Psalmus 93 | Psaume 93 [1] |
Deus ultiónum Dóminus : * Deus ultiónum líbere egit. | Le Seigneur est le Dieu des vengeances [2] : * le Dieu des vengeances a agi avec liberté. |
Exaltáre, qui iúdicas terram : * redde retributiónem supérbis. | Levez-Vous, Vous qui jugez la terre : * rendez aux superbes ce qui leur est dû [3]. |
Usquequo peccatóres, Dómine : * úsquequo peccatóres gloriabúntur : | Jusques à quand [4], Seigneur, les pécheurs : * jusques à quand les pécheurs se glorifieront-ils [5] ? |
Effabúntur, et loquéntur iniquitátem : * loquéntur omnes, qui operántur iniustítiam ? | Jusques à quand se répandront-ils en parole et proféreront l’iniquité : * jusques à quand parleront-ils, ceux qui commettent l’injustice ? |
Pópulum tuum, Dómine humiliavérunt : * et hereditátem tuam vexavérunt. | Ils ont humilié votre peuple, Seigneur : * ils ont opprimé votre héritage [6]. |
Víduam et ádvenam interfecérunt : * et pupíllos occidérunt. | Ils ont mis à mort la veuve et l’étranger : * et ils ont tué les orphelins [7]. |
Et dixérunt : Non vidébit Dóminus : * nec intélliget Deus Iacob. | Et ils ont dit : Le Seigneur ne le verra pas : * et le Dieu de Jacob n’en saura rien. |
Intellígite, insipiéntes in pópulo : * et stulti, aliquándo sápite. | Comprenez, insensés parmi le peuple : * et vous les fous, apprenez enfin la sagesse. |
Qui plantávit aurem, non áudiet ? * aut qui finxit óculum, non consíderat ? | Celui qui a planté l’oreille [8] n’entendrait-Il pas ? * ou celui qui a formé l’œil ne verrait-Il pas [9] ? |
Qui córripit Gentes, non árguet : * qui docet hóminem sciéntiam ? | Celui qui reprend les nations ne vous convaincra-t-Il pas : * Lui qui enseigne la science à l’homme [10] ? |
Dóminus scit cogitatiónes hóminum, * quóniam vanæ sunt. | Le Seigneur connaît les pensées des hommes : * Il sait qu’elles sont vaines [11]. |
Beátus homo, quem tu erudíeris, Dómine, * et de lege tua docúeris eum. | Heureux l’homme que Vous aurez Vous-même instruit, Seigneur, * et à qui Vous aurez enseigné Votre loi [12]. |
Ut mítiges ei a diébus malis : * donec fodiátur peccatóri fóvea. | Pour lui adoucir les jours mauvais : * jusqu’à ce qu’on ait creusé une fosse pour le pécheur [13]. |
Quia non repéllet Dóminus plebem suam : * et hereditátem suam non derelínquet. | Car le Seigneur ne rejettera pas son peuple : * et Il n’abandonnera pas son héritage : |
Quoadúsque iustítia convertátur in iudícium : * et qui iuxta illam omnes qui recto sunt corde. | Jusqu’à ce que la justice se change en jugement [14] : * et que tous ceux qui ont le cœur droit [15] se tiennent auprès d’elle. |
Quis consurget mihi advérsus malignántes ? * aut quis stabit mecum advérsus operántes iniquitátem ? | Qui se lèvera pour moi contre les méchants ? * ou qui se tiendra auprès de moi contre ceux qui commettent l’iniquité ? |
Nisi quia Dóminus adiúvit me : * paulo minus habitásset in inférno ánima mea. | Si Dieu ne m’avait assisté [16] : * il s’en serait peu fallu que mon âme n’habitât en enfer [17]. |
Si dicébam : Motus est pes meus : * misericórdia tua, Dómine, adiuvábat me. | Si je disais : Mon pied a été ébranlé : * votre miséricorde, Seigneur, me soutenait [18]. |
Secúndum multitúdinem dolórum meórum in corde meo : * consolatiónes tuæ lætificavérunt ánimam meam. | Selon la multitude des douleurs dans mon cœur : * vos consolations ont rempli de joie mon âme [19]. |
Numquid adhǽret tibi sedes iniquitátis : * qui fingis labórem in præcépto ? | Le trône de l’iniquité Vous est-il attaché : * à Vous qui dans un précepte nos préparez un labeur [20] ? |
Captábunt in ánimam iusti : * et sánguinem innocéntem condemnábunt. | Les méchants tendront des pièges à l’âme du juste : * et condamneront le sang innocent [21]. |
Et factus est mihi Dóminus in refúgium : * et Deus meus in adiutórium spei meæ. | Mais le Seigneur s’est fait mon refuge : * et mon Dieu l’appui de mon espérance [22]. |
Et reddet illis iniquitátem ipsórum : et in malítia eórum dispérdet eos : * dispérdet illos Dóminus Deus noster. | Et Il leur rendra leur iniquité : et Il les perdra par leur propre malice : * le Seigneur notre Dieu les perdra [23]. |
Conclusion du psaume, sauf au temps de la Passion et à l’Office des Défunts : | |
Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto. | Gloire au Père, et au Fils, * et au Saint-Esprit. |
Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, * et in sǽcula sæculórum. Amen. | Comme il était au commencement, et maintenant, et toujours, * et dans les siècles des siècles. Ainsi-soit-il. |
[1] Applications liturgiques. Ce psaume convient d’une manière toute spéciale au Christ. L’Église le chante au IIIe Nocturne du vendredi-saint et de la fête du Précieux Sang. (Le P. Emmanuel).
[2] O homme, pourquoi désirerais-tu te venger puisque tu as Dieu pour vengeur ? Si ton ennemi te fait du mal, fais-lui du bien. (Saint Jérôme).
[3] Le Seigneur rendra leur salaire aux méchants et non aux humbles. Quelques-uns de ceux qui avaient crucifié le Sauveur ne voulurent pas être orgueilleux, ils confessèrent leur péché et demandèrent conseil, disant : Que ferons-nous ? Pierre leur répondit : Faites pénitence. En faisant pénitence, ils devinrent humbles et Dieu leur pardonna. Le sang du juste rougissait encore leurs mains-et déjà ce juste lavait son sang versé. (S. Augustin).
[4] Jusques à quand Seigneur ? L’impatience humaine ne veut pas de la patience de Dieu. Nous désirons qu’il soit patient pour nous et impatient pour nos ennemis. (S. Jérôme).
[5] Il ne leur suffit donc pas de pécher, il faut qu’ils se glorifient de leurs péchés. Le premier malheur est de pécher ; le second et le dernier est de n’en pas faire pénitence.
[6] Que l’Église endure avec patience ce que son Chef a si patiemment enduré ! (Saint Augustin).
[7] Ceux qui ont besoin d’appui sont toujours les victimes de l’oppression. (S. Jérôme). Les exemples de ces persécutions ne manquent point dans l’histoire des deux alliances ; elles se renouvellent avec une injustice qui armera le bras de Dieu contre les auteurs de ces crimes. (P. Berthier).
[8] Celui qui a planté l’oreille, cette expression est une métaphore pour indiquer le sens et l’organe de l’ouïe. (Bx. Bellarmin).
[9] Ce verset réfute le blasphème cité au verset 7e. (Fillion). Il est évident qu’étant l’auteur des facultés dont il a gratifié les hommes, Dieu doit les posséder lui-même ; peut-il être insensible au mépris qu’on fait de lui en disant qu’il ne voit pas les choses ou n’en a pas connaissance ? (Berthier).
[10] Celui qui reprend les nations même païennes, et les châtie de leurs fautes, ne convaincra-t-il pas de péché son peuple qui, étant bien plus favorisé qu’elles de grâces et de lumières, n’en est que plus coupable ? Serait-il dans l’ignorance, lui qui enseigne à l’homme la science ? (Saint Jérôme).
[11] Vaines, c’est-à-dire vides de la sagesse divine, et portées vers le mal. (Crampon). Abandonnons nos pensées puisqu’elles sont vaines et cherchons à prendre les pensées de Dieu, puisqu’elles sont la sagesse même. C’est les entendre que d’approcher du Seigneur avec foi. (Saint Augustin).
[12] La loi divine prise dans un sens large, c’est-à-dire la révélation telle qu’elle est contenue dans les livres saints. Elle enseigne que la souffrance-est une épreuve et qu’on sera récompensé après l’avoir patiemment supportée. (Fillion). Seul il connaît véritablement la loi de Dieu, celui qui sait, non seulement ce qu’elle prescrit, mais s’attache à elle par la lumière d’en haut et l’infusion de la charité, de telle sorte qu’il l’accomplit par amour et apprend ainsi que ce joug est léger. (Bellarmin).
[13] O toi qui es chrétien, sois doux pendant les jours mauvais. Ils sont mauvais, ces jours durant lesquels on voit fleurir le pécheur et souffrir le juste ; mais la douleur du juste n’est que le châtiment d’un Père, et la félicité des pécheurs leur est une fosse. L’impie se croit élevé et il tombe ; sa chute vient de ce qu’il se croit élevé. Ce qu’il appelle marcher dans sa grandeur, Dieu l’appelle une fosse, car une fosse descend vers l’abîme et ne va point vers le ciel : or, les pécheurs et les orgueilleux semblent monter vers les cieux, tandis qu’ils se plongent dans l’abîme ; les humbles au contraire, paraissent descendre vers la terre, et ils montent jusqu’au ciel. Dieu est élevé ; humilie-toi profondément et il descendra jusqu’à toi. (S. Augustin).
[14] Se changer en jugement, c’est-à-dire rendre ses arrêts. (Glaire).
[15] Quels sont les hommes au cœur droit ? Ceux qui veulent ce que Dieu veut. Ne cherche point à rendre tortueuse la volonté de Dieu ; mais redresse ta volonté sur la sienne. Pour t’encourager le Christ a pris ta faiblesse. Si tu éprouves quelque répugnance pour la volonté de Dieu, souviens-toi qu’après avoir dit : Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne, il a ajouté afin de t’instruire : Toutefois, non pas ma volonté mais la vôtre, ô mon Père ! (S. Augustin).
[16] Dieu vient à notre secours par des grâces de pardon, de préservation et de force. « J’attribue à votre grâce, Seigneur, de n’avoir pas commis tout le mal que je pouvais faire. » (Saint Augustin, Conf. , II, 7).
[17] On peut entendre ces paroles de la mort corporelle par laquelle, au temps du Psalmiste, les âmes descendaient aux enfers ; mais je crois plus exact de rapporter ce texte à la mort de l’âme et à l’enfer des damnés. (Bx.Bellarmin). C’est que la faiblesse de l’homme, sans l’appui de Dieu est extrême ; c’est que la corruption de l’homme sans le remède de la grâce de Dieu, est un mal incurable. (Berthier).
[18] Voyez combien l’aveu est précieux devant Dieu ! Lorsque vous chancelez, confessez votre ébranlement pour n’avoir pas à pleurer votre chute, afin que Dieu vous tende la main et que votre âme n’aille point dans l’enfer. Dieu veut la confession, il aime l’humilité. (Saint Augustin).
[19] Dieu est admirable dans les épreuves qu’il envoie aux hommes et nos propres dangers nous rendent plus cher le libérateur. (Saint Augustin). Puis, dans les cieux la grandeur des récompenses correspond à la grandeur des tribulations. Autant nous recevons de blessures autant nous méritons de couronnes. (Saint Jérôme).
[20] Le sens de ce verset paraît être : Y a-t-il en vous, ô mon Dieu, la moindre injustice, lorsque vous faites des commandements dont l’observation est pénible, comme par exemple, de souffrir avec patience les persécutions de nos ennemis ? La réponse à cette question se trouve, comme on le voit, au verset précédent. (Glaire). Tous les commandements du Seigneur imposent quelque peine ; nous ne pouvons sans travail acquérir le royaume des cieux. (S. Jérôme). Celui qui est mort pour vous ne vous promet pas le bonheur en cette vie. C’est maintenant le temps du labeur et le repos viendra ensuite. Tout ce que j’ai est à vendre, dit le Seigneur, achetez-le par le travail. Le prix du royaume des cieux, c’est le travail, le travail de peu d’années pour le repos éternel. Combien est grande la divine miséricorde. (S. Augustin).
[21] Dans l’office du Vendredi-Saint, l’Église applique ce verset à notre Seigneur, le Juste par excellence (Crampon) ; ils lui ont tendu des pièges parce qu’ils ne trouvaient aucune faute réelle à lui reprocher.(Saint Augustin)
[22] Vous ne rechercheriez pas ce refuge si vous n’étiez dans le danger, et vous n’avez été dans le danger qu’afin de le chercher. Sous l’aiguillon de la douleur, je cherche un refuge que je n’avais point cherché au milieu des délices du monde. Que les espérances mondaines disparaissent pour que notre espérance en Dieu se ranime ! Consentons à souffrir et que Dieu soit notre appui car il est fidèle et ne souffrira pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces. (I Cor., X. 13).
[23] Le psalmiste conclut en affirmant que les impies continueront à agir iniquement envers les justes ; mais que le Providence veillera et rendra à chacun selon ses mérites. (Bx. Bellarmin).