Lustra sex (laudes de la Passion)

Capitulum Ier. 11, 19. Capitule en semaine
Veníte, mittámus lignum in panem eius, et eradámus eum de terra vivéntium, et nomen eius non memorétur ámplius.Venez, mettons du bois dans son pain, rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire.
Hymnus Hymne
Lustra sex qui iam peregit,
Tempus implens córporis,
Sponte líbera Redémptor
Passióni deditus,
Agnus in Crucis levátur
Immolándus stipite.
Le temps de six lustres [1] est écoulé,
la durée de sa vie mortelle est accomplie,
le Rédempteur, de lui-même,
se livre aux tourments de sa Passion,
Agneau, il est cloué à la croix,
s’immolant sur le bois.
Felle potus ecce languet :
Spina, clavi, láncea
Mite corpus perforárunt :
Unda manat, et cruor :
Terra, pontus, astra, mundus,
Quo lavántur flúmine !
On l’abreuve de fiel, il languit :
les épines, les clous et la lance
transpercent le doux corps :
De l’eau jaillit, avec elle, du sang :
Terre, océan, astres, monde,
que le fleuve vous purifie !
Crux fidélis, inter omnes
Arbor una nóbilis :
Silva talem nulla profert
Fronde, flore, gérmine :
Dulce ferrum, dulce lignum,
Dulce pondus sústinent.
O Croix, objet de notre confiance,
arbre illustre entre tous :
nulle forêt n’en produit de semblable
par le feuillage, les fleurs et les fruits [2] :
O doux bois aimable, ô doux clous,
quel doux fardeau vous supportez !
Flecte ramos, arbor alta,
Tensa laxa víscera,
Et rigor lentéscat ille,
Quem dedit natívitas ;
Et supérni membra Regis
Tende miti stípite.
Ploie tes rameaux, arbre altier,
relâche tes fibres tendues,
que s’adoucisse cette rigidité
que t’a donnée la nature ;
Offre un soutien plus doux
aux membres sacrés du Roi du ciel.
Sola digna tu fuísti
Ferre mundi víctimam ;
Atque portum præparáre
Arca mundo naufrago,
Quam sacer cruor perúnxit,
Fusus Agni córpore.
Seul tu fus digne
de porter la victime du monde ;
Et de préparer un port
à l’arche du monde naufragé,
car tu fus empourpré du sang divin
qui s’échappe du corps de l’Agneau.
Sempitérna sit beátæ
Trinitáti glória,
Æqua Patri, Filióque ;
Par decus Paráclito :
Unius Triníque nomen
Laudet univérsitas.
Amen.
Gloire soit éternellement
à la bienheureuse Trinité,
honneur égal au Père et au Fils,
comme aussi au Paraclet :
Que le nom du Dieu un et trois
soit loué dans tout l’univers.
Amen.
V/. Eripe me de inimícis meis, Deus meus. V/. Arrachez-moi à mes ennemis, ô mon Dieu.
R/. Et ab insurgéntibus in me líbera me. R/. Et délivrez-moi de ceux qui se dressent contre moi.

[1] On désignait sous le nom de lustre, un espace de 5 ans.

[2] Fronde : ce feuillage mystérieux n’est-il pas l’humble semence de Bethléem, aussi petite dans la crèche que le grain de sénevé, et qui est devenu le grand arbre sur les rameaux duquel viennent se reposer maintenant les oiseaux du ciel, c’est-à-dire les âmes prédestinées ? Flore : cette fleur incomparable n’est-elle pas celle-là même qui est née sur le rejeton de la racine de Jessé, c’est-à-dire le Sauveur fils de la Vierge, qui, selon l’heureuse expression de saint Ambroise, a purifié le monde des fétides émanations du péché, pour y répandre la suave odeur de la terre des vivants ? Germine : Jésus est aussi le fruit béni dont la vivifiante saveur doit neutraliser à jamais le venin mortel de cet autre fruit qui, dès l’origine, avait empoisonné les entrailles de tous les enfants d’Adam. Celui-là fut un fruit de mort, celui-ci est le fruit de vie, formé par l’Esprit-Saint dans les chastes flancs de la Vierge, mûri au Calvaire sous le feu de la souffrance, et jusqu’à la consommation des siècles offert chaque jour à nos âmes sur la table eucharistique pour devenir leur céleste aliment. (L’Abbé Pimont).