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Lineamenta pour le Synode sur l’Eucharistie (2004)

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Lineamenta envoyés aux évêques pour la préparation du Synode
mercredi 25 février 2004.


SYNODE DES ÉVÊQUES

XIème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église

LINEAMENTA

Avant-Propos

Vers la fin des travaux de la Xème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques en octobre 2001, il fut demandé aux Pères de proposer un thème pour l’Assemblée successive. Et l’argument de l’Eucharistie se trouva parmi les différentes suggestions avancées. À son tour, la consultation habituelle des Conférences épiscopales, des Églises orientales sui iuris, des Dicastères de la Curie Romaine et de l’Union des Supérieurs Généraux indiqua ce même thème de l’Eucharistie comme prioritaire et ce, suivant une convergence d’opinions tout à fait particulière. Les membres du Conseil Ordinaire de la Secrétairerie Générale eux-mêmes se sont prononcés dans ce sens. Et c’est ce thème que le Saint-Père a choisi et décidé d’offrir à la méditation collégiale des évêques réunis au cours de la XIème Assemblée Générale Ordinaire. Réévocant la doctrine et le langage conciliaires de Vatican II, le thème est formulé comme suit : Eucharistia fons et culmen vitæ et missionis Ecclesiæ.

Il revint ensuite au Conseil de la Secrétairerie Générale de consacrer à ce titre plusieurs sessions de travail qui, avec l’aide d’experts, ont abouti au présent document des Lineamenta.

Comme on le sait, il s’agit là de la première étape de la consultation universelle qui permettra à toutes les Églises particulières de par le monde d’entrer dans le processus synodal à travers la réflexion, la prière et les suggestions les plus opportunes afin de permettre la préparation de l’Instrumentum laboris qui constituera ensuite l’ordre du jour de l’Assemblée synodale.

La consultation en vue de l’Assemblée synodale future enregistre une nouveauté dans l’histoire du Synode des Évêques : le thème. En effet, ce thème correspond à celui d’une Encyclique pontificale récente sur l’Eucharistie dans son rapport vital avec l’Église, Ecclesia de Eucharistia. Une telle circonstance mérite d’être prise en considération, du fait de son influence directe sur la consultation et sur les travaux synodaux à proprement parler.

Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un Synode soit appelé à traiter une matière faisant partie du Magistère pontifical ordinaire. Ce qui suscite l’intérêt, c’est la proximité dans le temps et l’identité de l’autorité promulgatrice : c’est le même Pape qui, dans une période temporelle restreinte, écrit à propos de l’Eucharistie et confie ce même argument à un Synode. Une prégnance évidente pour le Souverain Pontife, pour les évêques et pour l’Église.

Il est clair que l’Encyclique manifeste la volonté du Pasteur d’encourager les destinataires, l’Église universelle, à se consacrer au Mystère Eucharistique avec des énergies spirituelles et un amour renouvelés, mystère qui est vital pour l’Église elle-même. Dans cet acte du Magistère ordinaire, se trouve ainsi exprimé le souci de redire au peuple de Dieu, avec des accents adaptés aux conditions contemporaines, une vérité éternelle et nécessaire à la survie de l’Église dans l’histoire.

Les objectifs d’une Assemblée synodale sont consultatifs et, cette fois, les évêques ne sont pas convoqués par le Saint-Père pour offrir des suggestions en vue d’interventions doctrinales. Il existe cependant de nombreuses raisons pour réunir les pasteurs afin que, sur un argument aussi décisif pour la vie et la mission de l’Église, ils puissent manifester les exigences et les implications pastorales de l’Eucharistie dans la célébration, dans le culte, dans la prédication, dans la charité et dans les différentes œuvres en général.

Toutefois, le point le plus élevé de l’attention est autre. Si l’on s’en tient à l’analogie évidente des titres, on ne peut pas ne pas se demander pourquoi le Pape a choisi un thème déjà traité. La réponse à ce malaise dialectique réside dans l’observation de la vie de l’Église, jour après jour. Dans l’Église, il existe incontestablement aujourd’hui une « urgence eucharistique » qui aboutit non plus à une incertitude dans les formules, comme ce fut le cas à la période de Vatican II, mais à la pratique eucharistique qui a besoin aujourd’hui d’une attitude aimante nouvelle, faite de gestes de fidélité à Celui qui est Présent pour tous ceux qui continuent encore de le chercher : « Maître, où habites-tu ? ».

Nous formulons donc le vœu que ces Lineamenta encouragent les Conférences épiscopales, les Églises orientales sui iuris, les Dicastères de la Curie Romaine et l’Union des Supérieurs Généraux à réfléchir et à effectuer une vérification pastorale, en invitant aussi tous les membres de l’Église à offrir leur contribution, afin que les réponses au questionnaire des Lineamenta soient complètes et significatives pour permettre un travail synodal fructueux.

Pour que le processus synodal puisse se dérouler de façon appropriée, il est nécessaire que la Secrétairerie Générale du Synode puisse recevoir les réponses avant le 31 décembre 2004.

Par ces réponses, c’est le cheminement synodal qui se poursuit dans toutes les Églises particulières, où les évêques en tant que Pasteurs s’apprêtent à réfléchir, en collégialité entre eux et avec le Pape, sur ce grand Sacrement dont vit l’Église.

25 février 2004

Jan P. Card. Schotte, C.I.C.M. Secrétaire Général

INTRODUCTION

Pourquoi un synode sur l’eucharistie

1. Le Dieu invisible s’est manifesté dans le Verbe incarné, son Fils Jésus-Christ ; après l’ascension de celui-ci, « ce que l’on avait pu voir de notre Rédempteur est donc passé dans les rites sacrés », [1] C’est pourquoi lorsque « nous voyons une chose, nous la comprenons comme une autre chose. Nous voyons un homme (Jésus), mais nous croyons en Dieu » [2].

Sacrement du salut de Jésus-Christ pour l’homme, l’Église vit du culte centré sur le Verbe incarné, sacrement du Père ; le Canon Romain et l’Anaphore de saint Jean Chrysostome définissent la sainte Messe « oblationem rationabilem », et « lokigèn latreían » la transformation de la parole de Dieu en un événement auquel participent l’esprit et la raison. Celui qui est la Parole, le Verbe, s’adresse à l’homme et en attend une réponse compréhensible, raisonnable (rationabile obsequium). De cette façon, la parole humaine devient adoration, sacrifice et action de grâce (eucharistia). Ce « culte spirituel » (cf. Rm 12,1) est le cœur de la « participation » active et consciente du Peuple de Dieu au mystère eucharistique [3] qui se réalise pleinement dans la sainte communion [4].

2. Le Concile œcuménique Vatican II a consacré au Mystère Eucharistique le chapitre III de la Constitution de sacra Liturgia ; mais tout ce qui, dans ce document, a trait à la liturgie, sommet et source de l’action de l’Église, concerne principalement la célébration de l’Eucharistie, la « divine Liturgie » comme les Orientaux aiment à l’appeler. Le thème du prochain Synode sera l’Eucharistie, à laquelle le Peuple de Dieu participe en vertu du baptême ; en effet, elle est le « sommet » de l’initiation chrétienne mais aussi de l’action apostolique, car elle présuppose l’appartenance à la communion de l’Église ; et elle est en même temps la « source » du fait qu’elle constitue la nourriture nécessaire à sa vie et à sa mission [5]. C’est pourquoi, l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia du Pape Jean-Paul II, se référant à sa Lettre Apostolique Novo millennio ineunte dans laquelle il avait exhorté à connaître, aimer et imiter le Christ, rappelle qu’un « élan renouvelé dans la vie chrétienne passe par l’Eucharistie » [6].

3. La VIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques a affronté le thème de la Réconciliation et, dans ce cadre, le thème du Sacrement de Pénitence, instrument ordinaire pour revenir à la communion avec le Christ et avec l’Église, qui culmine dans l’Eucharistie. La riche réflexion a conduit à l’Exhortation Apostolique Post-synodale Reconciliatio et Paenitentia. Traitant de la famille, la Vème Assemblée Générale Ordinaire a porté aussi son attention sur la communion originelle de sang et d’esprit dont la source réside justement dans un autre sacrement, celui du mariage, un mystère immense et un signe de l’union entre le Christ et l’Église (cf. Ep 5,32). Les quatre derniers Synodes Généraux Ordinaires ont réfléchi sur les composantes fondamentales de la communion ecclésiale : le laïcat, le sacerdoce ministériel, les consacrés et les évêques, la communion ecclésiale que l’Eucharistie présuppose pour la perfectionner. [7] Les raisons de la rencontre d’une Assemblée synodale sur le Sacrement sont donc tout à fait compréhensibles, puisqu’il s’agit du Sacrement qui, justement, manifeste l’apostolicité et la catholicité de l’Église et qui fait se développer son unité et sa sainteté.

Ce qui permettra :

a. que l’Eucharistie reste au centre de l’attention de l’Église, au niveau universel et local, en particulier dans les paroisses et les communautés, et ce déjà pendant la phase préparatoire du Synode ;

b. que la foi dans l’Eucharistie puisse être approfondie dans la mesure nécessaire ;

c. qu’en choisissant ce thème capital, une importance particulière soit accordée à l’Assemblée synodale au début du troisième millénaire du christianisme et que celle-ci puisse contribuer au programme de renouveau de la vie et de la mission chrétiennes des personnes et des communautés ;

d. que l’attention spéciale à la sainte Eucharistie, réservée depuis toujours par l’enseignement de l’Église depuis le temps des Apôtres jusqu’aux Pères et aux écrivains sacrés médiévaux ; par les Conciles – en particulier ceux de Trente et de Vatican II – jusqu’aux principaux documents interdicastériels et pontificaux rappelés récemment dans l’Encyclique du Pape Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia, soit à nouveau perçue en totalité et plus profondément.

4. Le thème choisi par le Saint-Père pour la XIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques est le suivant : Eucharistia fons et culmen vitæ et missionis Ecclesiæ. Parmi les questions devant être approfondies, trois sont plus particulièrement pressantes :

a. Dans les gestes de la dernière Cène et plus spécialement dans les mots : « Vous ferez cela en mémoire de moi », Jésus-Christ, le Fils de Dieu, ne voulait pas seulement un repas fraternel, mais bien une liturgie, un véritable culte d’adoration du Père « dans l’esprit et la vérité » (Jn 4,24) ;

b. la réforme liturgique n’a pas conduit à une destruction du patrimoine séculier de l’Église catholique ; elle entendait, dans la fidélité à la tradition catholique, promouvoir le renouveau de la liturgie pour favoriser la sanctification des chrétiens ;

c. c’est le Seigneur Lui-même qui a voulu être véritablement présent dans le Très Saint Sacrement pour que Dieu-Emmanuel soit, aujourd’hui et toujours, un Dieu proche de l’homme, son Rédempteur et son Seigneur.

5. La préparation et les travaux de la XIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques se situent dans le cadre de l’ensemble du Magistère et de la doctrine de l’Eucharistie, en particulier dans l’enseignement du Concile Vatican II, qui a fait croître dans l’Église la conscience qu’ « à la dernière Cène, la nuit où il était livré, notre Sauveur institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la Croix au long des siècles jusqu’à ce qu’il vienne » [8]. En tant que son Épouse bien-aimée, l’Église sait qu’elle doit célébrer « la mémoire de sa Mort et de sa Résurrection : sacrement de piété, signe d’unité, lien de charité, banquet pascal au cours duquel on reçoit le Christ, l’âme remplie de grâces, ainsi que le gage de la gloire à venir » [9].

Avec ses fondements bibliques, patristiques et théologiques, avec son rappel catéchétique et mystagogique, la doctrine eucharistique imprègne tous les documents du Concile Vatican II et du Magistère post-conciliaire, et elle veut conduire au cœur du mystère de la sainte Eucharistie et à l’adoration de ce Mystère, comme cela est largement illustré par les traditions d’Orient et d’Occident présentes dans l’unique Église catholique. Parmi les documents post-conciliaires ayant appliqué la Constitution sur la sainte Liturgie, restent fondamentaux pour la compréhension et la célébration de l’Eucharistie l’Encyclique Mysterium fidei de Paul VI et l’Institutio Generalis Missalis Romani publié en 1970 et revu en 2000, contenant les normes à observer lors de la célébration de la sainte Messe selon le rite romain. Ces textes, ainsi que le Catéchisme de l’Église catholique [10], les Codes de l’Église latine [11] et des Églises orientales [12], et l’Instruction pour l’application des prescriptions liturgiques du Code des Canons des Églises orientales publiée en 1996, réalisent un approfondissement doctrinal et offrent les indications pastorales rappelées dernièrement dans l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia du Pape Jean-Paul II [13].

Chapitre I Le sacrement de l’alliance nouvelle et éternelle

L’Eucharistie dans l’histoire du salut

6. Dans l’Ancien Testament, l’offrande et le sacrifice à Dieu, réalisés en signe de reconnaissance, demande et réparation des péchés, constituent le contexte préparatoire éloigné de la dernière Cène de Jésus-Christ. Celle-ci est remémorée dans la personne du serviteur de Yahvé qui s’offre en sacrifice, versant son sang pour la nouvelle alliance (cf. Is 42,1-9 ; 49,8) en lieu et place de l’humanité et à son avantage. Les repas religieux des Juifs aussi, et surtout celui de la Pâque en mémoire de l’Exode et le banquet sacrificatoire, servaient à rendre grâce pour les bénéfices reçus de Dieu et pour entrer en communion avec lui à travers les victimes du sacrifice (cf. 1 Co 10,18-21). L’Eucharistie aussi instaure la communion avec le sacrifice de Jésus-Christ. En outre, dans la tradition et dans le culte juifs, la bénédiction (berakà) constituait d’une part la transmission de la vie à l’homme de la part de Dieu et, de l’autre, la reconnaissance émerveillée et adorante de l’homme pour l’œuvre de Dieu. Cela était réalisé dans le sacrifice présenté au Temple et dans le repas pris chez soi (cf. Gn 1,28 ; 9,1 ; 12,2-3 ; Lc 1,69-79). La bénédiction était à la fois euloghía – c’est-à-dire louange de Dieu – et eucharistía, c’est-à-dire action de grâce ; dans le christianisme, ce dernier aspect finira par identifier la forme et le contenu de l’Anaphore, ou Prière Eucharistique.

Les Juifs avaient aussi un repas saint ou sacrifice convivial (tôdâ) (cf. par ex. les Psaumes 22 et 51), pratiqué à l’époque de Jésus et caractérisé par l’action de grâce ou par le sacrifice sans effusion de sang, dans le pain et le vin. On peut ainsi comprendre un autre aspect de la Cène, celui du sacrifice convivial d’action de grâce. Le rite du sang versé en sacrifice de l’Ancien Testament est sous-jacent au thème de l’alliance que Dieu stipule gratuitement avec son peuple (cf. Gn 241-11). Annoncé par les prophètes (cf. Is 55,1-5 ; Je 31,31-34 ; Ez 36,22-28), et absolument nécessaire pour comprendre la dernière Cène et l’ensemble de la révélation du Christ, ce rite porte un nom (en hébreu berít, traduit en grec par diathéke) qui indiquera aussi le corps des textes du Nouveau Testament. En effet, lors de la Cène, le Seigneur a scellé l’alliance, son testament avec les disciples et toute l’Église.

Les signes prophétiques et le mémorial annoncés dans l’Ancien Testament (le repas en Égypte, le don de la manne, la célébration annuelle de la Pâque) se réalisent dans les sacrements ou mystères de l’Église. En eux, est contenue toute la puissance divine sanctifiante, transformante et divinisante de la mort et de la résurrection du Seigneur, célébrée chaque dimanche, et même chaque jour, dans la Pâques chrétienne. Pour saint Ambroise : « Examine maintenant ce qui est supérieur : le pain des anges ou la chair du Christ qui est certes le Corps qui donne la vie ? (…) cela se passait en figure, ceci en vérité ». [14]

L’unique sacrifice et sacerdoce de Jésus-Christ

7. Le fait historique de la Cène est rapporté dans les évangiles de saint Matthieu (26,26-28), de saint Marc (14,22-23), de saint Luc (22,19-20) et dans la Première lettre de saint Paul aux Corinthiens (11,23-25), qui permettent de comprendre le sens de l’événement : Jésus-Christ se donne (cf. Jn 13,1) en nourriture à l’homme, il donne son Corps et verse son Sang pour nous. Cette Alliance est nouvelle parce qu’inaugurant une nouvelle condition de communion entre l’homme et Dieu (cf. He 9,12) ; en outre, elle est nouvelle, et meilleure que l’ancienne parce que, sur la croix, le Fils se donne lui-même et, à tous ceux qui l’accueillent, il donne le pouvoir de devenir des enfants du Père (cf. Jn 12 ; Ga 3,26). Le commandement : « vous ferez cela en mémoire de moi » indique la fidélité et la continuité du geste, qui doit se poursuivre jusqu’au retour du Seigneur (cf. 1 Co 11,26).

En accomplissant ce geste, l’Église rappelle au monde qu’entre Dieu et l’homme existe une amitié indestructible, grâce à l’amour du Christ qui, en s’offrant lui-même, a vaincu le mal. Dans ce sens, l’Eucharistie est la force et l’unité du genre humain. Mais la nouveauté et la signification de la Cène sont immédiatement et directement liées à l’action rédemptrice de la croix et de la résurrection du Seigneur, « parole définitive » de Dieu à l’homme et au monde. De cette façon, avec le désir ardent de faire la Pâque, de s’offrir lui-même (cf. Lc 22,14-16), le Christ devient notre Pâque (cf. 1 Co 5,7) : la croix commence avec la Cène (cf. 1 Co 11,26). Et c’est la même personne, Jésus-Christ, qui, pendant la Cène et sans effusion de sang, puis sur la croix en versant son sang, est le prêtre et la victime s’offrant au Père : « sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui s’est fait ‘obéissant jusqu’à la mort’(Ph 2,8), avec son propre don paternel, c’est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection, car le Père est la source première de la vie et celui qui la donne depuis le commencement ». [15] C’est pourquoi il est impossible de détacher la mort du Christ de sa résurrection (cf. Rm 4,24-25), avec la vie nouvelle qui en découle et dans laquelle nous sommes plongés lors de notre baptême (cf. Rm 6,4).

8. C’est au chapitre six de son Évangile, que saint Jean traite du Mystère Eucharistique. Sur un schéma semblable à celui de la Cène, se trouve décrit le miracle des quelques pains distribués à la foule et, en même temps, Jésus parle du pain qui donne la Vie, c’est-à-dire sa chair et son sang, nourriture et boisson véritables ; celui qui croit en Jésus-Christ, mange sa chair et obtient la vie éternelle. Il n’est guère facile de comprendre le discours sur l’Eucharistie ; seul celui qui est à la recherche de Jésus, et non de soi-même, peut y accéder (cf. Jn 6,14 s.26). Après la Pentecôte, cette prise de conscience s’est exprimée dans la participation assidue des baptisés, fidèles à l’enseignement apostolique, à la communion fraternelle et à la fractio panis (cf. Ac 2,42-26 ; 20,7-11), pendant la « Cène du Seigneur » (cf. 1 Co 11,20). C’est là que réside le fondement de la dimension apostolique de l’Eucharistie. Les récits que l’on trouve dans le Nouveau Testament à propos de l’Eucharistie, vécue comme action de grâce et mémoire sacramentelle, mettent en évidence le fait que, reconnaissant le Corps et le Sang du Seigneur dans la communion au pain et au vin consacrés, on en reconnaît aussi la présence. En même temps, il est grave de considérer la « Cène du Seigneur » comme un repas quelconque (cf. 1 Co 11,29) : c’est même une véritable condamnation. En outre, l’Apôtre considère comme escompté le fait que la présence du Seigneur dans son Corps et dans son Sang ne dépende pas des conditions dans lesquelles se trouve celui qui le reçoit, et que la communion aux Espèces réunit les fidèles en un seul corps car c’est d’elles que naît la vie du Christ. Être un seul cœur et une seule âme (cf. Ac 2,46 ; 4,32-33), jusqu’à rendre possible la communion des biens, telle était la caractéristique de l’Église apostolique qui partageait les joies et les souffrances de ses membres, et qui vivait donc la charité (cf. 1 Co 12,26-27).

Du cadre biblique, ressortent les points forts suivants relatifs à la vérité sur l’Eucharistie, qui font du sacrement de l’autel une réalité sacrificatoire et sacerdotale unique : l’action de grâce et de louange au Père, le mémorial du Mystère pascal, la présence permanente du Seigneur. [16]

L’action de grâce et de louange au Père

9. Dans la mémoire de l’Église, au centre de la célébration eucharistique se trouvent les paroles confirmant la présence de Jésus parmi nous. « Ceci est mon Corps (…) ceci est la coupe de mon Sang ». Jésus s’offre lui-même en sacrifice véritable et définitif, dans lequel se réalisent toutes les figures de l’Ancien Testament. En lui, on reçoit ce qui a été désiré depuis toujours mais qui n’a jamais été obtenu.

Mais, à la lumière de la prophétie (cf. Is 53, 11 et suiv.), Jésus souffre pour un grand nombre et il souligne le fait qu’en lui se réalise l’attente du vrai sacrifice et du vrai culte. C’est lui-même qui se tient devant Dieu, qui intercède non pas pour lui, mais pour tous les hommes. Cette intercession, voilà le véritable sacrifice, la prière, la célébration reconnaissante de Dieu au cours de laquelle nous rendons le monde et nous-mêmes en retour. L’Eucharistie est donc le sacrifice à Dieu en Jésus-Christ, pour recevoir son amour en don.

10. Jésus-Christ est le Vivant, et il se trouve dans la gloire, dans le sanctuaire du ciel où il est entré grâce à son sang (cf. He 9,12) ; son état est celui immuable et éternel de prêtre suprême (cf. He 8,1-2), « il a un sacerdoce immuable » (He 7,24 et suiv.), il s’offre au Père et, en vertu de ses mérites infinis lors de sa vie ici-bas, il continue d’irradier la rédemption de l’homme et du cosmos qui se transforme et qui réunit (cf. Ep 1,10). Tout cela signifie que le Fils Jésus-Christ est médiateur de la Nouvelle Alliance pour ceux qui ont été appelés à hériter de l’éternité (cf. He 9,15). Son sacrifice demeure éternellement dans l’Esprit Saint, qui rappelle à l’Église tout ce qui a été réalisé par le Seigneur en tant que prêtre suprême et éternel (cf. Jn 14,26 ; 16,12-15). Saint Jean Chrysostome fait remarquer que le véritable officiant de la Divine Liturgie est le Christ : celui qui a célébré l’Eucharistie « pendant la Cène, réalise le même miracle aujourd’hui encore. Nous sommes les ministres, mais c’est lui qui sanctifie et transforme l’offrande ». [17] Aussi, « le sacrifice n’est pas une image, ou une figure de sacrifice, mais un sacrifice véritable ». [18]

Dieu a daigné accepter l’immolation du Fils comme victime pour le péché et l’Église prie pour que le sacrifice apporte le salut au monde. Il existe une totale identité entre le sacrifice et le renouvellement sacramentel institué lors de la Cène, que le Christ a ordonné de célébrer en mémoire de lui, en tant que sacrifice de louange, d’action de grâce, de propitiation et d’expiation. [19] C’est donc en raison de l’amour sacrificatoire du Seigneur que « la Messe rend présent le sacrifice de la Croix, elle ne s’y ajoute pas et ne le multiplie pas ». [20] De ce fait, l’action prioritaire est le sacrifice. Il est suivi du repas au cours duquel nous absorbons l’Agneau immolé sur la Croix.

Le mémorial du Mystère pascal

11. Faire mémoire du Christ signifie rappeler l’ensemble de sa vie car, pendant la Messe, tout au long de l’année, les mystères de la Rédemption deviennent présents, chacun à sa façon, et plus spécialement, selon saint Paul, l’humiliation (cf. Ph 2), l’amour suprême qui l’a rendu obéissant jusqu’à la croix. Chaque fois que nous mangeons son Corps et buvons son Sang, nous annonçons sa mort, jusqu’au moment de sa venue (cf. 1 Co 11,26), ainsi que sa résurrection (cf. Ac 2,32-36 ; Rm 10,9 ; 1 Co 12,3 ; Ph 2,9-11). C’est pourquoi il est l’Agneau pascal immolé (cf. 1 Co 5,7-8), qui se tient debout puisqu’il est ressuscité (cf. Ap 5,6).

L’institution de l’Eucharistie a vu le jour au cours de la Cène : les mots prononcés par Jésus sont une anticipation de sa mort ; mais celle-ci, aussi, resterait vide, si son amour n’était pas plus fort que la mort, pour arriver à la résurrection. C’est pour cela que, dans la tradition chrétienne, la mort et la résurrection sont dites mysterium paschale. Ce qui signifie que l’Eucharistie est bien plus qu’un simple repas : le prix en a été une mort, mort qui a été vaincue par la résurrection. C’est pourquoi le flanc du Christ ouvert est le lieu originaire d’où est née l’Église et d’où proviennent les sacrements qui l’édifient, le baptême et l’Eucharistie, don et lien de charité (cf. Jn 19,34). Ainsi, dans l’Eucharistie, nous adorons « celui qui est mort et qui est vivant maintenant pour les siècles des siècles ». Le Canon Romain exprime tout cela après la consécration : « C’est pourquoi nous aussi, tes serviteurs et ton peuple saint avec nous, faisant mémoire de la passion bienheureuse de ton Fils Jésus-Christ, notre Seigneur, de sa résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse ascension au ciel nous te présentons, Dieu de gloire et de majesté, cette offrande prélevée sur les biens que tu nous donnes, le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait, le pain de la vie éternelle et la coupe du salut ».

Pendant la « cène mystique », [21] dans la personne de Jésus-Christ, coexistent, pour le passé l’Ancien Testament, pour le présent le Nouveau Testament, et pour le futur l’immolation imminente. [22]Avec l’Eucharistie, nous entrons dans un autre temps qui n’est plus assujetti à notre système de mesure, mais dans lequel, en éclairant le passé, le futur nous est offert comme un présent stable ; aussi le mystère du Christ, alfa et omega, devient-il contemporain à chaque homme de chaque époque. [23] Le temps s’est raccourci (cf. 1 Co 7,29), nous attendons la résurrection des morts et nous vivons déjà dans le Ciel. « Ce mystère fait que la terre devient ciel ». [24]

La présence permanente du Seigneur

12. Dans tous les sacrements, Jésus-Christ agit par des signes tangibles qui, sans changer d’apparence, assument une capacité de sanctification. Dans l’Eucharistie, il est présent avec son Corps et son Sang, son âme et sa divinité, en donnant à l’homme toute sa personne et sa vie. Dans l’Ancien Testament, par l’intermédiaire de ses envoyés, Dieu indiquait sa présence dans les nuages (shekhinà), dans le tabernacle, dans le temple ; avec le Nouveau Testament, il vient, dans la plénitude des temps, habiter parmi les hommes dans le Verbe incarné (cf. Jn 1,14), devenant réellement l’Emmanuel (cf. Mt 1,23), et il parle à travers son héritier, le Fils (cf. He 1,1-2).

Pour faire comprendre ce qui se passe dans la communion à l’Eucharistie, saint Paul affirme : « Celui qui s’unit au Seigneur (…) n’est avec lui qu’un seul esprit » (1 Co 6,17), dans une nouvelle vie, issue de l’Esprit Saint. Saint Augustin l’a compris en profondeur, mais avant lui saint Ignace d’Antioche et, après lui, les moines et de nombreux mystiques et théologiens. La Liturgie divine est cette présence du Christ « qui assemble (ekklesiázon) toute la création », [25] les convoque autour de l’autel saint et « de façon providentielle, les unit à lui et entre eux ». [26] Pour saint Jean Chrysostome, « lorsque tu t’approches de la table sacrée, tu crois que là se trouve le Roi de tous les hommes ». [27] C’est pour cette raison que l’adoration ne peut être séparée de la communion.

Le mystère de la présence réelle de Jésus-Christ est immense ! [28] Pour le Concile Vatican II, elle assume la même signification que la définition du Concile de Trente : avec la transsubstantiation, le Seigneur devient présent dans son Corps et dans son Sang. [29] Les Pères orientaux parlent de métabolisme [30] du pain et du vin en Corps et en Sang. Deux façons significatives de conjuguer raison et mystère car, comme l’a affirmé Paul VI, la présence eucharistique « constitue en son genre le plus grand des miracles ». [31]

Chapitre II L’eucharistie : un don à l’église, à découvrir constamment

Les Pères et les Docteurs de l’Église

13. L’Église est passée de la Cène à l’Eucharistie, nom qui a été préféré aux autres : Cène du Seigneur, Fraction du pain, Saint Sacrifice et oblation, Assemblée eucharistique, Sainte Messe, Cène mystique, Sainte Liturgie Divine, [32] pour indiquer qu’elle est surtout une action de grâce (du grec eucharisteĩn). Ce qui explique que l’Eucharistie commence à être célébrée par les baptisés le matin du dimanche, alors que les catéchumènes et les pénitents en sont exclus. Le schéma de la célébration semble être déjà tracé dans l’Évangile de saint Luc (cf. 24,25-31) : à Emmaüs, le soir de Pâques, le Seigneur ressuscité apparaît aux disciples ; ceux-ci l’écoutent avec toujours plus d’attention jusqu’à ce qu’ils parviennent à le reconnaître dans l’action de grâce et la fraction du pain. Dans la Traditio Apostolica, l’Eucharistie est à la fois la révélation du Père dans le mystère de son Fils qui rachète l’homme, et l’action de grâce de l’Église pour cette rédemption salvifique. [33]Dans ce texte qui est considéré comme l’un des témoignages le plus ancien après l’âge apostolique, l’Église est mentionnée de façon répétée, comme pour souligner son lien indissoluble avec l’Eucharistie et, après la consécration, la présence de l’Esprit Saint est invoqué, pour rendre l’Église digne de réaliser l’offrande.

L’engagement de fréquenter l’Eucharistie pour renforcer la concorde dans la foi afin de vaincre les divisions provoquées par Satan ; à la vivre dans l’unité parce que la Chair et le Sang du Seigneur ne font qu’un, de même que l’autel et l’évêque ; à reconnaître en elle la chair de Jésus-Christ qui a souffert pour les péchés et est ressuscité, cet engagement est témoigné par saint Ignace d’Antioche. [34] Elle est la nourriture spirituelle pour obtenir la vie éternelle, le sacrifice universel annoncé par le prophète Malachie, source de la paix véritable. [35] Célèbre est, chez saint Justin, la description de l’Eucharistie du dimanche, jour où ont eu lieu la création du monde et la résurrection de Jésus-Christ. [36] Saint Irénée a recours à l’Eucharistie pour affirmer la réalité de l’incarnation, en opposition au gnosticisme ; il souligne à maintes reprises la présence réelle du Christ dans son Corps et dans son Sang, et la nécessité de se nourrir de lui pour que notre corps puisse ressusciter. [37] Saint Cyprien aussi insiste sur l’identité du pain et du vin avec le Corps et le Sang du Christ, et sur deux effets de la communion : la force des martyrs et l’unité des chrétiens. [38]

14. Avec la reconnaissance officielle de l’Église, débuta la première réflexion théologique qui déterminera la future doctrine eucharistique sur la présence du Christ, sur la façon dont elle se concrétise et sur la dimension sacrificatoire, ainsi qu’en témoignent les catéchèses des Pères qui précédaient, accompagnaient et suivaient l’initiation chrétienne. Saint Grégoire de Nysse, par exemple, soutient que par la communion eucharistique on adhère au Corps du Christ, tandis que par la foi on adhère à son âme [39] et on reçoit l’immortalité. En se référant à saint Pierre, l’évêque saint Cyrille de Jérusalem également, rappelle qu’avec l’Eucharistie nous participons à la nature divine. [40] Saint Jean Chrysostome considère l’Eucharistie dans le contexte de l’initiation baptismale comme la nourriture pour la vie reçue et son soutien dans la lutte contre Satan. Son explication suivante est particulièrement efficace pour la tension eschatologique : « Lorsque tu vois le Seigneur immolé et gisant, et le prêtre qui se tient debout penché au-dessus de la victime en priant, et tous sont empourprés de ce Sang précieux, penses-tu être encore parmi les hommes et vivre sur la terre mais ne crois-tu pas avoir émigré dans les cieux et repoussant toute pensée charnelle, ne vois-tu pas autour de toi, avec ton âme seule et comme un pur esprit, ce que l’on voit dans les cieux ? ». [41]

Le réalisme eucharistique uni à la vertu sanctificatrice de la passion et de la résurrection de Jésus-Christ, et à l’épiclèse qui conduit à l’unité de tous ceux qui font la communion eucharistique, caractérisent la réflexion doctrinale et rituelle de Théodore de Mopsueste ; [42] pour lui aussi, la vie baptismale se nourrit de l’Eucharistie. Avec saint Ambroise, l’Eucharistie se situe entre l’économie de l’Ancien Testament et l’eschatologie ; [43] en outre, les mots de Jésus que le prêtre prononce et par lesquels le Christ s’offre et est offert au Père prouvent bien sa présence réelle. Chez différents Pères, on trouve le début de la réflexion sur la transformation de la substance du pain et du vin. Chez saint Augustin, à propos de l’Eucharistie les réflexions qui prévalent sont celles sur le réalisme et sur ses symboles, [44] sur le lien avec l’Église-Corps (Christus Totus) [45] et sur la qualité sacrificatoire du Sacrement. [46]

15. L’Eucharistie est le sacrement de la présence du Christ. Pour saint Thomas d’Aquin, c’est ce qui le différencie des autres sacrements. [47] Le mot qu’il emploie, repræsentare, veut indiquer que l’Eucharistie n’est pas un pieux souvenir, mais bien la présence effective et efficace du Seigneur mort et ressuscité qui veut toucher chaque homme. [48] Le Sacrement a une signification triple : « La première se rapporte au passé, du fait qu’il commémore la passion du Seigneur, qui fut un sacrifice authentique (…) Et c’est pour cela qu’il s’appelle ‘sacrifice’. La deuxième (…) se rapporte à l’effet présent, c’est-à-dire l’unité de l’Église dans laquelle les hommes sont rassemblés au moyen de ce sacrement (…) La troisième se rapporte au futur : du fait que ce sacrement préfigure la béatitude divine qui sera réalisée dans la patrie ». [49] Dans l’office de la Fête-Dieu, il nous a laissé l’antienne célèbre qui propose à nouveau cette signification avec un certain lyrisme : « O Sacrum Convivium, in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis eius, mens impletur gratia et futuræ gloriæ nobis pignus datur ».

Saint Bonaventure aussi a contribué à la théologie de l’Eucharistie, en insistant sur l’esprit de piété nécessaire pour communier au Christ. Il rappelle que, dans l’Eucharistie, se réalisent les paroles de la Cène, mais aussi la promesse du Seigneur : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). [50] Dans le Sacrement, il est réellement et véritablement présent dans l’Église.

Le sacrement de l’unité et de la sainteté de l’Église

16. L’Eucharistie révèle également la nature de l’Église, une, sainte, catholique et apostolique, aussi bien au niveau local qu’universel. La récente Encyclique du Pape Jean-Paul II Ecclesia de Eucharistia constitue un acte du Magistère dont il faut tenir compte pour comprendre le rapport entre l’Eucharistie et l’Église. La grandeur et la beauté de l’Église catholique consistent justement dans le fait qu’elle ne reste pas figée à une époque ou un millénaire donnés, mais qu’elle croît, qu’elle mûrit, qu’elle pénètre en profondeur dans le Mystère, qu’elle le propose dans les vérités en lesquelles croire et dans la liturgie à célébrer. C’est aussi cela qui rend visible le fait que l’unique Église du Christ continue d’exister en elle.

Saint Augustin expliquait ainsi l’Eucharistie aux néophytes pendant la nuit de Pâques : « Il faut que soit bien clair ce que vous avez reçu. Écoutez donc ce que dit l’Apôtre, ou mieux le Christ en la personne de l’Apôtre, à propos du sacrement du Corps du Seigneur : ‘un seul pain, et nous ne formons qu’un seul corps bien que nous soyons nombreux’. Voilà, c’est tout : je vous l’ai expliqué rapidement, mais vous, ne comptez pas les mots. Pesez-les bien ! ». [51] Selon le saint Évêque d’Hippone, cette phrase de l’Apôtre renferme la synthèse du Mystère qu’ils reçoivent.

Mais, à partir des origines de l’Église, on peut relever la résistance qu’opposaient à cette réalité ceux qui préféraient plutôt se renfermer à l’intérieur de leurs propres murs (cf. 1 Co 11,17-22) ; et pourtant, en raison de son efficacité unificatrice, [52] l’Eucharistie avait le sens permanent de rassembler, de surmonter les barrières, de conduire les hommes à une nouvelle unité dans le Seigneur. L’Eucharistie est le sacrement par lequel le Christ nous unit à lui en un seul corps et rend l’Église sainte.

L’apostolicité de l’Eucharistie

17. Le Seigneur a laissé les sacrements aux Apôtres. Ainsi, l’Église les a reçus et, depuis deux mille ans, elle les transmet avec la même foi apostolique. À partir du jour de l’Ascension, l’Église garde les yeux fixés sur le Seigneur qui a dit : « Nul n’est monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3,13). Le Christ ressuscité est monté au ciel, dans son corps glorieux de chair, mais il reste sur terre dans son corps mystique qu’est l’Église, dans ses membres (cf. 1 Co 12,5) et dans les sacrements, en particulier celui de l’Eucharistie. Il avait dit : « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous » (Jn 16,7), ce qui avait rendu possible le Corpus Verum dans l’Incarnation et donne vie au Corpus Mysticum de l’Église.

L’apostolicité de l’Eucharistie et de l’Église n’est pas une référence purement historique, mais bien la manifestation permanente que le Christ est présent pour chaque homme, à chaque époque [53] et elle concerne notre mystère de communion ecclésiale. L’Encyclique Ecclesia de Eucharistia rapporte l’affirmation incisive de saint Augustin : « vous recevez ce qui est votre mystère ». [54] Cette présence, qui est la conséquence de l’Incarnation, est donc le mystère de la foi. En lui se révèle aussi le mystère de l’Église, laquelle, dans la Célébration Eucharistique, est remplie d’émerveillement [55] et amenée à contempler : Ave, verum Corpus natum de Maria Virgine.

18. Le Concile Vatican II a affirmé que l’Église grandit [56] à travers l’œuvre de la rédemption présente dans le Sacrement de l’autel. Le Pape Paul VI rappelle que le Missel romain offre la preuve de la tradition ininterrompue de l’Église romaine et de la « théologie du Mystère Eucharistique ». [57] Après avoir rappelé, dans l’aphorisme bien connu « l’Eucharistie édifie l’Église et l’Église fait l’Eucharistie », le lien indissoluble existant entre l’Eucharistie et l’Église, le Pape Jean-Paul II affirme que la profession selon laquelle l’Église est une, sainte, catholique et apostolique dans le Symbole de Nicée et de Constantinople, doit être appliquée à l’Eucharistie, et en tout premier lieu, à l’apostolicité [58] « non pas parce qu’elle ne remonte pas au Christ (…) mais parce qu’elle est célébrée conformément à la foi des Apôtres ». [59] En outre, « succéder aux Apôtres dans la mission pastorale implique obligatoirement le sacrement de l’Ordre ». [60] Ainsi vécu, le caractère apostolique de l’Église est intrinsèque à la communion profonde du corps mystique et engendre des transformations intérieures. Ce qui fait comprendre encore davantage le fait que l’Eucharistie est « don et mystère », « qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée » ; [61] ce n’est pas la communauté qui se le donne en son sein, mais il lui est donné d’en-haut. Cela est fortement souligné par le fait de l’ordination du ministre, que l’Église donne à une communauté locale pour qu’il puisse célébrer.

Aussi, « il ne faut pas oublier que, si l’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie fait l’Église au point de devenir un critère de confirmation pour la juste doctrine ». [62] C’est aussi pour cela que l’Eucharistie est un don à découvrir personnellement en tant que communion avec le Christ, profondeur du mystère et vérité de l’existence.

La catholicité de l’Eucharistie

19. La catholicité de l’Eucharistie n’est pas moins importante, c’est-à-dire sa relation avec l’Église universelle et locale. La communion, qui « n’est pas devenue par hasard l’un des noms spécifiques de ce sacrement sublime », [63]veut indiquer aussi la nature de l’Église. S’il est vrai que l’Église « vit et s’accroît continuellement » [64] à partir de l’Eucharistie et s’exprime en elle, sa célébration ne peut cependant pas être « le point de départ de la communion, qu’elle présuppose comme existante, pour ensuite la consolider et la porter à sa perfection ». [65] Le Concile Vatican II rappelle que la communion catholique s’exprime dans les « liens » de la profession de foi, de la doctrine des Apôtres, des sacrements et de l’ordre hiérarchique. [66] Elle exige donc aussi « un contexte de respect des liens extérieurs de communion », [67] et plus spécialement du baptême et de l’ordre. L’Eucharistie sacrement fait partie de ces liens nécessaires, mais pour qu’elle soit visiblement catholique elle doit être célébrée una cum Papa et Episcopo, principes d’unité visible et particulière. C’est là « une exigence intrinsèque de la célébration du Sacrifice eucharistique » qui, « en raison du caractère même de la communion ecclésiale (...) tout en étant toujours célébré dans une communion particulière, n’est jamais une célébration de cette communauté (...) (mais) image et vraie présence de l’Église une, sainte, catholique et apostolique ». [68]

20. Dans les premiers siècles de diffusion du christianisme, la plus grande importance était donnée au fait que, dans chaque ville, il n’y ait qu’un seul évêque et qu’un seul autel, comme expression de l’unité du seul Seigneur. Celui-ci se donne dans l’Eucharistie et est présent, intégralement, en tout lieu ; aussi, partout où l’Eucharistie est célébrée, le mystère du Christ et de l’Église est présent dans sa totalité. En effet, le Christ qui est en tout lieu un unique corps avec l’Église ne peut être reçu dans la discorde. C’est justement parce que le Christ est indivisible et inséparable de ses membres que l’Eucharistie n’a de sens que si elle est célébrée en union avec l’Église tout entière.

Dans la Constitution apostolique Missale Romanum de 1969, Paul VI exprimait le vœu que le Missel, revisité conformément aux recommandations du Concile Vatican II, soit accueilli comme l’instrument pour témoigner de l’unité de tous, pour l’affirmer et pour exprimer dans les différentes langues une « prière unique et identique ». Là réside le sens de l’observance des normes liturgiques et canoniques concernant l’Eucharistie. Lorsqu’elle dicte les normes pour l’Eucharistie, l’Église considère que l’ordre donné par Jésus aux Apôtres de préparer la Pâque lui est adressé (cf. Lc 22,12).

Aussi, « le rapport étroit qui existe entre les éléments invisibles et les éléments visibles de la communion ecclésiale est constitutif de l’Église comme Sacrement du salut. C’est seulement dans ce contexte qu’il y a la célébration légitime de l’Eucharistie et la véritable participation à ce Sacrement. Il en résulte une exigence intrinsèque à l’Eucharistie : qu’elle soit célébrée dans la communion et, concrètement, dans l’intégrité des conditions requises ». [69]

Chapitre III L’eucharistie : mystère de foi proclamé

Le Magistère de l’Église catholique

21. La tradition apostolique et patristique d’Orient et d’Occident est la source principale à laquelle le Magistère conciliaire et pontifical de l’Église catholique a puisé, afin de préciser la foi dans l’Eucharistie et de répondre aux déviations doctrinales et pastorales qui se présentaient de temps à autre.

Le Concile de Trente en particulier a défini dans trois Décrets la doctrine eucharistique après la Réforme protestante, en se souciant plus spécialement de la présence vraie, réelle et substantielle du Seigneur Jésus, vrai Dieu et vrai homme, sous les espèces du pain et du vin. Il a aussi affirmé que le Corps du Seigneur est présent non seulement sous l’espèce du pain mais aussi sous celle du vin, et que son Sang est présent non seulement sous l’espèce du vin mais aussi sous celle du pain. En outre, dans chacune des deux espèces le Seigneur est présent également avec son âme et avec sa divinité. Le Christ, Verbe du Père, vrai Dieu et vrai homme, est donc présent intégralement sous les deux espèces, et dans chaque partie de celles-ci [70]. Ce même Concile définit aussi la transsubstantiation [71], comment recevoir la communion [72] et le rapport entre le sacrifice sans effusion de sang au cours de la Messe et celui sanglant de la croix [73]. Il a également affirmé que ce serait un délit et une indignité que de comprendre de façon figurée, typologique et métaphorique les mots de l’institution et le commandement d’en faire mémoire [74]. En outre, l’institution du Sacrifice Eucharistique rend présent le sacerdoce du Christ, tandis que pour les hommes la force rédemptrice de la croix obtient le pardon des péchés pour les vivants et pour les morts [75].

La nature sacrificatoire de la Messe, approfondie par Mediator Dei de Pie XII [76], est réaffirmée par le Concile Vatican II : le Christ est le prêtre unique, les ministres agissent en son nom et représentent l’unique sacrifice du Nouveau Testament dans l’attente de sa venue [77] qui régénère l’Église en permanence ; valablement ordonnés [78], ils agissent in persona Christi [79].

La nature de l’Eucharistie

22. Partant de la doctrine du Concile de Trente sur l’Eucharistie, le Concile Vatican II explique les différents modes dont le Christ est présent, tout en illustrant plus particulièrement les diverses caractéristiques de la présence eucharistique [80]. De cette façon, l’œuvre rédemptrice réalisée une fois pour toutes par Jésus-Christ continue d’étendre ses effets chaque fois que, sur l’autel, on fait mémoire du sacrifice de la croix, par lequel le Christ, notre Pâque, a été immolé [81]. Quant aux effets sacramentels, l’Eucharistie complète l’édification de l’Église, corps du Christ, et la fait grandir [82] ; elle a donc des conséquences salvifiques sur les membres de l’Église, en leur conférant la grâce de l’unité et de la charité, du fait que l’Eucharistie est nourriture spirituelle de l’âme, antidote du péché, début de la gloire future et source de sainteté.

Dans l’Encyclique Mysterium fidei, Paul VI a réaffirmé que la Messe est toujours une action du Christ et de l’Église, également lorsque, exceptionnellement, elle est célébrée en privé, c’est-à-dire seulement par le prêtre. Le Christ n’est pas présent de façon spirituelle ou symbolique, mais réellement dans l’Eucharistie, qui est source de l’unité de l’Église, son corps [83]. Selon la foi professée par l’Église depuis le début, et à la différence des autres sacrements, l’Eucharistie est « la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a souffert pour nos péchés et que, dans sa grande bonté, le Père a ressuscité » [84]. Pour ce qui est de la transsubstantiation des espèces, après en avoir débattu dans l’Encyclique, dans la Profession de foi Paul VI insiste sur le lien causal avec la présence : le Christ se rend présent dans l’Eucharistie à travers une conversion de la totalité des substances des deux espèces [85].

L’enseignement de Paul VI apporte un approfondissement à l’argument de la transsubstantiation, du fait qu’il déclare qu’après cette mutation du substance, les deux espèces « acquièrent un sens et un objectif nouveaux puisqu’elles contiennent une réalité nouvelle que nous appelons justement ontologique » [86].

L’Eucharistie et l’incarnation du Verbe

23. Jésus est le Fils de Dieu, présent par son corps au milieu des hommes. Ce qui non seulement a été confirmé par lui-même, mais aussi témoigné de façon concorde par l’Esprit et par le Père, surtout lors du baptême et de la transfiguration. Le Seigneur est présent quotidiennement, « pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), tout au long des époques de l’histoire. Cette présence engendrée par le Père et en rapport constant avec lui est contemporaine à chaque homme et à chaque époque, grâce à l’Esprit. La plénitude divine du Verbe de la vie se trouvait dans l’humanité de Jésus de Nazareth. Après son Ascension (cf. Mc 16,19-20 ; Lc 24,50-53 ; Ac 1,9-14), elle réside dans le mystère de l’Eucharistie, sacrement suprême de la Présence de Dieu à l’homme. En effet, l’Ascension n’est pas la disparition du Christ dans un ciel hermétiquement fermé ; l’ouverture du ciel veut indiquer l’existence d’un moyen pour revenir : « C’est alors donc (...) que le Fils de l’homme fut connu plus excellemment et plus saintement comme Fils de Dieu : car s’étant retiré dans la gloire de la majesté paternelle, il commença d’une manière ineffable à être plus présent (præsentior) par sa divinité, bien qu’il fût plus loin par son humanité (...) Lorsque je serai monté vers mon Père, alors tu me toucheras plus parfaitement et plus réellement » [87]. Ainsi, à partir de l’Ascension Jésus-Christ n’est plus absent du monde : il y est présent, mais de manière nouvelle.

Le Christ avait dit : « Vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qu vient au nom du Seigneur » (Mt 23,39). Après que, ressuscité, il soit revenu parmi les Apôtres, ceux-ci ont repris en main le calice de la bénédiction ; à partir de cet instant, lorsque l’Église se réunit, elle acclame le Christ comme béni et, dans la liturgie, après le triple Saint, elle ajoute Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

24. La foi chrétienne ne consiste donc pas seulement à croire en l’existence de Dieu ou de la personne de Jésus dans l’histoire, mais bien dans le fait qu’en Lui, le Verbe de Dieu s’est incarné et continue d’habiter parmi nous. Au début de sa vie terrestre, dans un corps mortel aux propriétés liées à l’espace et au temps, puis dans un corps ressuscité, détaché de ces caractéristiques. En effet, le Ressuscité entre alors que les portes sont fermées, parcourt en un éclair des distances importantes afin de se faire reconnaître, entendre, voir et toucher par ses amis. À partir du moment de la Résurrection et de l’Ascension, sa présence devient une réalité nouvelle.

Cette méthode que Dieu emploie, à travers l’histoire et pour atteindre chaque homme, semble naître de la Première Épître de saint Jean : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie (...) nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous » (1 Jn 1,1-3). Et saint Ambroise de commenter : « (…nous) établissons par le mystère de l’Incarnation la vérité du mystère. Est-ce-que le cours ordinaire de la nature précéda la naissance du Seigneur Jésus de Marie ? (...) Eh bien, ce que nous produisons c’est le corps né de la Vierge (...) C’est la vraie chair du Christ qui a été crucifiée, qui a été ensevelie. C’est donc vraiment le sacrement de sa chair » [88].

C’est pour cette raison que la vérité et la réalité de l’Incarnation du Verbe sont le fondement du Corps eucharistique et du Corps ecclésial [89], de la doctrine eucharistique et de la théologie sacramentelle. Pour saint Hilaire, « en effet, ‘le Christ est vraiment devenu chair’ (cf. Jn 1,14) et (...) nous consommons vraiment le Verbe fait chair en l’aliment du Seigneur » [90]. Aussi, comme le rappelle le Pape Jean-Paul II, « tandis que l’Eucharistie renvoie à la passion et à la Résurrection, elle se situe simultanément en continuité de l’Incarnation. À l’annonciation, Marie a conçu le Fils de Dieu dans la vérité même physique du corps et du sang, anticipant en elle ce qui dans une certaine mesure se réalise sacramentellement en tout croyant qui reçoit, sous les espèces du pain et du vin, le Corps et le Sang du Seigneur » [91].

Lumières et ombres dans la compréhension du Don

25. Après le Concile Vatican II, le magistère du Saint-Père et des évêques est intervenu régulièrement pour encourager l’application de la réforme liturgique et pour en évaluer les résultats. Dans l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia, après avoir indiqué, plus particulièrement, parmi les lumières la participation des fidèles à la liturgie, le Pape Jean-Paul II indique aussi les ombres, et ce « avec une peine profonde » : en certains lieux, l’abandon presque complet du culte de l’Adoration Eucharistique et les abus « qui contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique concernant cet admirable Sacrement » [92]. Il faut distinguer la lumière de l’Eucharistie en tant que sacrement, des ombres qui, au contraire, sont l’œuvre des hommes. Par exemple, dans la catéchèse et dans la praxis eucharistique, on note les accents mis de façon unilatérale sur le caractère convivial de l’Eucharistie, sur le sacerdoce commun, sur l’annonce considérée efficace en soi, sur les rites eucharistiques œcuméniques contraires à la foi et à la discipline de l’Église.

Dans le respect des traditions rituelles, il est nécessaire de retrouver l’ensemble de l’unité du Mystère eucharistique qui comprend la Parole de Dieu proclamée, la communauté réunie autour du prêtre célébrant in persona Christi, l’action de grâce à Dieu le Père pour Ses dons, la transsubstantiation du pain et du vin dans le Corps et le Sang du Seigneur, sa présence sacramentelle en vertu des mots consolateurs de Jésus, l’offrande du sacrifice de la croix au Père, la communion au Corps et au Sang du Seigneur ressuscité. Selon les mots du Pape, « le Mystère eucharistique – sacrifice, présence, banquet – n’admet ni réduction ni manipulation ; il doit être vécu dans son intégrité (...) L’Église s’édifie solidement et ce qu’elle est vraiment est exprimé » [93].

26. Et l’Encyclique explicite davantage : « L’Église vit continuellement du sacrifice rédempteur, et elle y accède non seulement par un souvenir plein de foi, mais aussi par un contact actuel, car ce sacrifice se rend présent, se perpétuant sacramentellement, dans chaque communauté qui l’offre par les mains du ministre consacré » [94]. L’Eucharistie renferme toute l’énergie de l’Esprit qui se transmet à l’homme dans la communion et dans l’adoration du Seigneur présent réellement.

La vie de grâce se transmet par des signes sensibles pour chaque sacrement, mais avec davantage d’évidence dans l’Eucharistie. L’Église ne s’attribue pas la vie d’elle-même, elle ne se construit pas à elle seule ; elle vit à partir d’une réalité qui la précède, c’est-à-dire que « l’action conjointe et inséparable du Fils et de l’Esprit Saint, qui est à l’origine de l’Église, de sa constitution et de sa stabilité, est agissante dans l’Eucharistie » [95]. Aussi l’Église ne naît-elle pas à partir du bas, puisque la communio est une grâce, un don donné d’en-haut.

« L’Église a reçu l’Eucharistie du Christ son Seigneur non comme un don, pour précieux qu’il soit parmi bien d’autres, mais comme le don par excellence, car il est le don de lui-même, de sa personne dans sa sainte humanité, et de son œuvre de salut. Celle-ci ne reste pas enfermée dans le passé, puisque ‘tout ce que le Christ est, et tout ce qu’il a fait et souffert pour tous les hommes, participe de l’éternité divine et surplombe ainsi tous les temps’ » [96].

L’Eucharistie signum unitatis

27. « Réunissez-vous dans une foi unique en Jésus-Christ (...), déclare saint Ignace d’Antioche, en rompant un unique Pain, remède d’immortalité » [97]. Pour saint Jean Chrysostome, « c’est là l’unité de la foi : lorsque nous ne formons qu’un seul corps, et que nous reconnaissons tous de la même façon ce qui nous lie » [98]. L’unité de la foi reçue dans le baptême est la condition nécessaire pour être admis à l’unité de l’Eucharistie divine car c’est par elle que nous entrons en communion avec Celui que nous croyons substantiel au Père, selon la foi que nous avons en Lui. Comment, alors, serait-il possible de communier au Christ en union avec d’autres personnes qui croient en Lui d’une manière différente ? Nous deviendrions responsables du Corps et du Sang du Seigneur (cf. 1 Co 11,27). L’Église, qui est Mère, éprouve de la douleur et de l’amour pour chaque homme, qu’il soit non-croyant, catéchumène ou éloigné de la foi, mais elle n’a pas le pouvoir de donner la communion aux non-baptisés, ni aux hétérodoxes et aux immoraux [99].

Lorsque nous recevons l’unique Pain, nous entrons dans cette unique Vie et devenons de la sorte un unique Corps du Seigneur. Le fruit de l’Eucharistie, c’est l’union des chrétiens, au préalablement dispersés, dans l’unité de l’unique Pain et de l’unique Corps. Et pour cela, elle ne peut être reçue que dans l’unité avec l’Église tout entière, après avoir surmonté toutes les barrières religieuses ou morales [100].

28. C’est dans cette perspective que nous devrions traiter ce qui est appelé l’intercommunion, avec l’humilité et la patience nécessaires. Au lieu d’avoir recours à certaines expériences qui privent l’Eucharistie du mystère de sa grandeur, en la réduisant à un instrument entre nos mains, il est préférable, dans la prière commune et dans l’espérance, de se préparer à « respecter les exigences liées au fait qu’ [101] est le Sacrement de la communion dans la foi et dans la succession apostolique » [102].

Nous partageons avec les Églises orthodoxes une même foi eucharistique, du fait qu’elles ont aussi de vrais sacrements [103]. C’est pour cela que, dans certains cas, la communion eucharistique est possible [104]. Toutefois, il faut considérer avec attention le rapport entre l’hospitalité eucharistique et le prosélytisme. Des communautés ecclésiales de la Réforme elles aussi, surtout luthériennes, croient en la présence du Christ pendant la célébration ; mais en raison de l’absence du sacrement de l’ordre, elles n’ont pas conservé la substance authentique et intégrale du Mystère eucharistique [105]. On constate des rapprochements, mais pas encore un consensus total. Aussi, ce n’est que dans les cas de nécessité spirituelle qu’un membre non catholique dûment préparé, c’est-à-dire professant la même foi dans l’Eucharistie, peut communier ; alors qu’un catholique ne peut le faire qu’en présence d’un ministre validement ordonné [106].

Chapitre IV La liturgie de l’eucharistie

Le centre de la liturgie cosmique

29. L’Incarnation du Seigneur et son Ascension ont rendu possible la communication entre le ciel et la terre, communication devenue opaque dans la vision de l’échelle de Jacob (cf. Gn 28,12) et préalablement annoncée par le Christ lui-même (cf. Jn 1,51). Avec l’image de l’autel de l’Agneau au cœur de Jérusalem qui descend du ciel sur la terre, l’Apocalypse est l’archétype du culte chrétien ; il est adoration de Dieu par l’homme et communion de l’homme avec Dieu [107]. Dans l’invocation Supplices te rogamus, le Canon Romain mentionne « l’autel du ciel », car c’est de cet autel que descend la grâce de Celui qui est le Ressuscité et le Vivant, et que s’accomplit l’échange merveilleux qui sauve l’homme.

Le Christ est le catholicus Patris sacerdos [108], à travers l’humanité duquel l’Esprit Saint transmet la vie divine à la création et à l’homme, et la conduit à la perfection. La nature humaine du Christ est source de salut, il est le Grand Liturge et le Souverain Prêtre. Selon les Orientaux, la présence de la Trinité confère à la Synaxe eucharistique la qualité de réunion de la terre et du ciel : « la demeure de Dieu avec les hommes » (Ap 21,3). Pour saint Denys l’Aréopagite, Dieu « est appelé beauté (...) parce qu’il appelle (kaleí) à lui toutes choses (...) et les rassemble (synagheí) toutes » [109]. Les mots grecs sont synonymes de la convocation ecclésiale. La présence du Christ là où se réunissent les fidèles pour célébrer l’Eucharistie fait que la terre devient ciel : « Ce mystère transforme pour toi la terre en ciel (...) En effet, je te ferai voir sur la terre ce qui, dans le ciel, existe de plus vénérable (...) Je ne te montre ni les anges ni les archanges mais leur Seigneur lui-même » [110].

Il est donc possible d’en « ressentir fortement le caractère universel et pour ainsi dire cosmique. Oui, cosmique ! Car, même lorsqu’elle est célébrée sur un petit autel d’une église de campagne, l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l’autel du monde. Elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la création » [111].

Quand l’Eucharistie est-elle validement célébrée

30. Le sacrement est « un signe sensible de la réalité sacrée et la forme visible de la grâce invisible » [112]. Cette définition du Concile de Trente ne doit pas sembler désuète, car elle sert encore à rappeler les éléments composant essentiellement aussi le sacrement eucharistique : le ministre, les destinataires et le geste sensible.

Pour ce qui est des éléments, le geste de l’Eucharistie n’est possible qu’avec le pain, le vin et quelques gouttes d’eau, pour exprimer l’union du peuple saint au sacrifice du Christ [113], même si la présence de l’eau n’est pas indispensable pour que le geste soit valide [114]. Quant à la formulation, pour la foi catholique, seuls les mots de la consécration sont essentiels et nécessaires [115]. Le ministre est le prêtre ordonné validement [116]. Ne peuvent recevoir valablement l’Eucharistie que les baptisés, pour lesquels, selon la tradition latine, est requis l’usage de la raison afin qu’ils puissent, si possible, connaître les Mystères de la foi et s’en approcher dans une intention et avec une attitude justes. Est également requis l’état de grâce qui, après le péché mortel, peut être obtenu au moyen du sacrement de la confession [117].

Tout cela permet de comprendre que la liturgie n’est pas une propriété privée pouvant être soumise à la créativité individuelle dans les célébrations communautaires ou encore dans celles réunissant peu de fidèles ou en l’absence de ceux-ci [118]. La forme de la Messe concélébrée par plusieurs ministres, et dans laquelle l’unité du sacerdoce, du sacrifice et du peuple de Dieu se manifeste de la façon la plus large, est réglée dans le rite romain par des normes bien précises [119]. Dans les rites orientaux, pour exprimer l’unité au plus haut degré, il est déconseillé d’utiliser cette forme, « en particulier quand le nombre des concélébrants est disproportionné par rapport au nombre des fidèles laïcs présents » [120].

31. Le premier chapitre de l’Institutio Generalis Missalis Romani, qui traite « de l’importance et de la dignité de la Célébration Eucharistique » déclare qu’en tant qu’action du Christ et du peuple de Dieu organisé hiérarchiquement, celle-ci est le centre de toute la vie chrétienne pour toute l’Église aussi bien universelle que locale et pour chacun des fidèles. Certains « éléments et formes » principaux de la Sainte Messe [121], communs en grande partie à tous les rites d’Orient et d’Occident, mettent en évidence le symbolisme profond et la dimension pastorale de l’Eucharistie, qui ne permettent ni des interprétations partielles ou erronées de la prétendue créativité liturgique, ni la critique de ce qui est légitime.

L’acte pénitentiel

32. Propre au rite romain, il a pour but de disposer à écouter la Parole de Dieu et à célébrer dignement l’Eucharistie. Dans les rites byzantin, arménien, syro-antiochien, il existe des oraisons préparatoires pour le prêtre, ainsi que des gestes de purification (lavabo, encens) propres aussi aux rites maronite, chaldéen et copte. Les formules que propose le Missel Romain favorisent la reconnaissance de notre état de pécheur, le discernement pour la contrition du cœur, et elles aiguisent le désir d’être pardonnés par Dieu et par nos frères. On ne peut pas parler d’examen de conscience, qui requiert temps et approfondissement personnel et est une condition du sacrement de confession. L’acte de pénitence se termine en invoquant la miséricorde de Dieu [122].

La Parole de Dieu et le Symbole de la foi

33. Dans la première partie de la Messe, selon les rites orientaux, est vécu le mystère de l’Incarnation du Verbe, qui vient dans le monde pour apporter sa parole et pour nourrir l’homme. Conformément aux paroles de la Didaché, avec la Nourriture et la Boisson eucharistiques c’est la connaissance de Dieu qui nous est offerte et que nous recevons [123].

Le sujet de l’Évangile, c’est la Parole, le Verbe, l’annonce joyeuse (euaggélion) que Dieu est descendu sur terre pour nous donner la nourriture qui ne meurt pas. L’Eucharistie fait de nous les amis du Christ, qui est la Sagesse de Dieu. C’est l’« Évangile de l’espérance » [124] !

En réponse à cette annonce, après l’homélie, pour les Latins et les Arméniens, ou après l’apport des dons pour les Byzantins et les autres Orientaux, on proclame « le symbole, ou profession de foi » [125]. Celui-ci ne peut être ni interpolé, ni changé ; il est l’un des liens nécessaires permettant de s’approcher de l’Eucharistie, l’autel de la Parole et celui de l’Eucharistie [126] ne faisant qu’un, celui de l’unique Seigneur, et un « seul acte cultuel » est nécessaire [127].

La présentation des Dons

34. Dans le rite romain, la liturgie Eucharistique commence avec la préparation des dons. À ce moment là un rôle important est assumé par les fidèles laïcs qui portent le pain et le vin jusqu’au chœur, où le prêtre les reçoit pour les offrir à Dieu le Père. La possibilité de présenter d’autres dons, dont la finalité est l’aide des pauvres ou d’autres Églises, est également consentie. La présentation du pain et du vin, avec d’autres dons destinés à la charité, souligne le lien solide existant entre l’Eucharistie et le commandement de l’amour. Toutefois, alors que la liturgie prévoit que le pain et le vin soient placés directement sur l’autel, les autres dons, en revanche, doivent être déposés non pas sur l’autel mais dans un lieu approprié. Ceci pour exprimer la vénération due aux éléments qui se muteront par la suite en Corps et Sang du Seigneur [128].

Dans la liturgie byzantine, outre les nappes, sur l’autel est déposé un linge sacré en lin qui représente la déposition du Christ de la Croix ; les Dons y sont placés, devenant par la suite le Corps et le Sang du Seigneur, avec un geste représentant la passion immaculée du Seigneur et sa sépulture [129]. Après la « Grande Entrée », et pour être digne d’offrir les Dons pour lui-même et pour les péchés du peuple, le prêtre adresse une supplique au Père. Il doit être libre de tout péché (amartía) « non par nature, mais de par la dignité du prêtre » [130]. Puis les saints Dons sont encensés, en préfiguration de la descente de l’Esprit Saint sur eux [131] et de la prière d’adoration qui, du Christ, monte vers le Père. Aussi, la préparation et la présentation des Dons ne sont-elles pas un simple intervalle fonctionnel, mais bien une partie intégrante du Sacrifice, d’une haute valeur symbolique.

La Prière Eucharistique

35. Dans les rites orientaux, le prêtre ou le diacre introduit la Prière Eucharistique avec l’invitation : « Élevons nos cœurs ». Dans les Constitutions apostoliques, il est dit : « tournés vers le Seigneur, avec crainte et émotion, nous nous tenons debout pour présenter nos offrandes » [132]. Pour saint Jean Chrysostome, le dialogue est utile « afin que nous redressions nos pensées qui se traînent au ras du sol et que, chassant l’engourdissement procuré par les affaires de la vie quotidienne (...) songes à côté de qui tu te tiens, en compagnie de qui tu vas invoquer Dieu : en compagnie des chérubins ! (...) que personne ne prenne part à ces hymnes sacrées et mystiques avec une ferveur relâchée (...) mais que chacun, bannissant de son esprit toute idée terrestre et se transportant tout entier dans le ciel comme s’il s’y trouvait volant à côté du trône de gloire en compagnie des séraphins, adresse l’hymne très sainte au Dieu de gloire et de magnificence. Voilà pourquoi on nous exhorte à nous tenir bien à ce moment-là (...) ‘avec terreur et tremblement’ (Ph 2,12), avec une âme vigilante et attentive » [133].

C’est bien cette élévation qui est signifiée par le mot anáfora : l’action des croyants consistant à élever leurs cœurs [134]. Les Dons ne sont pas seulement apportés sur l’autel terrestre, ils sont élevés jusqu’à l’autel céleste, et cela doit se faire dans la paix, dans l’espace pacifique et imperturbable des cieux [135]. De plus, le sacrifice doit être offert dans un seul but : l’amour et la miséricorde. C’est ce pourquoi il est agréable à Dieu. C’est un sacrifice de louange du fait qu’il exalte l’amour du Seigneur [136].

36. Les fidèles s’unissent en répondant : « Cela est juste et bon ». Saint Jean Chrysostome observe : « L’action de grâce, l’Eucharistie, est un acte accompli en communauté ; ce n’est pas seulement le prêtre qui remercie, c’est l’ensemble du peuple. Le prêtre prend la parole le premier ; et tout de suite après, les fidèles expriment leur adhésion ; ‘cela est juste et bon’. Alors seulement, le prêtre commence l’action de grâce, l’Eucharistie » [137]. C’est ainsi que s’exprime la participation du peuple de Dieu, sa progression vers l’Église céleste, qui culmine dans le Sanctus, l’hymne de la victoire (epiníkio), la fusion de l’hymne des anges dans la vision d’Isaïe avec l’acclamation du peuple de Jérusalem au Seigneur qui entrait dans la Ville Sainte pour y vivre volontairement sa Passion.

À la fin de l’Anaphore, les fidèles répondent Amen à la doxologie trinitaire et, dans cette exclamation, ils font leur [138] tout ce que dit le prêtre.

L’institution de l’Eucharistie

37. La veille de sa passion, le Seigneur prit le pain, rendit grâce, le rompit (...) et parla à ses Apôtres. Le commandement qu’il leur adresse, « Vous ferez cela en mémoire de moi », à eux qui dans la Cène mystique représentent l’Église tout entière à commencer par leurs successeurs, se réfère à l’ensemble de l’acte eucharistique. Son sommet réside dans la conversion du pain et du vin dans le Corps et le Sang du Seigneur, et dans la foi en ses paroles.

Dès son origine, l’Église a accompli et continue d’accomplir les gestes du Seigneur, les décomposant pour les méditer l’un après l’autre, presque comme pour en enseigner à nouveau la signification : la présentation des Dons, la consécration, la fraction et la distribution de la Communion [139]. C’est pourquoi les mots « prenez et mangez-en tous » ne comprennent pas simultanément le geste de la fraction de l’hostie ; sinon, la communion devrait suivre immédiatement. Au contraire, à ce moment de grande élévation mystique, la liturgie indique au célébrant qu’il doit s’incliner et prononcer ces mots d’une voix claire, sans crier, pour favoriser la contemplation, comme le fait l’évêque au jour du Jeudi saint, alors qu’il souffle sur le chrême. Dans « sa façon de se tenir et de prononcer les mots divins », le célébrant « doit suggérer aux fidèles la présence vivante du Christ » [140]. En effet, c’est à cet instant que s’accomplit le Sacrifice sacramentel [141].

L’épiclèse sur les Dons consacrés

38. Dans les premiers siècles, pour sanctifier et transmuter le pain et le vin en Corps et Sang du Christ, une invocation accompagnée du geste des mains tendues (epíclesi) était adressée au Père avant la Consécration, afin qu’il envoie l’Esprit Saint. Le fondement de cette prière réside dans les paroles prononcées par le Seigneur après qu’il ait institué le mystère : « Lorsque viendra le Paraclet (...) il me rendra témoignage (...) Lui (...) vous rappellera tout ce que je vous ai dit (...) Lui me glorifiera » (Jn 15,26 ; 14,26 ; 16,14). C’est en raison des controverses sur la divinité de l’Esprit Saint qu’elle fut proposée entre le IVème et le Vème siècles, ainsi qu’en témoignent certaines traditions de la liturgie. La plupart des Anaphores la maintiennent à sa place originelle, tout comme le Canon Romain qui demande au Père d’envoyer son Esprit, « ou la puissance de sa bénédiction » [142].

Les Pères, qui ont soutenu l’importance de l’epíclesi pour l’Esprit, entendaient l’unir aux paroles de l’institution afin que puisse s’accomplir le signe sacramentel. En effet, les paroles du Seigneur sont esprit et vie (cf. Jn 6,63). Il agit en union avec l’Esprit Saint et reste le seul responsable de la consécration de l’Eucharistie et celui qui dispense l’Esprit. De toutes façons, le Concile de Trente a établi que l’épiclèse n’est pas indispensable à la valeur de l’Eucharistie [143].

Comme saint Ambroise le fait remarquer : « (...) que dire de la bénédiction donnée par Dieu lui-même et en laquelle agissent les mots mêmes prononcés par le Seigneur et Sauveur ? Car ce sacrement que tu reçois s’accomplit à travers les mots du Christ (...) Alors, la parole du Christ, qui a créé à partir du néant ce qui n’existait pas encore, ne peut-elle pas changer les choses qui existent en ce qui n’existait pas ? En effet, il n’est pas moins difficile de donner la vie aux choses que de les changer en d’autres choses (...) Le Seigneur Jésus lui-même proclame : ‘ceci est mon Corps’. Avant que ne soient bénis les mots du ciel, la parole indique un élément particulier. Après la consécration, elle désigne désormais le Corps et le Sang du Christ. Lui-même dit qu’il s’agit de son Sang. Avant la consécration, c’est un autre nom qui est employé. Après la consécration, c’est le Sang. Et tu réponds : ‘Amen’, c’est-à-dire ‘Ainsi soit-il’ » [144].

L’Église des saints dans l’Eucharistie

39. Dans la Liturgie Divine, il est fait mémoire de ceux en qui le Christ vit. Saint Denys l’Aréopagite déclare : « De façon inséparable, tous les saints sont présents, pour montrer comment, de manière indivisible, ils sont unis à lui en une union sacrée et hors du monde » [145]. Il ne peut donc pas y avoir d’opposition entre le culte rendu au Seigneur et celui rendu aux saints. Lorsque ceux-ci étaient en vie, ils s’efforçaient de tout faire pour glorifier Dieu ; maintenant, ils se réjouissent du fait, qu’à cause d’eux, gloire est rendue à Dieu [146]. Les Intercessions expriment l’offrande de l’Eucharistie en union avec toute l’Église, ici-bas et dans les cieux, pour tous ses membres vivants et morts [147]. En premier lieu, est invoquée la Mère de Dieu Marie toujours Vierge, car sa consécration au Seigneur est semblable au don que nous faisons de notre vie et qui se renouvelle constamment dans le sacrifice eucharistique. Nous offrons l’Eucharistie en mémoire des saints, afin de les honorer et de remercier Dieu qui nous les a donnés pour qu’ils intercèdent en notre faveur. Eux-mêmes, qui représentent une action de grâce rendue par les hommes pour les bénéfices divins reçus, intercèdent et interviennent dans nos Eucharisties.

Le Christ se communique également aux défunts, « d’une façon que lui seul connaît » [148], selon Cabasilas. Saint Jean Chrysostome fait noter que si leur état est celui de purification, ils reçoivent une grâce non moindre que celle des vivants, qui leur obtient la rémission de leurs péchés [149].

La préparation à la communion

40. L’Eucharistie est la présence vivante du Christ dans l’Église. L’humiliation subie par le Seigneur l’a conduit à se transformer en nourriture pour l’homme (cf. 1 Co 10,16 ; 11,13 suiv.). L’un des symboles traditionnels de ce mystère est celui du poisson : « sur la table, il offrit le poisson de source (...) sans tache, que la Vierge pure prend et tend chaque jour à ses amis pour qu’ils en mangent, accompagné d’un excellent vin, en même temps que de pain » comme le réfère la célèbre épigraphe de saint Abercius, évêque du IIème siècle, la plus ancienne présentant un contenu eucharistique. Un autre symbole du don de soi est le pélican : « Pie pellicane Jesu Domine » s’exclame saint Thomas d’Aquin, dans l’hymne Adoro te devote. Le mystère de l’incarnation du Verbe se poursuit dans le Corps eucharistique, le pain de l’homme. Jésus l’a annoncé dans son discours à Capharnaüm : « Je suis le pain descendu du ciel » (Jn 6,41). Sa Chair est nourriture véritable, son Sang boisson véritable (cf. Jn 6,55). La communion eucharistique alimente la communion ecclésiale, la communion des saints ; en effet, « parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps » (1 Co 10,17).

41. L’Eucharistie est le banquet pascal de l’Agneau immolé, le Christ Seigneur. La participation pleine des fidèles à la sainte Messe se réalise dans la sainte communion, reçue avec les dispositions intérieures et extérieures nécessaires [150]. Ainsi, tout comme l’abstention prolongée par excès de scrupules n’est pas admise, de même une fréquence aveugle ne doit pas être encouragée.

L’exclusion de la communion à cause de péchés graves est attestée dans les mots mêmes de l’institution : « sang versé (...) pour la rémission des péchés » (Mt 26,28) et par les antiques Anaphores [151]. Très vite, l’Église a eu besoin d’un itinéraire pour les catéchumènes et les pénitents ; ceux-ci pouvaient participer à la Messe en tant qu’akoinônetôi (privés de communion) ; pour les péchés graves, il fallait avoir recours à la pénitence canonique. Le fait que de nombreux Pères insistent sur la nécessité d’être dignes prouve que la demande de rémission des péchés – même dans l’épiclèse suivant la consécration – n’est pas une invitation à communier, adressée à ceux qui sont coupables d’avoir péché gravement, si ce n’est sans avoir fait pénitence au préalable. S’il est possible de participer à la Messe de façon valable, même sans communier, la communion faisant partie du déroulement du sacrifice sans être toutefois essentielle [152], il faut cependant souligner qu’il ne peut y avoir de pleine participation au Corps du Christ sans une juste disposition [153].

42. La préparation personnelle se perfectionne dans les rites de Communion :

- Le Notre Père : on y demande le pain quotidien, qui est aussi le Pain Eucharistique, tout en « implorant la purification de tout péché, de sorte que les Dons saints soient réellement remis aux saints » [154]. En demandant le pardon, nous demandons aussi de savoir pardonner, pour que le Royaume et la volonté de Dieu puissent s’accomplir en nous et que nous soyons rendus dignes de recevoir le Sacrement.

- Le rite de la paix : l’échange ou salut de la paix, c’est-à-dire du pardon, qui, dans les liturgies orientales et dans celle ambrosienne se déroule avant l’Anaphore, a lieu avant la communion dans le rite romain. Le Seigneur ressuscité est apparu au milieu des siens et leur a offert la paix en préparant, comme dit saint Jean Chrysostome, « la table de la paix » [155]. L’Eucharistie donne la paix et le salut des âmes qui est le Christ lui-même (cf. Ep 2,13-17) ; il a été immolé pour pacifier les réalités dans les cieux et ici-bas, et pour que tous les frères vivent en paix [156]. Aussi, l’Eucharistie est-elle le lien de la paix (cf. Ep 4,3) : « Tout comme la paix établit l’unité dans le grand nombre, de même l’agitation divise l’unité en multiplicité » [157]. En effet, « la paix (...) est l’Église du Christ » [158]. Lorsqu’il demande la paix, en réalité le chrétien demande la venue du Christ : « celui qui recherche la paix recherche le Christ, car Il est la paix » [159]. La liturgie est le mystère à travers lequel la paix du Christ est à nouveau donnée à toute la création.

Les Constitutions apostoliques décrivent le rite du geste de paix de la façon suivante : « Que les membres du clergé saluent l’évêque et, parmi les laïcs, que les hommes saluent les hommes, et les femmes les femmes » [160]. Le baiser qu’échangent les fidèles est un acte sacré, une expérience de l’unité qui rassemble les fidèles entre eux et avec le Verbe [161]. C’est pourquoi la paix est implorée avant tout dans une prière qui demande aussi l’unité pour l’Église, pour la famille humaine, et qui exprime l’amour réciproque dans un court dialogue entre le prêtre et les fidèles. Cependant, le rite n’oblige pas à accomplir le geste de paix, qui est échangé ou non suivant l’occasion [162]. Lorsqu’il est pratiqué, comme dans le style sobre de la liturgie romaine et le style riche de la liturgie byzantine, chaque fidèle l’échange avec les personnes les plus proches, en évitant de quitter sa place et de créer des distractions. Il serait donc opportun de discipliner ce rite pour le bon déroulement de la liturgie.

Paix : c’est le nom que les premiers chrétiens donnaient à l’Eucharistie, car elle signifie rassembler, surmonter les barrières, ramener les hommes à une unité nouvelle. Dans le rassemblement eucharistique, en se pardonnant les uns les autres avant de communier, les chrétiens créent des conditions de paix dans un monde qui en est dépourvu.

- La fraction du pain : ce rite signifie que, bien que nous soyons nombreux, dans la communion au pain rompu nous ne formons plus qu’un seul corps. Saint Jean Chrysostome dit : « ce que le Christ n’a pas souffert sur la croix, il le subit dans l’oblation à cause de toi, et il accepte d’être rompu pour pouvoir rassasier tous les hommes » [163]. Mais, bien qu’étant rompu, le Christ ne se partage pas. Après la fraction, chaque particule du Pain sacré est le Christ dans sa totalité [164]. Tous ceux qui communient reçoivent le Christ dans son intégrité, le Christ qui les remplit entièrement. Aucune communauté ne peut recevoir le Christ si ce n’est avec l’Église tout entière.

- L’union des espèces : un geste simple du rite romain, mais d’une grande signification, qui exalte l’œuvre de l’Esprit, depuis l’Incarnation jusqu’à la Résurrection du Seigneur. La liturgie byzantine l’explique comme la « plénitude d’Esprit Saint » ; puis, dans le rite particulier du zéon, l’eau chaude est versée et les mots suivants prononcés : « Ferveur d’Esprit Saint ». Maintenant, le Christ ressuscite !

- La préparation personnelle : elle est accomplie par le prêtre, avec de très belles prières récitées à voix basse, et durant quelques instants de silence annonçant le moment plus long qui suit la communion. Un exemple pour aider les fidèles à se préparer.

La sainte communion

43. Le prêtre élève l’Hostie consacrée comme le Corps du Christ fut élevé sur la croix [165], en récitant, dans la liturgie latine : « Heureux les invités au repas du Seigneur. Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde » et, dans la byzantine : « ce qui est saint aux saints ». En outre, « sachant bien que la communion des Saints Mystères n’est pas indifféremment permise à tous, [166] n’y invite pas tout le monde (...) il appelle à la communion ceux qui sont en état d’y participer dignement : ‘les choses saintes aux saints’ (...) le prêtre donne ici le nom de ‘saints’ non pas seulement aux âmes de vertu parfaite, mais aussi à tous ceux qui s’efforcent de tendre à cette perfection, mais ne l’ont pas encore atteinte. Ceux-là rien ne les empêche, en participant aux saints mystères, d’être sanctifiés » [167].

L’Eucharistie est le sacrement des réconciliés, que le Seigneur offre à ceux qui sont devenus une seule chose avec lui. C’est pour cela que, dès le début, le discernement précède l’Eucharistie (cf. 1 Co 11,27 suiv.) sous peine de sacrilège [168]. La Didaché reprend cette tradition apostolique et fait dire au prêtre, avant qu’il ne distribue le sacrement : « Que vienne celui qui est saint ; et que se repente celui qui ne l’est pas ! » [169]. Cette invitation se retrouve encore dans la liturgie byzantine. Dans la liturgie romaine, le prêtre adresse l’invitation à communier et avec les fidèles récite la phrase évangélique « Seigneur, je ne suis pas digne » pour exprimer le sentiment d’humilité [170] ; chaque personne qui communie y répond avec son Amen personnel.

44. De sources anciennes, on déduit que la communion ne se prend pas, mais qu’elle se reçoit, en tant que symbole de ce qu’elle signifie, c’est-à-dire du Don reçu dans une attitude d’adoration. Quand est prévue la communion sous les deux espèces, dans le rite latin, il faut que soit rappelée la doctrine catholique à ce propos [171]. Pour les rites orientaux, la tradition observée est celle selon les canons [172].

Avant de s’approcher de l’autel pour recevoir la communion, il est recommandé au fidèle d’être animé d’une vraie dévotion. Saint François d’Assise brûlait « d’amour dans toutes les fibres de son être envers le sacrement du Corps du Seigneur, rempli d’un émerveillement démesuré pour cette attention bienfaisante et cette charité généreuse (...) Sa dévotion était telle lorsqu’il communiait que les autres aussi devenaient dévots » [173]. Et Cabasilas invite à réfléchir sur le fait que « quand nous avons part à une chair et à un sang humains, c’est Dieu lui-même que nous recevons dans nos âmes, et le Corps de Dieu, le Sang et l’âme de Dieu, son l’esprit et son bon vouloir, autant que celui d’un homme » [174]. La réalité du Corps du Christ, c’est sa personne et sa vie, un mystère et une vie salvifique à embrasser – comme saint Thomas d’Aquin – avec la foi et la raison.

Enfin, la prière après la communion demande les fruits du Mystère qui vient d’être célébré et reçu, puisque c’est à l’accomplissement de cela que la sainte Messe est ordonnée [175].

Chapitre V La mystagogie eucharistique pour la nouvelle évangélisation

Les Pères

45. Le Seigneur a promis : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Ce n’est pas nous qui le rendons présent, c’est lui qui devient présent parmi nous et demeure avec nous chaque jour. Pour avoir accès au mystère de sa présence permanente, les fidèles sont instruits grâce à la catéchèse des catéchumènes, en rapport étroit avec la liturgie, et la mystagogie ou catéchèse post-baptismale pour les initiés [176].

L’organisation théologico-liturgique de l’initiation chrétienne est réalisée vers le début du Vème siècle, et ce à travers les homélies catéchétiques. En commençant par Origène et en finissant par le Pseudo-Denys, les Alexandrins proposaient une mystagogie allégorique : selon eux, tout comme les Écritures, la liturgie était un chemin d’élévation à partir de la lettre pour atteindre l’esprit, à partir des mystères visibles, des sacrements jusqu’au mystère invisible. De sorte que la liturgie suivait la narration biblique et proposait une eschatologie morale personnelle comme itinéraire terrestre vers Dieu. La mystagogie des Antiochiens, en particulier de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Jean Chrysostome et de Théodore de Mopsueste consistait par contre dans la description, à travers la liturgie, des événements historiques et mystériques du salut, vus comme typologiques. Selon eux, les sacrements reproduisent, en les imitant (mímesis) ou en les commémorant (anámnesis), des gestes salvifiques de la vie de Jésus et ils devancent la liturgie définitive, et même la transfèrent dans l’aujourd’hui, à cause de la présence du Seigneur ressuscité parmi ceux qui se réunissent pour le culte.

La négation contemporaine du Mystère

46. Tandis que dans certaines parties du monde le sens du mystère reste très fort, dans d’autres, au contraire, on remarque une mentalité diffuse qui ne nie pas le mystère de Dieu de façon formelle, mais la possibilité de le reconnaître grâce à la raison et d’y adhérer librement. Un néo-paganisme propose des messages qui incitent à fuir la réalité et à se réfugier dans des mythes, dans des idoles pouvant, seulement un instant, consoler l’existence. En même temps, on constate la manifestation d’une forte exigence de spiritualité [177]. En outre, les tendances gnostiques progressent et poussent à rechercher le sens de l’histoire auprès de quelques privilégiés seulement qui en auraient connaissance par une révélation présumée.

L’Église entend aider l’humanité à retrouver le mystère celé durant des siècles et manifesté en Jésus-Christ (cf. Eph 3,5-6). Puisque le mot « mystagogie » signifie conduire par une voie qui porte au mystère, on comprend pourquoi un itinéraire liturgique, sans une conversion personnelle, est insuffisant.

La mystagogie aujourd’hui

47. Le Seigneur avance avec son peuple, il accompagne toujours de sa présence la mission de l’Église, de cette présence qui nous transforme et nous fait pénétrer dans le temps définitif (éschaton). Au début de la mystagogie se trouve une rencontre de foi avec le Seigneur, à travers sa grâce. La tradition qu’ont les Églises orientales de donner la communion aux enfants en même temps que le baptême et la confirmation affirme que la grâce de l’Eucharistie précède toujours toute intervention des hommes. Comment pourrait-on faire de la mystagogie sans l’attrait qu’exerce Jésus ? L’Évangile rapporte des rencontres entre Jésus et des hommes et des femmes de conditions très différentes. À partir de la rencontre du Christ avec l’homme, a commencé un itinéraire de connaissance qui se développe en une expérience de foi : « Où demeures-tu ? (...) Et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1,38-39). Ainsi, il arriva que certains le suivirent. Voilà la mystagogie de Dieu à l’égard de l’homme : en commençant par prendre notre chair pour la conduire à la rédemption.

La mystagogie d’aujourd’hui devra éviter le symbolisme, qui résulte souvent indéchiffrable et abstrait, et porte à faire des commentaires prolixes ; au contraire, elle devra avoir foi en la force de l’Esprit, qui est transmis dans la sobriété des mots et des gestes sacramentels. La mission de l’Esprit Saint est de donner l’intelligence de ce que Jésus-Christ a révélé. C’est lui le Mystagogue invisible. Selon saint Basile le Grand, même si chaque personne de la Trinité accomplit des actes propres, le dessein d’ensemble demeure en elles trois [178].

Il est donc important de redécouvrir la mystagogie des Pères pour répondre au besoin visible d’images et de symboles qui caractérise l’homme d’aujourd’hui. La contribution même des théologiens médiévaux est utile pour répondre à l’exigence rationnelle de l’adhésion au mystère. Ce patrimoine est conservé dans les prières et dans les rites liturgiques ; la participation au Mystère Eucharistique dépend en grande partie de leur compréhension [179]. Mais la catéchèse également doit aider les prêtres et les fidèles à comprendre et à réaliser les différentes conditions de célébration de l’Eucharistie [180].

Présider l’Eucharistie

48. La méthode mystagogique consiste à lire dans les rites le mystère du Christ et à contempler la réalité invisible sous-jacente. C’est pourquoi, dans la liturgie, le mystagogue ne parle pas en son nom propre mais il reporte les mots de l’Église qui lui a confié tout ce qu’elle a reçu. Le célébrant et la communauté ne peuvent pas traiter la liturgie comme une « propriété privée » [181].

Saint Jean-Baptiste est le personnage le plus emblématique du ministre, celui qui se fait tout petit pour laisser le Seigneur grandir. C’est là la base du pouvoir sacré, l’exousía dans l’Esprit Saint, confié à l’Église par le Christ, sacerdoce que le Christ partage avec ses ministres. Saint Cyrille de Jérusalem rappelle qu’on trouve le mot ecclesía pour la première fois dans le passage où Aaron reçoit le ministère sacerdotal. Le sacerdoce et l’Église naissent au même instant et sont inséparables l’un de l’autre [182]. Le Canon Romain énonce : « Voici l’offrande que nous présentons devant toi, nous tes serviteurs et ta famille entière ; dans ta bienveillance, accepte-la ». En respectant la différence des fonctions propres du Corps, le prêtre assume pendant la Messe la fonction du Christ-Tête, tandis que tous les fidèles exercent la fonction des membres du Christ. Le prêtre agit in persona Christi, dans le sens où ce n’est plus lui qui agit, mais le Christ qui agit en lui (cf. Ga 2,20).

49. L’Eucharistie étend son efficacité à tous les actes du ministre, puisque la fonction sacerdotale n’inclut pas seulement la sanctification, mais aussi le gouvernement et l’enseignement. C’est là la vérité du ministère de l’évêque quand il célèbre l’Eucharistie. En outre, en lui, la plénitude de l’Église sacrement d’unité est « éclairée d’une lumière plus vive » [183]. La vérité même est à la base du ministère du prêtre « quand il célèbre (...) l’Eucharistie de façon digne et humble » [184], mais elle est aussi le modèle des fonctions diaconales des ministres, en particulier de l’acolyte, du ministre extraordinaire de la communion, de tous les fidèles, qui doivent s’offrir eux-mêmes dans la charité et un profond sens religieux envers leurs frères [185].

La dignité de la Célébration Eucharistique

50. La mystagogie suppose la dignité de la célébration. Même sobre comme elle est, la liturgie romaine veut que « (...) les demeures sacrées et les objets destinés au culte divin (soient) vraiment dignes et beaux, capables de signifier et de symboliser des réalités surnaturelles » [186]. En effet, le mystère est illuminé « également par le sens et l’expression extérieure de profond respect et d’adoration dont il est l’objet tout au long de la Liturgie Eucharistique » [187]. C’est pourquoi, parlant de la dignité de la Célébration Eucharistique, le Pape Jean-Paul II a rappelé à l’observance des règles liturgiques de l’Église, à ses expressions extérieures [188]. Le mot latin ordo, employé pour les rites liturgiques, naît de la norme apostolique paulienne (cf. 1 Co 14,40) selon laquelle, dans l’assemblée liturgique, tout doit être réglé par la dignité et l’ordre hiérarchique [189]. En tout premier lieu, selon l’esprit profond de la liturgie, « revêtir un vêtement particulier pour accomplir une action sacrée signifie sortir des dimensions habituelles de la vie quotidienne pour entrer dans la présence de Dieu durant la célébration des divins Mystères » [190]. À cette exigence répondent aussi les normes sur les ustensiles sacrés. C’est l’ensemble qui exprime le sens du mystère. Saint François d’Assise exigeait des frères que les calices, les ciboires et les lins fussent de matériaux précieux et traités avec le plus grand respect et la plus grande vénération [191].

La dignité du chant et de la musique sacrée

51. Le chant et la musique doivent être dignes du Mystère qui est célébré, ainsi qu’en attestent les psaumes, les hymnes et les chants spirituels des Écritures Saintes (cf. Col 3,16). Donc, depuis les tous premiers siècles, l’Église a considéré la musique sacrée comme faisant partie intégrante de la liturgie. Tout en accueillant diverses formes musicales, le Magistère de l’Église a constamment réaffirmé qu’il convenait que ces « diverses formes musicales soient en accord avec l’esprit de la liturgie » [192], de manière à éviter le risque que le culte du Mystère soit contaminé par des éléments profanes inappropriés.

La rencontre avec le Mystère à travers l’art

52. Dans l’Incarnation du Verbe, ce n’est pas seulement la rencontre de Dieu avec l’homme qui attend le salut qui se réalise ; l’image de Dieu aussi se rend visible aux hommes (cf. Jn 14,9). À son tour, avec le mystère pascal du Christ, l’homme se trouve impliqué dans un mouvement d’ascension vers Dieu, qui passe obligatoirement par la croix, et donc par la réalité humaine (cf. Col 1,15-20). La célébration de ces mystères trouve une analogie profonde avec « les plus nobles activités de l’intelligence humaine » parmi lesquelles on trouve de plein droit les arts libéraux et, surtout, l’art religieux. En effet, tout comme la liturgie, celui-ci conduit l’esprit à la contemplation, à travers l’expérience sensible ; aussi, est-il tout particulièrement apte « à tourner les âmes humaines vers Dieu » [193].

Dans la vie de l’Église, il ne pouvait donc pas ne pas y avoir des expressions de la foi à travers un riche patrimoine artistique. C’est pour cette raison que « l’architecture, la sculpture, la peinture, la musique, en se laissant orienter par le mystère chrétien, ont trouvé dans l’Eucharistie, directement ou indirectement, un motif de grande inspiration » [194]. Ainsi, de splendides monuments architecturaux ont été construits pour décorer les espaces sacrés destinés à la Célébration Eucharistique ; de merveilleuses œuvres d’art ont été exécutées pour l’attribution, en Occident, d’un caractère vénérable à l’autel et pour l’iconostase en Orient ; de précieux accessoires sacrés ont été créés pour assurer dignité au service liturgique.

L’orientation de la prière

53. Le concept cosmique du salut, qui vient « nous visiter d’en haut » (Lc 1,78), a inspiré la tradition apostolique de l’orientation des édifices chrétiens vers l’Orient ainsi que la position de l’autel, afin de célébrer l’Eucharistie en étant tournés vers le Seigneur, comme cela se passe encore maintenant chez les Orientaux. « Il ne s’agit pas, dans ce cas, comme on le répète souvent, de présider la célébration en tournant le dos au peuple, mais de conduire le peuple dans le pèlerinage vers le Royaume invoqué dans la prière jusqu’au retour du Seigneur » [195].

Dans le rite romain, l’installation différente de l’ambon et de l’autel entraîne le regard à se tourner spontanément ailleurs, de même que l’attention aux divers actes liturgiques qui y sont réalisés. Dans le culte eucharistique célébré en dehors de la Messe aussi, dès le moment où les fidèles entrent dans l’Église, ils dirigent leur regard vers l’ostensoir où est exposé le Très Saint Sacrement.

L’espace particulièrement sacré de l’église : le chœur ou sanctuaire

54. La tradition du Nouveau Testament, dans la ligne de la liturgie judaïque du Temple, a entendu séparer le sanctuaire, lieu sacré de Dieu (cf. Gn 28,17 ; Ez 3,5) où les ministres présentent les Mystères divins, du lieu où les fidèles prennent place, avec les catéchumènes et les pénitents. C’est un espace sacré pour le culte divin qui « doit être distingué » [196], dans les Églises d’Orient comme dans l’Église latine.

L’autel, table du Seigneur

55. L’image biblique et patristique du ciel, qui descend sur la terre, se manifeste dans l’Eucharistie célébrée sur l’autel.

Il n’est pas nécessaire que l’autel soit grand, mais qu’il ait une forme proportionnée à l’espace presbytéral. Le prêtre y monte pour officier les rites de l’offertoire, tandis que dans la concélébration les prêtres se placent tout autour de lui au moment de l’Anaphore [197]. La recommandation spécifique concernant la présence d’un autel fixe dans chaque église est l’expression de la vénération qui lui est due, comme signe de Jésus-Christ, la pierre vivante ( 1 P 2,4) [198]. Pour cette même raison, il sera orné et recouvert d’au moins une nappe décente [199].

56. L’autel est le symbole du Christ, du Calvaire et du Sépulcre dont le Seigneur est ressuscité dans la gloire [200] ; il est la table [201] sur laquelle l’Agneau de Dieu est préparé, tandis que la communion est distribuée aux fidèles à l’extérieur du sanctuaire. C’est pourquoi l’autel est vénéré et encensé en même temps que le livre des Évangiles qui y est posé [202]. Voici ce qu’en dit le Catéchisme : « L’autel, autour duquel l’Église est rassemblée dans la célébration de l’Eucharistie, représente les deux aspects d’un même mystère : l’autel du sacrifice et la table du Seigneur, et ceci d’autant plus que l’autel chrétien est le symbole du Christ lui-même, présent au milieu de l’assemblée de ses fidèles, à la fois comme la victime offerte pour notre réconciliation et comme aliment céleste qui se donne à nous. ‘Qu’est-ce en effet que l’autel du Christ sinon l’image du Corps du Christ ?’ dit saint Ambroise, et ailleurs : ‘L’autel représente le Corps (du Christ), et le Corps du Christ est sur l’autel’ » [203].

Le tabernacle, demeure de la Présence

57. L’adoration ne s’oppose pas à la communion, mais ne se place pas non plus sur la même ligne : la communion atteint la profondeur de l’homme lorsqu’elle est soutenue par l’adoration. Il n’y a pas de conflit de signes entre le tabernacle et l’autel de la Célébration Eucharistique. La présence eucharistique n’est pas un moment chronologique, limité à la seule Messe. Elle est le mystère qui se prolonge dans le temps jusqu’à la parousie du Seigneur dans la gloire.

Les Orientaux, chez qui l’Adoration Eucharistique n’existe pas, conservent cependant souvent sur l’autel l’artophore contenant les Saints Dons pour les malades et les absents et ils y posent aussi souvent le livre des Évangiles.

58. La proportion nécessaire entre l’autel, le tabernacle et le siège est due à la primauté du Seigneur sur son ministre. La centralité du tabernacle et de la croix ne doit pas être compromise par le siège du célébrant pour qui la liturgie recommande que « soit évitée toute apparence de trône » [204]. Si le tabernacle est placé sur l’autel central, il convient que le siège ne soit pas placé devant, le célébrant devant être et paraître humble.Dans le cas où, l’autel se trouvant au centre du chœur, le siège est placé derrière, il faut chercher des solutions significatives et fonctionnelles pour favoriser « la communication entre le prêtre et l’assemblée » [205].

En conclusion, il est bon de rappeler qu’en Occident comme en Orient, « la disposition des lieux, les images, les vêtements liturgiques, les objets sacrés ne sont pas laissés aux goûts de chacun, mais ils doivent correspondre aux exigences des célébrations et être cohérents entre eux » [206].

Chapitre VI L’eucharistie : un don à adorer

L’esprit de la liturgie est l’adoration

59. Saint Cyrille de Jérusalem exhorte : « Après avoir communié au Corps du Christ, approche-toi aussi du calice de son Sang. N’étends pas les mains mais incliné et dans un geste d’adoration et de vénération disant ‘Amen’ » [207]. On peut dire que de la communion sacramentelle émane l’adoration, un mot indiquant un geste d’inclination profonde du corps et de l’âme. Les principaux gestes d’adoration qui, entre autres, rassemblent catholiques et orthodoxes, sont l’inclination (proskỳnesis) et la génuflexion (gonyklisía). Tout comme la station debout signifie la Résurrection, la prosternation à terre est le signe d’adoration de Celui qui, après sa Résurrection, est devenu le Vivant. Dans le Nouveau Testament, et plus exactement dans la liturgie de l’Apocalypse, on retrouve plusieurs fois le mot proskỳnesis et cette liturgie céleste est présentée à l’Église comme modèle et critère à suivre dans la liturgie terrestre. Les gestes d’adoration que la liturgie demande d’observer correspondent à la reconnaissance de la majesté du Seigneur et de l’appartenance de l’homme à Dieu.

La génuflexion ou la station debout sont deux attitudes de la seule adoration, à tenir pendant la Prière Eucharistique et la communion. En outre, l’adoration dévote rappelle le Mystère présent et remet en mémoire que la Messe n’est pas seulement un banquet fraternel. Il est nécessaire de renforcer l’esprit de la liturgie chrétienne en tant que communion avec le Christ, adoration de Dieu et offrande de toutes choses à lui, de l’histoire, du cosmos et de soi-même.

Communion et adoration sont inséparables

60. Communier signifie entrer en communion avec le Seigneur et avec les saints de l’Église terrestre et céleste. Aussi la communion et la contemplation s’impliquent-elles mutuellement. Il est impossible de communier sacramentellement sans le faire de façon personnelle : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20). C’est aussi la vérité la plus profonde de la piété eucharistique.

Pour l’Église catholique, l’attitude d’adoration est réservée non seulement à la célébration de l’Eucharistie, mais aussi à son culte en dehors de la Messe, en tant que « valeur inestimable » destinée à la « communion sacramentelle et spirituelle » des fidèles [208]. Dans la liturgie byzantine, pendant les rites de communion on chante « Nous avons vu la vraie Lumière » car contempler l’Eucharistie n’est pas une présomption, alors que s’en nourrir sans discernement est un abus (cf. 1 Co 11,28). Dans l’Église latine, il faut conserver et renforcer ce qui a été transmis par la foi de deux millénaire [209].

L’adoration de l’Eucharistie commence dans la communion et se prolonge dans les actes de la piété eucharistique, en adorant Dieu le Père dans l’Esprit et dans la Vérité, dans le Christ ressuscité et vivant, présent réellement parmi nous.

Le sens du mystère et les attitudes qui l’expriment

61. Ce qui est sacré est le signe de l’Esprit Saint. Saint Basile le Grand déclare : « Tout ce qui a un caractère sacré, c’est de lui qu’il le tient » [210]. Bien qu’à l’époque de la désacralisation, on ait pensé que la limite entre le sacré et le profane avait été supprimée, Dieu ne se retire pas du monde pour l’abandonner à sa mondanité. Tant que le monde n’est pas transformé et que Dieu n’est pas encore « tout en tous » (1 Co 15,28), on garde aussi la distinction entre le sacré et le profane.

On peut saisir la note mystique de l’Eucharistie aussi dans les prières préparatoires du prêtre à la Messe et à la communion et dans celles d’action de grâce ; puis, dans le silence [211], dans les gestes de purification [212], dans les génuflexions et dans les inclinations [213]. De sorte que la participation se réalise surtout de manière intime [214]. Nous participons à un acte qui ne nous appartient pas, même s’il s’accomplit dans le cadre d’un discours humain, car Lui qui est la Parole s’est chair ensuite ; le vrai acte de la liturgie est l’action de Dieu lui-même. Voilà la nouveauté et la particularité de la liturgie chrétienne ; c’est Dieu lui-même qui agit et réalise l’essentiel. Sans la conscience de participer, les attitudes à assumer dans la liturgie restent uniquement extérieures.

L’Eucharistie sacramentum pietatis

62. La liturgie est la fête pour le Christ ressuscité. Pour un chrétien, tel est le sens de la fête, et en particulier du dimanche. Quant aux expressions de piété du peuple de Dieu, et plus particulièrement celles du Culte Eucharistique en-dehors de la Messe, elles ont avec la Liturgie Eucharistique un lien originel qui nécessite un discernement attentif.

Dans la liturgie, l’inculturation de la foi s’exerce de manière très spéciale. On peut dire qu’elle s’est réalisée pour la première fois dans l’Incarnation justement, lorsque la Parole a assumé la nature humaine et s’est exprimée avec les mots de l’homme, du temps, du lieu et de la culture particuliers dans lesquels Jésus a vécu. Le Concile Vatican II a mis en évidence comment, d’un tel événement, naît l’approche à suivre pour apporter l’Évangile, la liturgie et la doctrine chrétienne dans les cultures locales, afin d’arriver jusqu’aux destinataires de façon efficace, en particulier les gens pauvres et simples de cœur.

63. La liturgie se distingue de la piété populaire qui, dans l’unité de la foi, réunit entre eux de grands espaces et embrasse des cultures différentes. Elle peut être considérée comme une manifestation spontanée issue de la liturgie. En effet, le cadre liturgique a donné naissance aux formes d’adoration eucharistiques anciennes et nouvelles, telles que la bénédiction du Très Saint Sacrement, la procession eucharistique, l’Heure sainte, les Quarante heures, l’Adoration perpétuelle, les Congrès eucharistiques [215].

Liturgie et piété populaire sont toutes deux des expressions de la foi et de la vie du peuple chrétien. Tout en se souciant de l’inculturation du christianisme dans les cultures non chrétiennes, il faut prendre en compte et soigner les cultures et les traditions religieuses populaires qui ont éclos justement dans le christianisme. C’est l’Esprit Saint lui-même qui engendre la liturgie et, dans la foi, la piété populaire également.

64. Dans le culte rendu à l’Eucharistie en dehors de la Messe, on peut saisir les lignes d’une spiritualité eucharistique qui « tend à la communion sacramentelle et spirituelle (...) L’Eucharistie est un trésor inestimable : la célébrer, mais aussi rester en adoration devant elle en dehors de la Messe permet de puiser à la source même de la grâce » [216]. La contemplation et l’adoration aiguisent le désir d’union totale entre la créature et son Seigneur et créateur, tout en ouvrant largement la conscience de notre indignité. Aussi le Saint-Père rappelle-t-il également à tous ceux qui ne peuvent communier directement au sacrement, de pratiquer la « communion spirituelle », recommandée par les maîtres de vie spirituelle [217].

Ainsi, le Seigneur Jésus est une nourriture spirituelle vivante en dehors de la Sainte Messe aussi. Voilà le mystère profond du Dieu-avec-nous qui nous accompagne sur notre chemin.

Chapitre VII L’eucharistie : un don pour la mission

La sanctification et la divinisation de l’homme

65. La signification personnelle de l’Eucharistie est mise en évidence, peut-on dire, par saint Cyrille de Jérusalem, qui observe qu’avec le sacrement du Corps et du Sang du Christ l’homme devient « un seul corps (sỳssomos) et un seul sang (sỳnaimos) avec lui » [218]. Tandis que saint Jean Chrysostome entend le Christ lui dire : « Je suis venu à nouveau sur terre, non seulement pour me mêler parmi mes gens, mais aussi pour t’embrasser : je me laisse manger par toi et je me laisse briser en mille morceaux, afin que notre union et notre mélange soient véritablement parfaits. En effet, alors que les êtres qui s’unissent gardent chacun leur propre individualité, moi je ne fais plus qu’un avec toi. Du reste, je veux que rien ne s’interpose entre nous ; ce que je veux, c’est seulement ne faire qu’un avec toi » [219]. C’est pour cela que le corps du fidèle devient la demeure du Dieu trinitaire : « En lui demeure le Christ, avec le Père du Christ, et l’Esprit Saint » [220]. Durant la liturgie byzantine divine, on chante : « Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi, en adorant la Trinité indivisible : en effet, celle-ci nous a apporté le salut ».

De ce fait, la communion possède une efficacité ontologique, puisqu’elle est l’union à la vie du Christ, qui transforme la vie de l’homme. Par elle, s’établit une appartenance vitale, qui perfectionne et réalise l’adoption filiale du baptême.

66. Un ultérieur aspect de la grâce eucharistique sacramentelle consiste en ce qu’elle est un antidote qui libère [221] du péché et en préserve [222]. L’Eucharistie fortifie la vie surnaturelle du chrétien et l’empêche de perdre les vertus théologales. Elle est un sacrement des vivants, c’est-à-dire de tous ceux qui jouissent de l’union avec le Christ et avec l’Église. En effet, le péché mortel entraîne la séparation d’avec Dieu et d’avec l’Église, en empêchant ainsi d’accéder à l’Eucharistie. Alors, l’Eucharistie est l’antidote, le remède efficace pour guérir les blessures du péché, grâce à la miséricorde divine qui est signifiée et réalisée à travers elle : « Le Seigneur qui aime l’homme a vu immédiatement ce qui s’était produit ainsi que la profondeur de la blessure, et il s’est hâté de faire, avec soin, tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher qu’elle ne s’élargisse et ne devienne une blessure incurable (...) Pas le moindre instant, mû par sa bonté, il n’a cessé de se soucier de l’homme » [223].

Ainsi, l’Eucharistie est un don qui nous interpelle personnellement, et ce caractère personnel du sacrement doit être affirmé à nouveau dans la pastorale.

L’Eucharistie, vinculum charitatis

67. Le véritable effet premier de l’Eucharistie consiste en la vérité de la Chair et du Sang présents en elle. Comme on peut le lire dans une lettre du Pape Innocent III : « la forme est celle du pain et du vin, la vérité est de la chair et du sang, la puissance est celle de l’unité et de la charité » [224]. Saint Thomas d’Aquin confirme cette vertu en disant que l’effet immédiat est le Corps véritable du Christ [225], immolé et vivant, présent dans le sacrement. Cette présence substantielle est actuelle pour ceux qui y participent en un lieu et à un moment donnés. En eux, la présence réalise la transformation qui est le gage du banquet céleste. Le Concile Vatican II rappelle que « toute Assemblée Eucharistique relevant du ministère sacré de l’évêque est un signe de cette charité et de cette unité du Corps mystique, sans laquelle il ne peut y avoir de salut » [226].

L’unité avec le Christ, Tête du Corps mystique qu’est l’Église, est le principal fruit de l’Eucharistie dont la signification est exprimée de cette façon.

Appartenir au Christ et être incorporé à l’Église : tels sont les effets immédiats et spécifiques du baptême (cf. Rm 6,1-11) qui sont toutefois perfectionnés dans l’Eucharistie. Et même, c’est justement parce qu’il fait partie du Corps du Christ à travers le baptême que le fidèle peut participer à l’Eucharistie. L’Eucharistie présuppose donc la présence de la communion ecclésiale reçue dans la baptême [227]. En elle, s’exerce le sacerdoce baptismal et grandit le rapport vital avec le Christ (cf. Jn 6,55-57). En outre, s’y trouve liée inséparablement l’unité des fidèles, qui témoignent de la charité mutuelle en tant que membres d’un même Corps, unité nécessaire pour que le monde croie (cf. Jn 10,9-17 ; 15,1-11 ; 17,20-23). Dans l’Eucharistie, le Christ nous pousse à la charité dans l’Église, et hors de l’Église.

Le remède du corps et de l’esprit

68. Surtout dans les moments de maladie ou de mort, l’Eucharistie prend le nom de viatique pour la vie éternelle. Par elle, c’est le gage de la gloire future qui est donné, celui de la vision de Dieu tel qu’il est. Le Concile de Trente se rattache ainsi à la tradition patristique, qui appelait l’Eucharistie remède de l’immortalité de l’homme, et invitait les fidèles à s’en nourrir jusqu’à ce que le Seigneur revienne dans la gloire, lorsque, comme il l’a promis (cf. Jn 6,54), l’ultime effet de l’Eucharistie s’accomplira : la résurrection de la chair [228].

L’Eucharistie est le banquet pour vivre éternellement [229] et, par elle, « on assimile, pour ainsi dire, le secret de la résurrection » [230] pour avoir la vie éternelle. Celle-ci ne consiste pas en un long temps qui dure, ou même qui n’a pas de fin : elle est un autre niveau de l’existence. Saint Jean distingue le bios en tant que vie transitoire d’ici-bas, de la zoé, vie véritable qui pénètre en nous lorsque nous rencontrons le Seigneur. Voilà ce que signifie sa promesse : « Celui qui écoute ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle (...) il est passé de la mort à la vie » (Jn 5,24) « Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11,25). En vertu de cette signification eschatologique de l’Eucharistie, nous attendons la résurrection définitive, lorsque Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15,28).

69. Le christianisme ne promet pas seulement l’immortalité de l’âme : il promet aussi la résurrection de la chair, c’est-à-dire de l’être humain dans son intégrité. La grâce transformante de l’Eucharistie touche la totalité du domaine anthropologique, étend son influence aux aspects existentiels de chaque homme, comme la liberté, le sens de la vie, de la souffrance, de la mort. Si elle ne donnait pas de réponse à ces questions fondamentales de l’homme, il serait très difficile de s’en remettre à ce sacrement comme instrument de salut et de transformation de l’homme dans le Christ.

La signification sociale de l’Eucharistie

70. En se nourrissant de l’Eucharistie, les chrétiens nourrissent leur âme et se transforment en une âme qui soutient le monde [231], donnant ainsi à la vie le sens chrétien [232], qui est le sens du sacrement. Et c’est le sacrement qui engendre la charité et la solidarité, car le sacrement de l’autel ne peut être séparé du commandement nouveau de l’amour réciproque.

L’Eucharistie est la force qui nous transforme [233] et nous raffermit dans les vertus. « L’Eucharistie (...) donne une impulsion à notre marche dans l’histoire, faisant naître un germe de vive espérance dans le dévouement quotidien de chacun à ses propres tâches » [234] dans la famille, le travail, l’engagement politique. La mission de chaque fidèle dans l’Église reçoit force et confiance de cette caractéristique sociale de l’Eucharistie.

71. Déjà au début du IIème siècle, saint Ignace d’Antioche définissait les chrétiens comme ceux qui « vivent conformément au dimanche » [235], dans la foi en la Résurrection du Seigneur et dans sa présence dans la Célébration Eucharistique [236]. Saint Justin, par contre, met en évidence l’urgence éthique à la fin de l’Eucharistie du dimanche : « Que ceux qui vivent dans l’abondance et qui veulent donner, donnent largement ce qu’ils veulent, et que tout ce qui est collecté soit remis à celui qui préside ; et que celui-ci assiste les veuves et les orphelins, tous ceux qui sont négligés parce qu’ils sont malades ou pour d’autres raisons, ceux qui sont prisonniers, ceux qui sont étrangers : bref, il doit être celui qui donne à tous ceux qui sont dans le besoin » [237].

L’Eucharistie fonde et perfectionne la missio ad gentes [238]. L’Eucharistie engendre le devoir, pour chaque chrétien, de coopérer à la dilation du Corps ecclésial [239]. En effet, l’activité missionnaire « par la parole de la prédication et par la célébration des sacrements, dont la Sainte Eucharistie est le centre et le sommet (...) rend présent le Christ auteur du salut » [240]. Le mandat missionnaire, qui a souvent impliqué -et ce jusqu’à aujourd’hui- le martyre enduré précisément pendant la célébration de l’Eucharistie par des pasteurs et par des fidèles, tend à faire arriver à la multitude des hommes le salut donné dans le sacrement du Pain et du Vin.

Ainsi, la sainte communion porte-t-elle tous ses fruits : elle intensifie notre union au Christ, elle nous éloigne du péché, elle renforce la communion ecclésiale, elle nous implique à l’égard des pauvres, elle accroît la grâce et donne la garantie de la vie éternelle [241].

CONCLUSION

72. Le Seigneur Jésus a institué l’Eucharistie en tant que sacrement de communion et de révélation du Père. La première à adhérer à cette méthode a été la Vierge : « En un sens, Marie a exercé sa foi eucharistique avant même l’institution de l’Eucharistie, par le fait même qu’elle a offert son sein virginal pour l’incarnation du Verbe de Dieu (...) Il existe donc une analogie profonde entre le fiat par lequel Marie répond aux paroles de l’Ange et l’amen que chaque fidèle prononce quand il reçoit le Corps du Seigneur. À Marie, il fut demandé de croire que celui qu’elle concevait ‘par l’action de l’Esprit Saint’ était le ‘Fils de Dieu’ (cf. Lc 1,30-35). Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous est demandé de croire que, dans le Mystère Eucharistique, ce même Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la totalité de son être humain et divin, sous les espèces du Pain et du Vin » [242].

Depuis la première Pâques au cours de laquelle, avec ses Disciples, le Seigneur a réalisé l’exode nouveau et définitif de l’esclavage du péché, ce n’est plus le sang d’un agneau qui est placé sur l’autel, mais le Pain et le Vin qui sont distribués à tous les participants, Corps et Sang du véritable Agneau de Dieu. Ainsi se réalise la Nouvelle Alliance.

Comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique en reprenant saint Irénée : « (...) l’Eucharistie est le résumé et la somme de notre foi : ‘Notre manière de penser s’accorde avec l’Eucharistie, et l’Eucharistie en retour confirme notre manière de penser’ » [243].

73. Dans le sacrement de la présence réelle, la foi puise force et impulsion pour que la lex orandi reste vraiment liée à la lex credendi et se traduise en lex agendi de la vie et de la mission de l’Église. C’est pourquoi l’Eucharistie possède un dynamisme personnel : elle est un don à célébrer, don qui plonge dans une connaissance plus profonde du Mystère du salut, qui conduit à la communion, porte à l’adoration et, pour finir, interpelle la vie à travers la mission et le ministère pastoral, en imprimant une impulsion à la charité dans l’Église et hors de l’Église.

De par sa nature, l’Église reste inséparablement liée aux expressions d’unité, sainteté, apostolicité et catholicité de l’Église [244] professées dans le Credo. De cette manière, la vie et la mission des communautés chrétiennes dans le monde gardent le caractère propre à l’Église lorsqu’elles conservent et promeuvent toute la richesse de ces dons. Le thème du Synode indique que l’Église vit de l’Eucharistie, au sens où elle en reçoit, comme d’une source, la vie divine qui vient d’en-haut et où, dans sa mission, elle tend vers elle comme vers le sommet de son Mystère de communion : « Ainsi, l’Eucharistie apparaît en même temps comme la source et le sommet de toute l’évangélisation, puisque son but est la communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et l’Esprit Saint » [245].

QUESTIONNAIRE

1. L’Eucharistie dans la vie de l’Église. Dans la vie de vos communautés et dans celle des fidèles, quelle importance est donnée à la célébration de l’Eucharistie ? Quelle est la fréquence de participation à la Sainte Messe du dimanche ? Et les jours de semaine ? À l’occasion des grandes fêtes de l’année liturgique ? Existent-ils des statistiques – même approximatives – dans ce domaine ?

2. La doctrine eucharistique et la formation. Quels efforts sont accomplis pour transmettre la doctrine intégrale et totale sur l’Eucharistie à vos communautés et à chacun de vos fidèles ? En particulier, comment sont mis en pratique les numéros 1322-1419 du Catéchisme de l’Église Catholique et l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia, plus spécialement par les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les laïcs engagés dans la pastorale ? Comment est assurée la formation de la foi dans l’Eucharistie : dans la catéchèse d’initiation ? Dans les homélies ? Dans les programmes de formation permanente des prêtres, des diacres permanents, des séminaristes, des personnes consacrées, des laïcs ?

3. Perception du Mystère Eucharistique. Parmi les prêtres et les fidèles de vos communautés, quelle est l’idée prédominante à propos de l’Eucharistie : un sacrifice ? La mémoire du mystère pascal ? Un précepte du dimanche ? Un banquet fraternel ? Un acte d’adoration ? Autre chose ? Une de ces dimensions prévaut-elle dans la pratique ? Et quelles raisons pense-t-on être à l’origine de cette préférence ?

4. Les ombres dans la célébration de l’Eucharistie. Au numéro 10 de l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia, le Saint-Père mentionne les « ombres » existant dans la Célébration Eucharistique. Quels aspects négatifs (abus, équivoques) peut-on constater dans le culte de l’Eucharistie ? Quels éléments ou gestes de la pratique peuvent obscurcir le sens le plus profond du Mystère Eucharistique ? Quelles sont les raisons susceptibles d’engendrer une telle situation qui désoriente les fidèles ?

5. La Célébration Eucharistique et les normes liturgiques. Dans la façon de célébrer des prêtres, on constate certaines attitudes qui, explicitement ou implicitement, sont en contradiction avec les normes liturgiques fixées par l’Église catholique (cf. Institution Générale du Missel Romain, chap. IV ; Instruction pour l’application des Prescriptions liturgiques du Code des Canons des Églises orientales), par recherche de personnalisme ou désir d’occuper la première place ? Quelles peuvent être les motivations à l’origine de tels comportements ? Quels sont les éléments ou les gestes accomplis pendant la célébration de la Sainte Messe et également lors du Culte Eucharistique en dehors de la Messe qui, selon les normes et dispositions en vigueur, devraient faire plus particulièrement l’objet d’attentions afin de souligner le sens plus profond du grand Mystère de la foi celé dans le don de l’Eucharistie ?

6. Les sacrements de l’Eucharistie et de la Réconciliation. La conversion est la première condition pour participer pleinement à la Communion Eucharistique. Comment les fidèles perçoivent-ils le rapport entre le sacrement de la réconciliation et l’Eucharistie ? La célébration de la Sainte Messe entend aussi fêter le salut du péché et de la mort. Quelle réponse est donnée à ce retour des pécheurs, en particulier le Jour du Seigneur, pour que les fidèles puissent recevoir à temps le sacrement de réconciliation pour participer à l’Eucharistie ? Dans la vie des communautés chrétiennes, constate-t-on un afflux sans discernement des fidèles à la Communion, ou bien une abstention injustifiée de ce sacrement ? Que peut-on faire pour aider les fidèles à se rendre compte s’ils se trouvent dans les dispositions appropriées pour s’approcher de ce grand Sacrement ?

7. Le sens du sacré dans l’Eucharistie. L’Eucharistie est le mystère de la présence réelle de Dieu parmi nous mais elle est en même temps un Mystère ineffable. Comment devrait s’exprimer le sens du sacré pour ce qui est de l’Eucharistie ? Comment les prêtres et les fidèles le manifestent-ils au cours de la célébration de la Sainte Messe chaque jour, lors des grandes fêtes et des temps liturgiques tout au long de l’année ? Existe-t-il des attitudes ou des pratiques culturelles qui obscurcissent ce sens du sacré ?

8. La Sainte Messe et la célébration de la Parole. Pour ce qui est des célébrations de la Liturgie de la Parole qui sont souvent conduites par un laïc ou un ministre extraordinaire dans les paroisses en attente d’un prêtre et qui comportent aussi la distribution de l’Eucharistie : quelle est l’ampleur de ce phénomène dans vos paroisses ? Quelle formation spécifique les responsables reçoivent-ils ? Les fidèles parviennent-ils à comprendre la différence existant entre la Sainte Messe et ces célébrations ? Connaissent-ils de façon adéquate la distinction entre le ministère ordonné et le ministère non ordonné ?

9. L’Eucharistie et les autres sacrements : Dans quelle mesure et selon quels critères les autres sacrements sont-ils célébrés pendant la Sainte Messe ? À l’occasion de la célébration de sacrements et de sacramentaux au cours de la Sainte Messe (mariages, obsèques, baptêmes, etc.) auxquels participent des non-pratiquants, des non-catholiques ou des non-croyants, quelles mesures sont prises pour éviter toute superficialité ou négligence envers l’Eucharistie ?

10. La présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Les fidèles de vos paroisses ont-ils gardé la foi dans la présence réelle du Seigneur dans le sacrement de l’Eucharistie ? Perçoivent-ils clairement le don de la Présence réelle du Seigneur ? Pendant la liturgie de la Sainte Messe ou au cours du Culte Eucharistique se y-a-t-il des facteurs qui risquent de diminuer la considération pour la présence réelle ? Si de tels éléments se vérifient, quelles pourraient en être les raisons ?

11. La dévotion eucharistique. Le culte du Très Saint Sacrement occupe-t-il la place qui lui est due dans la paroisse et dans les communautés ? Quelle importance les pasteurs accordent-ils à l’Adoration du Très Saint Sacrement ? À l’Adoration perpétuelle ? À la bénédiction du Très Saint Sacrement ? À la prière personnelle au pied du Tabernacle ? À la procession de la Fête-Dieu ? À la dévotion Eucharistique dans les missions populaires ?

12. La Sainte Messe et la vie liturgique et dévotionnelle. Les fidèles parviennent-ils à saisir la différence entre la Sainte Messe et d’autres pratiques dévotionnelles comme la Liturgie des Heures, la célébration des sacrements et des sacramentaux en dehors de la Messe, la Liturgie de la Parole, les processions, etc. ? Comment se manifeste la différence substantielle entre la Célébration Eucharistique et les autres célébrations liturgiques et paraliturgiques ?

13. Le dignité dans la célébration de l’Eucharistie. Dans vos églises, existe-t-il une attention particulière pour la dignité des Célébrations Eucharistiques ? Dans quel contexte artistique et architectural se déroulent les Liturgies Eucharistiques tant lors des solennités que lors des jours ordinaires ? De cette mise en place de la célébration résulte-t-il clairement que le Banquet Eucharistique est véritablement un Banquet « sacré » (Ecclesia de Eucharistia, 48) ? Avec quelle fréquence et pour quelles raisons pastorales l’Eucharistie est-elle célébrée en dehors des lieux de culte ?

14. L’Eucharistie et l’inculturation. Dans quelle mesure faut-il faire place à l’inculturation lors de la célébration du sacrement de l’Eucharistie, de sorte qu’elle puisse échapper à une créativité mal comprise à la recherche de modes fantaisistes et étranges ? Dans la pratique quels critères sont suivis lors d’une telle inculturation ? Dans l’Église occidentale, les normes proposées par l’Instruction De Liturgia Romana et Inculturatione sont-elles tenues dûment en considération ? Comment le thème de l’inculturation de l’Eucharistie est-il vécu dans les Églises orientales ?

15. La dimension eschatologique de l’Eucharistie. Dans la catéchèse, dans la formation permanente, dans l’homilétique et dans la célébration liturgique, est-il donné suffisamment d’importance à la dimension eschatologique de l’Eucharistie ? De quelle façon s’exprime la tension eschatologique suscitée par l’Eucharistie dans la vie pastorale ? Comment, dans la célébration de la Sainte Messe, se manifeste « la communion des saints » qui est une anticipation de la réalité eschatologique ?

16. Eucharistie, œcuménisme, dialogue inter-religieux et sectes. Face aux concepts qu’ont de l’Eucharistie nos frères séparés d’Occident, aux défis des autres religions et des sectes, comment le Mystère du Très Saint Sacrement est-il préservé et présenté dans son intégrité, afin que les fidèles ne soient pas induits à des confusions et des équivoques, en particulier à l’occasion des rencontres œcuméniques et inter-religieuses ?

17. Eucharistie et « inter-communion » ecclésiale. « La célébration de l’Eucharistie ne peut pas être le point de départ de la communion » (Ecclesia de Eucharistia, 35). Comment sont appliquées les normes de ce qui est appelé « l’inter-communion » (cf. CJC 844) ? Les fidèles connaissent-ils la norme régissant l’accès d’un catholique à l’Eucharistie auprès de communautés qui n’ont pas le sacrement de l’Ordre (cf. Ecclesia de Eucharistia, 46) ?

18. Eucharistie et vie morale. L’Eucharistie fait grandir la vie morale du chrétien. Que pensent les fidèles laïcs à propos de la nécessité de la grâce sacramentelle pour vivre selon l’Esprit et devenir saints ? Que pensent les fidèles du rapport existant entre la réception du sacrement de l’Eucharistie et les autres aspects de la vie chrétienne : sanctification personnelle, engagement moral, charité fraternelle, édification de la société terrestre, etc.

19. Eucharistie et mission. L’Eucharistie est aussi un don pour la mission. Les fidèles ont-ils conscience que le Sacrement de l’Eucharistie conduit à la mission qu’ils doivent eux aussi accomplir dans le monde selon leur propre état de vie ?

20. Et toujours à propos de l’Eucharistie. De quels autres aspects qui n’ont pas été pris en considération dans les questions précédentes faudrait-il tenir compte à propos du Sacrement de l’Eucharistie, en vue de la préparation de l’Instrumentum laboris pour le débat synodal ?

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[1] S. Leonis Magni, Sermo 2 de Ascensione, 61 (74), 2 : SCh 74bis, 278.

[2] Origenis, In epistulam ad Romanos, 4, 2 : PG 14, 968B.

[3] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 14 e 48 ; II Cœtus Extraordinarii Generalis Synodi Episcoporum (1985), Relationem finalem, II.B.b.1.

[4] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 13 ; Conc. Œcum. Tridentin., sess. XXII, cap. 6.

[5] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 10.

[6] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 60 : AAS 95 (2003), 473.

[7] Cf. ibidem, 35 : AAS 95 (2003), 457.

[8] Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 47.

[9] Ibidem.

[10] Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1322-1419.

[11] Codex Iuris Canonici, c. 897-958.

[12] Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, c. 698-717.

[13] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 9 : AAS 95 (2003), 438-439.

[14] De Mysteriis, 47 ; SCh 25bis, 182.

[15] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Redemptor hominis (4.III.1979), IV, 20 : AAS 71 (1979), 309-316.

[16] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1356-1381.

[17] In S.Matthæum, 82, 5 : PG 58, 744.

[18] N. Cabasilæ, Expositio divinæ liturgiæ, 32, 10 : SCh 4bis, 204.

[19] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 2 ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 3, 28 ; Decr. de Presbyterorum ministerio et vita Presbyterorum ordinis, 2,4,5.

[20] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 12 : AAS 95 (2003), 441.

[21] Cette très belle expression significative des Orientaux indique le « dernier Repas », ou « Cène du Seigneur » ; l’adjectif « dernier » doit aussi être compris comme se référant au désir du Christ de manger une dernière fois la Pâque selon le rite juif avant de mourir, pour lui attribuer ensuite le sens de « nouveau et éternel » et d’alliance mystique. C’est dans ce sens qu’il peut être retenu comme la « clef herméneutique » de l’Eucharistie, non détachée du Mystère Pascal qui, outre la mort et la Résurrection, comprend aussi l’Incarnation.

[22] Cf. S. Ioannis Chrysostomi, In S. Matthæum, 82, 1 : PG 58, 737-738.

[23] Cf. N. Cabasilæ, De vita in Christo, I, 1 : SCh 355, 74.

[24] S. Ioannis Chrysostomi, In epistula I ad Corinthios, 24, 5 : PG 61, 205.

[25] S. Gregorii Nisseni, Homilia in Ecclesiastem, III : PG 44, 469.

[26] S. Maximi Confessoris, Mystagogia, 1 : PG 91,664.

[27] Homilia in Oziam, 6, 4 : PG 56, 140.

[28] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 15 : AAS 95 (2003), 442-443.

[29] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 7, 47 ; Decr. de Presbyterorum ministerio et vita Presbyterorum ordinis, 5,18 ; Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 3.

[30] Cf., e.g., S. Cyrilli Ierosolomitani, Catechesin mystagogicam, IV, 2, 1-3 ; IV, 7,5-6 ; V, 22, 5 : SCh 126bis, 136. 154. 172.

[31] Pauli VI, Litt. encycl. Mysterium fidei (3.IX.1965), 26 : AAS 57 (1965), 766.

[32] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1328-1332.

[33] Cf. VIII : SCh 11, 79.

[34] Cf. Ad Ephesios, 13, 1 ; Ad Philadelphienses, 4 ; Ad Smyrnenses, 7, 1 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, p. 186 ; 220 ; 230.

[35] Cf. Didachen 9-10. 14 : J.P. Audet ed., Parisiis 1958, 235-236 ; 240.

[36] Cf. I Apologiam 67, 1-6 ; 66, 1-4 : Corpus Apologetarum Christianorum Secundi Sæculi, vol. I, pars 1, Wiesbaden 1969, p. 180-182 ; 184-188.

[37] Cf. Adversus Hæreses, 4. 17, 5 ; 18, 5 : SCh 100, 592. 610.

[38] Cf. Epistulam 63, 13 : PL 4, 383-384.

[39] Cf. Catechesin magnam 37 : SCh 453, 315-325.

[40] Cf. Catechesin mystagogicam, 4, 3 : SCh 126bis, 136.

[41] De Sacerdotio, III, 4 : SCh 272, 142-144.

[42] Cf. Homilias Catecheticas 15 et 16 : R. Tonneau-R.Devresse, ed., ST 145, in Civitate Vaticana 1949, 461-605.

[43] Cf. De Sacramentis, 4-5 ; De Mysteriis, 8-9 : SCh 25bis, 102-137 ; 178-193.

[44] Cf. e.g. Sermonem 132 : PL 38, 743-737.

[45] Cf. Sermonem 227, 1 : PL 38, 1099-1101.

[46] Cf. De Civitate Dei, X, 5-6 : PL 41, 281-284.

[47] Cf. Summam Theologiæ, III, 73, a.1.

[48] Cf. ibidem, 74, a.1 ; 79, a.1.

[49] Ibidem, 73,a.4.

[50] Cf. Breviloquium, VI, 9 : Opera omnia, Opuscoli Teologici / 2, Romæ 1966, 276.

[51] Sermo 229,A (Guelferbytanus 7), Tractatus de Dominica Sanctae Paschae, 1 ; PLS 2, 555 ; E.D.G. Morin, Miscellanea Agostiniana, I, Romae 1930, 462.

[52] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 23 : AAS 95 (2003), 448-449.

[53] Cf. ibidem 59 : AAS 95 (2003), 472-473.

[54] Ibidem, 40 : AAS 95 (2003), 460.

[55] Cf. ibidem : AAS 95 (2003), 436.

[56] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 3 ; Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 21 : AAS 95 (2003), 447.

[57] Pauli VI, Institutio Generalis Missalis Romani (26.III.1970), 8.

[58] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 26 : AAS 95 (2003), 451.

[59] Ibidem, 27 : AAS 95 (2003), 451.

[60] Ibidem, 28 : AAS 95 (2003), 451-452.

[61] Ibidem, 29 : AAS 95 (2003), 452-453.

[62] Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 32.

[63] 63

[64] 64

[65] 65

[66] 66

[67] 67

[68] 68

[69] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 35 : AAS 95 (2003), 457.

[70] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de ss. Eucharistia, sess. XIII, cap. 1, De reali præsentia D.N.I. Christi in ss. Eucharistiæ sacramento, cap. 2, De ratione institutionis ss. huius sacramenti : DS 1637-41 ; Can. 1-5 : DS 1651-55.

[71] Cf. ibidem, Decr. de ss. Eucharistia, sess. XIII, cap. 4, De Transsubstantiatione : DS 1642.

[72] Cf. ibidem, Decr. de communione euch., sess. XXI : DS 1725-1734.

[73] Cf. ibidem, Decr. de Missa, sess. XXII : DS 1738-1759.

[74] Cf. ibidem, Decr. de ss. Eucharistia, sess. XIII, cap. 1, De reali præsentia D.N.I. Christi in ss. Eucharistiæ sacramento : DS 1636-1637, cap. 2, De ratione institutionis ss. huius sacramenti : DS 1638.

[75] Cf. ibidem, Decr. de Eucharistia, sess. XIII, cap. 5 - 8 : DS 1643-1750 ; can. 1 - 3 : DS 1751-1753.

[76] Cf. Pii XII, Litt. encycl. Mediator Dei (20XI.1947), II : AAS 39 (1947), 547-552.

[77] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 28.

[78] Cf. Innocentii III, Professionem fidei Waldensibus præscriptam, DS 794 ; Conc. Œcum. Lateranens. IV, Definitionem contra Albigenses et Catharos : DS 802 ; Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Missa, sess. XXII, cap. 1, De institutione sacrosancti Missæ sacrificii : DS 1740, can. 2 : DS 1752.

[79] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. Ap. Dominicæ Cenæ (24.II.1980), 8 : AAS 72 (1980), 127-130 ; Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 28-29 : AAS 95 (2003), 451-453.

[80] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 7 ; Decr. de activitate missionali Ecclesiæ Ad gentes, 14.

[81] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 3 ; Decr. de presbyterorum ministerio et vita Presbyterorum ordinis, 4-5.

[82] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 17 ; Decr. de Œcumenismo Unitatis redintegratio, 2,15.

[83] Cf. Pauli VI, Litt. encycl. Mysterium fidei (3.IX.1965), 17-25 : AAS 57 (1965), 762-766.

[84] S. Ignatii Antiocheni, Ad Smyrnenses 7, 1 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, p. 230.

[85] Cf. Pauli VI, Sollemnem Professionem fidei (30.VI.1968), 25 : AAS (1968), 442-443.

[86] Pauli VI, Litt. encycl. Mysterium fidei (3.IX.1965), 27 : AAS 57 (1965), 766.

[87] S. Leonis Magni, Sermo 2 in Ascensione, 61 (74), 4 : SCh 74bis, 280-282.

[88] De Mysteriis, 53 ; SCh 25bis, 186.

[89] Cf. Congregationis pro Doctrina Fidei, Declarationem Dominus Jesus (6.VIII.2000), 16 : AAS 92 (2000), 756-758.

[90] De Trinitate, 8, 13 : SCh 448, 396.

[91] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 55 : AAS 95 (2003), 470.

[92] Ibidem, 10 : AAS 95 (2003), 439.

[93] Ibidem, 61 : AAS 95 (2003), 473-474.

[94] Ibidem, 12 : AAS 95 (2003), 441.

[95] Ibidem, 23 : AAS 95 (2003), 448-449.

[96] Ibidem, 11 : AAS 95 (2003), 440-441.

[97] Ad Ephesios, 20, 2 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, p. 190.

[98] In epistulam ad Ephesios, 11, 3 : PG 62, 83.

[99] Cf. S. Cyrilli Alexandrini, De adoratione in spiritu et veritate, 11 : PG 68, 761D.

[100] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 30.44-45 : AAS 95 (2003), 453-454, 462-463.

[101] elle

[102] Ibidem, 61 : AAS 95 (2003), 473-474.

[103] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Decr. de Œcumenismo Unitatis redintegratio, 15.

[104] Cf. Codicem Iuris Canonici, c. 844.

[105] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Decr. de Œcumenismo Unitatis redintegratio, 22.

[106] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 46 : AAS 95 (2003), 463-464.

[107] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 8 ; Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 19 : AAS 95 (2003), 445-446.

[108] Tertulliani, Contra Marcionem, IV, 9, 9 : SCh 456,124.

[109] De divinis nominibus, 4, 7 : PG 3, 701C.

[110] S. Ioannis Chrysostomi, In epistulam I ad Corinthios, 24, 5 : PG 61, 205s.

[111] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 8 : AAS 95 (2003), 437-438.

[112] Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Eucharistia, cap. 3, De excellentia ss. Eucharistiæ super reliqua sacramenta : DS 1639.

[113] Cf. Conc. Florentin., Decr. pro Græcis : DS 1303, Decr. pro Armeniis : DS 1320, Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Eucharistia, sess. XIII, cap. 4, De Transsubstantiatione : DS 1642 ; etiam Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 319-324.

[114] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Missa, sess. XXII, cap. 7, De aqua in calice offerendo vino miscenda : DS 1748.

[115] Cf. Conc. Florentin., Decr. pro Armeniis : DS 1321 ; Decr. pro Iacobitis : DS 1352 ; Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Missa, sess. XXII, cap. 1, De institutione sacrosancti Missæ sacrificii : DS 1740.

[116] Cf. Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Missa, sess. XXII, cap. 1, De institutione sacrosancti Missæ sacrificii : DS 1740 ; can. 2 : DS 1752.

[117] Cf. ibidem, cap. 7, De præparatione, quæ adhibenda est, ut digne quis s. Eucharistiam percipiat : DS 1646-1647, cap. 8, De usu admirabilis huius sacramenti : DS 1648-1650, can. 11 : DS 1661.

[118] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000) 19 ; Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 52 : AAS 95 (2003), 467-468.

[119] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 199.

[120] Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 57.

[121] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), cap. II.

[122] Cf. ibidem, 51.

[123] Cf. IX,3 ; Audet, 323.

[124] Cf. Ioannis Pauli II, Adhort. Ap. postsynod. Ecclesia in Europa (28.VI.2003), 13 : AAS 95 (2003), 657-658.

[125] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 67.

[126] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 56.

[127] Institutio Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 28.

[128] Cf. ibidem, 73.

[129] Cf. Theodori Andidensis, De divinæ liturgiæ symbolis ac mysteriis, 18 : PG 140, 441C.

[130] De Sacerdotio, VI, 11 : SCh 272,340.

[131] Cf. S. Germani Costantinopolitani, Historiam Ecclesiasticam et mysticam contemplationem : PG 98, 400C.

[132] VIII, 12, 2 : F.X.Funk ed., Paderborn 1905, I, 494.

[133] De incomprehensibilitate Dei, 4, 5 : SCh 28bis, 260.

[134] Cf. S. Anastasii Synaitæ, Orationem de sacra Synaxi : PG 89, 833BC.

[135] Cf. S. Ioannis Chrysostomi, Homiliam in diem natalem Domini nostri Iesu Christi, 7 : PG 49, 361.

[136] Cf. S. Basilii Magni, Homiliam in psalmum 115 : PG 30, 113B.

[137] In epistulam II ad Corinthios, 18, 3 : PG 61, 527.

[138] Cf. N. Cabasilæ, Commentarium in divinam liturgiam, 15, 2 : SCh 4bis, 125.

[139] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 72.

[140] Ibidem, 93 etiam Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1348.

[141] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 79 d.

[142] Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1353.

[143] Cf. Benedicti XII, Lib. “Cum dudum” (VIII.1341) : DS 1017 ; Pii VII, Brev. “Adorabile Eucharistiæ” (8.V.1822) : DS 2718 ; Pii X, Ep. “Ex quo, nono” (26.XII.1910) : DS 3556.

[144] De Mysteriis, 52.54 : SCh 25bis, 188.

[145] De ecclesiastica hierarchia, 3, 9 : PG 3, 464.

[146] Cf. N. Cabasilæ, Commentarium in divinam liturgiam, 48, 5 : SCh 4bis, 271-273.

[147] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 79g.

[148] N. Cabasilæ, Commentarium in divinam liturgiam, 42, 3 : SCh 4bis, 241.

[149] Cf. S. Ioannis Chrysostomi, In epistulam ad Philippenses, 3,4 : PG 62, 204.

[150] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1384-1390.

[151] Cf. Constitutiones Apostolicas, VIII, 12, 39 : F. X. Funk, ed., Paderborn 1905, I, 510, et Anaphoras alexandrinas Marci, Serapionis, Basilii copti.

[152] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Missa, sess. XXII, cap. 6, De Missa, in qua solus sacerdos communicat : DS, 1747, can. 8 : DS, 1758.

[153] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 80.

[154] Ibidem, 81.

[155] Pseudo Chrysostomi, De proditione Iudæ, 1, 6 : PG 49, 381.

[156] Cf. ibidem, 381-382.

[157] N. Cabasilæ, Commentarium divinæ liturgiæ, 12, 8 : SCh 4bis, 111.

[158] Constitutiones Apostolicæ, II, 20, 10 : F.X. Funk ed., Paderborn 1905, I, 77.

[159] S. Basilii Magni, Homilia in psalmum, 33, 10 : PG 29, 376.

[160] VIII, 11, 9-10 : F. X. Funk ed., Paderborn 1905, I, 494.

[161] Cf. S. Maximi Confessoris, Mystagogiam, 13 : PG 91, 691.

[162] Cf. Institutionem Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 82.

[163] In epistulam I ad Corinthios, 24, 2 : PG 61, 200.

[164] Cf. S. Germani Costantinopolitani, Historiam ecclesiasticam et mysticam contemplationem : PG 98, 449B.

[165] Cf. S. Ioannis Damasceni, In epistulam ad Zachariam ep. de immaculato corpore, 5 : PG 95, 409.

[166] le prêtre

[167] N. Cabasilæ, Commentarium divinæ liturgiæ, 36, 1 : SCh 4bis, 223.

[168] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 2120.

[169] X,6 ; Audet, 236.

[170] Cf. Institutionem Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 84.

[171] Cf. ibidem, 282.

[172] Cf. Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 59.

[173] Thomæ a Celano, Vita Seconda, 201(789) : Fonti Francescane, Padova 1980, 713.

[174] De vita in Christo, IV, 26 : SCh 355, 288.

[175] Cf. Institutionem Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 17. 89.

[176] Cf. Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 30.

[177] Cf. Ioannis Pauli II, Ep. Ap. Novo millennio ineunte (6.I.2001), 33 : AAS 93 (2001), 289-290.

[178] Cf. De Spiritu Sancto, V, 10 : SCh 17bis, 280.

[179] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 48.

[180] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1135-1186.

[181] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 52 : AAS 95 (2003), 467-468.

[182] Cf. Catechesin illuminandorum, 18, 24 : PG 33, 1046.

[183] Institutio Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 92.

[184] Ibidem, 93 ; cf. 84.

[185] Cf. ibidem, 95.

[186] Ibidem, 288.

[187] Ibidem, Proœmio, 3.

[188] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 49 : AAS 95 (2003), 465-466.

[189] Cf. Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 34.

[190] Ibidem, 66.

[191] Cf. Fonti Francescane, I, Testamento, 13 : 114 ; Lettere 208, 224.

[192] Ioannis Pauli II, Discorso ai partecipanti al Convegno Internazionale di Musica Sacra (25-27.I.2001) : AAS 93 (2001), 351 ; cf. Lett. Ap. Spiritus et Sponsa (4.XII.2003), 4 : L’Osservatore Romano (7.XII.2003), 7.

[193] Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia Sacrosanctum concilium, 122.

[194] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 49 : AAS 95 (2003), 465-466.

[195] Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 107.

[196] Institutio Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 295.

[197] Cf. ibidem, 215.

[198] Cf. ibidem, 297.

[199] Cf. ibidem, 304.

[200] Cf. Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales,103.

[201] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 296.

[202] Cf. ibidem, 273.

[203] Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1383.

[204] Institutio Generalis Missalis Romani (20.IV.2000), 310.

[205] Ibidem.

[206] Instruction pour l’Application des Prescriptions Liturgiques du Code des Canons des Églises Orientales, 108.

[207] Catechesis mystagogica, 5, 22 : SCh 126bis, 172.

[208] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 25 : AAS 95 (2003), 449-450.

[209] Pour le culte eucharistique rénové après le Concile Vatican II, voir : Eucharisticum Mysterium, Instruction de la Congrégation des Rites et du Consilium approuvée et confirmée par Paul VI (25 mai 1967) ; EV, vol. II, 1084-1153 ; Eucharistiæ Sacramentum, par lequel la Congrégation pour le Culte Divin a effectué la révision du Rite de la Communion et du Culte eucharistique en-dehors de la Messe (21 juin 1973) ; ivi, vol. IV, 1624-1659 ; Inæstimabile Donum de la Congrégation pour le Culte Divin à propos de Certaines normes relatives au culte eucharistique (3 avril 1980) ; cf. ivi, vol. VII, 282-303.

[210] De Spiritu Sancto, 9, 22 : SCh 17bis, 324.

[211] Cf. Institutionem Generalem Missalis Romani (20.IV.2000), 45.

[212] Cf. ibidem, 76 ; 278-280.],] dans l’encensement[[Cf. ibidem, 276-277.

[213] Cf. ibidem, 274-275.

[214] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 10 : AAS 95 (2003), 439.

[215] Cf. Congregationis de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, Direttorio su pietà popolare e liturgia, ed. Vaticana 2002, n. 160-165.

[216] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 25 : AAS 95 (2003), 449-450.

[217] Cf. ibidem, 34 : AAS 95 (2003), 456.

[218] Catechesis mystagogica, 4, 1 : SCh 126bis, 134.

[219] In epistulam I ad Timotheum, 15, 4 : PG 62, 586.

[220] Exhortatio ad Theodorum lapsum, 1 : PG 47, 278.

[221] Cf. Summam Theologiæ, III, 79, 1.

[222] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Eucharistia, sess. XIII, cap. 2, De ratione institutionis ss. huius sacramenti : DS 1638.

[223] S. Ioannis Chrysostomi, In Genesin, 17, 2 : PG 53, 136.

[224] Innocentii III, Ep. “Cum Marthæ circa” ad Ioannem quondam archiep. Lugdun. (29.XI.1202) : DS 783.

[225] Cf. Summam Theologiæ, III, 73, 6.

[226] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. de Ecclesia Lumen gentium, 26.

[227] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 35 : AAS 95 (2003), 457.

[228] Cf. Conc. Œcum. Tridentin., Decr. de Eucharistia, sess. XIII, cap. 2, De ratione institutionis ss. huius sacramenti : DS 1638 ; cap. 8, De usu admirabilis huius sacramenti : DS 1649.

[229] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 17 : AAS 95 (2003), 444-445.

[230] Ibidem, 18 : AAS 95 (2003), 445.

[231] Cf. Ad Diognetum V, 5.9.11 ; VI, 1-2.7 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, p. 312-314.

[232] Cf. Orationem post Communionem I Dominicæ Adventus, Missale Romanum, Typis Vaticanis 2002, 121.

[233] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 62 : AAS 95 (2003), 474-475.

[234] Ibidem, 20 : AAS 95 (2003), 446-447.

[235] Ad Magnesios, 9, 1 : Patres Apostolici, F.X. Funk ed., Tübingen 1992, 196.

[236] Cf. Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 41 : AAS 95 (2003), 460-461.

[237] I Apologia, 67, 6 : Corpus Apologetarum Christianorum Secundi Sæculi, vol. I, pars 1, Wiesbaden 1969, 186-188.

[238] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Decr. de activitate missionali ecclesiæ Ad gentes, 39.

[239] Cf. ibidem, 36.

[240] Ibidem, 9.

[241] Cf. Catechismum Catholicæ Ecclesiæ, 1391-1405.

[242] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 55 : AAS 95 (2003), 470.

[243] Catechismus Catholicæ Ecclesiæ, 1327.

[244] Cf. ibidem, partem II, sess. I, cap. II.

[245] Ioannis Pauli II, Litt. encycl. Ecclesia de Eucharistia (17.IV.2003), 22 : AAS 95 (2003), 448.