Les trois jours sont enfin passés pour le diacre de Sixte, et pour lui aussi l’exil va finir ; rejoignant son Pontife à l’autel des cieux, il n’en sera plus désormais séparé. Mais, avant d’aller prendre au Sacrifice éternel la part glorieuse qui lui revient par le droit de son Ordre, il faut que sur cette terre, où se jettent dans le temps qui passe les semences de l’immuable éternité, il justifie de la fidélité vaillante qui sied au lévite de l’éternelle loi d’amour.
Laurent est prêt. « Éprouvez le ministre auquel vous avez confié la dispensation du sang du Seigneur ». C’était sa parole à Sixte II [6]. Selon la recommandation du Pontife, il a distribué aux pauvres les trésors de l’Église ; dès ce matin, par deux fois la sainte Liturgie le constate en ses chants [7]. Mais il sait que livrer toute la substance de sa maison pour l’amour, ce n’est donner rien qui vaille [8], et il aspire à se livrer lui-même. Dans l’allégresse de sa générosité débordante, il salue l’holocauste dont on dirait qu’il sent s’élever déjà le parfum suave et fort [9]. Aussi peut-il chanter à l’Offertoire de cette Messe de Vigile qui célèbre sa fidélité, son espérance, sa propre oblation en abordant l’arène : « Ma prière est pure, et c’est pourquoi je demande que ma voix soit entendue au ciel ; car là est mon juge, mon témoin est dans les hauteurs des cieux : que ma supplication s’élève au Seigneur » [10].
Prière sublime, dont les accents pénètrent en effet la nue [11] ! Dès maintenant nous pouvons le dire avec l’Église, sa race sera puissante sur la terre [12], cette race de nouveaux chrétiens nés du sang du martyr [13]. Car dans la personne de Romain, le néophyte gagné par ses premiers tourments et qui le précède au ciel, nous en saluons aujourd’hui même les prémices fortunées. Réunissons, comme fait l’Église, le soldat et le diacre en notre prière.
Nous connaissons l’existence de cette veillée depuis le IVe siècle. Nous lisons en effet dans la vie de sainte Mélanie la Jeune, que ses parents refusèrent de l’y conduire dans son enfance. Alors Mélanie se retira dans l’oratoire domestique et fit, le mieux qu’elle put, la veillée en l’honneur de saint Laurent.
Le type de ces vigiles romaines, demeurées en partie dans le Missel pour le Samedi Saint et les samedis des Quatre-Temps, nous est connu. Elles sont beaucoup plus anciennes que les Nocturnes faits de psaumes, rendus populaires plus tard par les moines. Elles consistaient en un nombre déterminé de lectures scripturaires, alternant avec des psaumes responsoriaux et les collectes épiscopales. Lorsque l’aurore apparaissait, on offrait le divin Sacrifice, et l’on rompait le jeûne.
Le Sacramentaire Léonien nous a conservé diverses formules de messes pour la veillée de cette nuit, ce qui témoigne de la popularité du culte de saint Laurent à Rome, telle qu’aucun autre saint n’en fut l’objet, à l’exception des Princes des Apôtres.
La tradition de la messe vigiliale se perpétua dans les Sacramentaires Gélasien et Grégorien, la liste des Évangiles de Würzbourg, etc., jusqu’à notre Missel actuel. Bien plus, quand, à la fin du moyen âge, on anticipa les vigiles des grandes fêtes à l’après-midi du jour précédent, saint Laurent eut sa messe in vigilia, suivie d’une autre prima missa in nocte.
L’introït célèbre la charité du saint Archidiacre, pour qui les vrais trésors de l’Église, ceux qu’il montra avec satisfaction au juge, étaient les pauvres. Ps. 111. « IIl répandit ses largesses et donna aux pauvres ; sa justice demeure dans tous les siècles, sa puissance sera glorifiée et exaltée ».
Prière. — « Exaucez, ô Dieu, nos prières, et, par l’intercession de votre bienheureux martyr Laurent, dont nous anticipons la solennité, accordez-nous une perpétuelle miséricorde ». Elle plaît extrêmement à Dieu, cette prière nocturne, à laquelle si souvent nous exhortent les Écritures et qui, sanctifiée par l’exemple du Christ, est conservée maintenant, comme une tradition sacrée, par les Ordres monastiques et par plusieurs familles religieuses. L’âme qui prévient la lumière en pleurant ses péchés et en cherchant Dieu, exprime toute la force de sa contrition et l’énergie de sa foi. La prière matinale est comme la rosée qui, à l’aurore, descend pour rafraîchir et féconder le champ brûlé par le soleil de midi.
Parmi les différentes collectes du Léonien, nous citerons la suivante : Perfice nobis, Domine, fructum gratulationis hodiernae, ut precibus beati Laurentii martyris tui, eius natalitia votiva praecurrens, perfectis gaudiis expleatur oblatio [14].
Pour la messe vigiliale de cette nuit, le plus ancien Comes romain du manuscrit de Würzbourg assigne, avant l’Évangile, une double lecture tirée de l’Ancien et du Nouveau Testament comme le voulait, en effet, la tradition primitive. La première lecture assignée aujourd’hui par la liste de Würzbourg est maintenant réservée dans le Missel à la messe des Docteurs : Testificor coram Deo et Iesu Christo [15]. La seconde, tirée de l’Ecclésiastique (LI, 1-8 et 12) est toujours en usage. Elle est également prescrite le 21 janvier pour sainte Agnès, qui subit comme saint Laurent le supplice du feu. Le martyr remercie le Seigneur, qui ne lui a pas retiré sa grâce alors que tout au monde lui manquait au milieu des supplices qu’il subissait.
Le répons est tiré du même psaume que l’introït : « Il répandit ses largesses et donna aux pauvres ; sa justice demeure à travers les siècles. Sa descendance sera puissante sur la terre, parce que la postérité des saints est en bénédiction ». Les saints appartiennent proprement à l’Église catholique ; leur descendance est donc l’Église elle-même, qui, par les mérites des justes, continue, prospère et triomphe.
La lecture évangélique (Matth., XVI, 24-27) est commune à la fête de saint Eusèbe de Verceil le 16 décembre. Il y a une totale opposition entre la nature corrompue et la grâce. Que celui qui veut la félicité s’attache à la croix du Christ ; car celui qui s’aime se perd, et celui qui se hait saintement pour faire mourir le vieil homme, se retrouve vraiment dans le Christ ressuscité et vit de sa sainteté et de sa gloire.
L’antienne pour l’oblation est tirée de Job. C’est le martyr qui en appelle de l’inique jugement de l’homme à un tribunal supérieur qui ne souffre pas d’erreur et n’admet pas d’injustice (Job, XVI, 20) : « Ma prière est pure, c’est pourquoi je demande que ma voix arrive jusqu’au ciel, car là-haut est mon témoin, mon garant. Que ma prière s’élève jusqu’au Seigneur ».
Le témoignage de la bonne conscience et la foi dans le juste jugement de Dieu, inspiraient une grande paix aux Martyrs au milieu de la tempête de haine qui les emportait. Aussi Tertullien écrivait-il dans son Apologétique : « Tandis que vous nous condamnez à mort, Dieu nous absout ; c’est pourquoi, à la lecture de votre sentence, nous répondons joyeux : Deo gratias ».
Sur l’oblation. — « Accueillez favorablement, Seigneur, les oblations que nous vous présentons ; et par les mérites de votre bienheureux martyr Laurent, délivrez-nous des liens du péché ». Celui qui, dans le dur martyre souffert pour le Seigneur, lui a tout donné, peut aussi tout sur son cœur. Voilà la raison pour laquelle l’Église, de toute antiquité, reconnaissait aux martyrs un privilège spécial d’intercession.
Le Sacramentaire Léonien nous donne pour cette nuit la préface suivante : Vere dignum... Praevenientes natalem diem beati Laurentii, qui levita simul martyrque venerandus, et proprio claruit gloriosus officio, et memoranda refulsit passione sublimis. Per Christum... [16]
L’antienne pour la Communion des fidèles est du Commun In virtute.
Après la Communion. — « Faites, Seigneur, que dans l’éternité nous puissions jouir de la compagnie du bienheureux Laurent dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire par cet office ». Dans le ciel, outre la vision béatifique, nous recevrons une joie particulière de la société des saints. La raison en est que, les bienheureux étant unis les uns aux autres par un lien très parfait d’amour, la félicité de chacun sera multipliée à l’infini par celle de la cour céleste tout entière.
Il donne aux pauvres en abondance.
1. La Vigile. — L’Église s’apprête à fêter dignement l’entrée dans la gloire d’un de ses plus grands héros, vrai type du martyr du Christ. Tous ceux qui s’associent véritablement à la vie de l’Église romaine connaissent fort bien ce jeune diacre ; il est le patron des catéchumènes, et, à ce titre, il nous accompagne dans l’arène du carême : dès le début (station de la Septuagésime), nous le trouvons à nos côtés.
Nous pouvons considérer son martyre sur le gril comme le symbole de la lutte contre les passions ; aussi demandons-nous tous les jours, après la sainte messe, a que Dieu daigne éteindre en nous l’ardeur de nos vices, comme le bienheureux Laurent a surmonté le feu qui le tourmentait ».
Il nous est assez difficile désormais de bien comprendre ce qu’était une vigile dans la primitive Église. Vers le soir, la veille de la fête du saint, on s’assemblait dans le sanctuaire qui enfermait ses reliques en y amenant les malades. La vigile romaine consistait surtout en leçons, en répons et en oraisons récitées par l’évêque, comme cela se pratique encore à la cérémonie du Samedi-Saint. La vue de la châsse, la lecture des Actes des Martyrs, la grande ferveur de l’assistance, tout contribuait à ranimer les restes du saint dans l’esprit des fidèles.
Vers l’aurore, ils assistaient à la célébration de la messe et partageaient l’ « agape funéraire » eucharistique, s’unissant ainsi mystiquement au Christ et au saint martyr. Si la vigile n’est plus guère qu’un souvenir, essayons néanmoins de lui rendre sa signification primitive. C’est un jour de pénitence. Que les fidèles qui se confessent assez régulièrement le fassent de préférence aux vigiles et aux Quatre-Temps. C’est aussi un jour de jeûne dans le sens large du mot, un jour donc qu’il convient de sanctifier particulièrement par la pratique de la mortification et de l’aumône. C’est enfin un jour de prière. (Il est fait mention de la vigile de saint Laurent dès le IVe siècle, dans la « vie de sainte Mélanie »).
2. La Messe (Dispersit). — Elle est très ancienne et semble bien mettre en valeur ce qui nous impressionne le plus dans la vie de saint Laurent :
a) la distribution des biens de l’Église aux pauvres (Intr. et Grad.) ;
b) l’invitation à suivre l’exemple du Sauveur (Év. et Com.) ;
c) l’ardeur dans la prière (Ép. et Off.).
L’Offertoire traduit les dispositions du saint au moment où il comparaît devant le souverain juge : « Ma prière est pure ; c’est pourquoi je demande que ma voix soit entendue dans le ciel ; que ma supplication s’élève vers Dieu ». La lente mélodie, avec les notes profondes du début est vraiment grave et implorante. Nous sommes aujourd’hui les « pauvres » auxquels le Seigneur distribue les trésors spirituels de l’Église par la main de saint Laurent ; c’est à nous aussi que s’adresse l’appel du Sauveur à le suivre en portant notre croix ; nous supplions Dieu de nous donner la force d’accomplir ce sacrifice où il sera notre témoin et notre aide, et déjà nous l’en remercions en nous appropriant les paroles de l’Épître : « Vous m’avez délivré de la flamme qui me pressait et m’entourait, et, au milieu du feu, je n’ai pas été brûlé ». Ce texte s’applique exactement à saint Laurent, mais à nous également dans chacune de nos épreuves. Ayons en profonde vénération ces antiques formulaires de messes dont la richesse a été l’aliment spirituel de tant de grandes âmes avant nous.
[1] Vie de sainte Mélanie, édit. D. Gorce, Paris 1962, p. 135.
[2] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.
[3] IIe Répons des Matines, ex Isai XLIII, et Jerem. XV.
[4] Sap. X, 12.
[5] Cant. VIII, 6
[6] Ambr. De Offic. I, 41.
[7] Introït, Graduel de la Messe de Vigile, ex Psalm CXI.
[8] Cant. VIII, 7.
[9] Épître, ex Eccli. LI.
[10] Offertoire, ex Job. XVI.
[11] Eccli. XXXV, 21.
[12] Verset du Graduel, ex Psalm. CXI.
[13] Tertull. Apolog. L.
[14] Accomplissez en nous, Seigneur, le fruit de l’action de grâce d’aujourd’hui, pour que, par les prières du bienheureux Laurent votre martyr, dont nous anticipons la fête de sa naissance au ciel, cette offrande aboutisse aux joies parfaites.
[15] 2. Tim. 4, 1-8 : Je t’adjure, devant Dieu et Jésus-Christ…
[16] Il est vraiment digne… Nous devançons le jour de la naissance au ciel du bienheureux Laurent, tout autant vénérable diacre que martyr : il brille encore plus glorieux par son ministère, et resplendit aux Cieux par sa passion mémorable.