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2ème dimanche de Carême

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Textes de la Messe

Dominica Secunda in Quadragesima
2ème Dimanche de Carême
I Classis
1ère Classe
Statio ad S. Mariam in Domnica
Station à Ste-Marie in Domnica
Ant. ad Introitum. Ps. 24, 6, 3 et 22.Introït
Reminíscere miseratiónum tuarum, Dómine, et misericórdiæ tuæ, quæ a sǽculo sunt : ne umquam dominéntur nobis inimíci nostri : líbera nos, Deus Israël, ex ómnibus angústiis nostris.Souvenez-vous de vos bontés, Seigneur, et de votre miséricorde qui datent des siècles passés. Que nos ennemis ne triomphent jamais de nous. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toutes nos tribulations.
Ps. ibid., 1-2.
Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam.Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui cónspicis omni nos virtúte destítui : intérius exteriúsque custódi ; ut ab ómnibus adversitátibus muniámur in córpore, et a pravis cogitatiónibus mundémur in mente.O Dieu, qui voyez que nous n’avons de nous-mêmes aucune force, gardez-nous au dedans et au dehors, afin que notre corps soit préservé de toute Adversité, et notre âme purifiée de toute pensée mauvaise. Par Notre-Seigneur.
Léctio Epístolæ beáti Páuli Apóstoli ad Thessalonicénses.Lecture de l’Épître du Saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens.
1 Thess. 4, 1-7.
Fratres : Rogámus vos et obsecrámus in Dómino Iesu : ut, quemádmodum accepístis a nobis, quómodo opórteat vos ambuláre et placére Deo, sic et ambulétis, ut abundétis magis. Scitis enim, quæ præcépta déderim vobis per Dóminum Iesum. Hæc est enim volúntas Dei, sanctificátio vestra : ut abstineátis vos a fornicatióne, ut sciat unusquísque vestrum vas suum possidére in sanctifícatióne et honóre ; non in passióne desidérii, sicut et gentes, quæ ignórant Deum : et ne quis supergrediátur neque circumvéniat in negótio fratrem suum : quóniam vindex est Dóminus de his ómnibus, sicut prædíximus vobis et testificáti sumus. Non enim vocávit nos Deus in immundítiam, sed in sanctificatiónem : in Christo Iesu, Dómino nostro.Mes frères, nous vous demandons et vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu’ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, vous marchiez ainsi, de manière à progresser de plus en plus. En effet, vous savez quels préceptes je vous ai donnés de la part du Seigneur Jésus ! Car la volonté de Dieu est que vous soyez saints ; que vous vous absteniez de la fornication ; que chacun de vous sache posséder le vase de son corps dans la sainteté et l’honnêteté, et non en suivant les convoitises de la passion, comme les païens, qui ne connaissent pas Dieu ; et que personne à cet égard ne trompe son frère, et ne lui fasse tort, parce que le Seigneur tire vengeance de toutes ces choses, comme nous l’avons déjà dit et attesté. Car Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté, mais à la sanctification en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Graduale. Ps. 24,17-18.Graduel
Tribulatiónes cordis mei dilatátæ sunt : de necessitátibus meis éripe me, Dómine.Les tribulations de mon cœur se sont multipliées ; tirez-moi de mes angoisses.
V/. Vide humilitátem meam et labórem meum : et dimítte ómnia peccáta mea.Voyez mon humiliation et ma peine et remettez-moi tous mes péchés.
Tractus. Ps. 105, 1-1.
Confitémini Dómino, quóniam bonus : quóniam in sǽculum misericórdia eius.Célébrez le Seigneur, parce qu’il est bon et que sa miséricorde est éternelle.
V/. Quis loquétur poténtias Dómini : audítas fáciet omnes laudes eius ?Qui racontera les œuvres de puissance du Seigneur ? Qui fera entendre toutes ses louanges ?
V/. Beáti, qui custódiunt iudícium et fáciunt iustítiam in omni témpore.Heureux ceux qui gardent l’équité et qui pratiquent la justice en tout temps.
V/. Meménto nostri, Dómine, in beneplácito pópuli tui : vísita nos in salutári tuo.Souvenez-vous de nous, Seigneur, dans votre bienveillance pour votre peuple ; visitez-nous par votre salut.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth, 17, 1-9.
In illo témpore : Assúmpsit Iesus Petrum, et Iacóbum, et Ioánnem fratrem eius, et duxit illos in montem excélsum seórsum : et transfigurátus est ante eos. Et resplénduit fácies eius sicut sol : vestiménta autem eius facta sunt alba sicut nix. Et ecce, apparuérunt illis Móyses et Elías cum eo loquéntes. Respóndens autem Petrus, dixit ad Iesum : Dómine, bonum est nos hic esse : si vis, faciámus hic tria tabernácula, tibi unum, Móysi unum et Elíæ unum. Adhuc eo loquénte, ecce, nubes lúcida obumbrávit eos. Et ecce vox de nube, dicens : Hic est Fílius meus diléctus, in quo mihi bene complácui : ipsum audíte. Et audiéntes discípuli, cecidérunt in fáciem suam, et timuérunt valde. Et accéssit Iesus, et tétigit eos, dixítque eis : Súrgite, et nolíte timére. Levántes autem óculos suos, néminem vidérunt nisi solum Iesum. Et descendéntibus illis de monte, præcépit eis Iesus, dicens : Némini dixéritis visiónem, donec Fílius hóminis a mórtuis resúrgat.En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit ; et voici qu’une voix sortit de la nuée, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. Les disciples, l’entendant, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Credo
Ant. ad Offertorium. Ps. 118,47 et 48.Offertoire
Meditábor in mandátis tuis, quæ diléxi valde : et levábo manus meas ad mandáta tua, quæ diléxi.Je méditerai sur vos commandements, car je les aime, et je lèverai mes mains vers vos commandements que j’aime.
Secreta.Secrète
Sacrifíciis præséntibus, Dómine, quǽsumus, inténde placátus : ut et devotióni nostræ profíciant et salúti. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, jetez un regard favorable sur ce présent sacrifice, afin qu’il augmente notre piété et contribue à notre salut. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de Quadragesima [*].Préface du Carême.
Ant. ad Communionem. Ps. 5, 2-4.Communion
Intéllege clamórem meum : inténde voci oratiónis meæ, Rex meus et Deus meus : quóniam ad te orábo, Dómine.Comprenez mon cri. Soyez attentif à la voix de ma prière, mon roi et mon Dieu, car c’est vous que je prierai, Seigneur.
Postcommunio.Postcommunion
Súpplices te rogámus, omnípotens Deus : ut quos tuis réficis sacraméntis, tibi etiam plácitis móribus dignánter deservíre concédas. Per Dóminum.Nous vous adressons d’ardentes supplications, Dieu tout-puissant, afin qu’à ceux que vous nourrissez de vos sacrements, vous accordiez aussi de vous servir dignement en ayant une conduite qui vous soit agréable. Par Notre-Seigneur.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Capitulum 1 Thess. 4, 1. Capitule
Fratres : Rogámus vos et obsecrámus in Dómino Iesu : ut, quemádmodum accepístis a nobis, quómodo opórteat vos ambuláre et placére Deo, sic et ambulétis, ut abundétis magis.Mes frères : nous vous demandons et vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu’ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, vous marchiez ainsi, de manière à progresser de plus en plus.
Hymnus Hymne
Audi, benígne Cónditor,
Nostras preces cum flétibus,
In hoc sacro ieiúnio
Fusas quadragenário.
Écoutez, Créateur bienveillant,
nos prières accompagnées de larmes,
répandues au milieu des jeûnes
de cette sainte Quarantaine.
Scrutátor alme córdium,
Infírma tu scis vírium :
Ad te revérsis éxhibe
Remissiónis grátiam.
Vous qui scrutez le fond des cœurs,
vous connaissez notre faiblesse :
nous revenons à vous ;
donnez-nous la grâce du pardon.
Multum quidem peccávimus,
Sed parce confiténtibus :
Ad nóminis laudem tui
Confer medélam lánguidis.
Nous avons beaucoup péché ;
pardonnez-nous à cause de notre aveu :
pour la gloire de votre Nom,
apportez le remède à nos langueurs.
Concéde nostrum cónteri
Corpus per abstinéntiam ;
Culpæ ut relínquant pábulum
Ieiúna corda críminum.
Faites que la résistance de notre corps
soit abattue par l’abstinence,
et que notre cœur soumis à un jeûne
spirituel ne se repaisse plus du péché.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas ;
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Magnificat Ant. Visiónem quam vidistis, * némini dixéritis donec a mórtuis resúrgat Fílius hóminis.Ant. au Magnificat La vision que vous avez eue, * n’en parlez à personne avant que le Fils de l’homme ne ressuscite d’entre les morts.

Magnificat

A MATINES avant 1960

Invitatorium Invitatoire
Non sit vobis vanum mane súrgere ante lucem : * Quia promísit Dóminus corónam vigilántibus.Ne pensez- pas que ce soit vain de vous lever le matin avant le jour : * Car le Seigneur a promis la couronne à ceux qui veillent.
Hymnus Hymne
Ex more docti mýstico
Servémus hoc ieiúnium,
Deno diérum círculo
Ducto quater notíssimo.
Instruits par une tradition mystérieuse,
gardons avec soin ce jeûne
célèbre qui parcourt le cercle
de quarante journées.
Lex et prophétæ prímitus
Hoc prætulérunt, póstmodum
Christus sacrávit, ómnium
Rex atque factor témporum.
La Loi, d’avance, et les Prophètes
en ont jadis montré le sens ;
le Christ enfin l’a consacré,
lui, des temps le Maître et le Roi.
Utámur ergo párcius
Verbis, cibis et pótibus,
Somno, iocis, et árctius
Perstémus in custódia.
Servons-nous plus discrètement
du parler, du manger, du boire,
du sommeil, des jeux, et restons
en éveil contre le péché.
Vitémus autem nóxia,
Quæ súbruunt mentes vagas :
Nullúmque demus cállidi
Hostis locum tyránnidi.
Apprenons à parer les coups
qui guettent l’homme inattentif ;
ne donnons pas prise à la ruse
de notre mortel ennemi.
Flectámus iram víndicem,
Plorémus ante Iúdicem,
Clamémus ore súpplici,
Dicámus omnes cérnui :
Apaisons par notre regret
la juste colère du Juge,
prions comme des suppliants,
disons avec humilité :
Nostris malis offéndimus
Tuam, Deus, cleméntiam :
Effúnde nobis désuper,
Remíssor, indulgéntiam.
Seigneur, nous avons insulté
votre bonté par nos offenses ;
du ciel faites venir sur nous
votre indulgence et vos pardons.
Meménto quod sumus tui,
Licet cadúci, plásmatis :
Ne des honórem nóminis
Tui, precámur, álteri.
Souvenez-vous de vos travaux.
Car, tombés nous restons votre œuvre.
Veuillez ne pas céder à l’Autre
la gloire due à votre Nom.
Laxa malum, quod fécimus,
Auge bonum, quod póscimus :
Placére quo tandem tibi
Possímus hic, et pérpetim.
Ôtez le mal que nous faisons,
aidez au bien que nous voulons,
pour que nous plaisions à vos yeux
aujourd’hui et dans tous les temps.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas,
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
In I Nocturno
1er Nocturne
Lectio i1ère leçon
De libro GenesisDu livre de la Genèse
Cap. 27, 1-10
Sénuit autem Isaac, et calligavérunt óculi eius, et vidére non póterat : vocavítque Esau fílium suum maiórem, et dixit ei : Fili mi ! Qui respóndit : Adsum. Cui pater : Vides, inquit, quod senúerim et ignórem diem mortis meæ. Sume arma tua, pháretram, et arcum, et egrédere foras : cumque venatu áliquid apprehénderis, fac mihi inde pulméntum sicut velle me nosti, et affer ut cómedam : et benedícat tibi ánima mea ántequam móriar. Quod cum audísset Rebécca, et ille abiísset in agrum ut iussiónem patris impléret, dixit fílio suo Iacob : Audívi patrem tuum loquéntem cum Esau fratre tuo, et dicéntem ei : Affer mihi de venatióne tua, et fac cibos ut cómedam, et benedícam tibi coram Dómino ántequam móriar. Nunc ergo fili mi, acquiésce consíliis meis ; et pergens ad gregem, affer mihi duos hædos óptimos, ut fáciam ex eis escas patri tuo, quibus libénter véscitur : quas cum intúleris, et coméderit, benedícat tibi priúsquam moriátur.Isaac était devenu vieux et ses yeux avaient faibli jusqu’à ne plus voir. Il appela son fils aîné Ésaü : « Mon fils ! » lui- dit-il, et celui-ci répondit : « Me voici ! » Il reprit : « Tu vois, je suis vieux et je ne connais pas le jour de ma mort. Maintenant, prends tes armes, ton carquois et ton arc, sors dans la campagne et tue-moi une pièce de gibier. Prépare un plat savoureux comme je les aime et apporte-le-moi, que je mange, afin que mon âme te bénisse avant que je meure. » – Or Rébecca écoutait pendant qu’Isaac parlait à son fils Ésaü –. Ésaü alla donc dans la campagne chasser du gibier pour son père. Rébecca dit à son fils Jacob : « J’ai entendu ton père parler à ton frère Ésaü et lui dire : ‘Apporte-moi du gibier, et prépare un plat savoureux. J’en mangerai et je te bénirai devant Dieu avant ma mort’. Maintenant, mon fils, écoute-moi et fais comme je te l’ordonne. Va donc au troupeau et rapporte-moi deux beaux chevreaux. J’en ferai un plat savoureux, comme ton père les aime. Tu l’apporteras à ton père, et il en mangera ; alors il te bénira avant sa mort. »
R/. Tolle arma tua, pháretram et arcum, et affer de venatióne tua, ut cómedam : * Et benedícat tibi ánima mea.R/. Prends tes armes [1], ton carquois et ton arc, et apporte-moi de ta chasse afin que je mange. *
V/. Cumque venatu áliquid attúleris, fac mihi inde pulméntum, ut cómedam.V/. Quand à la chasse tu auras pris quelque chose, fais-m’en un mets, afin que je mange.
R/. Et benedícat tibi ánima mea.R/. Et que mon âme te bénisse.
Lectio ii Cap. 27, 11-202e leçon
Cui ille respóndit : Nosti quod Esau frater meus homo pilósus sit, et ego lenis : si attractáverit me pater meus, et sénserit, timeo ne putet sibi voluísse illúdere, et indúcam super me maledictiónem pro benedictióne. Ad quem mater : In me sit, ait, ista maledíctio, fili mi : tantum audi vocem meam, et pergens affer quæ dixi. Abiit, et áttulit, dedítque matri. Parávit illa cibos, sicut velle nóverat patrem illíus. Et véstibus Esau valde bonis, quas apud se habébat domi, índuit eum : pelliculásque hædórum circúmdedit mánibus, et colli nuda protéxit. Dedítque pulméntum, et panes, quos cóxerat, trádidit. Quibus illatis, dixit : Pater mi ! At ille respóndit : Audio. Quis es tu, fili mi ? Dixítque Iacob : Ego sum primogénitus tuus Esau : feci sicut præcepísti mihi : surge, sede, et cómede de venatióne mea, ut benedícat mihi ánima tua. Rursum Isaac ad fílium suum : Quómodo, inquit, tam cito inveníre potuísti, fili mi ? Qui respóndit : Volúntas Dei fuit ut cito occúrreret mihi quod volébam.Jacob dit à Rébecca, sa mère : « Tu sais que mon frère Ésaü est un homme velu, tandis que ma peau est douce. Peut-être mon père me touchera-t-il ! Il verra que je me suis moqué de lui, et j’attirerai sur moi la malédiction au lieu de la bénédiction ! » Mais la mère de Jacob lui répondit : « Ta malédiction serait sur moi, mon fils ! Écoute-moi seulement, va, et apporte ce que j’ai dit. » Il s’en alla donc prendre les chevreaux et les apporta à sa mère qui en fit un plat savoureux, comme l’aimait son père. Puis Rébecca prit les habits d’Ésaü, son fils, les plus beaux qu’elle avait à la maison, et en revêtit Jacob, son fils cadet. Avec la peau des chevreaux, elle lui couvrit les mains la partie lisse du cou. Elle mit ensuite dans les mains de Jacob, son fils, le plat et le pain qu’elle avait préparés. Il vint donc près de son père et dit : « Mon père. » Celui-ci répondit : « Je suis là ! Qui es-tu, mon fils ? » Jacob dit à son père : « Je suis Ésaü, ton premier-né ; j’ai fait ce que tu m’avais dit. Lève-toi, je te prie, assieds-toi, et mange de mon gibier afin que toi, tu me bénisses. » Isaac dit à son fils : « Comme tu as trouvé vite ! » Il répondit : « C’est que le Seigneur, ton Dieu, a fait venir le gibier devant moi. »
R/. Ecce odor fílii mei sicut odor agri pleni, cui benedíxit Dóminus : créscere te fáciat Deus meus sicut arénam maris : * Et donet tibi de rore cæli benedictiónem.R/. Voici que l’odeur [2] qui s’exhale de mon fils est comme l’odeur d’un champs plein, qu’a béni le Seigneur : que le Seigneur te fasse croître comme le sable de la mer ; *
V/. Deus autem omnípotens benedícat tibi, atque multíplicet.V/. Que le Dieu tout-puissant te bénisse, et qu’il te multiplie.
R/. Et donet tibi de rore cæli benedictiónem.R/. Et qu’il te donne la bénédiction de la rosée du ciel.
Lectio iii Cap. 27, 21-293e leçon
Dixítque Isaac : Accéde huc ut tangam te, fili mi, et probem utrum tu sis fílius meus Esau, an non. Accéssit ille ad patrem, et palpáto eo, dixit Isaac : Vox quidem, vox Iacob est : sed manus, manus sunt Esau. Et non cognóvit eum, quia pilósæ manus similitúdinem maióris exprésserant. Benedícens ergo illi, ait : Tu es fílius meus Esau ? Respóndit : Ego sum. At ille : Affer mihi, inquit, cibos de venatióne tua, fili mi, ut benedícat tibi ánima mea. Quos cum oblátos comedísset, óbtulit ei étiam vinum. Quo hausto, dixit ad eum : Accéde ad me, et da mihi ósculum, fili mi. Accéssit, et osculátus est eum. Statímque ut sensit vestimentórum illíus flagrántiam, benedícens illi, ait : Ecce odor fílii mei sicut odor agri pleni, cui benedíxit Dóminus. Det tibi Deus de rore cæli, et de pinguédine terræ abundántiam fruménti et vini. Et sérviant tibi pópuli, et adorent te tribus : esto dominus fratrum tuórum, et incurvéntur ante te fílii matris tuæ. Qui maledíxerit tibi, sit ille maledíctus : et qui benedíxerit tibi, benedictiónibus repleátur.Isaac dit à Jacob : « Approche donc, mon fils, que je te touche, pour savoir si, oui ou non, tu es mon fils Ésaü ! » Jacob s’approcha d’Isaac, son père. Celui-ci le palpa et dit : « La voix est la voix de Jacob, mais les mains sont les mains d’Ésaü ! » Il ne le reconnut pas, car ses mains étaient velues comme celles de son frère Ésaü, et il le bénit. Puis il dit : « C’est bien toi mon fils Ésaü ? » Jacob répondit : « C’est moi. » Isaac reprit : « Apporte, et que je mange du gibier de mon fils, afin que moi, je te bénisse. » Il le servit, et il mangea. Puis il lui présenta du vin, et il but. Isaac son père lui dit : « Approche, mon fils, et embrasse-moi. » Il s’approcha et l’embrassa. Isaac respira l’odeur de ses vêtements et le bénit en disant : « Voici que l’odeur de mon fils est comme l’odeur d’un champ que le Seigneur a béni. Que Dieu te donne la rosée des cieux et la fertilité de la terre, froment et vin en abondance ! Que les nations te servent, que les peuples se prosternent devant toi. Sois le maître de tes frères, et que les fils de ta mère se prosternent devant toi. Maudit soit qui te maudira, béni soit qui te bénira ! »
R/. Det tibi Deus de rore cæli et de pinguédine terræ abundántiam : sérviant tibi tribus et pópuli : * Esto dóminus fratrum tuórum.R/. Que Dieu te donne de la rosée du ciel [3], et l’abondance des graisses de la terre, que les tribus et les peuples te servent : *
V/. Et incurvéntur ante te fílii matris tuæ.V/. Et que les fils de ta mère se courbent devant toi.
* Esto dóminus fratrum tuórum. Glória Patri. * Esto dóminus fratrum tuórum.* Sois le maître de tes frères. Gloire au Père. * Sois le maître de tes frères.
In II Nocturno
2e Nocturne
Lectio iv4e leçon
Ex libro sancti Augustíni Epíscopi contra mendáciumDu livre de saint Augustin, évêque, contre le Mensonge
Cap. 10 tom. 4 post initium
Iacob quod matre fecit auctóre, ut patrem fállere viderétur, si diligénter et fidéliter attendátur, non est mendácium, sed mystérium. Quæ si mendácia dixérimus, omnes étiam parábolæ ac figúræ significandárum quarumcúmque rerum, quæ non ad proprietátem accipiéndæ sunt, sed in eis áliud ex alio est intelligéndum, dicéntur esse mendácia : quod absit omníno. Nam qui hoc putat, trópicis étiam tam multis locutiónibus ómnibus potest hanc importáre calúmniam ; ita ut et hæc ipsa, quæ appellátur metáphora, hoc est, de re própria ad rem non própriam verbi alícuius usurpáta translátio, possit ista ratióne mendácium nuncupári.Ce que fit Jacob, sous l’influence maternelle, de façon à paraître tromper son père, se révèle, au regard attentif de la foi diligente, non pas comme un mensonge, mais comme un mystère. Si nous disons : « Mensonges que tout cela », alors, toutes les paraboles, toutes ces figures pour exprimer n’importe quelles réalités qui ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais qui veulent faire comprendre une chose par une autre, seront aussi des mensonges ? Ah ! non, vraiment, non ! Celui qui pense ainsi va-t-il étendre cette calomnie à toutes les locutions figurées qui sont tellement nombreuses ? Il en est une qui porte le nom même de métaphore, c’est-à-dire « emprunt d’un terme propre à une chose pour le transférer à une autre à laquelle il n’appartient pas en propre ». Alors, pourrait-on, à ce compte, parler de mensonge ?
R/. Dum exíret Iacob de terra sua, vidit glóriam Dei, et ait : Quam terríbilis est locus iste ! * Non est hic áliud, nisi domus Dei, et porta cæli.R/. Tandis que Jacob [4] s’en allait de son pays, il vit la gloire de Dieu et dit : Qu’il est terrible ce lieu-ci ! * Ce n’est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel.
V/. Vere Deus est in loco isto, et ego nesciébam.V/. Vraiment Dieu est en ce lieu, et je ne le savais pas.
R/. Non est hic áliud, nisi domus Dei, et porta cæli.R/. Ce n’est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel.
Lectio v5e leçon
Quæ significántur enim, útique ipsa dicúntur : putántur autem mendácia, quóniam non ea quæ vere significántur, dicta intelligúntur ; sed ea, quæ falsa sunt, dicta esse credúntur. Hoc ut exémplis fiat plánius, idípsum quod Iacob fecit, atténde. Hædínis certe péllibus membra contéxit. Si causam próximam requirámus, mentitum putábimus : hoc enim fecit, ut putarétur esse qui non erat. Si autem hoc factum ad illud, propter quod significándum revéra factum est, referátur : per hædinas pelles, peccáta ; per eum vero, qui eis se opéruit, ille significátus est, qui non sua, sed aliéna peccáta portávit.Ce qui est signifié, voilà certes ce qui est dit. Telles paroles sont jugées mensonges parce que la vraie signification n’en est pas comprise parce que l’on croit dites des choses fausses. Pour que ceci devienne plus clair par des exemples, prête attention à l’action même de Jacob. Certes, il couvre ses membres de peaux de chevreau. Si nous recherchons le motif immédiat, nous penserons : il a menti. Il agit ainsi afin d’être pris pour celui qu’il n’est pas. Mais si ce fait est rapporté à cette signification figurée qui est la cause même de son accomplissement alors, les peaux de chevreau représentent les péchés, et celui qui s’en est recouvert est la figure de celui-là même qui a porté, non ses péchés, mais ceux des autres.
R/. Si Dóminus Deus meus fúerit mecum in via ista, per quam ego ámbulo, et custodíerit me, et déderit mihi panem ad edéndum, et vestiméntum quo opériar, et revocáverit me cum salúte : * Erit mihi Dóminus in refúgium, et lapis iste in signum.R/. Si le Seigneur mon Dieu [5] est avec moi dans le chemin par lequel je marche, s’il me garde et me donne du pain pour me nourrir, et des vêtements pour me couvrir, et s’il me ramène heureusement ; * Le Seigneur me sera un refuge et cette pierre comme un monument.
V/. Surgens ergo mane Iacob, tulit lápidem quem supposúerat cápiti suo, et eréxit in títulum, fundénsque óleum désuper, dixit.V/. Se levant donc le matin, Jacob prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête et l’érigea en monument, répandant de l’huile dessus et dit.
R/. Erit mihi Dóminus in refúgium, et lapis iste in signum.R/. Le Seigneur me sera un refuge et cette pierre comme un monument.
Lectio vi6e leçon
Verax ergo significátio nullo modo mendácium recte dici potest : ut autem in facto, ita et in verbo. Nam cum ei pater dixísset : Quis es tu, fili ? ille respóndit : Ego sum Esau primogénitus tuus. Hoc si referátur ad duos illos géminos, mendácium vidébitur : si autem ad illud, propter quod significándum ista gesta díctaque conscrípta sunt ; ille est hic intelligéndus in córpore suo, quod est eius Ecclésia, qui de hac re loquens, ait : Cum vidéritis Abraham, et Isaac et Iacob et omnes Prophétas in regno Dei, vos autem expélli foras. Et, Vénient ab Oriénte et Occidénte, et Aquilóne et Austro, et accúmbent in regno Dei. Et, Ecce sunt novíssimi qui erant primi : et sunt primi, qui erant novíssimi. Sic enim quodámmodo minor maióris primátum frater ábstulit, atque in se tránstulit fratris.En aucune façon, la signification vraie ne peut donc être dite mensonge. Il en est ainsi pour l’action, ainsi de même pour les paroles. Car lorsque son père lui demanda : « Qui es-tu, mon fils ? » celui-ci répondit : « Je suis Ésaü, ton premier-né. » Si nous rapportons ceci à ces deux jumeaux, il semblera qu’il y ait mensonge, si au contraire, nous les rapportons à cette réalité en vue de laquelle ces paroles et ces gestes figuratifs ont été consignés par écrit, c’est lui qu’il faut comprendre ici, dans son corps qui est son Église, lui qui a dit, en parlant de cet événement : « Vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, tandis que vous-mêmes serez jetés dehors... » et « L’on viendra du levant et du couchant du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers » [6]. C’est ainsi que le frère plus jeune d’une certaine manière a enlevé à son aîné la priorité et en a transféré les droits sur lui-même.
R/. Erit mihi Dóminus in Deum, et lapis iste quem eréxi in títulum, vocábitur domus Dei : et de univérsis quæ déderis mihi, * Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi.R/. Le Seigneur sera mon Dieu [7], et cette pierre que j’ai érigée en monument sera appelée la maison de Dieu [8] ; et de tout ce que vous m’aurez donné. * Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques.
V/. Si revérsus fúero próspere ad domum patris mei.V/. Si je retourne heureusement à la maison de mon père.
* Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi. Glória Patri. * Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi.* Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques. Gloire au Père. * Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques.
In III Nocturno
3e Nocturne
Lectio vii7e leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
Cap. 17, 1-9
In illo témpore : Assúmpsit Iesus Petrum, et Iacóbum, et Ioánnem fratrem eius, et duxit illos in montem excélsum seórsum : et transfigurátus est ante eos. Et réliqua.En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et il les emmena à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux. Et le reste. [9]
De Homilía sancti Leónis PapæHomélie de saint Léon, pape
Homilia de Transfiguratione Domini
Assúmpsit Iesus Petrum, et Iacóbum, et fratrem eius Ioánnem, et conscénso cum eis seórsum monte præcélso, claritátem suæ glóriæ demonstrávit : quia licet intellexíssent in eo maiestátem Dei, ipsíus tamen córporis, quo divínitas tegebátur, poténtiam nesciébant. Et ídeo próprie signantérque promíserat, quosdam de astántibus discípulis non prius gustáre mortem, quam vidérent Fílium hóminis veniéntem in regno suo, id est, in régia claritáte, quam spiritáliter ad natúram suscépti hóminis pertinéntem, his tribus viris vóluit esse conspícuam. Nam illam ipsíus Deitátis ineffábilem et inaccessíbilem visiónem, quæ in ætérnam vitam mundis corde servátur, nullo modo mortáli adhuc carne circúmdáti intuéri póterant et vidére.« Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère » et, ayant gravi avec eux une haute montagne, à l’écart, il leur manifesta l’éclat de sa gloire. Car ils avaient certes reconnu en lui la majesté de Dieu, mais ils ignoraient encore la puissance détenue par ce corps qui cachait la divinité. Et voilà pourquoi il avait promis en termes formels et précis que certains des disciples présents « ne goûteraient pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son royaume » [10], c’est-à-dire avec l’éclat royal qui convenait spécialement à la nature humaine assumée et qu’il voulut rendre visible à ces trois hommes. Car, pour ce qui est de la vision ineffable et inaccessible de la Divinité elle-même, - vision réservée aux purs de cœur, pour la vie éternelle, des êtres encore revêtus d’une chair mortelle ne pouvaient en aucune façon la contempler ni même la voir.
R/. Dixit Angelus ad Iacob : * Dimítte me, auróra est. Respóndit ei : Non dimíttam te, nisi benedíxeris mihi. Et benedíxit ei in eódem loco.R/. L’ange dit à Jacob [11] : * Laisse-moi, car déjà se lève l’aurore. Il lui répondit : Je ne vous laisserai point si vous ne me bénissez. Et il le bénit en ce même lieu.
V/. Cumque surrexísset Iacob, ecce vir luctabátur cum eo usque mane : et cum vidéret quod eum superáre non posset, dixit ad eum.V/. Lorsque Jacob se fut levé, voilà qu’un homme lutta avec lui jusqu’au matin ; or, comme cet homme vit qu’il ne pouvait le vaincre, il lui dit.
R/. Dimítte me, auróra est. Respóndit ei : Non dimíttam te, nisi benedíxeris mihi. Et benedíxit ei in eódem loco.R/. Laisse-moi, car déjà se lève l’aurore. Il lui répondit : Je ne vous laisserai point si vous ne me bénissez. Et il le bénit en ce même lieu.
Lectio viii8e leçon
Dicénte Patre : Hic est Fílius meus diléctus, in quo mihi bene complácui, ipsum audíte : nonne evidénter audítum est : Hic est Fílius meus, cui ex me et mecum esse sine témpore est ? quia nec génitor génito prior, nec génitus est genitóre postérior. Hic est Fílius meus, quem a me non séparat Deitas, non dívidit potéstas, non discérnit ætérnitas. Hic est Fílius meus, non adóptivus, sed próprius : non aliúnde creátus, sed ex me génitus : nec de ália natúra mihi factus comparábilis, sed de mea esséntia mihi natus æquális.Lorsque le Père dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me complais, écoutez-le », n’entendit-on pas clairement : « Celui-ci est mon Fils » pour qui être de moi et être avec moi est une réalité qui échappe au temps ? Car ni celui qui engendre n’est antérieur à l’engendré, ni l’engendré n’est postérieur à celui qui l’engendre. « Celui-ci est mon Fils » : de moi ne le sépare pas la divinité, ne le divise pas la puissance, ne le distingue pas l’éternité. « Celui-ci est mon Fils », non adoptif, mais propre, non créé d’ailleurs, mais engendré de moi, non d’une autre nature et rendu comparable à moi, mais né de mon essence, égal à moi.
R/. Vidi Dóminum fácie ad fáciem : * Et salva facta est ánima mea.R/. J’ai vu [12] le Seigneur face à face : * Et mon âme a été sauvée.
V/. Et dixit mihi : Nequáquam vocáberis Iacob, sed Israël erit nomen tuum.V/. Et il m’a dit : On ne t’appellera plus du nom de Jacob, mais Israël sera ton nom [13].
R/. Et salva facta est ánima mea.R/. Et mon âme a été sauvée.
Lectio ix9e leçon
Hic est Fílius meus, per quem ómnia facta sunt, et sine quo factum est nihil : qui ómnia quæ facio, simíliter facit ; et quidquid óperor, inseparabíliter mecum atque indifferénter operátur. Hic est Fílius meus, qui eam, quam mecum habet æqualitátem, non rapína appétiit, nec usurpatióne præsúmpsit : sed manens in forma glóriæ meæ, ut ad reparándum genus humánum exsequerétur commúne consílium, usque ad formam servilem inclinávit incommutábilem Deitátem. Hunc ergo, in quo mihi per ómnia bene compláceo, et cuius prædicatióne maniféstor, cuius humilitáte claríficor, incunctánter audíte : quia ipse est véritas et vita, ipse virtus mea atque sapiéntia.« Celui-ci est mon Fils » [14], « toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui » [15] : il fait comme moi tout ce que je fais, et quelle que soit l’œuvre que j’opère, il opère avec moi d’une action inséparable et nullement différente de la mienne. « Celui-ci est mon Fils » qui ne convoita pas de ravir le rang qui l’égalait à moi et ne s’en est pas emparé par usurpation ; mais demeurant dans la condition de ma gloire pour exécuter notre commun dessein de réparer la race humaine il abaissa jusqu’à la condition d’esclave l’immuable divinité (cf. Ph 2, 6-7). Celui-ci en qui je prends pour tout ma complaisance, dont la prédication me manifeste, dont l’humilité me glorifie, écoutez-le sans hésitation, car il est, lui vérité et vie, il est ma puissance et ma sagesse.
R/. Cum audísset Iacob quod Esau veníret contra eum, divísit fílios suos et uxóres, dicens : Si percússerit Esau unam turmam, salvábitur áltera. * Líbera me, Dómine, qui dixísti mihi : * Multiplicábo semen tuum sicut stellas cæli, et sicut arénam maris, quæ præ multitúdine numerári non potest.R/. Quand Jacob [16] eut appris qu’Esaü venait au devant de lui, il divisa en deux troupes ses enfants et ses femmes, disant : Si Esaü vient à une troupe et qu’il la batte, l’autre qui restera sera sauvée. * Délivrez-moi, Seigneur, vous qui m’avez dit. *
V/. Dómine, qui dixísti mihi, Revértere in terram nativitátis tuæ : Dómine, qui pascis me a iuventúte mea.V/. Seigneur, qui m’avez dit : Retourne au pays de ta naissance ; Seigneur, qui me nourrissez et me conduisez depuis ma jeunesse.
* Líbera me, Dómine, qui dixísti mihi. Glória Patri. * Multiplicábo semen tuum sicut stellas cæli, et sicut arénam maris, quæ præ multitúdine numerári non potest.* Délivrez-moi, Seigneur, vous qui m’avez dit. Gloire au Père. * Je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel, et comme le sable de la mer, lequel par sa multitude, ne peut se compter.
A LAUDES.
Capitulum 1 Thess. 4, 1. Capitule
Fratres : Rogámus vos et obsecrámus in Dómino Iesu : ut, quemádmodum accepístis a nobis, quómodo opórteat vos ambuláre et placére Deo, sic et ambulétis, ut abundétis magis.Mes frères : nous vous demandons et vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu’ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, vous marchiez ainsi, de manière à progresser de plus en plus.
Hymnus Hymne
O sol salútis, íntimis,
Iesu, refúlge méntibus,
Dum, nocte pulsa, grátior
Orbi dies renáscitur.
O Jésus, soleil de salut,
resplendissez au plus intime de notre âme,
à cette heure où la nuit ayant disparu,
le jour renaît pour réjouir l’univers.
Dans tempus acceptábile,
Da lacrimárum rívulis
Laváre cordis víctimam,
Quam læta adúrat cáritas.
Dans ce temps riche de bienfaits
donnez-nous des ruisseaux de larmes ;
pour purifier la victime spirituelle,
qu’embrasera une joyeuse charité.
Quo fonte manávit nefas,
Fluent perénnes lácrimæ,
Si virga pœniténtiæ
Cordis rigórem cónterat.
La source d’où jaillirent nos fautes
répandra des larmes sans fin,
si la verge de la pénitence,
brise la dureté de nos cœurs.
Dies venit, dies tua,
In qua reflórent ómnia :
Lætémur et nos, in viam
Tua redúcti déxtera.
Le jour se lève, votre jour,
dans lequel tout va refleurir ;
réjouissons-nous, nous aussi,
ramenés par votre main sur la bonne voie.
Te prona mundi máchina,
Clemens, adóret, Trínitas,
Et nos novi per grátiam
Novum canámus cánticum.
Amen.
Que prosterné devant Vous, l’édifice
du monde vous adore, clémente Trinité,
et renouvelés par la grâce,
nous vous chanterons un cantique nouveau.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Bened. Ant. Assúmpsit Iesus * discípulos suos, et ascéndit in montem, et transfigurátus est ante eos. Ant. au Bénédictus Jésus prit * ses disciples, et il monta sur une montagne, et il fut transfiguré devant eux.

Benedictus

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Capitulum 1 Thess. 4, 1. Capitule
Fratres : Rogámus vos et obsecrámus in Dómino Iesu : ut, quemádmodum accepístis a nobis, quómodo opórteat vos ambuláre et placére Deo, sic et ambulétis, ut abundétis magis.Mes frères : nous vous demandons et vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu’ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, vous marchiez ainsi, de manière à progresser de plus en plus.
Hymnus Hymne
Audi, benígne Cónditor,
Nostras preces cum flétibus,
In hoc sacro ieiúnio
Fusas quadragenário.
Écoutez, Créateur bienveillant,
nos prières accompagnées de larmes,
répandues au milieu des jeûnes
de cette sainte Quarantaine.
Scrutátor alme córdium,
Infírma tu scis vírium :
Ad te revérsis éxhibe
Remissiónis grátiam.
Vous qui scrutez le fond des cœurs,
vous connaissez notre faiblesse :
nous revenons à vous ;
donnez-nous la grâce du pardon.
Multum quidem peccávimus,
Sed parce confiténtibus :
Ad nóminis laudem tui
Confer medélam lánguidis.
Nous avons beaucoup péché ;
pardonnez-nous à cause de notre aveu :
pour la gloire de votre Nom,
apportez le remède à nos langueurs.
Concéde nostrum cónteri
Corpus per abstinéntiam ;
Culpæ ut relínquant pábulum
Ieiúna corda críminum.
Faites que la résistance de notre corps
soit abattue par l’abstinence,
et que notre cœur soumis à un jeûne
spirituel ne se repaisse plus du péché.
Præsta, beáta Trínitas,
Concéde, simplex Unitas ;
Ut fructuósa sint tuis
Ieiuniórum múnera.
Amen.
Exaucez-nous, Trinité bienheureuse,
accordez-nous, Unité simple,
que soit profitable à vos fidèles
le bienfait du jeûne.
Amen.
V/. Angelis suis Deus mandávit de te. V/. Dieu a ordonné à ses Anges.
R/. Ut custódiant te in ómnibus viis tuis. R/. De te garder dans toutes ses voies.
Ad Magnificat Ant. Visiónem quam vidistis, * némini dixéritis donec a mórtuis resúrgat Fílius hóminis.Ant. au Magnificat La vision que vous avez eue, * n’en parlez à personne avant que le Fils de l’homme ne ressuscite d’entre les morts.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La sainte Église propose aujourd’hui à nos méditations un sujet d’une haute portée pour le temps où nous sommes. La leçon que le Sauveur donna un jour à trois de ses Apôtres, elle nous l’applique à nous-mêmes, en ce second Dimanche de la sainte Quarantaine. Efforçons-nous d’y être plus attentifs que ne le furent les trois disciples de notre Évangile, lorsque leur Maître daigna les préférer aux autres pour les honorer d’une telle faveur.

Jésus s’apprêtait à passer de Galilée en Judée pour se rendre à Jérusalem, où il devait se trouver pour la fête de Pâques. C’était cette dernière Pâque qui devait commencer par l’immolation de l’agneau figuratif, et se terminer par le Sacrifice de l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. Jésus ne devait plus être inconnu à ses disciples. Ses œuvres avaient rendu témoignage de lui, aux yeux même des étrangers ; sa parole si fortement empreinte d’autorité, sa bonté si attrayante, sa patience à souffrir la grossièreté de ces hommes qu’il avait choisis pour sa compagnie : tout avait dû contribuera les attacher à lui jusqu’à la mort. Ils avaient entendu Pierre, l’un d’entre eux, déclarer par un mouvement divin qu’il était le Christ, Fils du Dieu vivant [17] ; mais cependant l’épreuve qui se préparait allait être si redoutable pour leur faiblesse, que Jésus voulut, avant de les y soumettre, leur accorder encore un dernier secours, afin de les prémunir contre la tentation.

Ce n’était pas seulement, hélas ! pour la synagogue que la Croix pouvait devenir un sujet de scandale [18] ; Jésus, à la dernière Cène, disait devant ses Apôtres réunis autour de lui : « Vous serez tous scandalisés, en cette nuit, à mon sujet [19] ». Pour des hommes charnels comme eux, quelle épreuve de le voir traîné chargé de chaînes par la main des soldats, conduit d’un tribunal à l’autre, sans qu’il songe même à se défendre ; de voir réussir cette conspiration des Pontifes et des Pharisiens si souvent confondus par la sagesse de Jésus et par l’éclat de ses prodiges ; de voir le peuple qui tout à l’heure lui criait hosannah demander sa mort avec passion ; de le voir enfin expirer sur une croix infâme, entre deux larrons, et servir de trophée à toutes les haines de ses ennemis !

Ne perdront-ils pas courage, à l’aspect de tant d’humiliations et de souffrances, ces hommes qui depuis trois années se sont attachés à ses pas ? Se souviendront-ils de tout ce qu’ils ont vu et entendu ? La frayeur, la lâcheté ne glaceront-elles pas leurs âmes, au jour où vont s’accomplir les prophéties qu’il leur a faites sur lui-même ? Jésus du moins veut tenter un dernier effort sur trois d’entre eux qui lui sont particulièrement chers : Pierre, qu’il a établi fondement de son Église future, et à qui il a promis les clefs du ciel ; Jacques, le fils du tonnerre, qui sera le premier martyr dans le collège apostolique, et Jean son frère, qui est appelé le disciple bien-aimé. Jésus veut les mener à l’écart, et leur montrer, durant quelques instants, l’éclat de cette gloire qu’il dérobe aux yeux des mortels jusqu’au jour de la manifestation.

Il laisse donc les autres disciples dans la plaine, près de Nazareth, et se dirige, avec les trois préférés, vers une haute montagne appelée le Thabor, qui tient encore à la chaîne du Liban, et dont le Psalmiste nous a dit qu’elle devait tressaillir au nom du Seigneur [20]. A peine Jésus est-il arrivé sur le sommet de cette montagne que tout à coup, aux yeux étonnés des trois Apôtres, son aspect mortel disparaît ; sa face est devenue resplendissante comme le soleil ; ses vêtements si humbles ont pris l’éclat d’une neige éblouissante. Deux personnages dont la présence était inattendue sont là sous les yeux des Apôtres, et s’entretiennent avec leur Maître sur les souffrances qui l’attendent à Jérusalem. C’est Moïse, le législateur, couronné de rayons ; c’est Elie, le prophète, enlevé sur un char de feu, sans avoir passé par la mort. Ces deux grandes puissances de la religion mosaïque, la Loi et la Prophétie, s’inclinent humblement devant Jésus de Nazareth. Et non seulement les yeux des trois Apôtres sont frappés de la splendeur qui entoure leur Maître et qui sort de lui ; mais leur cœur est saisi d’un sentiment de bonheur qui les arrache à la terre. Pierre ne veut plus descendre de la montagne ; avec Jésus, avec Moïse et Elie, il désire y fixer son séjour. Et afin que rien ne manque à cette scène sublime, où les grandeurs de l’humanité de Jésus sont manifestées aux Apôtres, le témoignage divin du Père céleste s’échappe du sein d’une nuée lumineuse qui vient couvrir le sommet du Thabor, et ils entendent Jéhovah proclamer que Jésus est son Fils éternel.

Ce moment de gloire pour le Fils de l’homme dura peu ; sa mission de souffrances et d’humiliations l’appelait à Jérusalem. Il retira donc en lui-même cet éclat surnaturel ; et lorsqu’il rappela à eux les Apôtres, que la voix tonnante du Père avait comme anéantis, ils ne virent plus que leur Maître. La nuée lumineuse du sein de laquelle la parole d’un Dieu avait retenti s’était évanouie ; Moïse et Elie avaient disparu. Se souviendront-ils du moins de ce qu’ils ont vu et entendu, ces hommes honorés d’une si haute faveur ? La divinité de Jésus demeurera-t-elle désormais empreinte dans leur souvenir ? Quand l’heure de l’épreuve sera venue, ne désespéreront-ils pas de sa mission divine ? Ne seront-ils pas scandalisés de son abaissement volontaire ? La suite des Évangiles nous répond.

Peu de temps après, ayant célébré avec eux sa dernière Cène, Jésus conduit ses disciples sur une autre montagne, sur celle des Oliviers, à l’orient de Jérusalem. Il laisse à l’entrée d’un jardin le plus grand nombre d’entre eux ; et ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, il pénètre avec eux plus avant dans ce lieu solitaire. « Mon âme est triste jusqu’à la mort, leur dit-il ; demeurez ici, veillez un peu avec moi [21]. » Et il s’éloigne à quelque distance pour prier son Père. Nous savons quelle douleur oppressait en ce moment le cœur du Rédempteur. Quand il revient vers ses trois disciples, une agonie affreuse avait passé sur lui ; une sueur de sang avait traversé jusqu’à ses vêtements. Au milieu d’une crise si terrible, les trois Apôtres veillent-ils du moins avec ardeur, dans l’attente du moment où ils vont avoir à se dévouer pour lui ? Non ; ils se sont endormis lâchement ; car leurs yeux sont appesantis [22]. Encore un moment, et tous s’enfuiront, et Pierre, le plus ferme de tous, jurera qu’il ne le connaît pas.

Plus tard, les trois Apôtres, témoins de la résurrection de leur Maître, désavouèrent par un repentir sincère cette conduite honteuse et coupable ; et ils reconnurent la prévoyante bonté avec laquelle le Sauveur les avait voulu prémunir contre la tentation, en se faisant voir à eux dans sa gloire, si peu de temps avant les jours de sa Passion. Nous, chrétiens, n’attendons pas de l’avoir abandonné et trahi, pour reconnaître sa grandeur et sa divinité. Nous touchons à l’anniversaire de son Sacrifice ; nous aussi, nous allons le voir humilié par ses ennemis et écrasé sous la main de Dieu. Que notre foi ne défaille pas à ce spectacle ; l’oracle de David qui nous le représente semblable à un ver de terre [23] que l’on foule aux pieds, la prophétie d’Isaïe qui nous le dépeint comme un lépreux, comme le dernier des hommes, l’homme de douleurs [24] : tout va s’accomplir à la lettre. Souvenons-nous alors des splendeurs du Thabor, des hommages de Moïse et d’Elie, de la nuée lumineuse, de la voix du Père immortel des siècles. Plus Jésus va s’abaissera nos yeux, plus il nous faut le relever par nos acclamations, disant avec la milice des Anges, et avec les vingt-quatre vieillards que saint Jean, l’un des témoins du Thabor, a entendus dans le ciel : « Il est digne, l’Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, la sagesse et la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction [25] ! »

Le deuxième Dimanche de Carême est appelé Reminiscere, du premier mot de l’Introït de la Messe, et quelquefois aussi le Dimanche de la Transfiguration, à cause de l’Évangile que nous venons d’exposer.

La Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Marie in Domnica, sur le mont Cœlius. Une tradition nous représente cette Basilique comme l’antique Diaconie où présidait saint Laurent, et dans laquelle il distribuait les aumônes de l’Église.

A LA MESSE.

L’Église, dans l’Introït, nous excite à la confiance en la miséricorde de Dieu, qui nous délivrera de nos ennemis, si nous l’invoquons du fond de notre cœur. Nous avons deux bienfaits à obtenir de lui, dans le Carême : le pardon de nos fautes, et sa protection pour n’y pas retomber.

Dans la Collecte, nous implorons pour nos besoins intérieurs et extérieurs : Dieu nous accordera les uns et les autres, si notre prière est humble et sincère ; il veillera sur nos nécessités corporelles, et défendra nos âmes contre les suggestions de l’ennemi, qui cherche à souiller jusqu’à nos pensées.

ÉPÎTRE

L’Apôtre insiste, en ce passage, sur la sainteté des mœurs qui doit reluire dans le chrétien ; et l’Église, qui nous propose ces paroles, avertit les fidèles de songer à profiter du temps où nous sommes pour rétablir en eux la pureté de l’image de Dieu, selon laquelle la grâce baptismale les avait produits. Le chrétien est un vase d’honneur, préparé et embelli par la main de Dieu ; qu’il se préserve donc de l’ignominie qui le dégraderait, et le rendrait digne d’être brisé et jeté sur le fumier avec les immondices. C’est la gloire du Christianisme d’avoir relevé l’homme jusqu’à faire participer le corps à la sainteté de l’âme ; mais sa doctrine céleste nous avertit en même temps que cette sainteté de l’âme s’altère et se perd par la souillure du corps. Relevons donc en nous l’homme tout entier, à l’aide des pratiques de cette sainte Quarantaine. Purifions notre âme par la confession de nos fautes, par la componction du cœur, par l’amour du Seigneur miséricordieux, et réhabilitons notre corps, en lui faisant porter le joug de l’expiation, afin que désormais il demeure le serviteur de l’âme et son docile instrument, jusqu’au jour où celle-ci, entrée en possession d’un bonheur sans fin et sans limites, versera sur lui la surabondance des délices dont elle sera inondée.

Dans le Graduel, l’homme, à la vue des périls qui le menacent, crie vers le Seigneur qui seul peut l’en affranchir, et lui donner la victoire sur l’ennemi intérieur dont il subit trop souvent les insultes.

Le Trait est un cantique inspiré par la confiance dans la divine miséricorde, et en même temps une demande que l’Église adresse à son Époux en faveur du peuple fidèle qu’il daignera visiter et sauver dans la grande Fête, si éloignée encore, mais vers laquelle cependant nous avançons chaque jour.

ÉVANGILE.

C’est ainsi que le Sauveur venait en aide à ses Apôtres à la veille de l’épreuve, et cherchait à imprimer profondément son image glorieuse dans leur pensée, pour le jour où l’œil de la chair n’apercevrait plus en lui que faiblesse et ignominie. O prévoyance de la grâce divine qui ne manque jamais à l’homme, et qui justifie toujours la bonté et la justice de Dieu ! Comme les Apôtres, nous avons péché ; comme eux, nous avons négligé le secours qui nous avait été envoyé du ciel, nous avons fermé volontairement les yeux à la lumière, nous avons oublié son éclat qui d’abord nous avait ravis, et nous sommes tombés. Nous n’avons donc point été tentés au delà de nos forces [26], et nos péchés nous appartiennent bien en propre. Les trois Apôtres furent exposés à une violente tentation, au jour où leur Maître sembla avoir perdu toute sa grandeur ; mais il leur était facile de se fortifier par un souvenir glorieux et récent. Loin de là, ils se laissèrent abattre, ils ne songèrent point à renouveler leur courage dans la prière ; et les fortunés témoins du Thabor se montrèrent lâches et infidèles au Jardin des Oliviers. Il ne leur resta plus d’autre ressource que de se recommander à la clémence de leur Maître, quand il eut triomphé de ses méprisables ennemis ; et ils obtinrent leur pardon de son cœur généreux.

Nous aussi, venons à notre tour implorer cette miséricorde sans bornes. Nous avons abusé de la grâce divine ; nous l’avons rendue stérile par notre infidélité. La source de cette grâce, fruit du sang et de la mort du Rédempteur, n’est point encore tarie pour nous, tant que nous vivons en ce monde ; préparons-nous à y puiser de nouveau. C’est elle déjà qui nous sollicite à l’amendement de notre vie. Cette grâce, elle descend sur les âmes avec abondance au temps où nous sommes ; elle est renfermée principalement dans les saints exercices du Carême. Élevons-nous sur la montagne avec Jésus ; à cette hauteur, on n’entend déjà plus les bruits de la terre. Établissons-y notre tente pour quarante jours en la compagnie de Moïse et d’Elie qui, comme nous et avant nous, sanctifièrent ce nombre par leurs jeûnes ; et, quand le Fils de l’homme sera ressuscité d’entre les morts, nous publierons les faveurs qu’il daigna nous accorder sur le Thabor.

L’Église, dans l’Offertoire, nous avertit de méditer les commandements divins. Puissions-nous les aimer comme les aima le Roi-Prophète, dont nous répétons ici les paroles !

Puisons dans l’assistance au saint Sacrifice cette dévotion dont il est la source, comme l’Église le demande pour nous dans la Secrète. Cette hostie qui va s’offrir bientôt est le gage et la rançon de notre salut ; par elle nos cœurs fidèlement préparés obtiendront ce qui leur manquerait encore pour être réconciliés au Seigneur.

A la vue de celui qui est son Sauveur et son juge, rendu présent dans cet ineffable mystère, l’âme pénitente crie vers lui avec ardeur et avec confiance. Telle est l’intention des paroles du Psalmiste qui forment l’Antienne de la Communion.

L’Église recommande spécialement à Dieu, dans la Postcommunion, ceux de ses enfants qui ont participé à la victime qu’elle vient d’offrir. Jésus les a nourris de sa propre chair ; il est juste qu’ils lui fassent honneur par le renouvellement de leur vie.

Nous achèverons la journée en récitant cette belle prière que le Bréviaire Mozarabe nous fournit pour ce Dimanche :

CAPITULA.

Breviar. Gothicum. In II Dominica Quadragesimae.

O Christ ! O Dieu, source, principe éternel de la lumière ! Vous qui avez voulu que le septième jour fût consacré plutôt a la sanctification de nos âmes qu’au travail, nous cherchons aujourd’hui votre face ; mais les ténèbres habituelles de notre conscience nous retiennent ; nous nous efforçons de nous relever, mais nous retombons dans la tristesse. Ne rejetez pas cependant ceux qui vous cherchent, vous qui avez daigné apparaître à ceux qui ne vous cherchaient pas. Nous voici en devoir de vous payer la dime de nos jours, dans cette saison de l’année, et déjà nous avons accompli la septième journée de cette dime ; donnez-nous secours pour continuer cette route laborieuse, afin que nous puissions vous offrir un service sans tache. Soulagez nos fatigues par le sentiment de votre amour, et réveillez la lâcheté de nos sens par la ferveur de votre dilection ; afin qu’en vous notre vie soit exempte de chute, et que notre foi trouve sa récompense.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Sainte-Marie « in Domnica ».

Aujourd’hui il ne devrait pas y avoir, à vrai dire, de messe stationnale, puisque celle-ci a déjà été célébrée à Saint-Pierre à la fin de la Pannuchis. Et en effet, dans les anciens Sacramentaires, ce jour se trouvait indiqué comme Dominica vacat, pour cette raison aussi, que le peuple était fatigué de la veillée et du jeûne prolongé. Quand le Sacramentaire Romain eut été transporté hors de Rome, là où ne se célébraient ni stations ni vigiles, on sentit le besoin de doter ce dimanche, au moyen d’éléments empruntés à d’autres messes, d’une liturgie qui finit par être acceptée également à Rome. Le nom de la basilique de Sainte-Marie sur le Cœlius in Domnica a une saveur antique, au moins du IVe siècle, époque où la maison du Seigneur était généralement appelée le Dominicum, comme aujourd’hui encore chez les peuples de race anglo-saxonne et germanique.

L’introït est celui du mercredi précédent.

Dans la collecte, nous nous présentons au Seigneur comme des pauvres, privés de force et ayant besoin de son aide, afin que le corps ne succombe pas à la maladie, ni l’esprit au péché.

La péricope de la lettre aux Thessaloniciens (I, IV, 1-7) précède, dans le texte, la lecture d’hier. Le grand écueil des premières générations chrétiennes d’Asie et de Grèce, étant donnée l’extrême corruption de l’ambiance dans laquelle elles vivaient et dont elles avaient auparavant fait partie, était la luxure, élevée par l’idolâtrie à l’état de culte religieux. Avec une franchise un peu rude, mais qui était nécessaire à ses correspondants, l’Apôtre explique la fin et la sainteté du mariage. « Chacun de vous a sa propre femme ; qu’il agisse avec elle saintement et honnêtement ; que les noces s’imposent au respect de chaque fidèle, en sorte que personne n’attente à l’épouse d’un autre, car Dieu est le vengeur de la fidélité conjugale. »

Le graduel provient du psaume 24 : « Les angoisses de mon cœur se sont multipliées ; soustrayez-moi à mes afflictions. Voyez mes humiliations et mes peines, et pardonnez-moi mes fautes. »

Le trait est emprunté au psaume 105, qui est un bel hymne d’action de grâces : « Qui racontera les prodiges du Seigneur, et qui publiera sa louange tout entière ? Bienheureux ceux qui gardent la justice, et qui, en toute circonstance, accomplissent ce qui est droit. Souvenez-vous de nous, Seigneur, en favorisant votre peuple ; visitez-nous par votre salut. »

La lecture évangélique est identique à celle de la messe de la Pannuchis précédente. Dans le haut moyen âge, plusieurs églises et monastères, imitant les Orientaux, dédièrent une solennité distincte à la célébration du mystère de la Transfiguration du Seigneur. Rome ne s’y décida qu’en 1457, en mémoire d’une éclatante victoire remportée sous Callixte III contre les ennemis de la Foi ; mais jusqu’à cette époque, la liturgie traditionnelle de ce second dimanche de carême, célébrée dans l’antiquité avec la plus grande splendeur, et méditée comme il convient, avait satisfait amplement à ce besoin du cœur. La liturgie romaine primitive n’admettait pas, il est vrai, beaucoup de fêtes, pas même en l’honneur des plus importants mystères de la vie et de la passion de notre adorable Rédempteur ; mais le cycle liturgique annuel offrait aux fidèles l’occasion de s’arrêter périodiquement à méditer les augustes mystères du rachat de l’homme. C’est ainsi que les homélies de saint Léon Ier sur la Transfiguration, prononcées en cette même nuit à Saint-Pierre, sont un chef-d’œuvre du genre.

Plus tard, quand on ne comprit plus à fond l’esprit de la liturgie romaine qui consacre, par exemple, toute la quinzaine précédant Pâques, à célébrer la Passion du Seigneur ; qui dédie le second samedi et le second dimanche de Carême au prodige de la Transfiguration ; la fête du 1er janvier au saint Nom de Jésus ; l’Invention de la sainte Croix dans la pleine splendeur des joies pascales, à la célébration des gloires de l’instrument de la Rédemption, on voulut instituer autant de commémorations de la Passion, de la sainte Lance, etc. pieuses en soi et pleines d’amour, mais qui altèrent l’harmonie des lignes de la liturgie romaine, dans laquelle elles représentent une inutile répétition, au préjudice de l’ordonnance antique. Ce sont des adjonctions qui veulent paraître combler de vieilles lacunes, mais qui montrent qu’on n’a pas pleinement compris toute la richesse du patrimoine liturgique traditionnel de l’Église romaine, de qui l’on peut redire : floribus eius nec rosae nec lilia desunt.

L’antienne qui accompagnait le psaume d’offertoire est celle du mercredi précédent ; la prière sur les offrandes est la même que dans l’autre dominica vacat après la Pannuchis de décembre ; l’antienne durant la communion est prise de la messe du mercredi, tandis que la collecte eucharistique provient du dimanche de sexagésime. Et ainsi le centon de cette messe dominicale confirme deux principes importants : l’un est d’ordre liturgique, à savoir que la messe de la Pannuchis dispensait primitivement de toute autre messe, si bien que, en certains lieux, le jour même de Pâques l’on ne célébrait pas le saint Sacrifice. L’autre est d’ordre théologique, et veut que l’esprit ecclésiastique, spécialement dans le champ de la liturgie, qui, pour le fidèle, fait comme partie de son catéchisme, abhorre ce prurit de nouveauté qui plaît tant au monde. A tout symptôme d’innovation les âmes simples et pieuses se troublent, comme si tombait en ruines l’édifice de leur foi, fortifié par la muraille de la tradition séculaire. Prier Dieu avec ces mêmes formules composées par les Pères, réciter ces mêmes chants qui les réconfortèrent dans leurs douleurs et dans leurs luttes pour l’Église, signifie entrer plus intimement dans leur piété, être solidaires de leurs espérances et de leur idéal.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

LA SECONDE SEMAINE DE CARÊME

Le dimanche qui suit le samedi de Quatre-Temps était, dans l’antiquité, dépourvu de liturgie. Quand, plus tard, l’office nocturne fut renvoyé au samedi matin, on composa la messe du dimanche avec des textes de la semaine précédente (chants du mercredi, Évangile du samedi). Il ne nous est donc pas possible de chercher, dans la messe du dimanche, les pensées directrices pour la semaine qui vient. Au contraire, après le souvenir du Thabor du samedi des Quatre-temps, l’Église nous fait pénétrer plus profondément dans les pensées de la Passion. Dans les trois messes les plus antiques de la semaine qui va commencer (lundi, mercredi et vendredi), le thème de la Passion est fortement accentué. Cela confirme notre manière de voir au sujet de la Transfiguration. Les messes de cette semaine (à l’exception, peut-être, de mardi) sont d’une grande unité et d’une beauté classique.

Pensées principales des messes de la semaine. — Lundi : Le Christ se prépare à sa Passion (« Je m’en vais. « — « Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme. » — Daniel l’intercesseur). — Mercredi : L’Église (sous la figure de sainte Cécile) nous conduit au « calice du Christ » -la prière d’intercession d’Esther (l’Église). — Vendredi.. Sous la figure de Joseph d’Égypte et celle des vignerons infidèles, l’Église nous montre la Passion. — Le Mardi nous montre le Christ comme docteur de l’abaissement et de l’humilité. — Le Jeudi et le Samedi appartiennent aux pénitents (paraboles du pauvre Lazare et de l’Enfant prodigue).

DEUXIÈME DIMANCHE DE CARÊME

STATION A SAINTE MARIE IN DOMNICA

La volonté de Dieu c’est que vous soyez saints.

Ce dimanche est la récapitulation de la cérémonie des Quatre-Temps. Notre Mère l’Église veut donner, à tous ceux qui n’ont pu célébrer l’antique et vénérable solennité des Quatre-Temps, l’occasion de le faire. En outre, ce dimanche doit nous apporter un nouvel encouragement dans le combat du Carême. Le Seigneur nous invite à le suivre dans la voie de la Passion, en nous montrant son but et le nôtre : la transfiguration pascale.

1. La Transfiguration. — Nous avons déjà vu que l’Évangile de la Transfiguration n’est pas seulement une image de la messe, mais encore une leçon pour nous. Il nous enseigne le but du travail de Carême. Le Christ mystique jeûne pendant quarante jours dans ses membres et puise, dans ce jeûne, la force de combattre victorieusement le diable. Il s’avance aussi, précisément par ce jeûne, vers la transfiguration. Les membres suivent, en tout, le Chef. Mais les Évangiles ne veulent pas seulement nous donner une instruction, ce sont des actions dramatiques, des « mystères », qui symbolisent ce qui se réalise par la grâce au Saint-Sacrifice. Que se passe-t-il ? A la messe, le Christ se rend présent. Celui qui se rend présent, c’est le Christ glorifié qui « est assis à la droite du Père ». Il est vrai que nous ne le voyons qu’avec les yeux de la foi. A la messe, paraissent également Moïse et Élie ; la Loi et les Prophètes attestent que le sacrifice de la messe est l’accomplissement de ce qu’ils ont préfiguré et prédit. A la messe, nous n’entendons pas seulement Moïse et Élie parler de la mort du Seigneur, nous savons que celui-ci est présent. Quant à nous, nous nous tenons sur la montagne mystique, comme saint Pierre, et nous disons : Seigneur, il est bon d’être ici. Ce n’est pas assez de dire que nous sommes témoins de la Transfiguration, nous y prenons part par la communion. L’Eucharistie est, pour nous, le grand moyen d’arriver à la transfiguration de notre âme. Par l’Eucharistie, nous bâtissons cette tente, ou plutôt ce temple de l’éternité où nous serons réunis avec le Christ, Moïse et Élie, pour être heureux à jamais.

2. La messe (Reminiscere). — La messe est de date récente ; c’est pourquoi l’église de station, Sainte-Marie in Domnica, est, elle aussi, assez récente. C’est l’église d’une ancienne « diaconie ». Ces diaconies étaient des maisons de pauvres, auprès desquelles s’élevait toujours une église. Nous nous rendons donc, aujourd’hui, auprès de la Mère de Dieu, dans laquelle se reflète, avec le plus de splendeur, l’éclat de la Transfiguration du Christ. Cette messe présente, dans sa composition actuelle, trois ordres de pensées : un De profundis ému (depuis l’Introït jusqu’à l’oraison), une voix d’en haut qui appelle vers les hauteurs (Épître et Évangile) et une suite joyeuse (Offertoire et Communion).

a) Un De profundis. Dans les trois premières pièces de la messe, l’introït, l’oraison et le graduel, se manifeste fortement la conscience du péché. L’ennemi du genre humain règne dans notre nature inférieure. La détresse spirituelle qui vient du péché est grande, grand aussi le besoin de Rédemption. Avec ce sentiment profond de pénitence s’harmonisent parfaitement les prières graduelles, avec le confiteor que nous devons méditer, précisément dans ce temps de Carême. Le confiteor est récité aussi par les pénitents. La supplication ardente du Kyrie rentre également dans cet ordre de pensée. L’oraison contient les mêmes prières et les mêmes émotions profondes. Nous sommes dépourvus de force. La conscience de notre faiblesse est la condition préalable de toute amélioration. Nous devons faire front de deux côtés ou, plutôt, il faut que Dieu nous protège de deux côtés : à l’intérieur et à l’extérieur. Nous avons un ennemi à l’intérieur de la forteresse du cœur (le moi) ; nous avons des ennemis autour de cette forteresse (le diable, le monde). L’ennemi que nous portons dans notre cœur est particulièrement terrible. A cette chaîne de pensées s’ajoute, comme dernier anneau, le Graduel, qui décrit avec émotion la misère du pécheur : « Les tribulations de mon cœur se sont étendues ; arrache-moi, Seigneur, de ma détresse. Contemple ma misère et mes peines et pardonne-moi tous mes péchés. »

b) A ce De profundis répond une voix claire qui vient du ciel : dans l’Épître et dans l’Évangile. L’Épître est tirée de la belle lettre aux Thessaloniciens. Les Thessaloniciens étaient une des communautés préférées de saint Paul ; la lettre est écrite avec un véritable amour maternel. Mais aujourd’hui, c’est notre Mère l’Église qui nous parle avec le même amour. Elle nous recommande et nous demande de mener une vie agréable à Dieu et de faire, de plus en plus, des progrès dans la vertu et la perfection. Elle nous dit une parole qui, pendant toute la semaine, doit retentir dans notre cœur : La volonté de Dieu, c’est que vous soyez saints. C’est là le but de la Rédemption, c’est la tâche de l’Église. Le Baptême, l’Eucharistie, la Confirmation, tous les moyens de salut tendent à ce but : nous rendre saints. Que veut dire cela : être saint ? Cela veut dire posséder la filiation divine, participer à la vie divine du Christ, passer de la grâce à la transfiguration. Nous sommes devenus saints par le Baptême, nous renouvelons sans cesse notre sainteté par l’Eucharistie. La sainteté est, en premier lieu, l’affaire de Dieu ; lui seul peut nous rendre et nous conserver saints. Mais, nous-mêmes, nous devons lui aplanir les voies. L’Épître nous indique deux de ces voies : la pureté et l’équité. L’âme que Dieu veut sanctifier doit être pure et chaste dans sa vie ; l’impureté détruit la sainteté. Mais Dieu demande aussi la justice et la vérité dans nos relations mutuelles. C’est encore un programme de réforme que l’Église nous présente. Cet avertissement de l’Église produit dans notre âme un double sentiment. D’abord, une nouvelle plainte (Graduel). Ah ! Que je suis donc loin encore de l’idéal de l’Église ! Contemple, Seigneur, ma misère et ma peine. Cependant, nous triomphons de ce retour vers les profondeurs et nous louons Dieu, car il nous donne la grâce de remonter et d’atteindre à la sainteté. C’est pourquoi (dans le Trait) on entend ce joyeux cantique de louange : « Heureux ceux qui observent son commandement et pratiquent la justice en tout temps ! » Nous ne pouvons parvenir à la sainteté que par un seul, celui que nous attendons à Pâques, Jésus-Christ. C’est pourquoi le Trait conclut par cette prière : Visite-nous dans ta grâce. La réponse nous est donnée dans l’Évangile de la Transfiguration. Dans l’Évangile, le Christ veut nous dire : je vous conduirai à la sainteté et à la gloire que vous montre ma Transfiguration. Tel est le sens de l’Évangile.

c) Devant cet appel du ciel, pouvons-nous rester sourds ? L’Église a fait comme l’aigle qui entraîne ses petits vers le soleil. Que répondrons-nous à ces avances ? Un joyeux oui. A l’Offertoire, portons à l’autel notre obéissance et notre amour des commandements de Dieu : « J’élève mes mains vers tes commandements que j’aime ardemment. » Au Saint-Sacrifice, le Seigneur transfiguré paraît au milieu de nous ; dans la Communion, il s’unit à notre âme et la pénètre des rayons de sa gloire et de sa sainteté. Il est « mon Roi et mon Dieu. » L’Eucharistie nous donne, aussi, la force et la grâce de faire ce qui dépend de nous pour arriver à la sainteté et à la gloire, c’est-à-dire de « servir Dieu dignement par une conduite qui lui plaise. »

3. Lecture d’Écriture. — Pendant le Carême, le bréviaire, dans sa rédaction actuelle, ne contient pas, à part le dimanche, de lecture d’Écriture. Dans l’antiquité, on lisait, chaque jour, avec un grand zèle, les livres de Moïse. Nous n’en lisons plus que des fragments, le dimanche. Dans ces lectures, l’Église poursuit un but particulier. A partir de la Septuagésime, elle nous présente, chaque dimanche, un des grands Patriarches : Adam (Septuagésime), Noé (Sexagésime), Abraham (Quinquagésime), Jacob (2e dimanche de Carême), Joseph (3e dimanche de Carême), Moïse (4e dimanche de Carême). C’est Jacob que nous voyons paraître aujourd’hui. L’histoire sainte nous apprend comment, sur le conseil de sa mère Rébecca, il trompa son vieux père, Isaac, en se faisant passer pour son fils premier-né, Ésaü, et en captant ainsi la bénédiction de l’aîné (Gen. XXVII, 1-26). Nous ne rapporterons pas ici cette histoire, elle est trop connue. Nous en donnerons cependant une brève explication. Il faut distinguer, ici, deux choses : les desseins divins et l’action humaine. Il est certain que Dieu avait décidé que Jacob serait l’ancêtre du peuple élu et, par suite, du Messie. Ésaü, par sa conduite indigne, avait perdu ses droits à la bénédiction messianique. Cependant, la ruse, dont se servirent Rébecca et Jacob pour tromper Isaac, est blâmable. Dieu n’a pas besoin, pour exécuter ses desseins, des ruses et des mensonges des hommes. Cette faute fut cause, pour Jacob, de nombreux embarras ; il fallut que Dieu le purifiât par de nombreuses peines. Après être passé par le creuset de la souffrance, il nous apparaît, à la fin de sa vie, comme un noble et saint vieillard. Pour les Pères de l’Église, Jacob est le symbole du Christ : « la peau de chevreau signifie les péchés ; quand Jacob couvre ses membres de cette peau, il annonce celui qui a porté non pas ses péchés, mais les péchés des autres. »

4. A travers le jour. — L’image de la Transfiguration, selon l’esprit de l’Église, nous accompagne toute la journée et nous devons participer à cette transfiguration. A Laudes, l’Heure du lever du soleil, nous gravissons la sainte montagne comme disciples du Seigneur et nous assistons à sa Transfiguration. Les trois Heures suivantes veulent fixer ce moment sacré, elles nous font dire avec Pierre : Il est bon d’être ici ; bâtissons-y trois tentes. Nous sommes donc, de Prime à Sexte, tout pénétrés de la vision du Seigneur dans sa gloire. Ce n’est qu’avec le coucher du soleil que nous descendons de la montagne de la Transfiguration et que nous chantons, à None et à Vêpres, la parole du Seigneur que nous avons déjà chantée, hier, à Vêpres : « Ne parlez à personne de la vision que vous avez vue, avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité d’entre les morts. » Que signifie cette parole mystérieuse dans notre bouche ? Est-ce une allusion à la fête de Pâques qui approche ? La liturgie veut-elle caractériser le dimanche comme un jour consacré à la Résurrection ? Le dimanche de la Transfiguration est-il une anticipation de la Résurrection du Seigneur ?

5. La Préface du Carême :

« Car par le jeûne corporel
tu réprimes les vices,
tu élèves l’esprit
tu accordes la vertu
et les récompenses. »

Voilà ce que nous chantons dans la Préface que l’Église nous fait réciter, tous les jours, depuis le mercredi des Cendres jusqu’au dimanche de la Passion. Dans ces quelques mots est renfermée toute la sagesse de l’Église au sujet de la valeur du jeûne.

Parlant par parabole, Saint Paul dit quelque part : « Ce que l’homme sème, il le récoltera. Celui qui sème sur le champ de la chair récoltera sur le champ de la chair, il récoltera la chair périssable. Mais celui qui sème sur le champ de l’esprit, récoltera les fruits de l’esprit, la vie impérissable » (Gal. VI, 8). Que veut dire cette parabole ? Quand le paysan laboure son champ, le herse, l’ensemence, bref le prépare soigneusement, il est tout naturel qu’il récolte, de ce champ, les fruits qu’il en espère. Le résultat tient à deux choses : le sol et la semence. Le paysan ne peut recueillir dans son champ que ce qu’il a semé, il ne peut récolter du froment que s’il a semé du froment. Tout cela est évident.

Passons maintenant de la parabole à la réalité. L’homme a, lui aussi, deux champs qu’il doit cultiver. Saint Paul appelle le premier la chair et, par ce mot, nous pouvons entendre la nature humaine ou la vie terrestre. Il appelle l’autre l’esprit et nous pouvons y voir l’âme ou la vie surnaturelle. Or, il est clair que plus on cultivera l’un de ces champs et plus on en récoltera de fruits. Qu’un commerçant travaille jour et nuit, il peut espérer atteindre la fortune. Qu’un joueur de football s’entraîne pendant des semaines, il pourra arriver au championnat. Ce sont les fruits de ces champs terrestres. Si, par contre, un chrétien s’adonne à la pratique des vertus, aux bonnes œuvres, à la prière persévérante, etc., il arrivera à la sainteté : ce sont là les fruits du champ de l’âme.

Or, il peut arriver qu’un même homme cultive ardemment les deux champs, le champ terrestre et le champ spirituel ; il pourra, par exemple, être un virtuose du violon, un champion de sport, et, en même temps, un saint. Cela est possible et les catholiques ne peuvent que se réjouir quand ils voient un des leurs se distinguer dans tous les domaines de l’activité. Tout savant, tout artisan, tout artiste, tout sportif, qui est, en même temps, un bon chrétien, fait honneur à notre foi devant le monde.

Cependant, il y a certaines semences qui sont plus ou moins incompatibles, si bien que, lorsqu’on sème un champ, on fait tort à l’autre. Parlons d’une manière pratique. Quand quelqu’un cultive le champ de la chair, c’est-à-dire quand il s’adonne aux voluptés et aux jouissances de la vie, il récoltera les mauvaises habitudes et les passions ; il ne pourra renoncer à ses jouissances. Par contre, le champ de son esprit sera tellement appauvri qu’il restera en friche et dépérira. L’âme sera de plus en plus incapable de s’élever au-dessus de ce qui est terrestre. La situation se renversera dans l’autre cas. L’homme vertueux, qui vit entièrement dans le royaume de Dieu, perdra le goût des plaisirs sensuels et terrestres. Le champ de la chair restera en friche.

Je voudrais attirer l’attention sur ces relations mutuelles entre l’esprit et la chair. Le Sauveur en parle lui aussi : On ne peut pas servir deux maîtres si différents ou bien — pour rester dans la parabole — on ne peut pas cultiver deux champs si différents. De la culture ou de la négligence de l’un dépend, d’ordinaire, la négligence ou la culture de l’autre. C’est une relation interne.

Nous comprendrons mieux, maintenant, la Préface de Carême. Elle parle, elle aussi, de deux champs. A la vérité, elle s’occupe moins longtemps du champ de la chair que du champ de l’esprit. Elle nous dit que le jeûne a une grande influence sur la situation de ces deux champs. Le jeûne stérilise et fait dépérir le champ de la chair, mais il donne au champ de l’esprit l’aptitude à recevoir la semence et à la faire fructifier. Tel est, en résumé, le sens de la Préface, telle est la grande importance du jeûne.

Examinons encore de plus près. Il est dit : « Par le jeûne, tu réprimes les vices. » Sous le nom de vices, il faut entendre les péchés de la jouissance sensuelle défendue. Les jouissances terrestres sont unies entre elles, l’une favorise et développe l’autre. C’est un fait qu’on peut observer maintes fois dans la vie. Combien de jeunes gens ont perdu, dans l’ivresse, l’innocence de leur âme ! Les anciens disaient déjà : Bacchus (le dieu du vin) et Vénus (la déesse de la volupté) sont amis. D’autre part, la privation et la répression d’une jouissance sensuelle ont une efficacité salutaire pour nous aider à triompher d’une autre jouissance sensuelle et à y renoncer. C’est le cas du jeûne. La privation de nourriture et de boisson est une arme puissante contre les instincts de la chair et contre la prédominance de la sensualité en nous. Ainsi donc, même du point de vue naturel, c’est une vérité que le jeûne réprime les passions.

Nous pouvons déjà tirer une série de conséquences. C’est dans ces considérations que les adversaires de l’alcool trouvent leurs plus puissants arguments. Ils peuvent dire avec raison : l’abstinence de l’alcool vous permettra de réprimer vos vices. Combien de péchés et de vices sont imputables à l’usage immodéré de l’alcool ! Personne ne pourra affaiblir la force probante de cet argument.

C’est précisément le renoncement à une jouissance permise qui nous donne la force de renoncer à une jouissance défendue. On peut affirmer : Le jeûne (dans le sens large de privation des jouissances permises) est la meilleure éducation de la chasteté.

Or, la surnature bâtit sur la nature. Jusqu’ici, nous avons parlé des relations naturelles entre la chair et l’esprit. Maintenant, il nous faut penser aux deux royaumes : le royaume de Dieu et le royaume du diable ; ces deux royaumes s’élèvent sur les fondements naturels de la chair et de l’esprit. D’un seul coup, la parole de Jésus devient brillante comme un éclair : « Cette espèce (de démon) ne se chasse que par la prière et le jeûne. » Le jeûne est donc une affile puissante dans le combat contre l’enfer. L’éternelle Vérité le dit elle-même. Voilà qui nous fait comprendre le premier membre de phrase de notre Préface de Carême.

La suite résulte d’elle-même. Un vieux proverbe dit : Plenus venter non studet libenter (le ventre plein n’aime pas l’étude). L’abus dans les jouissances du boire et du manger diminue l’élasticité de l’esprit. Il faut aussi que le contraire soit vrai : Non plenus venter studet libenter (le ventre qui n’est pas plein aime l’étude). Passons de nouveau de la nature à la surnature et songeons aux relations réciproques de la chair et de l’esprit. L’abstinence des plaisirs des sens donne de l’élan à l’âme. Les jouissances sont comme un poids de plomb qui retient l’âme au sol. Si ce poids est enlevé, si ces jouissances sont écartées, l’âme peut s’élever vers les hauteurs célestes. Cela nous fait comprendre aussi la grande importance de la continence, de la chasteté et de la virginité, pour le royaume de Dieu. La jouissance des sens empêche le vol de l’âme et la chasteté nous rend aptes à voir Dieu. Le jeûne élève donc l’esprit et confère de la force à l’âme pour la pratique de la vertu et pour la vie sainte ; il nous aide, enfin, à conquérir la couronne de la gloire éternelle.

Le jeûne est donc un puissant moyen pour l’exercice et le développement de la vie chrétienne. Il nous aide dans le combat contre notre nature inférieure, il nous fait vaincre nos passions, il nous permet de nous élever vers Dieu, il nous donne la force de pratiquer la vertu et il nous promet la récompense éternelle. Cela nous explique pourquoi ce temps, qui est consacré au renouvellement de la grâce du baptême, à la réforme de la vie intérieure, est sanctifié par le jeûne.

Une dernière pensée. Examinons les deux Évangiles du dimanche. Dimanche dernier, nous avons vu le Seigneur combattre contre le démon après son jeûne de quarante jours ; aujourd’hui, nous le voyons transfiguré. Ces deux Évangiles ne sont-ils pas l’arrière-plan magnifique de notre Préface ?

Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices (tentation du Christ), tu élèves l’esprit, tu confères la vertu et les récompenses (Transfiguration).

[*]

Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre,
nos tibi semper et ubíque grátias ágere :
Dómine, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus :
Il est vraiment juste et nécessaire,
c’est notre devoir et c’est notre salut,
de vous rendre grâces toujours et partout,
Seigneur, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant :
Qui corporáli jejúnio
vitia cómprimis,
mentem élevas,
virtútem largíris et prǽmia :
per Christum Dóminum nostrum.
Vous qui, par le jeûne corporel,
comprimez les vices,
élevez l’âme,
et nous accordez la force et la récompense
par le Christ notre Seigneur.
Per quem maiestátem tuam laudant Angeli,
adórant Dominatiónes, tremunt Potestátes.
Cæli cælorúmque Virtútes ac beáta Séraphim
sócia exsultatióne concélebrant.
Cum quibus et nostras voces ut admítti iúbeas, deprecámur,
súpplici confessióne dicentes.
C’est par Lui que les Anges louent votre majesté,
que les Dominations vous adorent, que les Puissances se prosternenten tremblant.
Les Cieux, les Vertus des cieux et les bienheureux Séraphins
s’associent à eux dans cette commune louange.
Daignez ordonner, nous vous en conjurons, que nos voix
suppliantes puissent se méler aux leurs en disant.

[1] Gen. 27, 3

[2] Gen. 27, 27

[3] Gen. 27, 28

[4] Gen. 28, 17

[5] Gen. 28, 20

[6] Lc 13, 28-30

[7] Gen. 28, 21

[8] « Voici le sens de ce texte : Je promets au Seigneur de l’honorer par un culte plus grand et plus spécial à l’avenir, et le lieu dans lequel se trouve cette pierre, lieu sanctifié par la présence de Dieu et de ses Anges, je veux qu’il soit considéré comme sanctifié. Sur cette pierre, comme sur un autel, j’offrirai des sacrifices à Dieu. »(Corn. a Lap.)

[9] Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre, alors, prenant la parole, dit à Jésus : « Seigneur, quel bonheur pour nous d’être ici ! Si tu veux, faisons ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, qu’une nuée lumineuse les prit sous son ombre ; et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance, écoutez-le. » En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, et ils furent pris d’un grand effroi. Alors Jésus s’approcha, il les toucha et dit : « Relevez-vous, ne vous effrayez pas. » Et levant les yeux, ils ne virent plus personne, que Jésus seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez à personne de cette vision avant que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. »

[10] Math. 16, 28

[11] Gen. 32, 26

[12] Gen. 32, 10

[13] « Jacob veut dire supplanteur ; et Israël, prince avec Dieu. »(Saint Jérôme)

[14] Math. 17, 5

[15] Jean 1, 3

[16] Gen. 32, 7

[17] Matth. XVI, 16.

[18] I Cor. I, 23.

[19] Matth. XXVI, 31.

[20] Psalm. LXXXVIII, 13.

[21] Matth. XXVI, 38.

[22] Matth. XXVI, 43.

[23] Psalm. XXI, 7.

[24] Isai. LIII, 4.

[25] Apoc. V, 12.

[26] I Cor. X. 13.