Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
En dehors des Rogations (aujourd’hui, on peut aussi célébrer le 3ème jour des Rogations), l’Église ressent une grande allégresse et, se revêtant d’ornements blancs, elle se prépare à la grande solennité de l’Ascension par une Vigile où elle chante le Gloria in excelsis. La messe est débordante de sentiments de joie parce que le Sauveur va entrer au ciel comme un triomphateur dans la gloire de son Père après nous avoir délivrés de Satan et du péché.
La messe est celle du 5ème dimanche après Pâques, sauf les lectures. La messe de la vigile de l’Ascension n’est pas primitive, elle est indiquée dans certaines listes romaines du milieu du VIIème siècle, mais elle est antérieure aux Rogations introduites à Rome sous Léon III.
Ant. ad Introitum. Is. 48, 20. | Introït |
Vocem iucunditátis annuntiáte, et audiátur, allelúia : annuntiáte usque ad extrémum terræ : liberávit Dóminus pópulum suum, allelúia, allelúia. | Avec des cris de joie, publiez-le, faites-le savoir, alléluia ; proclamez-le jusqu’aux extrémités de la terre : le Seigneur a délivré son peuple, alléluia, alléluia. |
Ps. 65, 1-2. | |
Iubiláte Deo, omnis terra, psalmum dícite nómini eius : date glóriam laudi eius. | Poussez vers Dieu des cris de joie, ô terre entière ; chantez un hymne à son nom ; rendez glorieuse sa louange. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, a quo bona cuncta procédunt, largíre supplícibus tuis : ut cogitémus, te inspiránte, quæ recta sunt ; et, te gubernánte, eadem faciámus. Per Dóminum. | Dieu, vous de qui procèdent tous les biens, accordez à vos serviteurs suppliants, que, par votre inspiration, nos pensées se portent à ce qui est bien, et que notre volonté, guidée par vous, l’accomplisse. |
Léctio Epístolæ beáti Páuli Apóstoli ad Ephésios. | Lecture de l’Épître du Bienheureux Apôtre Paul aux Éphésiens. |
Ephes. 4, 7-13. | |
Fratres : Unicuíque nostrum data est grátia secúndum mensúram donatiónis Christi. Propter quod dicit : Ascéndens in altum, captívam duxit captivitátem : dedit dona homínibus. Quod autem ascéndit, quid est, nisi quia et descéndit primum in inferióres partes terræ ? Qui descéndit, ipse est et qui ascéndit super omnes cælos, ut impléret ómnia. Et ipse dedit quosdam quidem apóstolos, quosdam autem prophétas, álios vero evangelístas, álios autem pastóres et doctóres, ad consummatiónem sanctórum in opus ministérii, in ædificatiónem córporis Christi : donec occurrámus omnes in unitátem fídei, et agnitiónis Fílii Dei, in virum perféctum, in mensúram ætátis plenitúdinis Christi. | Mes frères, à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ. C’est pourquoi l’Écriture dit : Étant monté en haut, il a emmené des captifs, il a donné des dons aux hommes. Or, que signifie : Il est monté, sinon qu’il était descendu d’abord dans les parties inférieures de la terre ? Celui qui est descendu est le même que celui qui est monté au-dessus de tous les deux, afin de remplir toutes choses. Et c’est lui qui a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme évangélistes, d’autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état l’homme parfait, à la mesure de ’âge de la plénitude du Christ. |
Allelúia, allelúia. V/. Surréxit Christus, et illúxit nobis, quos rédemit sánguine suo. | Allelúia, allelúia. V/. Le Christ est ressuscité, et il a fait lever sa lumière sur nous, qu’il a rachetés de son sang. |
Allelúia. V/. Ioann. 16, 28. Exívi a Patre, et veni in mundum : íterum relínquo mundum, et vado ad Patrem. Allelúia. | Allelúia. V/. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais auprès du Père. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Suite du Saint Évangile selon saint Jean. |
Ioann. 17, 1-11. | |
In illo témpore : Sublevátis Iesus oculis in cælum, dixit : Pater, venit hora, clarífica Fílium tuum, ut Fílius tuus claríficet te : sicut dedísti ei potestátem omnis carnis, ut omne, quod dedísti ei, det eis vitam ætérnam. Hæc est autem vita ætérna : ut cognóscant te, solum Deum verum, et quem misísti Iesum Christum. Ego te clarificávi super terram : opus consummávi, quod dedísti mihi, ut fáciam : et nunc clarífica me tu, Pater, apud temetípsum, claritáte, quam hábui, priúsquam mundus esset, apud te. Manifestávi nomen tuum homínibus, quos dedísti mihi de mundo. Tui erant, et mihi eos dedísti ; et sermónem tuum servavérunt. Nunc cognovérunt, quia ómnia, quæ dedísti mihi, abs te sunt : quia verba, quæ dedísti mihi, dedi eis : et ipsi accepérunt, et cognovérunt vere, quia a te exivi, et credidérunt, quia tu me misísti. Ego pro eis rogo, non pro mundo rogo, sed pro his, quos dedísti mihi : quia tui sunt : et mea ómnia tua sunt, et tua mea sunt : et clarificátus sum in eis. Et iam non sum in mundo, et hi in mundo sunt, et ego ad te vénio. | En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel, et dit : Père, l’heure est venue ; glorifiez votre il Fils, afin que votre Fils vous glorifie, en donnant, selon la puissance que vous lui ayez accordée, sur toute chair, la vie éternelle à tous ceux que vous lui avez donnés. Or la vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. Je vous ai glorifié sur la terre ; j’ai accompli l’œuvre que vous m’aviez donnée à faire. Et maintenant, glorifiez- moi, vous, Père, auprès de vous même, de la gloire que j’ai eue auprès de vous, avant que le monde fût. J’ai manifesté votre nom aux hommes que vous m’avez donnés du milieu du monde. Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés ; et ils ont gardé votre parole. Maintenant, ils savent que tout ce que vous m’avez donné vient de vous ; car je leur ai donné les paroles que vous m’avez données, et ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de vous, et ils ont cru que vous m’avez envoyé. C’est pour eux que je prie ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que vous m’avez donnés, parce qu’ils sont à vous. Tout ce qui est à moi est à vous, et ce qui est à vous est à moi ; et j’ai été glorifié en eux. Et déjà je ne suis plus dans te monde ; mais eux, ils sont dans le monde, et moi je viens à vous. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 65, 8-9 et 20. | Offertoire |
Benedícite, gentes, Dóminum, Deum nostrum, et obaudíte vocem laudis eius : qui pósuit ánimam meam ad vitam, et non dedit commovéri pedes meos : benedíctus Dóminus, qui non amóvit deprecatiónem meam et misericórdiam suam a me, allelúia. | Nations, bénissez notre Dieu et faites entendre les accents de sa louange ; c’est lui qui a conservé la vie à mon âme, et qui n’a point permis que mes pieds soient ébranlés. Béni soit Dieu qui n’a pas rejeté ma prière ni éloigné de moi sa miséricorde, alléluia. |
Secreta. | Secrète |
Súscipe, Dómine, fidélium preces cum oblatiónibus hostiárum : ut, per hæc piæ devotiónis offícia, ad cæléstem glóriam transeámus. Per Dóminum. | Recevez, Seigneur les prières des fidèles avec l’oblation de ces hosties, afin que, par ces pieux témoignages de notre dévotion, nous parvenions à la gloire céleste. |
Præfatio paschalis, in qua dicitur : in hoc potíssimum. | Préface pascale |
Ant. ad Communionem. Ps. 95, 2. | Communion |
Cantáte Dómino, allelúia : cantáte Dómino et benedícite nomen eius : bene nuntiáte de die in diem salutáre eius, allelúia, allelúia. | Chantez au Seigneur alléluia, chantez au Seigneur et bénissez son nom, annoncez de jour en jour son salut, alléluia, alléluia. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Tríbue nobis, Dómine, cæléstis mensæ virtúte satiátis : et desideráre, quæ recta sunt, et desideráta percípere. Per Dóminum. | Accordez-nous, Seigneur, après nous avoir rassasiés par la vertu du céleste banquet, de désirer ce qui est juste, et de recevoir ce que nous désirons. |
A MATINES
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Ioánnem. | Lecture du saint Évangile selon saint Jean. |
Cap. 17, 1-11. | |
In illo témpore : Sublevátis Iesus óculis in cælum, dixit : Pater, venit hora, clarífica Fílium tuum. Et réliqua. | En ce temps-là : Jésus, levant les yeux au ciel, dit : Mon Père, elle est venue l’heure ; glorifiez votre Fils. Et le reste. |
Homilía sancti Augustíni Epíscopi. | Homélie de saint Augustin, Évêque. |
Tract. 104 in Ioannem, sub med. | |
Póterat Dóminus noster, unigénitus et coætérnus Patri, in forma servi, et ex forma servi, si hoc opus esset, oráre siléntio : sed ita se Patri exhibére vóluit precatórem, ut meminísset nostrum se esse doctórem. Proínde eam, quam fecit oratiónem pro nobis, notam fecit et nobis : quóniam tanti magístri non solum ad ipsos sermocinátio, sed étiam pro ipsis ad Patrem orátio, discipulórum est ædificátio : et si illórum, qui hæc dicta áderant auditúri, profécto et nostra, qui fuerámus conscrípta lectúri. | Notre Seigneur, Fils unique du Père, et coéternel avec lui, « ayant pris la forme d’esclave » pouvait, en cette forme d’esclave, prier en silence s’il le fallait ; mais il a voulu se présenter en suppliant devant son Père, de telle manière qu’il montra se souvenir qu’il était notre docteur. C’est pourquoi il a voulu que la prière qu’il a faite pour nous, nous fût connue ; car l’édification des disciples ressort non seulement des leçons que leur donne un si grand maître, mais encore de la prière qu’il adresse à son Père en leur faveur. Et si ces paroles étaient l’édification de ceux qui se trouvaient présents pour les entendre, Jésus voulait certainement qu’elles devinssent aussi la nôtre, à nous qui devions les lire, recueillies dans son Évangile. |
R/. Deus, cánticum novum cantábo tibi, allelúia : * In psaltério decem chordárum psallam tibi, allelúia, allelúia. | R/. O Dieu [1], je vous chanterai un cantique nouveau, alléluia : * Je vous chanterai un psaume sur le psaltérion à dix cordes, alléluia, alléluia. |
V/. Deus meus es tu, et confitébor tibi : Deus meus es tu, et exaltábo te. | V/. C’est vous [2] qui êtes mon Dieu, et je vous louerai : c’est vous qui êtes mon Dieu, et je vous exalterai. |
* In psaltério decem chordárum psallam tibi, allelúia, allelúia. | * Je vous chanterai un psaume sur le psaltérion à dix cordes, alléluia, alléluia. |
Lectio ii | 2e leçon |
Quaprópter hoc quod ait : Pater, venit hora, clarífica Fílium tuum : osténdit, omne tempus, et quid, quando fáceret vel fíeri síneret, ab illo esse dispósitum, qui témpori súbditus non est : quóniam quæ futúra erant per síngula témpora, in Dei sapiéntia causas efficiéntes habent, in qua nulla sunt témpora. Non ergo credátur hæc hora fato urgénte venísse, sed Deo pótius ordinánte. Nec sidérea necéssitas Christi connéxuit passiónem : absit enim ut sídera mori cógerent síderum Conditórem. | C’est pourquoi lorsqu’il nous dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils ; » il nous enseigna que ce qu’il ferait ou laisserait se faire, en quelque temps que ce fût, est disposé d’avance par celui qui n’est point sujet au temps ; car les événements qui se déroulent dans la suite des temps, ont leurs causes efficientes dans la sagesse de Dieu, en laquelle ne se trouve rien de temporaire. Gardons-nous donc de croire que cette heure soit venue amenée par la fatalité, car elle a été fixée par Dieu qui dispose les temps. Les lois des astres n’ont pas non plus régi la passion du Christ ; il est inadmissible que les astres puissent forcer à mourir le Créateur des astres. |
R/. Bonum est confitéri Dómino, allelúia : * Et psállere, allelúia. | R/. Il est bon [3] de louer le Seigneur, alléluia : * Et de lui chanter des psaumes, alléluia. |
V/. In decachórdo psaltério, cum cántico et cíthara. | V/. Sur le psaltérion [4] à dix cordes, avec un cantique sur la harpe. |
* Et psállere, allelúia. Glória Patri. * Et psállere, allelúia. | * Et de lui chanter des psaumes, alléluia. Gloire au Père. * Et de lui chanter des psaumes, alléluia. |
Lectio iii | 3e leçon |
Clarificátum a Patre Fílium nonnúlli accípiunt in hoc, quod ei non pepércit, sed pro nobis ómnibus trádidit eum. Sed si passióne clarificátus dícitur, quanto magis resurrectióne ? Nam in passióne magis eius humílitas quam cláritas commendátur, Apóstolo teste, qui dicit : Humiliávit semetípsum, factus obédiens usque ad mortem, mortem autem crucis. Deínde séquitur, et de eius clarificatióne iam dicit : Propter quod et Deus illum exaltávit, et donávit ei nomen, quod est super omne nomen : ut in nómine Iesu omne genu flectátur, cæléstium, terréstrium, et infernórum. Et omnis lingua confiteátur, quia Dóminus Iesus Christus in glória est Dei Patris. Hæc est clarificátio Dómini nostri Iesu Christi, quæ ab eius resurrectióne sumpsit exórdium. | Il en est qui entendent que le Fils a été glorifié par le Père en ce sens qu’il ne l’a pas épargné mais l’a livré pour nous tous. Mais si l’on dit que le Christ a été glorifié par sa passion, combien plus par sa résurrection ? Dans sa passion, en effet, son humilité se manifeste plutôt que sa gloire ; l’Apôtre l’atteste lorsqu’il dit : « Il s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » [5]. Ensuite il ajoute, au sujet de sa glorification : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » [6]. Voilà la glorification de notre Seigneur Jésus-Christ, elle a commencé à sa résurrection. |
Te Deum | |
A LAUDES.
Ad Bened. Ant. Pater, venit hora, * clarífica Fílium tuum claritáte quam hábui, priúsquam mundus esset, apud te, allelúia. | Ant. au Bénédictus Mon Père, l’heure est venue, * glorifiez votre Fils de la gloire que j’ai eue en vous avant que le monde fût, alléluia. [7] |
La troisième matinée des Rogations s’est écoulée, l’heure de midi se fait entendre ; elle vient ouvrir la dernière journée que le Fils de Dieu doit passer sur la terre avec les hommes. Nous avons semblé perdre de vue, durant ces trois jours, le moment si proche de la séparation ; toutefois, le sentiment de la perte qui nous menace vivait au fond de nos cœurs, et les humbles supplications que nous présentions au ciel, en union avec la sainte Église, nous préparaient à célébrer le dernier des mystères de notre Emmanuel.
A ce moment, les disciples sont tous rassemblés à Jérusalem. Groupés autour de Marie dans le Cénacle, ils attendent l’heure à laquelle leur Maître doit se manifester à eux pour la dernière fois. Recueillis et silencieux, ils repassent dans leurs cœurs les divines marques de bonté et de condescendance qu’il leur a prodiguées durant ces quarante jours, et les solennels enseignements qu’ils ont reçus de sa bouche. C’est maintenant qu’ils le connaissent, qu’ils savent qu’il est sorti de Dieu ; quant à ce qui les concerne, ils ont appris de lui la mission à laquelle il les a destinés : ce sera d’enseigner, eux ignorants, les peuples de la terre ; mais, ô regret inconsolable ! Il s’apprête à les quitter ; « encore un peu de temps, et ils ne le verront plus [8]. »
Par un touchant contraste avec leurs tristes pensées, la nature entière semble s’être mise en devoir d’offrir à son auteur le plus splendide triomphe ; car ce départ doit être un départ triomphant. La terre s’est parée des prémices de sa fécondité, la verdure des campagnes le dispute à l’émeraude, les fleurs embaument l’air de leurs parfums, sous le feuillage des arbres les fruits se hâtent de mûrir, et les moissons grandissent de toutes parts. Tant d’heureux dons sont dus à l’influence de l’astre qui brille au ciel pour vivifier la terre, et qui a reçu le noble privilège de figurer par son royal éclat, et dans ses phases successives, le passage de l’Emmanuel au milieu de nous.
Rappelons-nous ces jours sombres du solstice d’hiver, où son disque pâle, tardif vainqueur des ténèbres, ne montait dans le ciel que pour y parcourir une étroite carrière, dispensant la lumière avec mesure, et n’envoyant à la terre aucun rayon assez ardent pour résoudre la constriction qui tenait glacée toute sa surface. Tel se leva, comme un astre timide, notre divin Soleil, dissipant à peine les ombres autour de lui, tempérant son éclat, afin que les regards des hommes n’en fussent pas éblouis. Comme le soleil matériel, il élargit peu à peu sa carrière ; mais des nuages vinrent souvent dissimuler son progrès. Le séjour en la terre d’Égypte, la vie obscure de Nazareth, dérobèrent sa marche aux yeux des hommes ; mais l’heure étant venue où il devait laisser poindre les rayons de sa gloire, il brilla d’un souverain éclat sur la Galilée et sur la Judée, lorsqu’il se mit à parler « comme ayant puissance » [9], lorsque ses œuvres rendirent témoignage de lui [10], et que l’on entendit la voix des peuples qui faisait retentir « Hosannah au fils de David ».
Il allait atteindre à son zénith, quand tout à coup l’éclipse momentanée de sa passion et de sa mort persuada pour quelques heures à ses ennemis jaloux que leur malice avait suffi pour éteindre à jamais sa lumière importune à leur orgueil. Vain espoir ! Notre divin Soleil échappait dès le troisième jour à cette dernière épreuve ; et il plane maintenant au sommet des cieux, versant sa lumière sur tous les êtres qu’il a créés, mais nous avertissant que sa carrière est achevée. Car il ne saurait descendre ; pour lui, pas de couchant ; là s’arrête son rapport avec l’humble flambeau qui éclaire nos yeux mortels. C’est du haut du ciel qu’il brille désormais, et pour toujours, ainsi que l’avait annoncé Zacharie, lors de la naissance de Jean [11] ; et comme l’avait prédit encore auparavant le sublime Psalmiste, en disant : « Il a fourni sa carrière comme un géant, il est arrivé au sommet des cieux, d’où il était parti, et nul ne peut se soustraire à l’action de sa puissante chaleur » [12].
Cette Ascension, qui établit l’Homme-Dieu centre de lumière pour les siècles des siècles, il en a fixé le moment précis à l’un des jours du mois que les hommes appellent Mai, et qui révèle dans son plus riant éclat l’œuvre que ce Verbe divin trouva belle lui-même, au jour où, l’ayant fait sortir du néant, il la disposa avec tant de complaisance. Heureux mois, non plus triste et sombre comme Décembre, qui vit les joies modestes de Bethléhem, non plus sévère et lugubre comme Mars, témoin du Sacrifice sanglant de l’Agneau sur la croix, mais radieux, épanoui, surabondant de vie et digne d’être offert, chaque année, en hommage à Marie, Mère de Dieu ; car c’est le mois du triomphe de son fils.
O Jésus, notre créateur et notre frère, nous vous avons suivi des yeux et du cœur depuis le moment de votre aurore ; nous avons célébré, dans la sainte liturgie, chacun de vos pas de géant par une solennité spéciale ; mais en vous voyant monter ainsi toujours, nous devions prévoir le moment où vous iriez prendre possession de la seule place qui vous convienne, du trône sublime où vous serez assis éternellement à la droite du Père. L’éclat qui vous entoure depuis votre résurrection n’est pas de ce monde ; vous ne pouvez plus demeurer avec nous ; vous n’êtes resté durant ces quarante jours, que pour la consolidation de votre œuvre ; et demain, la terre qui vous possédait depuis trente-trois années sera veuve de vous. Avec Marie votre mère, avec vos disciples soumis, avec Madeleine et ses compagnes, nous nous réjouissons du triomphe qui vous attend ; mais à la veille de vous perdre, permettez à nos cœurs aussi de ressentir la tristesse ; car vous étiez l’Emmanuel, le Dieu avec nous, et vous allez être désormais l’astre divin qui planera sur nous ; et nous ne pourrons plus « vous voir, ni vous entendre, ni vous toucher de nos mains, ô Verbe de vie ! » [13]. Nous n’en disons pas moins : Gloire et amour soient à vous ! Car vous nous avez traités avec une miséricorde infinie. Vous ne nous deviez rien, nous étions indignes d’attirer vos regards, et vous êtes descendu sur cette terre souillée par le péché ; vous avez habité parmi nous, vous avez payé notre rançon de votre sang, vous avez rétabli la paix entre Dieu et les hommes. Oui, il est juste maintenant que « vous retourniez à celui qui vous a envoyé » [14]. Nous entendons la voix de votre Église, de votre Épouse chérie qui accepte son exil, et qui ne pense qu’à votre gloire : « Fuis donc, ô mon bien-aimé, vous dit-elle ; fuis avec la rapidité du chevreuil et du faon de la biche, jusqu’à ces montagnes où les fleurs du ciel exhalent leurs parfums » [15]. Pourrions-nous, pécheurs que nous sommes ne pas imiter la résignation de celle qui est à la fois votre Épouse et notre mère ?
Bien qu’elle ne soit pas primitive, puisqu’elle ne s’accorde pas avec l’antique caractère de la liturgie papale qui considérait comme festifs les cinquante jours séparant Pâques de la Pentecôte, la messe de la vigile de l’Ascension, indiquée dans certaines listes romaines du milieu du VIIe siècle, est pourtant antérieure à l’introduction même de la procession des Rogations à Rome sous Léon III.
L’origine post-grégorienne de cette messe se trahit par l’absence de chants et de prières propres. Sauf les deux lectures, tous les textes sont empruntés à la messe du dimanche précédent.
Dans la lecture (Eph., IV, 7-13) l’Apôtre nous enseigne que divers sont les dons de Dieu aux âmes ; cette variété a pour but la perfection et l’intégrité même du corps mystique de Jésus-Christ qui requiert une infinie variété d’organes et de fonctions vitales. Cela non seulement doit nous rendre généreux envers les natures et les caractères différents des nôtres, mais nous oblige aussi à respecter en chacun la grâce et la fonction particulière que lui a attribuées le Christ, sans prétendre vouloir ramener tout le monde à nos goûts et à nos caprices.
La lecture évangélique (Ioan., XVII, 1-11) continue la dernière prière de Jésus après la Cène. Ici-bas, l’âme humaine tente vainement de s’élever si haut, aux sommets sublimes de la vision béatifique, d’où le Rédempteur nous adresse pourtant un appel plein d’amour. Connaître Dieu et son Christ, voici la suprême félicité. Mais pour le connaître dans la splendeur de la gloire, il est nécessaire auparavant de le connaître à travers les voiles de la foi ; et de même que la lumière de la gloire est la vie des bienheureux dans le ciel, qu’ainsi celle de la foi soit la vie de l’âme croyante durant ce pèlerinage mortel.
Jésus prie pour moi ! Quelle espérance ne doit pas nous inspirer une telle pensée ? Jésus prie afin que je ne me sépare jamais de lui, que je n’aie jamais rien de commun avec l’esprit du monde. Quelle horreur ne dois-je donc pas concevoir pour ce monde maudit, que le miséricordieux Rédempteur a positivement exclu de l’objet de sa prière !
Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils.
Nous célébrons aujourd’hui le troisième jour des Rogations. Si nous le pouvons, nous assisterons à l’antique et vénérable procession de station, nous y réciterons et y chanterons les litanies des saints. La station est à saint Pierre de Rome ; nous nous y rendrons en esprit avec toute la chrétienté. -Aujourd’hui est l’un des rares cas où nous pouvons choisir une seconde messe qui est, elle aussi, dans le sens de l’année liturgique : la messe de la vigile de l’Ascension.
1. La messe de la vigile de l’Ascension (Vocem jucunditatis). — Les chants psalmodiques et les oraisons de cette messe sont ceux de Dimanche dernier (l’office de la vigile n’a été établie qu’entre le VIIème et le IXème siècle). Seules, les lectures sont nouvelles. Elles ont été très heureusement choisies et nous offrent deux belles images de l’Ascension. La première image est une entrée triomphale au ciel ; le divin vainqueur de la mort et de l’enfer s’avance vers le ciel, chargé d’un riche butin, et là il partage son butin ; ce sont les dons spirituels qu’il communique à son Église. Ces dons sont les charismes, les grâces d’état pour la construction du corps mystique du Christ, c’est-à-dire l’Église (Ep.).
La seconde image est, si possible, plus belle encore : le Fils rentre dans la maison paternelle ; maintenant, il frappe à la porte et demande l’entrée (le rétablissement dans sa gloire) pour lui et pour l’humanité rachetée. C’est une pensée délicate de la liturgie de mettre dans la bouche du Sauveur, à la porte du ciel, la prière sacerdotale (Ev.).
2. Lecture d’Écriture (1 Pierre, chap. 5). — « J’exhorte les Anciens qui sont parmi vous, moi qui suis Ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui prendrai part avec eux à la gloire qui doit être manifestée : paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui non par contrainte, mais de bon gré ; non dans un intérêt sordide, mais par dévouement ; non en dominateurs des Églises, mais en devenant les modèles du troupeau... Tous, les uns à l’égard des autres, revêtez-vous d’humilité, car « Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles »... Soyez sobres, et veillez : votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer. Résistez-lui dans la foi... Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés à la gloire éternelle dans le Christ, après quelque souffrance, achèvera lui-même son œuvre, vous affermira, vous rendra inébranlables. A lui soient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen ».
[1] Ps. 143, 2.
[2] Ps. 117, 28.
[3] Ps. 81, 1.
[4] Ps. 91, 4.
[5] Philip. 2, 8.
[6] Philip. 2, 6.
[7] Jn. 17, 5.
[8] Johan. XVI, 16.
[9] Matth. VII, 29.
[10] Johan. X, 25.
[11] Luc. 1, 79.
[12] Psalm. XVIII.
[13] I Johan. I, I.
[14] Johan. XVI, 5.
[15] Cant. VIII, 14.